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| Gunnar Gunnarsson [Islande] | |
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Auteur | Message |
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Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
| Sujet: Re: Gunnar Gunnarsson [Islande] Dim 13 Mai 2012 - 11:00 | |
| - tom léo a écrit:
- Alors, Marko : je te recommande d'y aller, car j'ai été ravi de ces pages. S'il y a bien référence à un univers réligieux (et comment ne serait-ce pas le cas dans ces temps-là?), il y a pourtant rien qui empêchera une lecture fructueuse. Le narrateur est poussé aussi, dans les derniers pages, devant les questions éternelles qui font justement douté d'une sécurité qui l'environnait jusqu'à là...
J'ai du en parler rapidement quelque part pour les lectures du mois (mais quel mois et quelle année? Je ne sais plus). J'ai lu le premier volume "Le jeu des brins de paille"et j'ai été séduit par l'histoire (bien que très simple) et l'atmosphère mais je pense que la traduction française manque de relief et j'avais trouvé l'écriture trop plate, presque banale, me maintenant un peu à distance. Le sentiment de lire des souvenirs d'enfance comme tant d'autres sans que je puisse pénétrer ceux-là avec plus de densité. Mais je me suis dit que j'y reviendrais parce qu'il y avait quand même de très beaux moments et quelques personnages savoureux. Ton commentaire me donne du regret de ne pas avoir poursuivi. D'autant plus que trouver ces livres (j'ai aussi la 3e partie "La nuit et le rêve" dans un volume indépendant) n'a pas été une mince affaire! Ils ont d'ailleurs bien vécu | |
| | | tom léo Sage de la littérature
Messages : 2698 Inscription le : 06/08/2008 Age : 61 Localisation : Bourgogne
| Sujet: Nuit et Rêve Ven 1 Mar 2013 - 21:53 | |
| Nuit et Rêve
Originale : Natten og drømmen (Danois, 1926)
CONTENU : Il s'agit du troisième tome (de cinq dans l'originale) de la saga d'inspiration autobiographique de l'auteur islandais. De ces premiers tomes j'ai parlé plus haut. Le fil de narration reprend là, où le deuxième tome s'est achevé : après la mort de la mère, c'est l'arrivée d'une belle-mère dans la maison d'Uggi. Dans les premiers pages il décrit le matin de son neuvième anniversaire... et la narration va nous conduire jusqu'à ses 18 ans et son départ vers le Danemark, pour des études dans une école.
REMARQUES : Le livre se divise en douze chapitres, qui sont encore sous-divisés par des unités de sujets, thèmes divers, indiqués par une séparation de quelques points (dans mon édition allemande des années 20).
Le roman autobiographique est très chronologique et construit simplement, sans trop d'artifices. L'histoire nous est raconté par un narrateur, parlant de son propre passé assez lointain, son enfance, sa jeunesse dans une Islande rurale, assez dure, simple.
Si les deux premières parties avaient été empreintes de souvenirs d'enfance presque romantiques, se terminant avec la mort de la mère, nous trouvons dans ce tome à la suite de ce recit des descriptions beaucoup plus marquées par des expériences dures, tristes. Ainsi la nouvelle femme du père va être difficilement adoptée par les enfants et Uggi doit se retenir fortement pour ne pas exprimer son malaise. Seulement après beaucoup d'années il semble reconnaître les efforts de sa belle-mère et commence à l'apprécier. Mais une certaine innocence a disparu et le deuil de sa mère, une solitude et le sentiment d'un monde perdu marquent ces années après sa mort. S'ajoutent encore d'autres séparations : le départ d'amis pour le plus ou moins lointain, le refus d'un premier amour.
On trouvera les descriptions des travaux plus ou moins quotidiens ou exceptionels ; les achats dans la prochaine bourgade ; les cours temporaires à l'école de la ville et l'hébérgement là-bas ; le naufrage d'un bateau et comment on videra la cargaison etc Et à coté de tout ce travail très prenant le desir d'aller plus loin dans l'apprentissage qui est perçu comme une concurrence qui va enlèver des mains tant utiles de la ferme dans des périodes d'apauvrissement. Et les premières tentatives d'écriture, la découverte aussi de la lecture....
Et bien sûr nous continuons à trouver des descriptions impressionantes de la (force de la) nature : on vit en et avec elle, des fois comme partenaire, des fois comme un jouet face aux éléments. J'ai lu en allemand, mais dans ces scènes il me semble que la langue de l'écrivain devient des fois grandiose et nous tire avec lui. Bon, certains pourraient la trouver un peu pathètique, contenant des anciennes tournures et idées, mais ce livre se meut souvent entre nuit et rêve, entre réalité dure et espoir, lumière. Dans ce melange de réalisme et d'humanisme Gunnarsson rappelle vraiment un peu un certain Maxime Gorki, ou aussi, de point de vue de style, de langue, des fois à l'oeuvre de Knut Hamsun ou Ernst Wiechert.
Donc recommandation (de ma part) pour les amateurs de ces auteurs et un recit qui se situe dans l'environnement nordique, islandais ! | |
| | | églantine Zen littéraire
Messages : 6498 Inscription le : 15/01/2013 Age : 59 Localisation : Peu importe
| Sujet: Re: Gunnar Gunnarsson [Islande] Sam 2 Mar 2013 - 7:50 | |
| Après ce commentaire de Tom Léo , encore un à rajouter dans ma PAL !!!!! ça n'en finit plus et le temps n'est pas extensible !!!! | |
| | | Sigismond Agilité postale
Messages : 875 Inscription le : 25/03/2013
| Sujet: Re: Gunnar Gunnarsson [Islande] Dim 31 Mar 2013 - 3:07 | |
| Je partage l'enthousiasme de tom léo pour le jeu des brins de paille et vaisseaux dans le ciel que nous avons peut-être lus, réunis en un seul livre, dans la même édition (celle de Stock 1942) ? - Spoiler:
Quelques remarques: - tom léo a écrit:
- il se souvient de son enfance, à cheval entre le XIXème et XXème siècle
Fin XIXème, avant 1900, puisque l'auteur a 7 ans au moment du drame final, qui clôt "Vaisseaux". - tom léo a écrit:
- Je ne cessais de m'émerveiller comment un garçon, vivant dans une ferme somme toute assez reculée, peut nous conter et raconter de tant de choses vécues.
