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Parfum de livres… parfum d’ailleurs
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Messages : 16258 Inscription le : 28/06/2010 Age : 33 Localisation : Thonon
Sujet: Re: Ray Bradbury Lun 12 Mai 2014 - 21:49
Ça se soigne par une retraite médiatique et culturelle, non ? Vis comme un ermite et petit GGG deviendra grand... (si ce n'est pas déjà fait)
tina Sage de la littérature
Messages : 2058 Inscription le : 12/11/2011 Localisation : Au milieu du volcan
Sujet: Re: Ray Bradbury Mar 10 Fév 2015 - 16:16
Fahrenheit 451
Relecture édifiante de cet ouvrage culte.
Avec la maturité et la compréhension du monde qui sont les miennes maintenant.
Dans notre société de "divertissements" passablement crétinisante (oui, oui, je sais, je paraphrase un peu Houellebecq, mais vous me pardonnerez), où une élite (aujourd'hui mondiale) décide de tout pour nous (sans qu'on s'en rende compte, et là, ils sont très forts), il est salutaire de s'émerveiller avec Montag de la beauté de la nature, de la mémoire (cette phrase sublime des dernières pages : nous nous "souvenons") et de la force de l'homme qui construit autant qu'il détruit.
Cet "ange-démon" sait manipuler, annihiler et ratatiner son semblable et en même temps porte en lui des germes de résistance à toute aliénation de la liberté.
Je ne vais pas résumer, tout le monde connaît, mais les moments fabuleux du livre sont ceux qui évoquent l'apport de la littérature, la richesse de la lecture, et une analyse désabusée et en même temps assez confiante du genre humain.
"Bibliothèque à l'intérieur, clochard à l'extérieur" dit un des résistants, en fin d'ouvrage.
Belle définition de ce groupuscule qui s'en va...pour reconstruire sur les décombres !
Livre chevet.
Heyoka Zen littéraire
Messages : 5026 Inscription le : 16/02/2013 Age : 36 Localisation : Suède
Sujet: Re: Ray Bradbury Mer 11 Fév 2015 - 20:55
Pfff encore un livre qui me fait de l'oeil depuis longtemps... Et ton commentaire donne encore plus envie !
eXPie Abeille bibliophile
Messages : 15620 Inscription le : 22/11/2007 Localisation : Paris
Sujet: Re: Ray Bradbury Mer 11 Fév 2015 - 23:25
C'est vrai qu'il est rudement bien, ce bouquin, très fort, il dit quelque chose. C'est de la SF comme on l'aime : elle parle de la société de l'époque et peut-être encore plus de la nôtre. Je tâcherai de poster dans quelques jours (j'ai revu le film dans la foulée, il reste bien, aussi).
tina Sage de la littérature
Messages : 2058 Inscription le : 12/11/2011 Localisation : Au milieu du volcan
Sujet: Re: Ray Bradbury Jeu 12 Fév 2015 - 12:50
Il est tellement fondamental que ça me fait drôle d'entrendre que c'est de la SF. Ceci n'est qu'un prétexte. L'auteur démonte un système totalitaire et ses moyens d'actions.
On voit ça tous les jours, partout dans le monde, dans des styles différents il est vrai. Certains s'appuient sur la religion, d'autres sur le nationalisme, encore d'autres sur l'hyper consommation ou le virtuel, etc...
Mais l'essentiel est de ne pas tout gober et de ne pas être dupe des bobards d'Etat, des manipulations à grande échelle, des récupérations idéologiques diverses.
Bref, y a une juste une armada de vautours qui volent au-dessus de nous.
Mais à part ça, tout va bien.
Tant qu'il y aura des livres...
tina Sage de la littérature
Messages : 2058 Inscription le : 12/11/2011 Localisation : Au milieu du volcan
Sujet: Re: Ray Bradbury Jeu 12 Fév 2015 - 12:55
A noter tout de même : l'ouvrage a une portée universelle, mais aussi contextuelle. RB y dénonce la fameuse chasse aux sorcières et l'ère du maccarthysme. Qui a dû être bien irrespirable.
eXPie Abeille bibliophile
Messages : 15620 Inscription le : 22/11/2007 Localisation : Paris
Sujet: Re: Ray Bradbury Mar 17 Fév 2015 - 22:28
- Fahrenheit 451 (Fahrenheit 451, 1953). Traduit de l'américain par Henri Robillot. Denoël. 191 pages.
Le livre commence par :
Citation :
"« Fahrenheit 451 », la température à laquelle un livre s'enflamme et se consume..."
Cela fait 232 degrés celsius.
Citation :
"C'était un plaisir tout particulier de voir les choses rongées par les flammes, de les voir se calciner et changer." (page 11).
