Murakami Ryu

Dans le genre Ravel est allé assez loin: : "Dans les Strauss, j'aime mieux Johannes que Richard, et dans les Richard, j'aime mieux Wagner que Strauss."

Lucretius a écrit:

Dans le genre Ravel est allé assez loin: : "Dans les Strauss, j'aime mieux Johannes que Richard, et dans les Richard, j'aime mieux Wagner que Strauss."

Ah, j'aime ce genre de méchancetés !

J'ai laissé passé du temps et j'ai oublié Lignes pour pouvoir aborder 1969 l'esprit libre et vierge de toute animosité envers l'auteur. J'avais quand même quelques réticences.
Mais 1969, j'ai aimé, j'ai trouvé le livre réjouissant.
Le narrateur, Ken, nous amène avec lui dans ses troubles et ses envies d'adolescent. Il livre une vision drôlatique de la société japonaise.
J'ai aimé le choix des titres des chaitres de ce livre, j'ai aimé les idées plus loufoques les unes que les autres de Ken, dont le seul but est le but de tout adolescent de 17 ans : draguer une fille ! L'écriture est enlevée, le style correspond bien aux années post 68.
Un livre de souvenirs de lycée, revu plusieurs années après, quand le plus banal souvenir est regardée avec tendresse comme un haut fait d'armes.

Citation :

Je n'ai pas renoncé au rêve d'une fête qui n'aurait pas de fin.

Et tout semble dit.

Steven a écrit:

J'ai laissé passé du temps et j'ai oublié Lignes pour pouvoir aborder 1969 l'esprit libre et vierge de toute animosité envers l'auteur. J'avais quand même quelques réticences.
Mais 1969, j'ai aimé, j'ai trouvé le livre réjouissant.

Ah !
On peut donc vraiment conseiller 1969 à tous les déçus de Murakami Ryu : ce livre, au moins, vous l'aimerez !

Kenji, jeune japonais de vingt ans, exerce la profession de guide mais pas n'importe lequel, un guide non répertorié officiellement, un guide "sexuel". Nous sommes à Tokyo, quelques jours avant le nouvel an. Un touriste américain, Frank, achète les services de Kenji: à charge pour se dernier de lui faire visiter les coins les plus typiques et les plus chauds de Tokyo. Cet homme, aussi insaisissable que difficile à décrire, laisse planer autour de lui une atmosphère d'insécurité étrange. Qui est-il? D'où vient-il? Et surtout que veut-il vraiment?
En arpentant le quartier de plaisir de Shinjuku, Kenji va peu à peu prendre conscience que Frank est tout sauf un touriste normal: ses propos sont déroutants, ses souvenirs se contredisent, ne se recoupent pas, les mensonges défilent au cours de trois nuits angoissantes. Un jeu terrifiant se met en place entre les deux hommes: Frank est le chat, sadique, qui joue avec la souris Kenji. En effet, Frank est un tueur en série maniant aussi bien l'hypnose que le couteau effilé qu'il cache dans une jambière. De bars à hôtesses en "peep-shows" en passant par une esplanade à base-ball, Kenji et Frank visitent les lieux parfois glauques du Tokyo by night: la jeunesse japonaise, perdue, sans repère, se prostitue pour pouvori s'offrir les derniers vêtements ou les derniers gadgets à la mode. L'industrie du sexe est d'une prodigalité incroyable en spectacles de tout genre et en compagnie du narrateur, angoissé et inquiet, le lecteur arpente les lieux interlopes du Kabukichô où la prostitution est autant un moyen d'accéder aux produits derniers cris qu'un moyen vital de subsistance pour les immigrées.
Ryu Murakami décrit le mal être d'une société moderne, ses perversions et ses folies de manière froide et distante tout en maîtrisant au plus haut point la montée en puissance de l'angoisse et de la terreur. L'ambiance, chaque nuit qui passe, devient plus lourde, plus oppressante et atteint son point culminant lors de la tuerie, gratuite et sanglante, dans un bar où des naufragés de la vie prennent un verre, sans conviction. Le pire est l'indifférence des passants qui ne s'émeuvent pas de voir un bar fermé....cela arrive tellement souvent, les lieux de plaisirs ouvrent et ferment à une telle cadence que plus rien ne se remarque. Les victimes baignent dans leur sang derrière la devanture fermée, à l'insu de tous et à deux pas d'un commissariat. Murakami souligne les lézardes dans la société moderne japonaise: la surconsommation entraîne une vision individualiste du monde ainsi qu'un vide existentiel terrifiant, rien n'interesse personne. Ce qui permet à des meurtriers de se laisser libre cours à leurs pires penchants en toute impunité.
Frank, le "gaijin" yankee, souffle le chaud et le froid avec une perversion acidulée sur le pauvre Kenji qui se demande s'il survivra à son ultime nuit de travail. Le lecteur passe par toute la gamme des émotions fortes et des sueurs froides sans pouvoir se détacher du pouvoir de la narration; narration qui oscille entre policier et fable. En effet, on peut se poser la question suivante: pour avoir l'impression d'être libre et pouvoir crier sa révolte du système, doit-on obligatoirement passer par le crime comme Frank? Toujours est-il que le lecteur est confronté à un monde sordide dans lequel les égoûts de la nature humaine semble s'être donné rendez-vous. D'ailleurs dans sa postface, Murakami explique: «En écrivant ce roman, je me suis senti dans la position de celui qui se voit confier le soin de traiter seul les ordures. Une dégénérescence terrible est en cours, et elle ne contient pas la moindre graine d'épanouissement. J'ai l'impression d'observer des organismes vivants en train de mourir lentement dans une pièce aseptisée.» Exiger un travail sans relâche, de la part de ses citoyens, enseigner à ses enfants de mener une vie laborieuse, ne dispense pas l'état d'apprendre aux citoyens ce que peut être une vie ordinaire «les parents, les professeurs, l'Etat, tout le monde nous enseigne comment mener une vie fastidieuse d'esclave, mais ils ne nous apprennent jamais ce que c'est qu'une vie normale». Murakami a une vision sombre, et certainement peu objective, du Japon moderne et nous le décrit, dans un style brillant, comme un pays mort-vivant qui depuis les atrocités de la guerre ne parvient pas à se reconstruire et à se regarder en face ....à vous glacer les sangs!

