Parfum de livres… parfum d’ailleurs
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 Coup de coeur et bar de la poésie

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MessageSujet: Re: Coup de coeur et bar de la poésie   Coup de coeur et bar de la poésie - Page 29 EmptyMar 8 Fév 2011 - 11:31

eXPie a écrit:
Parfois les nuages
reposent les gens
d'admirer la lune.

Bashô.

Je l'aime bien lui ! dentsblanches
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MessageSujet: Re: Coup de coeur et bar de la poésie   Coup de coeur et bar de la poésie - Page 29 EmptyMer 9 Fév 2011 - 10:59

Coup de coeur et bar de la poésie - Page 29 71526bousquet



Suite



Vois la brûlure que fait en ce monde l'instant d'avant
les choses tu es la pensée de cet instant et sa chair
hélas
Il n'y aura plus jamais de place entre toi et la folie
de l'oubli et la folie de toutes les flammes


Courage va Tu as planté la hache les heures sont tes
prisonnières Déjà quand c'est le soir et que l'air change
de couleur tu regardes en te penchant à droite à gauche
comme un piéton à travers les arbres d'un pays inconnu
tu fais tourner les yeux avec les derniers feux du jour tu
marches tantôt doucement tantôt vite comme si tu
suivais quelqu'un
A force de trouver partout la tristesse tu n'auras plus
qu'elle à quitter quand le moment sera venu Une
chanson est dans le jour tu ne sais plus si c'est le vent ou
bien la peur du vent d'ici tu ne sais plus quand elle
t'éveille si ce coeur c'est ta vie ou bien si c'est la peine

Tu as deviné dans tous les coeurs un peu de la tristesse
que personne ne connaît comme toi Et c'est toute ta
force en ce monde d'avoir les mains fermées sur ce qui
nous ferait peut-être mourir



Joë Bousquet

("L'épi de lavande", in "La Connaisance du soir", NRF/ Poésie/ Gallimard)

Portrait de Joë Bousquet, par Hans Bellmer
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MessageSujet: Re: Coup de coeur et bar de la poésie   Coup de coeur et bar de la poésie - Page 29 EmptyVen 18 Fév 2011 - 21:42

Il fait noir enfant voleur d' étincelles
Il n' est plus de nuit, il n' est plus de jour
Dors en entendant venir toutes celles
Qui disaient jamais qui disaient toujours.

J' ai retrouvé ce fragment de poème dans une préface de livre. On dirait Rimbaud, mais c' est Tristan
Corbière, auteur des Amours jaunes.



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Cachemire
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MessageSujet: Re: Coup de coeur et bar de la poésie   Coup de coeur et bar de la poésie - Page 29 EmptyDim 20 Fév 2011 - 11:47

bix229 a écrit:

Il fait noir enfant voleur d' étincelles
Il n' est plus de nuit, il n' est plus de jour
Dors en entendant venir toutes celles
Qui disaient jamais qui disaient toujours.

J'aime beaucoup le premier vers...
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MessageSujet: Re: Coup de coeur et bar de la poésie   Coup de coeur et bar de la poésie - Page 29 EmptySam 26 Fév 2011 - 22:29

Quand le matin se lève,
que la fraicheur de la nuit
s' en va dans le plumage
des poissons, qu' à nouveau
devient visible l' alentour
de l' air, alors je fais parfois
confiance à la paix et
je prends la résolution d' un nouveau
départ, une excursion
peut etre dans une région
pour ornithologues en tenue de camouflage.

Viens, ma fille, viens,
donne moi la main, nous quittons
la ville, je te montrerai le moulin que deux fois par jour
la marée actionne,
une machine prodigieuse, gémissante,
faite de roues et courroies,
qui transmet la force de l' eau
au coeur des pierres,
à la poussière qui s' écoule,
et jusque dans le corps des araignées

...................................................................................

