| Parfum de livres… parfum d’ailleurs Littérature, forum littéraire : passion, imaginaire, partage et liberté. Ce forum livre l’émotion littéraire. Parlez d’écrivains, du plaisir livres, de littérature : romans, poèmes…ou d’arts… |
|
| Federico Garcia Lorca [Espagne] | |
|
+12Sigismond bix229 sylvain- animal Onuphrius Constance eXPie Camille19 Queenie kenavo Cliniou Steven 16 participants | |
Auteur | Message |
---|
Steven Zen littéraire
Messages : 4499 Inscription le : 26/09/2007 Age : 52 Localisation : Saint-Sever (Landes)
| Sujet: Federico Garcia Lorca [Espagne] Ven 16 Juil 2010 - 23:02 | |
| Federico Garcia Lorca est né le 5 juin 1898 à Fuente Vaqueros près de Grenade. Il est connu comme poète, dramatruge, peintre, pianiste et compositeur. Je ne connais que le poète. Ayant choisi Espagnol en lnague première, j'ai rencontré très tôt Federico Garcia Lorca au travers de ses poèmes. Il a choisit d'aller vire à Madrid où il rencontre Luis Bunuel et Salvatore Dali. Il a connu une dépression très forte, liée aux tensions qu'il avait dans ses relations avec ses amis et une forme de paranoïa ; il angoissait aussi énormément devant les difficultés à cacher son homosexualité à ses amis et à sa famille. Face à cette dépression ,sa famille décide de l'envoyer en voyage aux USA. Il revient en Espagne en 1930, au moment où s'établit la première république. Il devient alors directeur de la société de théâtre étudiante subventionnée, La Barraca. En 1936, lors de la guerre civile, il ne renonce pas ses idées et décide de quitter Madrid et de revenir à Grenade, il était conscient qu'il allait vers une mort presque certaine dans une ville réputée pour avoir l'oligarchie la plus conservatrice d'Andalousie. Il y fut fusillé par des rebelles anti-républicains et son corps fut jeté dans une fosse commune à Víznar. Par une nuit sans lune, son corps fut jeté dans une tombe sans nom.
Le régime de Franco décida l'interdiction totale de ses œuvres jusqu'en 1953 quand Obras completas (très censuré) fut publié. Ce ne fut qu'avec la mort de Franco en 1975 que la vie et le décès de Lorca purent être discutés librementSource : http://pierdelune.com/lorca.htm Dernièrement, je me suis remis à relire quelques poèmes de Federico Garcia Lorca. EN cherchant ce qui m'attirait chez lui, je suis tombé sur ce discours du poète, prononcé à la population de Fuentes Vaqueros (Grenade), en septembre 1931, lors de l'imauguration d'un bibliothèqe. Ce discours m'a fait irrésistiblement penser à la signature qu'a (avait ?) Coline : No culture, no future. Je crois que cette passion du partage transparait dans l'oeuvre de Lorca : - Citation :
- Quand quelqu'un va au théâtre, à un concert ou à une fête quelle qu'elle soit, si le spectacle lui plaît il évoque tout de suite ses proches absents et s'en désole: "Comme cela plairait à ma soeur, à mon père!" pensera-t-il et il ne profitera dès lors du spectacle qu'avec une légère mélancolie. C'est cette mélancolie que je ressens, non pour les membres de ma famille, ce qui serait mesquin, mais pour tous les êtres qui, par manque de moyens et à cause de leur propre malheur ne profitent pas du suprême bien qu'est la beauté, l a beauté qui est vie, bonté, sérénité et passion.
C'est pour cela que je n'ai jamais de livres. A peine en ai-je acheté un, que je l'offre. j'en ai donné une infinité. Et c'est pour cela que c'est un honneur pour moi d'être ici, heureux d'inaugurer cette bibliothèque du peuple, la première sûrement de toute la province de Grenade.
L'homme ne vit que de pain. Moi si j'avais faim et me trouvais démuni dans la rue, je ne demanderais pas un pain mais un demi-pain et un livre. Et depuis ce lieu où nous sommes , j'attaque violemment ceux qui ne parlent que revendications économiques sans jamais parler de revendications culturelles : ce sont celles-ci que les peuples réclament à grands cris. Que tous les hommes mangent est une bonne chose, mais il faut que tous les hommes accèdent au savoir, qu'ils profitent de tous les fruits de l'esprit humain car le contraire reviendrait à les transformer en machines au service de l'état, à les transformer en esclaves d'une terrible organisation de la société.