Ayant moi-même été un petit garçon qui a ouvert les yeux sur le monde puis grandi dans une ferme (mais l'analogie s'arrête là, ce n'était ni le même siècle, ni la même terre, ni la même culture), l'univers s'appréhende de façon plutôt non formatée, non stéréotypée. Dès que tu sais marcher, tu es libre et non plus claque-murable: c'est en vain qu'on voudrait te tenir entre quatre murs. Il s'ensuit beaucoup de liberté, d'esprit comme de mouvement. Et un apprentissage du monde par l'expérience, dans lequel les générations restent proches et mêlées, et pas seulement dans la famille. Au reste, pour un livre dont l'action se déroule dans des endroits quasi déserts, combien de personnages ? C'est ahurissant comme cet ouvrage est peuplé, et la confusion des prénoms oblige à soutenir l'attention ! Pour notre plus grand bonheur, les talents de portraitiste de Gunnarsson sont immenses. Qu'il s'agisse de descriptions fouillées ou composées à petites touches (pour les personnages principaux), ou encore juste esquissées. L'exercice auquel se livre Gunnarsson est périlleux, parce qu'archi rebattu: Combien d'écrivains ont un jour publié des souvenirs d'enfance ? On entre dans l'ouvrage en douceur, c'est très fluide et lisible. Au début on croit même s'être fourvoyé, que ce sera la petite maison dans la prairie sous le glacier, et la vie est un long ruisseau paisible. Très vite, on est frappé par des fulgurances, des envolées sans lyrisme mais avec profondeur. L'élégance, ce n'est jamais hyper complexe. Ce livre respire l'élégance, est tout simplement élégant. - tom léo a écrit:
- S'il y a bien référence à un univers religieux (et comment ne serait-ce pas le cas dans ces temps-là?), il y a pourtant rien qui empêchera une lecture fructueuse.
Oui, encore qu'il serait parfaitement lisible, avec toutes les clefs de lecture, par quelqu'un qui n'aurait jamais entendu parler du Christianisme ! Ceci dit un lecteur plus érudit en la matière reconnaîtra sans peine, de çà, de là, quelques traits parsemés, très caractéristiques de l'Eglise Luthérienne, dont le meilleur symbole parmi les personnages est le Pasteur Björn. Il y a aussi des références à toutes les traditions orales, le souvenir des épopées et des sagas. Au reste le personnage le plus mystique -chrétiennement- est Bergliot "vieille Begga", qui est aussi la passeuse de tous ces contes, de toutes ces légendes insulaires, de tout ce folkore (si ce dernier mot n'est pas pris dans un sens péjoratif), véhiculant par là un grand vent de paganisme, ce qui est un de ses paradoxes. Il est à noter que la première mauvaise action consciente d'Uggi (le héros) consiste en un pillage agressif -violent, disons-le- fort inspiré des méthodes de ses lointains ancêtres, un jour de tête-chaude où il s'était quelque peu monté le bourrichon, si vous me passez cette expression. - eXPie a écrit:
- "Ce qui est visé, c'est la profondeur dans la simplicité, l'universalité dans le singulier."
Cette observation d'eXPie à propos de "berger de l'Avent" vaut aussi pour les "brins" et pour "vaisseaux". Gunnarsson délivre du tellurique, du cosmique et de l'humain avec un art consommé, avec une époustouflante limpidité de narration. Rien que ça, direz-vous, je m'emballe ?? Pas du tout, rien que ça, je maintiens !! Et, tout d'accord avec tom léo, pas une page où le lecteur ne trouvera une raison pour sourire. Il y a beaucoup de tendresse, beaucoup de bonté. Comme j'ai dû laisser à peu près un marque-page par chapitre pour des passages d'excellente facture sur lesquels je ne me lasse pas de revenir, vous délivrer quelques mini-extraits plonge dans l'embarras tant il y a le choix, oui c'est un problème de riche ! Par alliance du pragmatisme et de la flemme je vais opter pour les plus courts: - Spoiler:
- Citation :
- Les matins lumineux se sont enfuis avec l'été. Quand je me réveille dans mon petit coin bien tiède entre mon père et le mur, ce n'est plus le soleil que je vois mais d'autres amis tout aussi éprouvés: l'obscurité et le clair de lune. S'éveiller dans l'obscurité, s'y trouver étendu, seul, tranquille, est tout aussi délicieux qu'écouter une histoire, et bien plus facile que la lire dans un livre. On peut, tout en fixant l'obscurité, découvrir les images les plus curieuses, on parvient presque à y voir ce que l'on veut. Non seulement on invente des histoires, mais on les voit encore se dérouler sous ses yeux.