Mon enfant, dis-moi,
as-tu le coeur sérré comme l' est
le mien, banc de gravier remué année
après année par les vagues
de la mer
jusque là haut vers le Nord
chaque caillou une ame morte
et ce ciel si gris
si uniformémént gris
jamais nulle part je ne l' ai vu
aussi bas.
Le long de l' horizon
des cargos passent
dans un autre temps,
mesuré par le tic-tac
des compteurs Geiger de la centrale
de Sizewell, où lentement
ils détrusent
le noyau du métal. Murmures
de démence sur la lande
de Suffolk. Is this
the promis' end ? Oh,
you are men of stones.
Ce qui est mort
le restera. Aimer
Donne la vie. Je ne sais pas
qui me dit quoi ? comment ?
Où ou bien quand ? Est-ce qu' à présent
l' amour n' est rien ? ou alors tout ?
eau ? feu ? bien ?
mal ? vie ? mort ?

W.G. SEBALD : La sombre nuit fait voile. Dans : D' après nature


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MessageSujet: Re: Coup de coeur et bar de la poésie   Coup de coeur et bar de la poésie - Page 29 EmptyDim 27 Fév 2011 - 19:30

Un peu de poésie de Balzac (il faut savoir prendre des risques !), extraite d'un roman de jeunesse, Clotilde de Lusignan (1823).

Stances de Nephtaly.

Que la fleur des champs soit séchée
Par le noir souffle des hivers
Ou que de sa tige arrachée,
        Quand les près encor verts
Sont ornés de sa tête élégante,
Elle soit d'un cruel zéphir
        La victime odorante...
Son sort n'est-il pas de mourir !
Qu'importe la faible durée
De nos trop misérables jours,
Si, du bonheur la main dorée
        N'en fleurit pas le cours !
Périr le front plein de jeunesse
Parés des roses du plaisir,
        Ou flétris de vieillesse...
Ne faut-il pas toujours mourir ?
Que le voyage accomplisse
Sa longue route en peu d'instants,
Et que sa course en réunisse
        Les nombreux accidents ;
Ou que, marchant avec prudence,
De sa peine il fasse un plaisir,
        Pour toute récompense...
Ne faut-il pas toujours mourir ?
Hélas ! mourons, ma douce amie !
Mourons sans répandre des pleurs,
N'avons-nous pas, de cette vie,
        Senti toutes les fleurs ?
Lorsque, dans un charmant bocage,
Les mains n'ont plus rien à cueillir,
        Qu'il n'offre plus d'ombrage...
Alors... n'en faut-il pas sortir ?
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MessageSujet: Re: Coup de coeur et bar de la poésie   Coup de coeur et bar de la poésie - Page 29 EmptyMer 2 Mar 2011 - 20:21



Clairière


Il bouge un miroir où s'ouvrent des paupières
c'est l'absence sur l'eau de ton visage
la ballade de ton sourire où l'aube t'envoie
née du tremblement d'un étoile qui mourut de revoir le jour

Ton corps se voit dans le noir
moins d'ombre est dans la nuit
que dans mes yeux où tu te lèves

toi de mon nom où tu te caches
toi de ta voix tout ce qu'on a su de ton coeur
et plus vivante pour le soleil que pour les jours

Eclair où se poursuit la route du matin
c'est l'hirondelle, elle est blanche
Noir passant qu'en sais-tu
Si son ombre l'attache à la rose des neiges
Où jamais l'amour ne se pose
depuis qu'il a en vu naître et mourir l'amour ?


Joë Bousquet

(L'épi de lavande, in La connaissance du soir)




Coup de coeur et bar de la poésie - Page 29 52475_leotard

Philippe Leotard interprétant Joe Bousquet dans "La tisane des sarments", téléfilm diffusé en 1980
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MessageSujet: Re: Coup de coeur et bar de la poésie   Coup de coeur et bar de la poésie - Page 29 EmptyDim 6 Mar 2011 - 18:29

Coup de coeur et bar de la poésie - Page 29 Poame_10


L'ombre soeur


Entre à la nuit sans rivages
Si tu n’es toi qu’en passant
L’oubli rendra ton visage
Au coeur d’où rien n’est absent

Ton silence né d’une ombre
Qui l’accroît de tout le ciel
Eclôt l’amour où tu sombres
Aux bras d’un double éternel

Et t’annulant sous ses voiles
Pris à la nuit d’une fleur
Donne des yeux à l’étoile
Dont ton fantôme est le coeur


Joë Bousquet


(La connaissance du soir, in La connaissance du soir, NRF Poésie/ Gallimard)
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MessageSujet: Re: Coup de coeur et bar de la poésie   Coup de coeur et bar de la poésie - Page 29 EmptyDim 6 Mar 2011 - 18:49

Une poésie qui parle de cacao, tiens.
Un extrait de "Dresste-toi, faits résonner notre tambourin", traduit du nahuatl par Georges Baudot, trouvé dans le recueil Poésie nahuatl d'amour et d'amitié, éditions Orphée-La Différence.