J'ai beaucoup plus de peine pour un homme qui veut accéder au savoir et ne le peut pas que pour un homme qui a faim. Parce qu'un homme qui a faim peut calmer facilement sa faim avec un morceau de pain ou des fruits. Mais un homme qui a soif d'apprendre et n'en a pas les moyens souffre d'une terrible agonie parce que c'est de livres, de livres, de beaucoup de livres dont il a besoin, et où sont ces livres ?
Des livres ! Des livres ! Voilà un mot magique qui équivaut à clamer: "Amour, amour", et que devraient demander les peuples tout comme ils demandent du pain ou désirent la pluie pour leur semis. - Quand le célèbre écrivain russe Fédor Dostoïevski - père de la révolution russe bien davantage que Lénine - était prisonnier en Sibérie, retranché du monde, entre quatre murs, cerné par les plaines désolées, enneigées, il demandait secours par courrier à sa famille éloignée, ne disant que : " Envoyez-moi des livres, des livres, beaucoup de livres pour que mon âme ne meure pas! ". Il avait froid ; ne demandait pas le feu, il avait une terrible soif, ne demandait pas d'eau, il demandait des livres, c'est-à-dire des horizons, c'est-à-dire des marches pour gravir la cime de l'esprit et du coeur. Parce que l'agonie physique, - biologique, naturelle d'un corps, à cause de la faim, de la soif ou du froid, dure peu, très peu, mais l'agonie de l'âme insatisfaite dure toute la vie.
Le grand Menéndez Pidal - l'un des véritables plus grands sages d'Europe - , l'a déjà dit: "La devise de la République doit être la culture". la culture, parce que ce n'est qu'à travers elle que peuvent se résoudre les problèmes auxquels se confronte aujourd'hui le peuple plein de foi mais privé de lumière. N'oubliez pas que l'origine de tout est la lumière.
Que de phrases fortes dans ce discours, quelle belle déclaration d'amour aux livres, à la culture et à son accès par tous ! Des livres ! Des livres ! Voilà un mot magique qui équivaut à clamer: "Amour, amour", et que devraient demander les peuples tout comme ils demandent du pain ou désirent la pluie pour leur semis. Parce que l'agonie physique, - biologique, naturelle d'un corps, à cause de la faim, de la soif ou du froid, dure peu, très peu, mais l'agonie de l'âme insatisfaite dure toute la vie.Mais Garcia Lorca est aussi le poète des gitans, de la lune et de la nature. - Citation :
- Mort d'amour
Que voit-on briller là-bas sur les balcons haut-perchés Ferme la porte, mon fils, j'entends onze heures sonner. Dans mes yeux, sans le vouloir, quatre lanternes reluisent. Ce sont ces gens-là sans doute en train d'astiquer les cuivres. Gousse d'ail, métal mourant, la lune qui décroît pose une jaune chevelure sur des tours de couleur jaune. Et l'odeur de vin et d'ambre venue des balcons pénètre. Des vents de roseaux mouillés et des bruits de voix vieillies, résonnaient ensemble sous l'arc brisé de la minuit. La nuit est carrée et blanche aux façades des maisons. Des séraphins, des gitans jouaient de l'accordéon. Mère, quand je serai mort, fais-le dire à ces messieurs. Préviens-les du Sud au Nord par des télégrammes bleus. Et le ciel claquait les portes au bruit du bois bousculé lorsque criaient les lueurs sur les balcons haut-perchés.
| |
| | | Steven Zen littéraire
Messages : 4499 Inscription le : 26/09/2007 Age : 52 Localisation : Saint-Sever (Landes)
| Sujet: Re: Federico Garcia Lorca [Espagne] Ven 16 Juil 2010 - 23:08 | |
| Son recueil le plus connu est sans doute Romancero gitan ; c'est celui qui a établi sa réputation, l'a fait connaître :
Romance somnambule
Vert et je te veux vert. Vent vert. Vertes branches. Le bateau sur la mer, le cheval dans la montagne. L'ombre autour de la ceinture, elle rêve à son balcon, chair verte, verts cheveux avec des yeux d'argent froid. Vert et je te veux vert. Dessous la lune gitane, toutes les choses la regardent mais elle ne peut pas les voir.
