Coup de coeur et bar de la poésie

Sujet: Re: Coup de coeur et bar de la poésie Jeu 21 Nov 2013 - 13:28

Je crois que j'ai compris et c'est Very Happy

(tu l'aimes bien ce petit Corso)

ET DIEU CHASSA ADAM...

Et Dieu chassa Adam à coup de canne à sucre
Et ce fut le premier rhum sur la terre

Et Adam et Eve trébuchèrent
dans les vignes du Seigneur
la sainte Trinité les traquait
mais ils s' obstinaient à chanter
d' une enfantine voix d' alphabet
Dieu et Dieu quatre
Dieu et Dieu quatre
Et la sainte Trinité pleurait
Sur le triangle isocèle et sacré
un biangle isopoivre brillait
et l' éclipsait.

Jacques Prévert : Histoires

Espoir postal Messages : 17 Inscription le : 01/05/2013

Zéno Bianu

Or d’infini

Pas seulement le sable
mais le secret sous le sable
dans la marge des nerfs
pour épeler le cœur
dénombrer l’infini
sur les cahiers du ciel

pas seulement le secret
mais l’or sous le secret
comme le prénom de Dieu
pour déshabiller mes yeux
réciter les pierres
déchiffrer le feu

pas seulement l’or
mais la promesse sous l’or
une langueur d’herbe souple
où je glisse dans l’absolument
dans le pardon de l’air

pas seulement la promesse
mais l’écorce sous la promesse
un froissement de brumes
dans ma voix
un battement de soleils
contre la blessure du monde

pas seulement l’écorce
mais le miroir sous l’écorce
pour voir mon cœur
en copeaux d’horizon
pour voir la nuit
qui brûle

Coup de coeur et bar de la poésie - Page 55 Cw6o

Sujet: Re: Coup de coeur et bar de la poésie Sam 18 Jan 2014 - 16:32

on a joué par terre avec des mots
on s' est pris les yeux parmi leurs jambages
si peu de lettres et tellement de combinaisons
si peu de matière et tant de volume
aucun calcul n' épuise le problème
tantot c' est le souffle et tantot le coeur
il faut à la fin faire avec le vent
sentir une forme dans son passage
planter ses crocs dans le courant d' air
un peu de vie colle à la lèvre basse
la main met du souvenir dans la bouche

Bernard Noel - Poème inédit cité dans La Quinzaine littéraire, n° 1 097

Zen littéraire Messages : 4066 Inscription le : 27/04/2010

.

Le tisserand

J’ai courbé les jets d’eau sur les bassins moirés,
J’ai fait se tordre au mur l’arabesque des vignes,
J’ai strié de clarté les ombres des forêts,
Et de mes doigts neigea la tristesse des cygnes.
J’ai mûri doucement, en des vergers de soie,
Les fruits que me tendaient les automnes passés ;
Entre la tige en fleurs et la branche qui ploie,
De fils d’or et d’argent bien souvent j’ai tracé
La moisson soleilleuse et le fleuve glacé.
Mes yeux m’ont conseillé des images fleuries ;
J’ai conduit la nuance en chatoyants détours ;
Et puis, pour décorer les chambres de ma vie,
J’ai brodé des baisers dans la trame des jours.

Léon Verane

(Extrait de "Le Promenoir des Amis", 1924)

Grand-mère

vieille femme crow avec sa coiffe, qui fouille dans
la décharge
récupère ces morceaux du monde
ni inutiles ni utiles

elle passait des heures dans la hutte à bain de vapeur
en sortait nue et brillante dans le soleil
la vapeur s' élevant de son corps en hiver
comme une lente explosion de chevaux

elle a natté les cheveux de ma soeur de ses mains
qui sentaient
les racines profondément enfouies dans la terre
elle m' a raconté les vieilles histoires

combien le temps n' avait jamais d' importance
quand elle est morte
on m' a donné sa pendule.

Sherman Alexie : Red blues. Poèmes. - Terre d' Amérique/A. Michel

Devenu petit manteau de peau,
tu es resté petit agneau.
Le jour où ma mère t' a racheté
à un Kirghiz centenaire
en échange d' un sachet de sel
et m' a fait la joie de ce cadeau
pour mon septième
anniversaire - ce fut comme
si le souffle de ma mère avait
pénétré tous mes os, comme si
j' avais revetu un vivant soleil...
Les yeux bridés, taillés au
poignard, les jours défilaient
en cortège dans les neiges.
Vetu de ta peau, j' ai créé
mon premier poème
- un bonhomme de neige.
J' étais un pur esprit entre
tes ailes. Transporté hors
de moi. Sept colombes
nimbées de rayons
m' ont ramené à la maison.
Tu m' as accompagné
à travers les ages,
pays et paysages
sur la mélodie de l' enfance
- petit violon chaleureux.
Tu as vu l' étoile polaire
ma griffer la chair...

