Stig Dagerman [Suède]

Je viens de terminer Ennuis de noce, pfiouuuu!

Sa construction me fait penser à une pièce de théâtre, je pense même qu'il pourrait y être adapté; l'action se déroule sur 24 heures, du matin avant un mariage au lendemain matin; j'y ai vu 3 parties (3 actes) et un dénouement.

La première partie m'a rappelé la chanson "Ces gens-là" de Brel : ce sont les réflexions intérieures des protagonistes, arrangements sociaux et mesquineries en tous genres, chacun semble avoir une vie pour les autres et une autre, intérieure, plus ou moins avouable : la mère qui va visiter celui dont on suppose qu'il est son amant, la mariée, enceinte d'un autre que son futur époux, le marié, avec ses maîtresses. C'est très intérieur.

La deuxième partie, la noce proprement dite, m'a rappelé les films déjantés de Kusturica : explosion de faits tous plus allumés les uns que les autres, le tout abondamment arrosé.

La troisième partie, la nuit qui suit la noce, il semble que les choses rentrent dans "l'ordre", ce qui devrait être, ce que la société exige; beaucoup de masques sont tombés.

Comme toujours chez Dagerman, j'ai senti ce questionnement sur l'ordre des choses, sur l'équilibre entre la liberté et trouver sa place dans la société, la manière de concilier les deux. Ce thème de la liberté me semble récurrent chez lui, j'ai vu aussi dans "Notre besoin de consolation" une ode à la liberté.

Après, au niveau de l'écriture, j'ai trouvé celui-ci plus ardu à suivre, moins construit, des phrases ou des idées qui surgissaient parfois d'on ne sait où (j'ai d'abord attribué cela à un manque de concentration et suis revenue en arrière, mais non, certaines phrases arrivaient comme ça) au milieu d'un récit. J'ai apprécié cette lecture mais certains passages me sont néanmoins apparus obscurs : beaucoup de protagonistes, beaucoup d'action.

J'ai beaucoup aimé aussi le rôle des vagabonds, finalement sages et éléments pondérateurs dans cette orgie.

Sinon, l'édition que j'ai lue, empruntée à la bibliothèque, regorge de fautes d'orthographe, fautes de frappe, omissions de mots, ça m'a un peu gênée.

Merci pour ta lecture, Inf.. et tes efforts de clarification !

Dagerman n' est pas facile à lire et encore plus difficile à analyser...

J'ai emprunté et lu "Le froid de la Saint-Jean", recueil de nouvelles dont un grand nombre autobiographiques. Je l'ai trouvé passionnant car il éclaire de nombreuses autres lectures, notamment "Ennuis de noces" que j'avais trouvé plus ardu, ce dont je vous avais fait part.

Les premières nouvelles du recueil (est-ce l'ordre d'écriture ou le choix de l'éditeur, je ne sais pas) renvoient à l'enfance et à l'adolescence, ce va-et-vient permanent de Stig Dagerman, conscient de sa différence, entre assumer cette différence (au besoin l'accentuer, provoquer) et tenter de se fondre dans le moule, la normalité, va-et-vient qui me parle terriblement par-rapport à ma propre enfance, ce qui me accentue ma tendresse pour cet auteur.

Certaines nouvelles sont des fictions, mais beaucoup sont vécues : l'enfance à l'école et la découverte de la cruauté, du bouc-émissaire qu'on persécute justement par soulagement de ne pas être la victime, mais aussi pour faire comme les autres, la honte et la culpabilité qui en découlent. Les étés comme vendeur de journaux sur des bateaux à vocation touristique, la découverte de la sexualité.

Dans une deuxième partie, il se penche sans complaisance sur lui-même, une nouvelle est même écrite comme un article sur lui, c'est assez étonnant et vraiment déchirant tellement cet homme ne s'aime pas, il se décrit lui-même comme un adepte de la masturbation, intellectuelle et physique. On découvre également la genèse de quelques oeuvres, les circonstances de leur écriture, les personnages qui ont inspiré les romans. Ainsi, Ennuis de noces devait être au départ uniquement centré sur les 2 vagabonds. Mais au cours d'un voyage en bateau qui devait l'amener en Australie pour un reportage, SD a pété les plombs, se sentant prisonnier de ce bateau et incapable de mener à bien cette mission. Lors d'un échec antérieur similaire pour un reportage sur Paris, il était revenu avec un roman qui avait eu du succès, se dédouanant ainsi des frais de voyage et de séjour supportés par son journal employeur. Là, il avait 48 heures pour rendre un roman car incapable de faire son reportage et privé des crédits qu'il avait eus à Paris : il a donc couché toutes ses idées, faisant intervenir de nombreux protagonistes, un roman écrit dans l'urgence, sans respiration. Du coup, je suis moins complexée de l'avoir trouvé ardu à lire, ces circonstances expliquent cette densité un peu fouillis.