Vert et je te veux vert. De grandes étoiles de givre suivent le poisson de l'ombre qui trace à l'aube son chemin. Le figuier frotte le vent à la grille de ses branches et la montagne, chat rôdeur, hérisse ses durs agaves. Mais qui peut venir? Et par où? Elle est là sur son balcon, chair verte, cheveux verts, rêvant à la mer amère.
L'ami, je voudrais changer mon cheval pour ta maison, mon harnais pour ton miroir, mon couteau pour ta couverture. L'ami, voilà que je saigne depuis les cols de Cabra. Si je le pouvais, petit, l'affaire serait déjà faite. Mais moi je ne suis plus moi et ma maison n'est plus la mienne.
L'ami, je voudrais mourir dans mon lit, comme tout le monde. Un lit d'acier, si possible, avec des draps de hollande. Vois-tu cette plaie qui va de ma poitrine à ma gorge? Il y a trois cents roses brunes sur le blanc de ta chemise. Ton sang fume goutte à goutte aux flanelles de ta ceinture. Mais moi je ne suis plus moi et ma maison n'est plus la mienne. Laissez-moi monter au moins jusqu'aux balustrades hautes. De grâce, laissez-moi monter jusqu'aux vertes balustrades. Jusqu'aux balcons de la lune là-bas où résonne l'eau.
Ils montent déjà, tous les deux, vers les balustrades hautes. Laissant un sentier de sang. Laissant un sentier de larmes. Sur les toitures tremblaient des lanternes de fer-blanc. Mille tambourins de verre déchiraient le petit jour.
Vert et je te veux vert, vent vert, vertes branches. Ils ont monté, tous les deux. Le vent laissait dans la bouche un étrange goût de fiel, de basilic et de menthe. L'ami, dis-moi, où est-elle? Où est-elle, ta fille amère? Que de fois elle t'attendait! Que de fois elle a pu t'attendre, frais visage, cheveux noirs, à la balustrade verte!
Sur le ciel de la citerne la gitane se berçait. Chair verte, cheveux verts avec ses yeux d'argent froid. Un petit glaçon de lune la soutient par-dessus l'eau. La nuit devint toute menue, intime comme une place. Des gardes civils ivres morts donnaient des coups dans la porte. Vert et je te veux vert. Vent vert. Vertes branches. Le bateau sur la mer, le cheval dans la montagne.
Ces poèmes sont extraits de Romancero gitan - Traduction de Claude Esteban | |
| | | Cliniou Sage de la littérature
Messages : 1116 Inscription le : 15/06/2009 Age : 54 Localisation : entre ici et ailleurs
| Sujet: Re: Federico Garcia Lorca [Espagne] Sam 17 Juil 2010 - 7:54 | |
| Merci Steven d'avoir ouvert un fil sur ce magnifique auteur. Il y a plusieurs années, j'ai travaillé sur "Trois poèmes avec Ombre". Il faudrait que je les retrouve pour les mettre ici. | |
| | | kenavo Zen Littéraire
Messages : 63288 Inscription le : 08/11/2007
| Sujet: Re: Federico Garcia Lorca [Espagne] Sam 17 Juil 2010 - 9:27 | |
| Merci pour ce fil Steven, poète que j'adore et relis régulièrement..
mais on devrait peut-être le mettre dans poèsie, non? | |
| | | Steven Zen littéraire
Messages : 4499 Inscription le : 26/09/2007 Age : 52 Localisation : Saint-Sever (Landes)
| Sujet: Re: Federico Garcia Lorca [Espagne] Dim 18 Juil 2010 - 3:01 | |
| Au départ, je voulais le mettre dans le fil poésie. Puis j'ai découvert qu'il avait été aussi dramaturge. Alors, si pour moi, son oeuvre théâtrale est insignifiante, ça ne veut pas dire qu'elle n'existe pas. Donc, peut-être qu'il faut attendre pour voir ce que les parfumés postent sur ce fil. Pour moi, ce ne sera que des poèmes. - Citation :
- Le passage de la siguriya
Parmi les papillons noirs avance une fille brune à côté d'un blanc serpent de brouillard. Terre de Lumière, Ciel de terre. Enchaînée au tremblement d'un rythme qui jamais n'arrive, un poignard à la main droite, elle avance, coeur d'argent. Où vas-tu, siguiriya, avec ce rythme sans tête? Quelle lune recueillera ta douleur de laurier-rose et de chaux? Terre de Lumière, Ciel de terre.