Dans l'obscurité, l'incroyable devient croyable, l'impossible devient possible; en même temps que le monde visible, l'obscurité supprime toutes les limites. Je n'aime pas moins que le clair de lune dont la lumière pâle donne à tout l'aspect du rêve. Par un beau clair de lune matinal et pur je revois la gelée et la reconnaît immédiatement.Elle a tapissé nos vitres d'un amusant réseau. Comment n'a-t'il pas fondu sous les rayons de la lune ? ... Un autre matin, les vitres sont recouvertes d'une épaisse couche de givre: on dirait de la peluche. Les cristaux scintillent sur le verre, il ne reste plus que quelques îlots de verre libre entre la vitre et le cadre. Le froid envahit progressivement notre étage, puis toute la maison. Les jeux violents s'imposent alors et groupent davantage les enfants. Quand le temps et la neige le permettent, nous prenons nos luges et nous nous battons à coups de boules de neige. (...) et aucun de nous n'hésite à préférer l'hiver à l'été.
- Spoiler:
- Citation :
- Tout autour de moi chuchotait et clapotait l'herbe omnisciente, l'éternelle bavarde. Les tiges les plus longues, qui se dressaient comme des adultes dans un groupe d'enfants, courbaient la tête et s'inclinaient avec indulgence pour converser avec les brins les plus petits. Tout le champ murmurait et caquetait; les fleurs seules se taisaient. Elles ne parlent jamais, sauf lorsque le silence le plus complet règne autour d'elles. Mais l'herbe sait beaucoup, si elle sait tout, il faut croire qu'au fond elle ne sait rien, puisqu'elle ne peut rien raconter. Elle me laissait entendre évidemment un tas d'histoires sur Soffia et son frère, sur Disa et défunt Frédéric, mais elle emmêlait et embrouillait tout cela, et la seule histoire amusante était celle de Moldarbrunn, qui voulait jouer au cheval de bataille et qui, après de nombreuses aventures et de terribles fatigues, revint à la maison sans tête et sans queue. Cette histoire ne pouvait se prolonger indéfiniment. "Je n'ai nulle envie de prêter plus longtemps l'oreille à votre bavardage" m'écriai-je enfin, et aussitôt chaque brin d'herbe qui pouvait s'approcher de moi se mit à me chatouiller dans la figure, au cou et aux poignets. Je me retournai et me mis sur le dos, mais aussitôt les herbes me chatouillèrent la nuque et se glissèrent sous mon col. Je croisai mes mains derrière ma tête, que le ciel était donc d'un beau bleu !
Aujourd'hui on doit voir les vaisseaux...Je regardai et regardai toujours, éternuai, ma vue se brouilla, mais aucun vaisseau ne se montra. C'était véritablement ridicule qu'on ne pût jamais voir le moindre bout de ces vaisseaux. Si la terre est véritablement ronde, et il doit en être ainsi puisque tout le monde est d'accord là-dessus, le ciel doit être une mer, c'est-à-dire les eaux que Dieu avait fixées en les séparant, et dans ce cas, les vaisseaux, pour faire le tour de la terre, doivent traverser cette mer avec le sommet des mâts dirigés vers le bas, comme les mouches qui se promènent au plafond. Mais alors pourquoi ne pouvait-on pas les voir ? Pendant plusieurs jours j'avais observé le ciel; il est vrai qu'il avait souvent été masqué par des nuages. Mais Dieu a peut-être pris soin d'amener des nuages chaque fois que des vaisseaux passent au-dessus de la terre, pour que les gens ne soient pas trop effrayés et ne se laissent pas tomber d'ahurissement. Il semble peut-être aussi aux navigateurs du ciel que les pays de la terre défilent au-dessus de leurs têtes comme des nuages.
- Spoiler:
- Citation :
- Vieille Begga se tut, puis elle ajouta d'un air de triomphe:
"quant à savoir si Egill a pu aussi bien sauver son âme du feu éternel, c'est ce que l'histoire ne dit pas. -Crois-tu, Begga, que je puisse devenir un poète ? demandai-je craintivement. -On ne devient pas poète, mon petit, on naît poète, ou on ne l'est jamais ! répondit Vieille Begga avec gravité, et c'est un destin bien lourd; laisse-moi voir ta langue, car une langue très longue est la première condition...Tire-la un peu plus...C'est tout ce que tu peux faire ? ...Relève-la encore un peu...Un peu plus, allons. Essaie d'attraper ton nez...Non, ma tête d'or, tu ne seras jamais poète...C'est-à-dire jamais un vrai...Mais réjouis-t'en, va ! Tous les poètes sont malheureux, ce sont de pauvres gens qui ne donnent rien de bon. Les jeunes filles n'en veulent pas, et l'eau-de-vie est tout ce qu'il leur reste pour les consoler. Ils meurent jeunes, ne laissent jamais que des jérémiades. Autrefois encore, ils chantaient les exploits, les leurs ou ceux des autres; maintenant ils ne parlent plus que de chagrins et de désappointements, c'est le plus malheureux qui est considéré comme le meilleur. -Est-ce qu'Egill avait la langue très longue ? demandai-je. Tout ceci ne m'intéressait que très médiocrement. - Egill ? reprend Begga, qui, du coup, me regarde avec attention. Avec des poèmes comme les siens, il faut aller loin pour trouver ses mots. Ensuite il faut savoir les arranger. Pour faire un joli poème, c'est autant de travail que pour un joli dessin sur un tapis; alors tu peux imaginer quelle langue effilée et agile il faut avoir. Je ne sais pas comment était la langue d'Egill Skallagrimsson, mais je sais comment était sa figure. Quand il n'était pas satisfait, il pouvait relever un de ses yeux jusqu'à la racine de ses cheveux, et baisser l'autre jusqu'au bout de son nez. Maintenant, tu peux penser la langue qu'il devait avoir avec une tête pareille. Je ne serais pas étonnée s'il eût pu lécher les coins de ses yeux avec sa langue. -Est-ce qu'on ne peut pas faire pousser sa langue en la tirant un peu tous les jours ? demandai-je timidement. -On n'imagine pas à quoi on peut arriver avec de la volonté, répond Begga, encourageante. En tous cas, je te conseille de ne pas risquer ta tête si tu n'as que tes poèmes pour la sauver."