Voilà, j'ai beaucoup beaucoup aimé ce recueil.

Dagermùan a beaucoup écrit, dans un perpétuel état d' urgence, ce qui explique parfois la rudesse du
style et la rémanence de certains thèmes comme l' enfance et l' adolescence.

Le Froid de la Saint Jean fait partie des recueils de nouvelles ou de récits posthumes, d' où leur coté hétéroclite...

infinitudes a écrit:

J'ai emprunté et lu "Le froid de la Saint-Jean", recueil de nouvelles dont un grand nombre autobiographiques. Je l'ai trouvé passionnant car il éclaire de nombreuses autres lectures, notamment "Ennuis de noces" que j'avais trouvé plus ardu, ce dont je vous avais fait part.
...
Voilà, j'ai beaucoup beaucoup aimé ce recueil.

Merci pour tes impressions!

Moi, j'avais aimé le recueil "Notre plage nocturne". Est-ce que je peux te le conseiller?

Merci de ton conseil! Dès que la bibliothèque ressort de son lifting annuel, je vais le chercher, j'espère que ça ne va pas être long, j'ai plus rien à lire

Notre besoin de consolation est impossible à rassasier.

Je rejoins Animal sur ce livre... Je ne suis pas convaincue du tout. L'impression d'un vrai exercice de style avec ce truc de prendre le petit pour aller au plus large, puis partir du large pour aller au petit... avec une sensation de vague un peu creuse.

animal a écrit:

j'avoue ne pas m'être "posé" pour le lire très calmement du début à la fin mais si il faut bien reconnaitre de très belles phrases "sensées" j'ai du mal à entrer dedans. Un va et viens entre un sens large, humain et un jeu amer par l'auteur sur son propre talent ?

[...]

Le texte en lui même est une réflexion sur la vie... et la mort (forcément). C'est lucide mais avec une forme de jeu sur la forme justement, et c'est peut être le plus intéressant là dedans. Une inconsistance/vanité/inutilité potentielle de toute la beauté formelle à l'arrivée/fin. [...]

Le problème de donner de l'inconsistance, c'est qu'en fermant la dernière page, on le ressent pour tout l'ouvrage. Ça me laisse circonspecte.

Notre besoin de consolation est impossible à rassasier

Une lecture en apnée devant une écriture de pleine détresse. 10 pages simplement dans mon édition et elles m'ont semblé plus pleines que beaucoup de romans de taille plus imposante.
Ce message laissé par l'auteur avant de disparaître, fût très émouvant pour moi.
La réflexion n'est pas nécessairement riche, quoique, il y aurait à dire je pense, mais les émotions laissées par un style qui est lui assez fluide et varié sont atrocement poignantes.
Pendant cette lecture, je me rappelais les propos de Kierkegaard qui déclarait que l'artiste ou le poète était celui qui savait transformer les cris de l'humanité en un harmonieux chant. Dagerman a joliment transformé un cri qu'il m'est arrivé de pousser.

Hanta a écrit:

Notre besoin de consolation est impossible à rassasier

Une lecture en apnée devant une écriture de pleine détresse. 10 pages simplement dans mon édition et elles m'ont semblé plus pleines que beaucoup de romans de taille plus imposante.
Ce message laissé par l'auteur avant de disparaître, fût très émouvant pour moi.
La réflexion n'est pas nécessairement riche, quoique, il y aurait à dire je pense, mais les émotions laissées par un style qui est lui assez fluide et varié sont atrocement poignantes.
Pendant cette lecture, je me rappelais les propos de Kierkegaard qui déclarait que l'artiste ou le poète était celui qui savait transformer les cris de l'humanité en un harmonieux chant. Dagerman a joliment transformé un cri qu'il m'est arrivé de pousser.

C' était un inconsolable, Dagerman ! As-tu lu Automne allemand ?

Non mais maintenant que j'ai lu celui-ci (conseillé par ma libraire qui vient d'ouvrir youpiiiii) je vais la harceler pour me procurer ses autres ouvrages automne allemand en tête.