J'ai lu 3 Murakami (Ryu) Les bébés de la consigne automatique, Parasites et celui-ci. J'aime bien cet univers très contemporain où solitude, sexualités underground et décalages en tous genres font un portrait du Japon technologique assez effrayant et presque à la lisière du fantastique. Parasites est le portrait d'un jeune schizophrène vraiment réussi.

un commentaire très complet Chappy, merci.

Mais au final tu as aimé, un peu, beaucoup ??? malgré les lieux où tu n'as pas l'habitude de fréquenter ?

et Marko surenchérit !

Bédoulène a écrit:

un commentaire très complet Chappy, merci.

Mais au final tu as aimé, un peu, beaucoup ??? malgré les lieux où tu n'as pas l'habitude de fréquenter ?

et Marko surenchérit !

J'ai beaucoup aimé!!! Une fois plongée dans l'histoire il m'était difficile de lâcher le bouquin!!!
J'aime beaucoup l'écriture et l'univers de Ryu Murakami dont j'avais lu, il y a quelques années, Les bébés de la consigne automatique .
Je note le titre apporté par marko!

Kyoko

Il trainait dans la bibliothèque de mes grands parents alors je l'ai lu. C'est vrai que le ton change catégoriquement par rapport à Les bébés de la consigne automatique mais on retrouve quand même des constituants de l'"ambiance Ryu". A savoir les sidaïques les homosexuels, les petits délinquants. Bref les "bas-fonds" de l'univers sombre de Murakami.
L'histoire est morcelé à travers les points de vue des personnages que rencontre Kyoko et c'est plutôt bien rendu, sans plus à mon avis. J'ai trouvé l'histoire un peu lassante et monotone. Pas indispensable donc.

Je ne sais pas si quelqu'un l'avait déjà annoncé, mais au cas où, voici :
l'adaptation de Miso Soup est prévue pour une sortie en salles en 2010. Réalisation de Wim Wenders (quand même... bon, il s'est déjà planté par le passé).
Avec Willem Dafoe.

Les bébés de la consigne automatique


Deux bébés ont été abandonnés, laissés pour morts, dans des casiers d'une consigne de la gare de Tokyo. Recueillis dans un orphelinat, puis dans une famille d'accueil, ils se considèrent comme des frères. Mais leur abandon les a marqués à jamais, et s'exprime dans leur vie par une rage terrible, une violence qui les mènera au pire, malgré leur succès dans leur vie d'adulte, l'un comme artiste et l'autre comme sportif.
Un récit violent, très prenant, souvent cauchemardesque, qui décrit une sorte de descente aux enfers et qu'on lit avec un sentiment d'inéluctable...

Hier, j'ai lu Kyoko et j'ai trouvé l'histoire vraiment touchante, le personnage principal a cette grâce, cette naïveté dans son obstination, qui fait réagir les autres et les fait sortir de leur vie quotidienne, leur ouvrant les yeux sur leur univers. Un très bon moment !

krys a écrit:

Les bébés de la consigne automatique


Deux bébés ont été abandonnés, laissés pour morts, dans des casiers d'une consigne de la gare de Tokyo. Recueillis dans un orphelinat, puis dans une famille d'accueil, ils se considèrent comme des frères. Mais leur abandon les a marqués à jamais, et s'exprime dans leur vie par une rage terrible, une violence qui les mènera au pire, malgré leur succès dans leur vie d'adulte, l'un comme artiste et l'autre comme sportif.
Un récit violent, très prenant, souvent cauchemardesque, qui décrit une sorte de descente aux enfers et qu'on lit avec un sentiment d'inéluctable...

Je l'ai dans ma PAL depuis plus de 10 ans maintenant mais je n'ai toujours pas eu le courage de dépasser les 10 premières pages
J'ai pensé m'en débarrasser (ma bibliothèque s'écroule, est-il bien utile de l'encombrer avec des livres que je ne lis pas ?) et puis finalement, je l'ai gardé avec l'espoir de m'y plonger un jour ou l'autre...

krys a écrit:

Hier, j'ai lu Kyoko et j'ai trouvé l'histoire vraiment touchante, le personnage principal a cette grâce, cette naïveté dans son obstination, qui fait réagir les autres et les fait sortir de leur vie quotidienne, leur ouvrant les yeux sur leur univers. Un très bon moment !

Un roman d'une belle fraicheur, à lire pour se faire du bien

Un écrivain dont je me dis régulièrement qu'il serait peut être intéressant de découvrir l'univers, mais quelque chose me bloque, il manque le petit détail qui déclencherait l'envie. Je me trompe sans doute, mais son nom évoque pour moi quelque chose de glauque, de gratuitement violent. Un démenti ?

Arabella a écrit:

son nom évoque pour moi quelque chose de glauque, de gratuitement violent. Un démenti ?

les deux livres que j'ai lu de lui 1969 et Raffles Hotel n'ont rien de glauque, ni de gratuitement violent..
au contraire, surtout 1969 est un livre avec tout plein de bons moments et surtout une bonne dose de mélancholie pour le temps qui passe..
ses autres livres ne me tentent pas pour l'instant