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| | | tom léo Sage de la littérature
Messages : 2698 Inscription le : 06/08/2008 Age : 61 Localisation : Bourgogne
| Sujet: Re: Gunnar Gunnarsson [Islande] Ven 5 Avr 2013 - 17:30 | |
| C'est aujourd'hui, après une plus longue absence, que je découvre tes commentaires précieux, Sigismond, et je suis si content qu'on partage une certaine sensibilité de la beauté de ce monde-là! Merci pour ces commentaires!
Pour préciser: Non j'ai lu en allemand (je suis allemand d'origine), et en plus dans une édition splendide de 1929 (1ère traduction en allemand), encore en écriture gothique! | |
| | | Sigismond Agilité postale
Messages : 875 Inscription le : 25/03/2013
| Sujet: Re: Gunnar Gunnarsson [Islande] Dim 9 Juin 2013 - 8:52 | |
| - Marko a écrit:
- De Gunnarsson, je garde un excellent souvenir de L'oiseau noir qui se présente sous la forme d'une intrigue policière, avec meurtre et enquête, dans un climat un peu hors du temps, même si l'action se situe en Islande au XIXe siècle. Une atmosphère fascinante au sein d'une petite communauté paysanne où sommeille une violence sourde et contenue. Un peu comme dans Jours de Colère de Sylvie Germain mais dans un style très différent.
Le début du roman, copié/collé sur Internet, pour m'éviter de recopier! :
- Spoiler:
Que le Seigneur bénisse tous les braves gens qui liront ces pages, comme je les bénis, moi, indigne chapelain de l’église Saurbaer de Raudasandur, dans le district de Bardaströnd. Ce samedi, veille de Toussaint, en l’an de grâce 1817, il a plu au Seigneur de nous éprouver douloureusement en rappelant à lui notre fils Hilarius, âgé de quinze ans. Avec lui ont péri, à notre grande désolation, cinq autres fidèles serviteurs de Dieu. La barque avec laquelle ils étaient allés pêcher a été retrouvée sur la grève : elle était vide. Seigneur, daignez accorder votre miséricorde aux morts, comme vous accorderez votre protection aux vivants, si durement éprouvés. Daignez aussi secourir votre humble serviteur afin que demain, jour de Toussaint et vingtième dimanche après la Trinité, je puisse remplacer dignement mon honorable pasteur, empêché par la maladie. Que mon coeur, Seigneur, soit plein d’allégresse et de piété lorsque, devant tous ceux qui compatissent et devant la communauté paroissiale, je prêcherai, comme le devoir me l’impose, le texte sacré de ce jour, Math. 5 : Jésus console ceux que Dieu éprouve. Lorsque Amor Jonsson, paysan bien considéré de Haenuvik, l’oncle de ma chère épouse Olöf, était venu nous avertir, tout consterné, que la barque seule était rentrée, mon épouse avait dit : « Mes faibles forces sont impuissantes devant celles des mers et des tempêtes. Mais qu’on ait trouvé mon fils Hilarius comme un jeune chien noyé crie cependant vengeance ! — De qui voudrais-tu donc te venger ? demanda le respectable Amor Jonsson. Mais moi, l’époux, je connaissais son coeur impétueux dans la joie comme dans la douleur. Je savais que ces paroles amères n’étaient inspirées que par l’excès de sa douleur insupportable. Je dis : — Le silence est ce qui convient. Et nous nous tûmes. Je ne vis pas de larmes dans les yeux de mon épouse, mais une lueur froide, qui évoquait la mort. Et ce regard me fit mal. Et son oncle... Pour la première fois, je voyais en lui un pauvre homme qui n’avait rien de surhumain. Je remarquai sa barbe noire qui grisonnait déjà, et son regard habituellement clair et lucide se troubla lorsque, après un silence douloureux, il murmura à sa nièce : — Essaye de pleurer, mon enfant. C’est alors qu’Olöf, Olöf la jeune comme on disait chez elle à Keflavik - pour la distinguer de Madame Olöf, sa mère -, se leva et répondit : — Mes larmes sont pour le Seigneur. C’est lui qui les recevra toutes.