| |
| | | kenavo Zen Littéraire
Messages : 63288 Inscription le : 08/11/2007
| Sujet: Re: Federico Garcia Lorca [Espagne] Dim 18 Juil 2010 - 8:54 | |
| - Steven a écrit:
- Puis j'ai découvert qu'il avait été aussi dramaturge.
ah oui.. j'ai adoré sa pièce La Maison de Bernarda Alba, que j'ai vu d'abord en film mais qui m'a tellement fasciné que je l'ai recherché en livre.. | |
| | | Queenie ...
Messages : 22891 Inscription le : 02/02/2007 Age : 44 Localisation : Un peu plus loin.
| Sujet: Re: Federico Garcia Lorca [Espagne] Dim 18 Juil 2010 - 9:25 | |
| - kenavo a écrit:
- Steven a écrit:
- Puis j'ai découvert qu'il avait été aussi dramaturge.
ah oui.. j'ai adoré sa pièce La Maison de Bernarda Alba, que j'ai vu d'abord en film mais qui m'a tellement fasciné que je l'ai recherché en livre.. Moi je ne le connais que par cette pièce, incroyable. Et je ne savais pas qu'il y avait un film. Il est bien foutu apparemment... Me demande s'il est trouvable... | |
| | | kenavo Zen Littéraire
Messages : 63288 Inscription le : 08/11/2007
| Sujet: Re: Federico Garcia Lorca [Espagne] Dim 18 Juil 2010 - 18:25 | |
| - Queenie a écrit:
- Et je ne savais pas qu'il y avait un film. Il est bien foutu apparemment... Me demande s'il est trouvable...
d'après mes recherches, il y a jusqu'à présent 3 adaptations: 1957 par Franz Peter Wirth 1987 par Mario Cannes 2010 par Rainer Ecke si mes souvenirs sont bons, j'ai vu la version espagnole de 1987.. | |
| | | Camille19 Main aguerrie
Messages : 484 Inscription le : 24/06/2009 Age : 34
| Sujet: Re: Federico Garcia Lorca [Espagne] Lun 26 Juil 2010 - 22:13 | |
| Si vous aimez les poèmes de Garcia Lorca ce serait dommage de passer à côté de ses pièces... J'avais lu Noces de Sang, mais il y a de cela bien longtemps ; mes souvenirs en sont donc plutôt flous, mais s'il y a bien quelque chose qui m'avait marqué, c'était la langue, vraiment poétique, avec une vraie puissance d'évocation des choses et de l'atmosphère... On sent l'influence de la littérature espagnole, la simplicité, la nature, la cruauté et la beauté sont toutes réunies dans cette pièce... | |
| | | Steven Zen littéraire
Messages : 4499 Inscription le : 26/09/2007 Age : 52 Localisation : Saint-Sever (Landes)
| Sujet: Re: Federico Garcia Lorca [Espagne] Lun 26 Juil 2010 - 23:31 | |
| Je te remercie Camille. L'échange entre Kenavo et Queenie m'avait attiré, tu finis par me convaincre d'aller vers ses pièces. Je vais essayer de trouver Noces de Sang. MAis en attendant : - Citation :
- LE VENT ET LA BELLE
(Précieuse et le vent)
De sa lune en parchemin, par un hybride sentier de lauriers et de cristal, Précieuse s'en vient jouer. De sa lune en parchemin Précieuse s'en vient jouer. A sa vue le vent se lève, car jamais il ne sommeille. Dis, laisse-moi relever ta robe pour voir ton corps. Ouvre entre mes doigts anciens la rose bleue de ton ventre. Lâchant son tambour, Précieuse prend la fuite à toutes jambes. Le vent mâle la poursuit. Avec une épée brûlante.