Les voici qui chantent bien, ici,
l'oiseau turquoise, le quetzal, le merle noir,
voici, en premier, la spatule rouge,
tous lui répondent,
les grelots et les tambourins !
Ohuaya ! Ohuaya !

Oh ! Je bois du cacao,
et pour cela je me réjouis !
Mon coeur est en joie,
mon coeur se sent bien !

Que je pleure ou que je chante,
dans un coin de ma demeure, je vis dignement !
Oh, voilà que j'ai bu la fleur de cacao
et de maïs grillé, mon coeur pleure,
je connais ma solitude, sur la terre,
oh ! je ne suis qu'un malheureux !



On notera que "Oh je bois du chocolat", en nahuatl dans le texte, c'était : "O ya niccua cacahuatl". On voit bien d'où provient notre mot "cacao".
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MessageSujet: Re: Coup de coeur et bar de la poésie   Coup de coeur et bar de la poésie - Page 29 EmptyDim 6 Mar 2011 - 19:17

Constance a écrit:

[color=#000040]
[i]L'ombre soeur

Magnifique! Ah Bousquet, quel poète! De son lit, il avait accès à l'essentiel.

Merci Constance.
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MessageSujet: Re: Coup de coeur et bar de la poésie   Coup de coeur et bar de la poésie - Page 29 EmptyDim 6 Mar 2011 - 22:53

Cachemire a écrit:
Constance a écrit:

[color=#000040]
L'ombre soeur

Magnifique! Ah Bousquet, quel poète! De son lit, il avait accès à l'essentiel.

Merci Constance.


Alors, le dernier pour la route, Cachemire ... sourire








Saint-Silence


L'avenir qui tremblait d'avoir couru sur elle
n'ayant su m'exaucer sans renverser mes jours
j'écris sur le collier de notre chien fidèle
que chez nous le hasard est mort de mon amour



Rue où l'homme se perd d'entendre ce qu'il voit
quelqu'un avait frappé la mort m'ouvrant la porte
voulut qu'entre mes pas le vent cueilli pour toi
fît à mes vers ce don que nul écho n"emporte
d'un coeur qui se fermait pour écouter la voix


(Nous passerons l'espérance, in La connaissance du soir/ NRF Poésie Gallimard)
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MessageSujet: Re: Coup de coeur et bar de la poésie   Coup de coeur et bar de la poésie - Page 29 EmptyLun 7 Mar 2011 - 9:47

Il nous manque une image... dentsblanches

Tu nous donnes de mauvaises habitudes Constance ! Mais difficile d'illustrer ce poème-ci, n'est-ce pas?
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MessageSujet: Re: Coup de coeur et bar de la poésie   Coup de coeur et bar de la poésie - Page 29 EmptyLun 7 Mar 2011 - 15:13

Cachemire a écrit:
Il nous manque une image... dentsblanches

Tu nous donnes de mauvaises habitudes Constance ! Mais difficile d'illustrer ce poème-ci, n'est-ce pas?


J'avais songé à illustrer ce poème par une photo de Joe Bousquet cloué dans son lit de douleur mais, prise d'une subite crise d'aquoibonisme, j'y avais renoncé ... pour toi, la voici, Cachemire ... sourire



Coup de coeur et bar de la poésie - Page 29 Joe_bo10
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MessageSujet: Re: Coup de coeur et bar de la poésie   Coup de coeur et bar de la poésie - Page 29 EmptyLun 7 Mar 2011 - 20:20

Citation :
J'avais songé à illustrer ce poème par une photo de Joe Bousquet cloué dans son lit de douleur mais, prise d'une subite crise d'aquoibonisme, j'y avais renoncé ... pour toi, la voici, Cachemire ...
Ah non, Constance, pas d'aquoibonisme , on lit et on apprécie! Et merci!