Oui, d'accord avec Marko, excellent et noir ouvrage. Qui "remue" son lecteur en profondeur ! Une autre facette du talent de Gunnarsson, cette écriture-là est très différente de celle du "jeu des brins de paille" et de "vaisseaux dans le ciel". Et ce que vous dites du "Berger de l'Avent" laisse déduire une troisième facette encore. Je vais faire le maximum pour me procurer "Berger de l'Avent" et "Frères jurés", bien que ce soit à prix prohibitif, très rare et d'occasion...pour des éditions en format basique ! En attendant d'éventuelles autres traductions, disons tout le bien que Gunnarsson inspire. Il est inouï que le travail prolifique d'un auteur de cette dimension-là, si talentueux et à aspects multiformes, du peu que je peux en dire, soit si absent de nos rayonnages en langue française: Il y a là une grande énigme. Il a été prétendu qu'il était nobélisable dans les années 50, mais que le fait que le prix a été attribué à son compatriote Halldór Laxness en 1955 a rebuté les académiciens Suédois, peu enclins à saluer deux écrivains du même petit pays à peine peuplé en un aussi bref laps de temps. Titre original: Svartfugl. Ecrit en Danois, parution en 1929. Sera traduit en Islandais en 1938 seulement. Couple accusé comparaissant, Islande, 1886. On peut imaginer Steinunn et Bjarni sous des apparences à peu près similaires. Svartfugl de Sjöundaà. Illustration tirée d'une présentation d'une adaptation du roman pour le théâtre, en Islandais, ci-dessous le lien, avec quelques-uns des principaux personnages "incarnés" (casting de "têtes"): http://www.halaleikhopurinn.is/sjounda.htm Roman noir, donc. Que de morts, et j'ajoute: que d'innocents morts de mort violente, enfants compris ! Je refuse à tenir le compte exact des cadavres qu'empile Gunnarsson. Et pourtant nous ne sommes pas dans la surenchère de violence et d'hémoglobine, telle qu'elle envahit nos écrans pour la plus grande délectation des populations contemporaines. Tout, ici, est plus sourd. Au niveau du genre, je souscris à peine à policier, même s'il y a beaucoup de thrill, et pas mal de suspense, une enquête, un jugement. Plutôt une mise en évidence de la condition humaine, beyond evil and good, au-delà du mal et du bien. Avec de belles pistes de réflexions sur la justice divine mise en vis-à-vis de la justice humaine. Et, toujours, par petites touches, ces somptueuses descriptions de paysages Islandais, de la vie rurale, et cet extraordinaires talent de portraitiste, où l'on retrouve le Gunnarsson de "Vaisseaux" et des "Brins", dans une entreprise romanesque complètement d'un autre ordre, d'un autre genre... A ce moment-là du message, j'avoue tourner mon clavier sept fois dans la bouche: Dois-je parler de l'oeuvre, mais comment faire sans dévoiler, et donc sans nuire au suspense et au thrill que je viens d'évoquer ? Utiliser un spoiler, qui est à la discrétion ce que la feuille de vigne est au cache-sexe ? Je me donne la journée ou un peu plus si nécessaire pour la réflexion: au besoin j'éditerai. Question, comment fait-on chez les Parfumés, dans des cas similaires, quel est l'usage en ces lieux ? | |
| | | kenavo Zen Littéraire
Messages : 63288 Inscription le : 08/11/2007
| Sujet: Re: Gunnar Gunnarsson [Islande] Dim 9 Juin 2013 - 9:01 | |
| - Sigismond a écrit:
- Utiliser un spoiler, qui est à la discrétion ce que la feuille de vigne est au cache-sexe ?
j'adore... mais c'est la façon de le faire... si tu veux parler en plus de détails d'un livre qui révèle trop à ceux qui veulent encore le lire, mais peuvent être utils pour ceux qui connaissent, tu peux utiliser la fonction spoiler | |
| | | Sigismond Agilité postale
Messages : 875 Inscription le : 25/03/2013
| Sujet: Re: Gunnar Gunnarsson [Islande] Mar 11 Juin 2013 - 2:46 | |
| OK alors ! Je tente un compromis. Ne pas ouvrir la partie de ce message sous spoiler si vous comptez lire ce livre, et, sitôt lu, n'hésitez pas à partager, reprendre, compléter, contredire mon humble ressenti ! (NB: Pour les extraits, je suis moins doué que Marko, je n'ai pas trouvé l'ouvrage transcrit sur la Toile !) Pour un policier -si tant est que ce soit un polar- Gunnarsson n'use pas de développements digressifs, destinés, par exemple, à amener le lecteur à considérer certaines pistes comme possible. Même ce qui nous paraît éloigné du sujet finit par se retrouver, porteur de sens, de signification, à un moment donné de l'histoire. Ainsi, le roman s'ouvre sur un chapelain, futur Pasteur, fraîchement nommé, le héros principal (Eyjolfur), du moins celui par (ou plutôt pour) qui l'histoire est écrite au "je" (voir post de Marko plus haut dans le fil). Le prêche que vous lisez partiellement dans le post de Marko se rapporte à la mort (péri noyé en mer) du fils d'Amor Jonsson, Hilarius. Le héros épousera sa nièce, l"achètera" selon les termes utilisés par lui-même. Alors qu'elle préférait le propre frère du chapelain, Pall, avec qui elle flirtait, qui vit avec ledit chapelain et est, ni plus ni moins, son employé, son fermier: Eyjolfur est là par une histoire d'héritage combinée à sa réussite scolaire. Mais sa vocation est sincère: - chapitre I a écrit:
- Lorsque, après de longues études, je devins pasteur, ce ne fut pas seulement parce que j'avais émis le voeu de me consacrer à ce vieux sanctuaire qu'un vague parent m'avait laissé en héritage. J'ai voulu servir cette maison de prières, aussi bien par mes paroles que par mes actes.
Ainsi, on trouve le bloc mort-amour-argent-communauté de destinée-spiritualité déjà en piste. Au chapitre II entre Bjarni, peut-être le vrai héros, le personnage principal de cette histoire. Et quelle entrée, voyez plutôt: - chapitre II a écrit:
- - Quel étrange cercueil ! criai-je brusquement, comme le ferait un gamin et non une soutane.