Précieuse, cours vite, vite. Le vent va t'attraper ! Précieuse, cours vite, vite, Regarde-le arriver, Satyre d'étoile basses aux mille langues lustrées ! Précieuse, morte de peur, est allée se réfugier, au-dessus de la pinède, Et tandis qu'elle raconte son aventure en pleurant, le vent sur le toit d'ardoises plante, furieux, les dents.
| |
| | | Camille19 Main aguerrie
Messages : 484 Inscription le : 24/06/2009 Age : 34
| Sujet: Re: Federico Garcia Lorca [Espagne] Mar 27 Juil 2010 - 21:23 | |
| Il n'y a pas de quoi Steven. Quant à moi je ne connaissais pas sa poésie, et je dois dire qu'elle me plaît beaucoup. Donc merci à vous les parfumés pour ce fil ! | |
| | | Steven Zen littéraire
Messages : 4499 Inscription le : 26/09/2007 Age : 52 Localisation : Saint-Sever (Landes)
| Sujet: Re: Federico Garcia Lorca [Espagne] Jeu 29 Juil 2010 - 1:07 | |
| Alors pour la poésie de Lorca, je ne m'en lasse pas. ET quand j'aime, j'ai surtout envie de partager, simplment, sans artifice. Juste vous les envoyer pour que vous dégustiez : - Citation :
- La soleá
Vêtue de voiles noirs, elle pense que le monde est bien petit et le coeur immense Vêtue de voiles noirs. Elle pense que le tendre soupir, le cri, disparaissent au fil du vent. Vêtue de voiles noirs. Elle avait laissé sa fenêtre ouverte et à l'aube par la fenêtre tout le ciel a débouché. Ah! Vêtue de voiles noirs!
Tout le ciel a débouché.... Le nez en l'air, je passe mon temps à regarder s'il ne déboucherai pas... | |
| | | Steven Zen littéraire
Messages : 4499 Inscription le : 26/09/2007 Age : 52 Localisation : Saint-Sever (Landes)
| Sujet: Re: Federico Garcia Lorca [Espagne] Mar 7 Sep 2010 - 21:06 | |
| Officine et dénonciation
A Fernando Vela
Sous les multiplications il y a une goutte de sang de canard ; sous les divisions il y a une goutte de sang de marin ; sous les additions, un fleuve de sang tendre. Un fleuve qui avance en chantant par les chambres des faubourgs, qui est argent, ciment ou brise dans l’aube menteuse de New York. Les montagnes existent. Je le sais. Et les lunettes pour la science. Je le sais. Mais je ne suis pas venu voir le ciel. Je suis venu voir le sang trouble, Le sang qui porte les machines aux cataractes et l’esprit à la langue du cobra. Tous les jours on tue à New York quatre millions de canards, cinq millions de porcs, deux mille pigeons pour le plaisir des agonisants, un million de vaches, un million d’agneaux et deux millions de coqs, qui font voler les cieux en éclats. Mieux vaut sangloter en aiguisant son couteau ou assassiner les chiens dans les hallucinantes chasses à courre que résister dans le petit jour aux interminables trains de lait, aux interminables trains de sang, et aux trains de roses aux mains liées par les marchands de parfums. Les canards et les pigeons, les porcs et les agneaux mettent leurs gouttes de sang sous les multiplications, et les terribles hurlements des vaches étripées emplissent de douleur la vallée où l’Hudson s’enivre d’huile. Je dénonce tous ceux qui ignorent l’autre moitié, la moitié non rachetable qui élève ses montagnes de ciment où battent les coeurs des humbles animaux qu’on oublie et où nous tomberons tous à la dernière fête des tarières. Je vous crache au visage. L’autre moitié m’écoute dévorant, chantant, volant dans sa pureté, comme les enfants des conciergeries qui portent de fragiles baguettes dans les trous où s’oxydent les antennes des insectes. Ce n’est pas l’enfer, c’est la rue. Ce n’est pas la mort, c’est la boutique de fruits. Il y a un monde de fleuves brisés et de distances insaisissables dans la petite patte de ce chat cassée par l’automobile, et j’entends le chant du lombric dans le coeur de maintes fillettes. Oxyde, ferment, terre secouée. Terre toi-même qui nage dans les nombres de l’officine. Que vais-je faire ? mettre en ordre les paysages ? Mettre en ordre les amours qui sont ensuite photographies, Qui sont ensuite morceaux de bois et bouffées de sang? Non, non, non, non ; je dénonce. Je dénonce la conjuration de ces officines désertes qui n’annoncent pas à la radio les agonies, qui effacent les programmes de la forêt, et je m’offre à être mangé par les vaches étripées quand leurs cris emplissent la vallée où l’Hudson s’enivre d’huile.