Victor Hugo, donc, L'Année terrible, A ceux qu'on foule aux pieds :






Oh ! je suis avec vous ! j’ai cette sombre joie.
Ceux qu’on accable, ceux qu’on frappe et qu’on foudroie
M’attirent ; je me sens leur frère ; je défends
Terrassés ceux que j’ai combattus triomphants ;
Je veux, car ce qui fait la nuit sur tous m’éclaire,
Oublier leur injure, oublier leur colère,
Et de quels noms de haine ils m’appelaient entre eux.
Je n’ai plus d’ennemis quand ils sont malheureux.
Mais surtout c’est le peuple, attendant son salaire,
Le peuple, qui parfois devient impopulaire,
C’est lui, famille triste, hommes, femmes, enfants,
Droit, avenir, travaux, douleurs, que je défends ;
Je défends l’égaré, le faible, et cette foule
Qui, n’ayant jamais eu de point d’appui, s’écroule
Et tombe folle au fond des noirs événements ;
Etant les ignorants, ils sont les incléments ;
Hélas ! combien de temps faudra-t-il vous redire
À vous tous, que c’était à vous de les conduire,
Qu’il fallait leur donner leur part de la cité,
Que votre aveuglement produit leur cécité ;
D’une tutelle avare on recueille les suites,
Et le mal qu’ils vous font, c’est vous qui le leur fîtes.
Vous ne les avez pas guidés, pris par la main,
Et renseignés sur l’ombre et sur le vrai chemin ;
Vous les avez laissés en proie au labyrinthe.
Ils sont votre épouvante et vous êtes leur crainte ;
C’est qu’ils n’ont pas senti votre fraternité.
Ils errent ; l’instinct bon se nourrit de clarté ;
Ils n’ont rien dont leur âme obscure se repaisse ;
Ils cherchent des lueurs dans la nuit, plus épaisse
Et plus morne là-haut que les branches des bois ;
Pas un phare. A tâtons, en détresse, aux abois,
Comment peut-il penser celui qui ne peut vivre ?
En tournant dans un cercle horrible, on devient ivre ;
La misère, âpre roue, étourdit Ixion.
Et c’est pourquoi j’ai pris la résolution
De demander pour tous le pain et la lumière.

Ce n’est pas le canon du noir vendémiaire,
Ni les boulets de juin, ni les bombes de mai,
Qui font la haine éteinte et l’ulcère fermé.
Moi, pour aider le peuple à résoudre un problème,
Je me penche vers lui. Commencement : je l’aime.
Le reste vient après. Oui, je suis avec vous,
J’ai l’obstination farouche d’être doux,
Ô vaincus, et je dis : Non, pas de représailles !
Ô mon vieux cœur pensif, jamais tu ne tressailles
Mieux que sur l’homme en pleurs, et toujours tu vibras
Pour des mères ayant leurs enfants dans les bras.

Quand je pense qu’on a tué des femmes grosses,
Qu’on a vu le matin des mains sortir des fosses,
Ô pitié ! quand je pense à ceux qui vont partir !
Ne disons pas : Je fus proscrit, je fus martyr.
Ne parlons pas de nous devant ces deuils terribles ;
De toutes les douleurs ils traversent les cribles ;
Ils sont vannés au vent qui les emporte, et vont
Dans on ne sait quelle ombre au fond du ciel profond.
Où ? qui le sait ? leurs bras vers nous en vain se dressent.
Oh ! ces pontons sur qui j’ai pleuré reparaissent,
Avec leurs entreponts où l’on expire, ayant
Sur soi l’énormité du navire fuyant !
On ne peut se lever debout ; le plancher tremble ;
On mange avec les doigts au baquet tous ensemble,
On boit l’un après l’autre au bidon, on a chaud,
On a froid, l’ouragan tourmente le cachot,
L’eau gronde, et l’on ne voit, parmi ces bruits funèbres,
Qu’un canon allongeant son cou dans les ténèbres.
Je retombe en ce deuil qui jadis m’étouffait.
Personne n’est méchant, et que de mal on fait !