Notre héros, Montag (lundi, en allemand), est un pompier. Dans l'avenir proche où se situe le roman, un pompier est un homme chargé de brûler les livres. Un jour que, après le travail, Montag rentre chez lui (il est marié), il rencontre une jeune fille qui engage la conversation avec lui. (les photos sont tirées du film de Truffaut).
Citation :
"- Vous ne lisez jamais les livres que vous brûlez ? Il se mit à rire. - C'est contre la loi. - Oh, c'est vrai. - C'est un chic boulot. Le lundi, brûler Millay, le mercredi Whitman, le vendredi Faulkner, les mettre en cendres, ensuite brûler les cendres. C'est notre slogan officiel. Ils firent quelques mètres puis la jeune fille demanda. - Est-ce vrai qu'autrefois les pompiers éteignaient le feu au lieu de l'allumer ? - Non. Les maisons ont toujours été ignifugées, croyez-moi. " (pages 16-17).
La jeune fille semble connaître beaucoup de choses du passé. Ainsi :
Citation :
"Vous avez vu les panneaux de cent mètres de long dans la campagne à la sortie de la ville ? Savez-vous qu'avant, ils avaient seulement une dizaine de mètres ? Mais les voitures filent si vite maintenant qu'ils ont dû les rallonger pour que la publicité garde encore son effet. - Je ne savais pas ça, dit Montag avec un rire sec." (page 18).
Avant de se quitter, voici ce que demande la jeune fille à notre héros :
Citation :
"- Etes-vous heureux, dit-elle. - Si je suis quoi ? s'écria-t-il. [...] Heureux ? Quelle ineptie." (page 19).
La jeune fille ne regarde que rarement la télévision murale, contrairement à la femme de Montag. Elle est une femme au foyer, et sa vie tourne autour de la télévision murale. Les gens qu'elle y voit forment sa famille. Son rêve est que tous les murs du séjour soient dotés d'un écran mural, ce qui n'est pas encore le cas. Il faut dire que cela coûte cher.
Dans le film de Truffaut, les écrans muraux du livre deviennent un poste de télévision mural. Les limitations techniques de l'époque, certainement... Mais le spectacle est tout aussi captivant.
Dernière édition par eXPie le Mer 18 Fév 2015 - 23:11, édité 2 fois
eXPie Abeille bibliophile
Messages : 15620 Inscription le : 22/11/2007 Localisation : Paris
Sujet: Re: Ray Bradbury Mar 17 Fév 2015 - 22:28
Lors de leur rencontre suivante, la jeune fille dit à Montag qu'il lui arrive d'écouter les gens dans le métro, dans les parcs d'attractions...
Citation :
"... et vous savez quoi ? - Quoi ? - Les gens ne parlent de rien. - Oh ! c'est impossible. - Non, non, de rien. Ils citent des marques de voiture, de vêtements, des adresses de piscines surtout, et ils disent : « c'est drôlement chic ! » Mais ils disent tous les mêmes choses et personne n'est jamais d'un avis différent. [...] « Et dans les musées, y avez-vous été par hasard ? Rien que de l'abstrait, un point c'est tout. Mon oncle dit qu'autrefois, c'était différent. Il y a bien longtemps, les tableaux, parfois, exprimaient des choses ou même représentaient des hommes. »" (page 42).
Mais pourquoi brûler les livres ? Déjà, pour ne choquer personne : tout ce qui est potentiellement choquant, qui peut offenser n'importe quelle minorité (de religion, de pensée, ou encore les fumeurs, les non-fumeurs) doit être supprimé. De plus, et ceci concerne surtout les livres de philosophie, la plupart se contredisent ! Dès lors, à quoi bon lire ces philosophes qui tous croient avoir raison et ne font qu'embrouiller les gens ? Hop, on brûle. Et les romans, qui contiennent tous ces personnages inventés à qui il arrive des histoires imaginaires qui troublent l'esprit des gens, à quoi servent-ils ? Ils font certes réfléchir, mais à quoi cela sert-il de réfléchir sur le sens des choses, à part de se rendre malheureux ? Dès lors : hop, on brûle. C'est plus sain ! Tout problème, toute idée est évacuée de la société. Les gens, à l'instar de la femme de Montag, se passionnent pour "la famille" sur la télévision murale. La famille, ce sont des gens qui s'agitent beaucoup, dont on ne comprend pas les problèmes triviaux, qui d'ailleurs se résolvent.
Montag et son supérieur, dans une bibliothèque clandestine...
Voici le supérieur de Montag qui lui explique les fondements de la société.
