Federico Fellini

C'est bien cela, comment fait Fellini pour parler d'un temps qui nous est inconnu en le rendant si proche et si naturel?
La multitude des thèmes abordés est époustouflante, l'histoire passe inéluctable avec sa bêtise, effrayante et comique.
On baigne dans les souvenirs, c'est reconstruit comme un rêve avec une acuité très particulière.
Le cinéma est ici poussé à un niveau et une qualité rare.
La suite logique d'Armacord c'est Roma...

Les quelques images promises :

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Oui le souvenir est indéniable alors qu'il est très choisi et partisan et qu'en plus son enfance-adolescence se retrouve partiellement dans l'infantilisme un peu fou et surtout parfois dangereux qui se matérialise dans les fait dans l'engouement pour le régime, dans les mobiles. Il y a quand même cette simplicité du terrain qu'on voit surtout au début et à la fin (les images sont dans l'ordre), débarrassé de toute embellie, de tout artifice, sans pittoresque. C'est très beau cette absence de pittoresque.

Roma

Étrange histoire en séquences, avant, pendant, et après guerre de la ville de Rome et de ses habitants... la petite histoire appelle parfois la grande souvent dans un voile de mystère, comme pour éviter le discours. Le film sauvagement baroque alterne les passages bruyants, bruissants, foisonnants et les chocs baroques aussi d'une puissance visuelle stupéfiante et sans se départir d'un entêtant burlesque grave. Diablement chargé et d'un équilibre sidérant en même temps beaucoup trop riche et aérien. Trop riche aussi pour celui à qui échappent les références. Et puis des plans de la ville, fugaces mais insistants.

Je trouve ça merveilleux cette capacité à faire trop sans étouffer, à conserver le mouvement et à provoquer le débordement d'une lecture trop simple.

Une quantité incroyable de moments stupéfiants et une espèce de bruit qui perdure.

parti à la chasse aux images... c'est atrocement compliqué de choisir. et statique en plus. c'est diablement impressionnant de revoir le film en condensé, les mouvements et les équilibres des images m'avaient frappé avec les "paysages" ou intérieurs les plus dépouillés mais en fait c'est tout le temps et au moins autant par les déplacements et les regards des personnages. et il y a cet effet qu'on retrouve un peu chez Fassbinder de plusieurs vitesses d'actions ou de personnages statiques. sans compter la collection phénoménale de folies apocalyptiques.

miraculeusement monstrueux.

je reste préoccuper par les personnages ou les figures. c'est encore plus fort dans Roma, caricatures anonymes sans verser dans le sursignifiant (pourtant ça en dit long), plus charnel que le masque. ça m'intrigue autant que je suis incapable de fixer l'impression.

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La cité des femmes

Dans un train cahotant le beau Marcello sommeille comme un benêt et se réveille en face d'une femme fatale. Et avec l'air mi fripon mi fripouille il va la suivre un peu plus loin que ce qu'il imaginait... ahurissant féministe au milieu de nulle part, phase électro-punk, ultime macho... et puis et puis... une grande fresque folle, outrancière et mystérieuse. Pas énormément de fulgurances esthétiques mais beaucoup de détails étranges et significatifs et beaucoup d'expressions mélangées. A l'image de Marcello victime parfois agressive ou faisant l'agneau sans savoir si c'est parce qu'il est trop dépassé ou pour mieux s'en sortir, ou à l'image de toutes ces femmes, ces portraits entrevus mi clichés mi mystères, multitudes de regards et d'attitudes.

Comédie grave et mélancolique mais comédie, qui caricature et qui pardonne, qui s'amuse, joue de séductions et échappe au réel pour faire cohabiter les âges et les caractères, l'homme et le garçon, et en face sa femme idéale et ses incarnations, et beaucoup de méandres, sous l'œil de la vieillesse peut-être et de la mort.

Un tableau baroque dans lequel une fois encore ce qui ne doit pas s'équilibrer s'équilibre sur un rythme doux et entrainant. Troublante échappée onirique entre cauchemar et paradis.

Un très grand film!
Fellini sort de la démesure et des grands productions pour réaliser ce chef d’œuvre.
Le thème est simple: la répétition d'un orchestre. Le développement lui est immense.
Un lieu unique, des musiciens et au final l'histoire sans cesse répétée des civilisations humaines.

Le principe du film est un reportage sur cette répétition.
Le lieu et son histoire. Les caractères des personnages, la parole leur est donnée, chacun et interviewé et y va de son ressenti et de son art.
L'orchestre est une société en soi et tout les éléments qui la lie sont présents. Amitiés, affinités, et bien sûr inimitiés. Le positionnement par la hiérarchie et le rapport de chacun avec celle-ci. Et puis les groupes et les rapports de force.
Rapidement, on assiste à une rébellion, une révolution, une mise à bas d'un ordre "ancien". De l'effondrement du système.
Effondrement qui traumatise, laisse pantois et  engendre un ordre nouveau...