Combien d’êtres humains frissonnent à cette heure,
Sur la mer qui sanglote et sous le ciel qui pleure,
Devant l’escarpement hideux de l’inconnu !
Etre jeté là, triste, inquiet, tremblant, nu,
Chiffre quelconque au fond d’une foule livide,
Dans la brume, l’orage et les flots, dans le vide,
Pêle-mêle et tout seul, sans espoir, sans secours,
Ayant au cœur le fil brisé de ses amours !
Dire : - « Où suis-je ? On s’en va. Tout pâlit, tout se creuse,
Tout meurt. Qu’est-ce que c’est que cette fuite affreuse ?
La terre disparaît, le monde disparaît.
Toute l’immensité devient une forêt.
Je suis de la nuée et de la cendre. On passe.
Personne ne va plus penser à moi. L’espace !
Le gouffre ! Où sont-ils ceux près de qui je dormais ! » -
Se sentir oublié dans la nuit pour jamais !
Devenir pour soi-même une espèce de songe !
Oh ! combien d’innocents, sous quelque vil mensonge
Et sous le châtiment féroce, stupéfaits !
— Quoi ! disent-ils, ce ciel où je me réchauffais,
Je ne le verrai plus ! on me prend la patrie !
Rendez-moi mon foyer, mon champ, mon industrie,
Ma femme, mes enfants ! rendez-moi la clarté !
Qu’ai-je donc fait pour être ainsi précipité
Dans la tempête infâme et dans l’écume amère,
Et pour n’avoir plus droit à la France ma mère ! -

Quoi ! lorsqu’il s’agirait de sonder, ô vainqueurs,
L’obscur puits social béant au fond des cœurs,
D’étudier le mal, de trouver le remède,
De chercher quelque part le levier d’Archimède,
Lorsqu’il faudrait forger la clef des temps nouveaux ;
Après tant de combats, après tant de travaux,
Et tant de fiers essais et tant d’efforts célèbres,
Quoi ! pour solution, faire dans les ténèbres,
Nous, guides et docteurs, nous les frères aînés,
Naufrager un chaos d’hommes infortunés !
Décréter qu’on mettra dehors, qui ? le mystère !
Que désormais l’énigme a l’ordre de se taire,
Et que le sphinx fera pénitence à genoux !
Quels vieillards sommes-nous ! quels enfants sommes-nous !
Quel rêve, hommes d’Etat ! quel songe, ô philosophes !
Quoi ! pour que les griefs, pour que les catastrophes,
Les problèmes, l’angoisse et les convulsions
S’en aillent, suffit-il que nous les expulsions ?
Rentrer chez soi, crier : - Français, je suis ministre
Et tout est bien ! - tandis qu’à l’horizon sinistre,
Sous des nuages lourds, hagards, couleur de sang,
Chargé de spectres, noir, dans les flots décroissant,
Avec l’enfer pour aube et la mort pour pilote,
On ne sait quel radeau de la Méduse flotte !
Quoi ! les destins sont clos, disparus, accomplis,
Avec ce que la vague emporte dans ses plis !
Ouvrir à deux battants la porte de l’abîme,
Y pousser au hasard l’innocence et le crime,
Tout, le mal et le bien, confusément puni,
Refermer l’océan et dire : c’est fini !
Être des hommes froids qui jamais ne s’émoussent,
Qui n’attendrissent point leur justice, et qui poussent
L’impartialité jusqu’à tout châtier !
Pour le guérir, couper le membre tout entier !
Quoi ! pour expédient prendre la mer profonde !
Au lieu d’être ceux-là par qui l’ordre se fonde,
Jeter au gouffre en tas les faits, les questions,
Les deuils que nous pleurions et que nous attestions,
La vérité, l’erreur, les hommes téméraires,
Les femmes qui suivaient leurs maris ou leurs frères,
L’enfant qui remua follement le pavé,
Et faire signe aux vents, et croire tout sauvé
Parce que sur nos maux, nos pleurs, nos inclémences,
On a fait travailler ces balayeurs immenses !

Eh bien, que voulez-vous que je vous dise, moi !
Vous avez tort. J’entends les cris, je vois l’effroi,
L’horreur, le sang, la mer, les fosses, les mitrailles,
Je blâme. Est-ce ma faute enfin ? j’ai des entrailles.
Éternel Dieu ! c’est donc au mal que nous allons ?
Ah ! pourquoi déchaîner de si durs aquilons
Sur tant d’aveuglements et sur tant d’indigences ?
Je frémis.