Citation :
"Nous devons tous nous ressembler. Chacun ne naît pas libre et égal aux autres, comme dit la Constitution, mais chacun est façonné égal aux autres : tout homme est l'image de son semblable, ainsi tout le monde est content. [...] Battons en brèche l'esprit humain. Qui peut dire qui sera la cible de l'homme qui a beaucoup lu ? Moi ? Je ne le supporterais pas une minute. [...] On leur [les pompiers] a donc assigné une tâche nouvelle, la protection de la paix de l'esprit, la suppression du sentiment d'infériorité aussi compréhensible que redoutable chez l'homme ; censeurs officiels, juges et exécuteurs. Voilà notre rôle, Montag, à toi comme à moi." (page 73)
Les livres, qui amènent à la lucidité et à l'inégalité, sont donc supprimés. Mais la société fournit aux gens les distractions nécessaires pour qu'ils soient heureux (sans lucidité). Toutefois, ces divertissements n'empêchent pas un grand nombre de tentatives de suicide, plus ou moins conscientes.
Citation :
"Gavez les hommes de données inoffensives, incombustibles, qu'ils se sentent bourrés de « faits » à éclater, renseignés sur tout. Ensuite, ils s'imagineront qu'ils pensent, ils auront le sentiment du mouvement, tout en piétinant. [...] Ne les engagez pas sur des terrains glissants comme la philosophie ou la sociologie à quoi confronter leur expérience. C'est la source de tous les tourments. Tout homme capable de démonter un écran mural de télévision et de le remonter et, de nos jours, ils les ont à peu près tous, est bien plus heureux que celui qui essaie de mesurer, d'étalonner, de mettre en équations l'univers, ce qui ne peut se faire sans que l'homme prenne conscience de son infériorité et de sa solitude. Je ne sais. J'ai essayé. Foutaises !" (page 76).
A l'heure d'internet et de l'information disponible tout le temps et partout, de façon de plus en plus intrusive, c'est bien cela : tant d'informations disponibles... mais la perspective historique, les relations entre les faits sont-elles là, quand on sait que la capacité d'attention des gens est de plus en plus restreinte, le zapping de plus en plus rapide ? Les informations forment comme des points que plus rien ne relie.
Montag, comme son supérieur, parviendra-t-il à faire la part des choses après avoir jeté un oeil à un livre et verra-t-il que les livres ne servent à rien qu'à embrouiller l'esprit ?
Ah, le plaisir de la lecture ! Notre héros, comme souvent les nouveaux "convertis", a des comportements un peu extrémistes...
Un livre très fort et, ce qui est étonnant (passé bien sûr certains aspects un tout petit peu daté, mais cela n'est pas grand-chose), de plus en plus actuel (hélas). Un classique de la SF, comme (dans un registre différent) 1984...
Bande-annonce du film de Truffaut (globalement fidèle, même si par exemple le limier Robot a été supprimé, et la menace de guerre, que l'on trouve dans le livre, est évacuée pour resserrer le propos), 1966. Julie Christie joue le rôle de la jeune fille, mais aussi celui de la femme de Montag (interprété par Oskar Werner).
Des films plus récents se sont visiblement inspirés du livre de Ray Bradbury, par exemple Equilibrium (Kurt Wimmer, 2002).
Dernière édition par eXPie le Mer 18 Fév 2015 - 23:10, édité 1 fois
Maline Zen littéraire
Messages : 5239 Inscription le : 01/10/2009 Localisation : Entre la Spree et la Romandie
Sujet: Re: Ray Bradbury Mar 17 Fév 2015 - 23:43
Pour ceux qui - après l'excellent commentaire d'eXPie - ont envie d'écouter Fahrenheit 451 lu par Tim Robbins (oui, l'acteur, et donc en anglais, bien sûr), je ne peux que vous recommander le livre audio (chez audible.fr ou en mp3).
Ecoutez comment Tim Robbins traduit par sa voix les différentes personnalités comme Mildred, la femme de Montag, anesthésiée par les médias, ou celle du capitaine Beatty, brayant comme un âne.
Invité Invité
Sujet: Re: Ray Bradbury Mer 18 Fév 2015 - 0:14
J'ai redescendu Farenheit 451 du grenier. C'est de votre faute, encore une fois !
Heyoka Zen littéraire
Messages : 5026 Inscription le : 16/02/2013 Age : 36 Localisation : Suède
Sujet: Re: Ray Bradbury Mer 18 Fév 2015 - 10:46
Armor-Argoat a écrit:
J'ai redescendu Farenheit 451 du grenier. C'est de votre faute, encore une fois !
Te plains pas, moi j'ai pas de grenier où aller le chercher.
titete Envolée postale
Messages : 136 Inscription le : 04/07/2012
Sujet: Re: Ray Bradbury Mer 18 Fév 2015 - 11:35
Commentaire qui donne des envies de relecture. Merci eXPie.
pia Zen littéraire
Messages : 6473 Inscription le : 04/08/2013 Age : 56 Localisation : Entre Paris et Utrecht
Sujet: Re: Ray Bradbury Mer 18 Fév 2015 - 16:14
Heyoka a écrit:
Te plains pas, moi j'ai pas de grenier où aller le chercher.
Moi non plus....
Merci Expie et Tina pour vos commentaires. Je le mets dans un coin de ma mémoire PAL !