Silvio D'Arzo. - Maison des autres. - Verdier. - 1992. - Rivages 1997
Ce roman est bref : moins de 8O pages. Un court roman, une longue nouvelle, mais c'est un joyau.
Le décor ? Un village de montagne en Emilie, un village quelconque oublié de tous...
Un pretre y vit et il essaie de donner du sens à ce qui n'en a guère : aux mystères, aux peurs, à la vie, à la mort.
Mais la seule fois où une vieille femme finit par lui poser une question essentielle et torturante, il ne lui répond pas.
Par impuissance autant que par honneteté.
Peut etre sait il depuis longtemps que les vraies questions ont rarement des réponses.
Mais lui, le médiateur spirituel, qui est censé savoir et rassurer sait désormais que son role est terminé. Qu'il ne sert plus à rien, qu'il est inutile.
Et le livre est terminé.
C'est un livre sur lequel pèsent la solitude, le silence et la mélancolie.
Dans ce village, rien ne se passe sinon l'écoulement du temps, mais
Silvio D'Arzo a compris, comme James ou Conrad qu'il admire, que les
moments essentiels sont ceux où rien ne se passe.
Ce livre n'est pas ennuyeux. Par contre, il est fort parcequ'il excelle
dans la suggestion, le non dit ou l'indicible, qui renvoient le lecteur à
ses propres interrogations intimes.
A la grisaille du paysage, à la monotonie de la vie, à l'étouffement du
silence, Silvio D'Arzo sait comme peu, mettre en valeur quelques couleurs -le violet des ravines, l'argent de la lune- quelques bruits -l'aboiement
d'un chien, le tintement des clarines.
Donner du rythme au récit, une tension poétique qu'on trouve rarement aileurs à ce degré. Sinon justement dans Au coeur des ténèbres de Conrad
ou Le tour d'écrou de James.
Ce livre est court je le répète. On peut avoir la tentation de le relire pour essayer de comprendre la beauté et le mystère de l'écriture...
Citations :
"Ce fut un soir. A la fin d'octobre.
Je revenais des tourbières d'en haut. Ni content ni triste, comme ça.
Sans meme une pensée en tete. Il était tard, il faisait froid, j'étais encore sur la route : je devais redescendre chez moi, voilà tout.
La nuit n'était pas encore tout à fait tombée : on entendait par instants les clarines des moutons et des chèvres ça et là un peu avant les paturages. Juste l'heure, vous comprenez, où la tristesse de vivre semble
grandir en meme temps que le soir et vous ne savez à qui en attribuer
la faute : mauvaise heure. Un écureuil traversa la route en courant,
glissant presque entre mes pieds."
"Ici, en haut, il y a une certaine heure. le ravin et les bois, les sentiers et les paturages deviennent d'une couleur vieille rouille, puis violette, puis
bleue : dans le soir naissant, les femmes soufflent sur leurs réchauds,
penchées au dessus des marches... Les chèvres se montrent aux portes
avec des yeux qui semblent les notres."
"Et maintenant, c'était fini. Quelque chose était arrivé, une fois, une seule, et maintenant tout était fini.
Pourtant, je n'éprouvais meme pas de douleur, ni de remords, de mélancolie
ou quoi que ce soit de ce genre. Je sentais seulement en moi un grand vide comme si désormais plus rien n'avait pu m'arriver. Rien jusqu'à la fin
des siècles."