Sans compter que toutes ces vengeances,
C’est l’avenir qu’on rend d’avance furieux !
Travailler pour le pire en faisant pour le mieux,
Finir tout de façon qu’un jour tout recommence,
Nous appelons sagesse, hélas ! cette démence.
Flux, reflux. La souffrance et la haine sont sœurs.
Les opprimés refont plus tard des oppresseurs.

Oh ! dussé-je, coupable aussi moi d’innocence,
Reprendre l’habitude austère de l’absence,
Dût se refermer l’âpre et morne isolement,
Dussent les cieux, que l’aube a blanchis un moment,
Redevenir sur moi dans l’ombre inexorables,
Que du moins un ami vous reste, ô misérables !
Que du moins il vous reste une voix ! que du moins
Vous nous ayez, la nuit et moi, pour vos témoins ?
Le droit meurt, l’espoir tombe, et la prudence est folle.
Il ne sera pas dit que pas une parole
N’a, devant cette éclipse affreuse, protesté.
Je suis le compagnon de la calamité.
Je veux être, - je prends cette part, la meilleure, -
Celui qui n’a jamais fait le mal, et qui pleure ;
L’homme des accablés et des abandonnés.
Volontairement j’entre en votre enfer, damnés.
Vos chefs vous égaraient, je l’ai dit à l’histoire ;
Certes, je n’aurais pas été de la victoire,
Mais je suis de la chute ; et je viens, grave et seul,
Non vers votre drapeau, mais vers votre linceul.
Je m’ouvre votre tombe.

Et maintenant, huées,
Toi calomnie et toi haine, prostituées,
Ô sarcasmes payés, mensonges gratuits,
Qu’à Voltaire ont lancés Nonotte et Maupertuis,
Poings montrés qui jadis chassiez Rousseau de Bienne,
Cris plus noirs que les vents de l’ombre libyenne,
Plus vils que le fouet sombre aux lanières de cuir,
Qui forciez le cercueil de Molière à s’enfuir,
Ironie idiote, anathèmes farouches,
Ô reste de salive encor blanchâtre aux bouches
Qui crachèrent au front du pâle Jésus-Christ,
Pierre éternellement jetée à tout proscrit,
Acharnez-vous ! Soyez les bien venus, outrages.
C’est pour vous obtenir, injures, fureurs, rages,
Que nous, les combattants du peuple, nous souffrons,
La gloire la plus haute étant faite d’affronts.

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MessageSujet: Re: Coup de coeur et bar de la poésie   Coup de coeur et bar de la poésie - Page 29 EmptyDim 13 Mar 2011 - 18:07

Le poème le plus connu de l'auteur japonais Miyazawa Kenji (1896-1933), originaire de la préfecture d'Iwate, dans le nord du pays, malheureusement à la une de l'actualité en ce moment.

Ame ni mo makezu (Ne pas céder face à la pluie)

Ne pas céder face à la pluie
Ne pas céder face au vent
Ne pas céder face à la neige ou à la chaleur de l’été
Avec un corps solide
Non entravé par le désir
Ne jamais se laisser emporter par la colère
Cultiver une joie tranquille
Chaque jour quatre bols de riz brun
Du miso et quelques légumes à manger
En toutes choses
Se placer en dernier et mettre les autres devant soi
Observer, écouter et comprendre
Et ne jamais oublier
Vivre dans une cabane au toit de chaume
A l’ombre des bois de pins des champs
S’il y a un enfant malade à l’Est
Y aller et le soigner
S’il y a une mère fatiguée à l’Ouest
Y aller et la soulager de son fardeau de riz
Si quelqu’un est proche de la mort au Sud
Y aller et lui dire qu’il ne faut pas avoir peur
S’il y a une dispute ou un litige au Nord
Leur dire de ne pas perdre leur temps inutilement
En temps de sécheresse, verser des larmes d'empathie
Quand l’été est froid, errer bouleversé
Traité d’imbécile par tout le monde
Sans être complimenté
Ni tenu responsable
Telle est la personne
Que je veux devenir


Miyazawa Kenji

(traduction française d'après la version anglaise de wikipédia)


Dernière édition par Nezumi le Dim 13 Mar 2011 - 18:15, édité 1 fois
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