Fellini utilise cette répétition pour souligner, nous donner à voir, le cycle des sociétés tour à tour hiérarchisées ou libérales. Il nous laisse prendre la mesure des niveaux extrêmes sur laquelle l'organisation sociale peut déboucher.

Nino Rota offre à cet orchestre une partition magnifique. Élément central, elle rythme le film, lui donne sa respiration.
Un chef d’œuvre à voir absolument!

Quelques screenshots chronologique (utilisés ailleurs pour cinéma-jeu)

Bonne idée, Igor.
Admirative de l'oeuvre de Fellini, je ne connaissais pas ce film.

Même si on ne va jamais voir ses images pour ce projet, les ciné-felliniennes sont peut-être intéressés pour cette lecture:


Le voyage de G. Mastorna

Citation :

C'est juste après avoir terminé un de ses chefs-d'œuvre, Huit et demi, que Fellini se lance dans le plus ambitieux de ses projets : Le Voyage de G. Mastorna. Génial, mais démesuré et coûteux, trop souvent repoussé, le film ne verra jamais le jour.

De rares traces subsistent néanmoins : des essais de Mastroianni pour le rôle-titre, quelques photos de tournage, et un synopsis magnifique, écrit en collaboration avec Dino Buzzati et Brunello Rondi, une réponse inspirée à Dante et à sa Divine Comédie, qui se lit comme un roman.

Le réalisateur y met en scène son double fantasmé, G. Mastorna, violoncelliste un peu terne et antihéros parfait, dans sa traversée d un purgatoire typiquement fellinien. Le texte, inédit en France, recèle tout le génie, toute la créativité du réalisateur et se révèle plein de surprises et d'inventions : un atterrissage forcé en plein centre de Cologne, un cortège papal surréaliste, une hyper gare avec des trains hauts comme des immeubles, une fête macabre où on joue à se jeter du huitième étage, autant d éléments qui font de ce synopsis l'incarnation même de la mythologie fellinienne.

Si le film n a jamais vu le jour, on sait qu'il est resté le grand regret de Fellini, qui a travaillé avec Manara sur son adaptation en bande dessinée. On sort de cette lecture abasourdi de tant d inventivité et rasséréné par cette magnifique réflexion métaphorique sur l'au-delà qui, « grandiose et désespérée, douce et enivrante », résonnera longtemps, à l image des dernières notes entendues par G. Mastorna.

Tazio Secchiaroli

Paraissent "Le synopsis d' un film maudit que Fellini ne tournera jamais et un hommage à sa muse et compagne Giulietta Masina. Précieux." Télérama



Le Voyage de G. Mastorna : Federico Fellini. - Sonatine Ed.



Il viaggio di G. Mastorna. Version italienne illustrée par Manara.



Giulietta Masina, la muse de Fellini : Zoé Valdès, Dominique Delouche, Jean-Max Méjean. -
La Tour verte/Coll. La Muse Celluloid.

Prova d'orchestra

   Téléfilm en huis-clos qui atteint une infinité de sujet et sur une durée très contenue (1h10 environ). Dans le volume épuré d'une crypte du XIIIème siècle, un bonhomme installe les pupitres pour un orchestre tout en nous contant une petite histoire du lieu. Puis arrive l'orchestre et sa cacophonie de manies et de personnalités. Et par là-dessus la télévision qui vient s'en repaitre et exacerber les individualités ?

   Toujours est-il que ça dégénère et très fort, jusqu'à un violent saccage, une presque apocalypse. Au milieu, le chef d'orchestre à l'accent allemand, plus posé et victime puis sauveur de ce qu'il reste. Syndicats, mafia, révoltes politiques, égarements divers explosent dans ce nulle part ce qui donne au film une tonalité critique et satirique. Cependant derrière l'étonnante et chaotique violence qui habite ce petit monde en réduction se révèle une condition humaine à vif, le chef d'orchestre qui réussit à faire vivre les instants de musique (les siens ne sont pourtant pas les seuls), et d'apaisement, à aussi un discours sur l'art qui relie l'individu à une histoire plus grande que lui... il n'échappe peut-être pas pour autant à une ivresse de la démesure.

   Un film particulier et étonnant avec de surprenantes belles images et une capacité toujours piquante au cabotinage. Il y a un courant irrémédiablement beau dans ce fracassant bordel désorganisé !

Anita Ekberg est morte aujourd'hui.

Ah, c'est triste cette information. Je me rappelle bien la scène de "Intervista" où Federico et Marcello ont fait une visite surprise chez Ekberg. C'était très émouvant !
Merci Marko !