Federico Garcia Lorca Un poète à new York, “Officine et dénonciation”, tr. fr. Pierre Darmangeat modifiée, Gallimard, 1961.
Federico Garcia Lorca écrit ce poème alors qu'il est à New-York et que surgit le crash de 1929. Il donne une vision noire de la ville, des répercussions ravageuses du crash sur l'homme, les hommes et pas sur les officines.
| |
| | | eXPie Abeille bibliophile
Messages : 15620 Inscription le : 22/11/2007 Localisation : Paris
| Sujet: Re: Federico Garcia Lorca [Espagne] Dim 31 Juil 2011 - 21:21 | |
| - Citation :
- La mort de García Lorca remise en lumière
Un historien dévoile les noms des six hommes qui ont exécuté, dans la nuit du 16 au 17 août 1936, le poète espagnol.
[...]
Les 13 dernières heures de la vie de García Lorca, publié fin juin par l'historien Miguel Caballero Pérez, jette en effet sur l'épisode une lumière nouvelle, et bien plus crue que celle sous laquelle l'histoire l'a reconstitué. Ce sont en effet de tenaces rancoeurs personnelles, économiques et politiques entre trois grandes familles locales (les García Lorca, les Roldán et les Alba) qui ont causé, selon l'historien, la mort de García Lorca. Bien davantage que l'attachement du poète au camp antifasciste : "Il était un fervent républicain, mais n'a milité dans aucun parti politique", souligne Miguel Caballero Pérez, qui estime en conséquence que la gauche espagnole s'est indûment appropriée la figure du poète.
"Vengeance littéraire"
En signant La maison de Bernarda Alba, qui attaquait directement l'une des familles ennemies, Lorca s'offre en 1936 une "vengeance littéraire" qui jette sur le feu la mesure d'huile de trop : lorsque la même année il quitte Madrid pour rentrer à Grenade, "les couteaux sont déjà prêts à régler les comptes", écrit Miguel Caballero Pérez. Dans la nuit du 16 au 17 août, six hommes viennent chercher le poète : Mariano Ajenjo Moreno, chef du peloton, Juan Jiménez Cascález, Fernando Correa Carrasco, Salvador Varo Leyva et Antonio Hernández Martin. Et Antonio Benavides, membre du clan Alba.
Ensemble ils ont éliminé plus de cent opposants durant ce même été. En échange de ces basses oeuvres, il leur a été promis de l'argent, et une promotion. Miguel Caballero Pérez se refuse à les appeler des "meurtriers". Certains, dit-il, n'étaient que des policiers de carrière, qui auraient eux-mêmes risqué leur vie à refuser d'exécuter les ordres. Et tous ne connaissent pas alors l'identité de García Lorca, tué le 17 août avec deux autres hommes. L'exécution a lieu avant 4 heures du matin. Non pas à l'endroit qui avait été identifié par un précédent biographe, et excavé en vain en 2009, mais 500 mètres plus loin, entre les villages de Viznar et d'Alfavar, près d'une ferme appelée "Cortijo de Gazpacho". Un archéologue, Javier Navarro, y a identifié une zone qui pourrait cacher une tombe. La totalité de l'article peut être lue ici. | |
| | | Constance Zen littéraire
Messages : 4066 Inscription le : 27/04/2010
| Sujet: Re: Federico Garcia Lorca [Espagne] Jeu 11 Aoû 2011 - 21:03 | |
| En cette période de révisionnisme, occultant ou blanchissant les exactions du régime franquiste, il n'est guère surprenant de voir émerger de troubles explications sous couvert de vengeances interfamiliales ... d'où cet historien puise-t-il sa légimité d'enquêteur, pour être aussi affirmatif ? ... qui est-il ? A quelle obédience politique pourrait-il être rattaché ? Le traitement inique infligé au juge Garzon, accusé de "prévarication" , pour avoir voulu faire faire la lumière sur l'époque franquiste, devrait donner à réfléchir sur la campagne actuellement menée par l'extrême-droite espagnole, pour réhabiliter les assassins qui ont alimenté les fosses communes ...
| |
| | | Contenu sponsorisé
| Sujet: Re: Federico Garcia Lorca [Espagne] | |
| |
| | | | Federico Garcia Lorca [Espagne] | |
|
Sujets similaires | |
|
| Permission de ce forum: | Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
| |
| |
| |
|