Le paysan me regarda attentivement et demanda: - C'est vous, notre nouveau chapelain ? Quel est votre nom ? Je fis semblant de ne pas avoir entendu. - Qu'avez-vous dans ce cercueil ? dis-je d'un ton solennel. Peut-être était-ce la dépouille d'un homme voûté par l'âge et la misère, peut-être était-ce une de mes ouailles dont il n'avait pu étendre décemment le cadavre dans le cercueil, peut-être était-ce un malheureux estropié, un pauvre homme sans jambes. Mais aucune de ces suppositions n'expliquent pourquoi ce grand et solide paysan se montrait d'une telle avarice pour choisir ce cercueil. Le g'ant à la barbe dorée hésita un moment. - Je m'appelle Bjarni Bjarnason, fermier de Sjöundaà, de votre paroisse, dit-il avec grandiloquence. Il avait déposé le cercueil sur le gazon d'une tombe toute proche. - Dans ce cercueil se trouvent mes petits paysans...Oui je les appelais ainsi, Bjarni et Egill - ils avaient sept et huit ans. Ils ont commencé à tousser...comme ma femme a toujours toussé depuis que nous sommes mariés, il y a douze ans. Mais ces petits m'ont quitté brutalement. Des enfants, comprenez-vous...Ils n'ont pas pu résister au mal. Ne croyez surtout pas que c'est par avarice que je les ai mis dans le même cercueil...Est-ce qu'ill y a du mal à ça ? - Pas du tout, dis-je, honteux. Sur le lieu, à présent, la toute petite paroisse de Raudasandur. La description est prestement menée et est somptueuse, vraiment la plume de Gunnarsson est exceptionnelle de puissance évocatrice concise: - chapitre IV a écrit:
- De ma vie, je n'oublierai ce dimanche. Un soleil fatigué disparaissait derrière le fjord et la grève, jetant une lueur rougeâtre sur la blanche écume des vagues. Nous étions assis non loin du pré où je l'avais suivi, tandis que sa monture broutait l'herbe à nos pieds.
- Pourquoi t'évertuer à persuader les gens de Rausandur qu'une maison ne peut se construire sur le sable, me dit Amor Jonsson en riant. Nous avons douze fermes ici, et il y en a onze, y compris la tienne - avec l'église et son cimetière - qui sont bâties sur le sable rocailleux que le Bredefjord a jeté au rivage: c'est ainsi que cette terre s'est formée. Bjarni de Sjöundaà est le seul paysan de cette paroisse dont la maison fut bâtie sur la roche. Une maison qui se cache, solitaire, derrière le versant de Skor. Oui, cachée et solitaire. Et Dieu est seul à savoir si cette ferme est plus solide que les autres. Sa voix le parut sombre et hallucinée, comme un feu couvant sous la cendre. Et je me souvins tout à coup qu'Amor Jonsson regardait souvent Bjarni mais ne parlait jamais avec lui. Oui, il le regardait d'un air attentif, presque curieux mais sans hostilité. Et lorsque je rapprochai cette attitude de ce qu'il m'avait dit à propos de la situation solitaire de la ferme, je frissonnai. - Ce sont les loups marins qui, en mâchant, ont jeté, grain à grain, la base de Raudasandur, continua Amor Jonsson. Et si j'étais le pasteur, le prêche serait pour moi une excellente occasion de bénir leur éternel appétit. Regarde-les. Ils forment d'interminables files, ces loups qui mâchent leurs algues en regardant la terre. Leurs gueules mâchonnantes ressemblent à des lettres noires et prophétiques écrites sur l'abîme..gueules sombres, changeantes. Il y eut un silence. - Mais souviens-toi, mon fils, que sans les dents des loups, sans la rocaille des moules et leur éternel appétit, on ne parlerait point de Raudasandur. Et, se levant: dois-je emporter tes compliments vers Keflavik ? Il parla ainsi, sans me regarder, et il n'attendit pas ma réponse. Les sabots résonnèrent sur le sol dur des champs, puis leur bruit s'adoucit et mourut dans l'ombre de la nuit. Je regagnai la maison, mais je sentais mon âme rongée par des vers dont j'ignorais la provenance: sombres pressentiments, désirs assoupis, peur incertaine, haine mais surtout un amour jeune et sans limites. La clef du titre nous est offerte dans le chapitre VIII (on vient d'enterrer Gudrun, l'épouse de Bjarni). - chapitre VIII a écrit:
- Nous étions seuls, Bjarni et moi, car, lorsque Pall avait vu l'emplacement de la nouvelle tombe, ses yeux s'étaient troublés et il nous avait quittés brusquement.
- Deux ans ont déjà passés, Bjarni... - Oui...deux années bien longues, murmura t-il sans me regarder. Puis il y eut un silence. Après quelque temps, il s'épongea le front, se redressa et me regarda de ses yeux bleus et clairs. - Tu te souviens de l'été passé, dans la "falaise des oiseaux" ? me dit-il en souriant. Tu te rappelles qu'un morceau de la roche s'est détaché et qu'il ne me restait plus qu'une main pour se cramponner à la paroi ? J'ai bien cru, alors, que s'en était fait de moi, et que ce serait mon cadavre qu'on ensevelirait ici, à côté de mes petits paysans. Bjarni reprit son travail et dégagea de grandes mottes dures du sol gelé. - Mais ce n'était pas mon destin... Je me rappelais parfaitement la journée dont parlait Bjarni. La haute paroi de la montagne surplombant les vagues clapotantes. D'en bas, on eût dit que cette paroi se perdait dans le ciel. Et cette masse bruyante d'oiseaux, cette mosaïque mobile et étincelante d'oiseaux noirs nichant dans les falaises, papillonnant, voletant vers les roches pour aller s'évanouir dans la brume des hauteurs. J'étais encore un gosse quand j'admirai ce spectacle pour la première fois. J'étais persuadé, alors, que de sombres esprits marins lançaient ces oiseaux contre la montagne. L'année précédente, j'avais de nouveau frissonné en revoyant ces falaises grouiller d'une vie impitoyable, cette mêlée ardente où la vie triomphait dans le vacarme et la puanteur, une vie jeune, fraîche et impétueuse à l'assaut d'une triste falaise. Non, je n'avais pas oublié cette journée, et je me souvenais très bien de Bjarni et des autres chasseurs, groupe de petits insectes que je voyais ramper le long des rochers. Je me souvenais de la chute vertigineuse du grand bloc qui s'était détaché du rocher. Et de Bjarni, agrippé d'une seule main à la paroi, qui se balançait dans le vide... Il avait donc songé à ses petits paysans à ce moment terrible ! Evidemment, il ne pouvait songer qu'à eux. - T'a-t-on déjà parlé de l'oiseau noir, l'oiseau porte-malheur qu'on a vu au-dessus du village ? lui demandai-je. - Spoiler:
En foi de racontars couplés au rejet du corps de Jon, le fermier de Bjarni par la mer, et l'autopsie qui fut ordonnée (il était supposé avoir fait une chute d'une falaise dans la mer), Bjarnni et Steinnun, la veuve de Jon, sont peu à peu accusés d'avoir tué leurs conjoints, l'un ou l'autre, ou ensemble. Le vieux prêtre, hiérarchie d'Eyjolfur, " Sera" Jon tient un rôle qui sera contesté lors du procès. L'occasion pour Gunnarsson de jeter une dimension supplémentaire entre justice humaine et justice divine, et de conter un compte à régler entre le bailli Gudmundur Scheving, qui a fonction président du tribunal et aussi de fer de lance de l'accusation, et " Sera" Jon. Scheving incarne l'occidental athée contemporain, sa conception de la justice triomphe à la fin, mais est mise à mal par le portrait qu'en fait Gunnarsson. Et c'est une peinture fort intéressante, avec des perspectives tout à fait enrichissantes. Entretemps, Eyjolfur et son épouse Olöf ont pris sous leur toit les trois orphelins de Bjarni, qui les haïssent et finissent par échapper à leur vigilance une nuit. On trouve le garçon mort, il est passé à travers la glace d'un lac gelé lors de son escapade nocturne, et les deux petites filles également trépassées, gelées de froid au bord du trou. Ce fait important, que Gunnarsson développe peu -bien trop peu à mon goût en tous cas, donne une nouvelle dimension aux liens unissant -vie et mort- Eyjolfur et Bjarni. Eyjolfur, cité comme témoin au procès, en devient le greffier, par la suite dune défection de circonstances du titulaire habituel du poste. Aucune preuve ne peut être retenue contre Bjarni et Steinnun. Scheving auditionne les témoins, tente de les pousser, n'en tire rien. Il est depuis le début convaincu de la culpabilité des prévenus. Il reste les aveux. Il finit par parvenir à instrumentaliser Eyjolfur, celui-ci réunit les prévenus, gardés isolément, les laisse entre eux deux, et de leur conciliabule nait la volonté de passer aux aveux. La jubilation fort théâtrale de Scheving, l'ardeur toute malsaine avec laquelle il rédige la sentence, et le trait qu'il décoche au passage envers " Sera" Jon sont autant de mise en évidence que la justice humaine reste passionnelle et donc empreinte de petitesse calculatrice et vaniteuse. L'exécution de Bjarni dût se faire en Norvège, il ne s'est pas trouvé de gaillard en Islande pour accepter le travail, sauf un, mais hors d'état. Condamné à la décapitation par hache sur billot, après qu'on lui eut tranché la main droite et qu'on l'eut torturé par le feu. Ces détails macabres pour vous amener à ceci, les toutes dernières lignes du roman, au lecteur de se figurer si le moignon vers le ciel, auquel il manque la main, représente un geste de main tendue vers les cieux, ou un poing, ou un doigt irrévérencieux ? Un tout jeune pasteur, Hjortur, fut désigné pour accompagner Bjarni en Norvège afin qu'ils reçoivent les derniers sacrements, et il raconte la fin de Bjarni à Eyjolfur. - chapitre XXX a écrit:
- Il était encore jeune, ce pasteur, jeune et innocent, et il s'indignait chaque fois qu'il parlait de l'attitude des spectateurs. Ils s'étaient rués sur le rocher où se trouvait le billot et plusieurs d'entre eux s'étaient blessés en tombant.
- Seul Bjarni ne criait pas ! ajouta-t-il. Il est impossible de s'en souvenir sans le sentiment d'avoir soi-même un meurtre sur la conscience. - Quel homme étrange, ce Bjarni ! me dit-il un jour. Tu l'as connu, Eyjolfur ? Est-ce que tu l'as compris ? ...Je t'ai dit ce qui s'est passé, au dernier moment ? Quand on lui a tranché la main, il a levé son moignon vers le ciel...Qu'en penses-tu ? ...Droit vers le ciel ! Pourquoi a-t-il fait cela ? - C'était le signe, peut-être...murmurai-je.
Ces pages sont ma confession. Je les ai écrites pour toi, Hilarius, mon fils. Elles son le témoignage vivant de la détresse d'un père courbé sous le joug de la douleur. Oserai-je jamais montrer ces pages à Amor Jonsson, mon ami, et à ma chère épouse Olöf ? Et si je les leur montre, pourront-ils me dire si je suis coupable de tout ce qui s'est passé et quelle est l'étendue de ma responsabilité ? Non, jamais je ne saurai vraiment. Il me faudra patienter jusqu'au jour béni du jugement suprême, lorsque mon Maître dévoilera la vérité au pauvre publicain que je suis.
Ut supra. Pour sortir encore un peu plus du bon-méchant et du justicier-coupable Gunnarsson, et c'est habile de sa part, n'a pas hésiter à brouiller les cartes au niveau du pathos. Ainsi Bjarni et Steinunn sont-ils plutôt sympathiques, alors que Jon, la première victime, le mari de Steinunn, est-il plutôt antipathique, idem le bailli Scheving. Gudrun, l'épouse de Bjarni, fait surtout pitié. "Sera" Jon est hors du pathos. Comme appartenant à une autre sphère.
