La bête humaine (1938)
Plus qu’une adaptation,
la Bête humaine de Jean
Renoir est une réinterprétation de l’œuvre originale d’Emile Zola. Pour faire tenir le livre à l’écran, il aura non seulement fallu abréger certains de ses épisodes les plus importants mais aussi choisir lesquels ne méritaient pas de figurer, les remplaçant parfois par des condensés de plusieurs scènes qui font se côtoyer le sentiment de l’hérésie à l’approbation admirative.
Pour avoir lu le livre et regardé le film en parallèle, il est indéniable que la déception à ne pas voir figurer certains passages qui semblaient décisifs dans le texte se fait ressentir à chaque ellipse. C’est toutefois pour mieux nous surprendre… et Jean
Renoir se transforme en Emile Zola du 20e siècle. Pressé, ne souhaitant conserver que la moelle de la
Bête humaine, il condense plusieurs épisodes en un nouveau prototype. Celui-ci s’insère, comme si de rien n’était, entre deux répliques de dialogues littéralement extraits du texte.
En procédant de cette façon, Jean
Renoir parvient à créer un quasi-film d’auteur qui garde le tragique de l’histoire originale. On ne peut toutefois pas condenser plusieurs centaines de pages en un film d’une heure et demie et la complexité des intrigues disparaît au profit d’une trame plus classique, plus prévisible et donc moins intrigante. Ne parlons même pas des réflexions menées par Emile Zola sur le progrès et l’ambivalence des sentiments : elles apparaissent ici seulement en filigrane, pour ceux qui connaissent par ailleurs la vraie
Bête humaine, celle qui ne laisse aucun répit à ses acteurs et à ses victimes. En comparaison, celle de Jean
Renoir n’est qu’un pauvre chien efflanqué qui ne fera pas de mal à une mouche.