Avrom Sutzkever, 1913-2010

A la mémoire d' une petite peau d' agneau, extrait d' Aquarium vert.
Trad. du yiddish par Batia Baum. - Ed. Bibliothèque Medem.

Zen littéraire Messages : 5257 Inscription le : 24/02/2008 Age : 43

Je persiste et signe avec Michel Beaulieu dans Trivialités :

Citation :: 62

en glissant d'un oeil sur les résultats
n'ayant quasi rien foutu de l'été
rentré de si peu d'un trop long séjour
en moi-même ça ne se pouvait pas
que non avenus mes chiffres surgissent
de la page et je n'en reconnaîtrai
qu'un seul avant de refermer sur moi
la bulle où tu me confines poème
en me lâchant ces Trivialités
par bribes quand je te voulais entier
mais si je te retrouve chaque nuit
serait-ce au détriment de mon vécu

Zen littéraire Messages : 5257 Inscription le : 24/02/2008 Age : 43

Denis Vanier fut parrainé par Claude Gauvreau à ses débuts en poésie, un peu comme ce dernier l'avait fait pour Paul-Marie Lapointe. Dans le cas de Vanier, nous remarquons un éclectisme thématique et une violente provocation. Dans cette mesure, nous pouvons le considérer comme continuateur des surréalistes, de l'esthétique beat et de la contre-culture...

Nous pouvons voir des extraits poétiques de Vanier sur le web... pour ma part, je vous en livre un qui coule de source...

Citation :: «L'heure avancée»

Chaque seconde je regarde l'heure
celle du temps englouti
dans sa cruelle durée,
sa dureté et son apologie de la déraison
de l'attentat et du désespoir,

le temps respire la poussière
du futur assassiné.

Tiré de L'urine des forêts

FLEURS DE PRUNIER

Que n’ai-je un pinceau
Qui puisse peindre les fleurs du prunier
Avec leur parfum!

Shoha

POEME DE LA SOLITUDE

Ils ne savent pas
ceux qui ne vivent pas seuls
comme le silence fait peur
comme l' homme solitaire se parle
comme il court vers les miroirs
en quete d' un etre vivant.
Ils ne savent pas.

Orhan Veli

Il y a dans ce texte d' un grand poète turc, quelque chose dans le ton qui me fait penser à
Mes Amis : Emmanuel Bove.

Effectivement, il a plein de sens de poème! Bonne journée Bix content

Zen littéraire Messages : 5257 Inscription le : 24/02/2008 Age : 43

bix229 a écrit:: POEME DE LA SOLITUDE

Ils ne savent pas
ceux qui ne vivent pas seuls
comme le silence fait peur
comme l' homme solitaire se parle
comme il court vers les miroirs
en quete d' un etre vivant.
Ils ne savent pas.

Orhan Veli

Il y a dans ce texte d' un grand poète turc, quelque chose dans le ton qui me fait penser à
Mes Amis : Emmanuel Bove.

C'est une perle que tu viens de nous dénicher là, bix229!

bix229 a écrit:: POEME DE LA SOLITUDE

Ils ne savent pas
ceux qui ne vivent pas seuls
comme le silence fait peur
comme l' homme solitaire se parle
comme il court vers les miroirs
en quete d' un etre vivant.
Ils ne savent pas.

Orhan Veli

Il y a dans ce texte d' un grand poète turc, quelque chose dans le ton qui me fait penser à
Mes Amis : Emmanuel Bove.

Bon rapprochement avec Emmanuel Bove...et merci pour ce poème.

Zen littéraire Messages : 4066 Inscription le : 27/04/2010

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Eraflure

L'éraflure est notre lot. Nous voilà superficiels jusque dans la blessure. L'écorché vif n'est plus de mise et la grande douleur se cultive en secret. Tout se raye, crisse et s'écaille sur la chair, la tôle et le bois: partitions de nos maladresses, de nos gestes inaboutis. Où sont les grands iconoclastes et les sublimes destructeurs ? Nous nous griffons les uns les autres, pareils à des enfants malhabiles qui cherchent leur présence au monde en tâtonnant ; mais ce sont des enfants aux ongles encore tendres. La futilité de nos coups de patte est à l'image de nos désirs.

Jean Orizet

(Extrait de Poèmes/ le cherche midi, in Les Riverains du feu/ Une anthologie émotiviste de la poésie francophone/ Le nouvel Athanor)

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