Il y a quelque chose de l'univers Shakespearien dans ce roman. Je le ressens sans être capable de le qualifier (bon, il est très tôt -même si pour moi c'est déjà le matin- en même temps ). Il faudra que j'y repense. Surtout je ne voudrais pas avoir suggéré un roman "no-futuriste", d'une noirceur extrême, macabre, morbide et même morbide aggravé d'un "s": sordide, donc. Ni un roman traitant d'un monde médiéval ou quasi, et révolu. Parce que c'est bien au-delà de ces considérations-là. Et les problématiques, questions, pistes etc...soulevées sont contemporaines, puiqu'elles sont intemporelles. | |
| | | topocl Abeille bibliophile
Messages : 11706 Inscription le : 12/02/2011
| Sujet: Re: Gunnar Gunnarsson [Islande] Mar 11 Juin 2013 - 7:41 | |
| Tu peux préciser de quel livre tu parlesSTP? | |
| | | Sigismond Agilité postale
Messages : 875 Inscription le : 25/03/2013
| Sujet: Re: Gunnar Gunnarsson [Islande] Mar 11 Juin 2013 - 14:22 | |
| Bien sûr topocl, c'est toujours du même livre de Gunnar Gunnarsson, intitulé l' oiseau noir dont il s'agit. Ci-dessous l'édition la moins difficile à trouver en français, celle d'Arléa 1992: | |
| | | GrandGousierGuerin Sage de la littérature
Messages : 2669 Inscription le : 02/03/2013
| Sujet: Re: Gunnar Gunnarsson [Islande] Mar 11 Juin 2013 - 18:57 | |
| Petit aparté : où trouvez-vous vos exemplaires ? Sur le site d'Hippolyte, pas moyen d'en trouver ... Et cet oiseau noir est tentateur Et j'espère Un beau jour, ou peut-être une nuit, Près d'un lac je m'étais endormi .... merci d'avance pour vos bons plans ....
| |
| | | Sigismond Agilité postale
Messages : 875 Inscription le : 25/03/2013
| Sujet: Re: Gunnar Gunnarsson [Islande] Mar 11 Juin 2013 - 20:51 | |
| Pour l'oiseau noir, il en reste (peu) chez les institutionnels de la vente en ligne, et seulement d'occasion, à ce qu'on dirait (fnac, priceminister, etc...). A des prix un rien hauts pour de l'occasion. L'exemplaire que j'ai lu est emprunté à la bibliothèque municipale de Bordeaux (Mériadeck), je ne dirai jamais assez combien je revis depuis sa ré-ouverture le mois dernier, après une interminable fermeture. Mériadeck a aussi le Berger de l'Avent en stock, mais ce livre-là n'est jamais disponible. J'aimerais, pourtant, le lire avant une éventuelle acquisition (acquisition qui ne saurait tarder pour l'oiseau noir, soit dit en passant ). Parce que 40€ d'occasion pour une édition basique, seule possibilité trouvée lors de mes dernières recherches sur le web, je toussote un peu ! Tout ceci participe à mon étonnement, Gunnarsson est un auteur très peu traduit, et pourtant ce qui est disponible en français est, dirait-on, prisé et demandé (sinon ce ne serait pas prisé, me direz-vous: certes, sans doute !). J'avais eu la chance de tomber sur le jeu des brins de paille et vaisseaux dans le ciel rassemblés sous titre unique "vaisseaux dans le ciel" dans l'édition Stock de 1942 (voir mon post du 31 mars dans ce fil, photo d'un exemplaire similaire sous le 1er spoiler, le mien est en meilleur état), à l'occasion d'un vide-grenier, pour quelques centimes. Le coup de bol. Peut-être aurai-je un jour la même chance pour frères jurés et pour le berger de l'Avent.Toujours est-il que vaisseaux dans le ciel" est moins rare que le Berger de l'Avent, qui cote joliment aujourd'hui. En attendant qu'on se plaise à traduire, éditer (et ré-éditer, pour ce qui existe en français) Gunnarsson... | |
| | | Arabella Sphinge incisive
Messages : 19316 Inscription le : 02/12/2007 Localisation : Paris
| Sujet: Re: Gunnar Gunnarsson [Islande] Mar 11 Juin 2013 - 20:56 | |
| J'avais acheté Frères jurés neuf, c'était encore disponible. J'avoue ne pas avoir été totalement emballée, c'est un peu une imitation d'une saga islandaise, avec les passages obligés, un peu dans le genre de ....J'ai très récemment donné mon exemplaire, sinon je me serais fait un plaisir de te l'offrir. | |
| | | GrandGousierGuerin Sage de la littérature
Messages : 2669 Inscription le : 02/03/2013
| Sujet: Re: Gunnar Gunnarsson [Islande] Mer 12 Juin 2013 - 10:11 | |
| Merci Sigismond & Arabella ! En espérant une prochaine réédition ou une découverte lors d'une brocante ....
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| | | Sigismond Agilité postale
Messages : 875 Inscription le : 25/03/2013
| Sujet: Re: Gunnar Gunnarsson [Islande] Mer 12 Juin 2013 - 15:42 | |
| - Arabella a écrit:
- J'avais acheté Frères jurés neuf, c'était encore disponible. J'avoue ne pas avoir été totalement emballée, c'est un peu une imitation d'une saga islandaise, avec les passages obligés, un peu dans le genre de ....J'ai très récemment donné mon exemplaire, sinon je me serais fait un plaisir de te l'offrir.
Grand merci Arabella, mais je vais très bien me débrouiller pour parvenir à le lire: Donc l'avoir offert à quelqu'un d'autre est la meilleure des choses ! Bisou virtuel empreint de timidité rougissante depuis Bordeaux ! | |
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