Thomas Vinterberg

Submarino...



Eh bien je vous trouve un poil indulgents. J'ai beaucoup aimé la mise en scène, la photographie et surtout les acteurs. Notamment l'acteur principal qui est impressionnant de présence physique et d'émotion contenue. La construction, avec le flash-back qui donne un sentiment d'action parallèle avant de terminer sa boucle, est sympa et rappelle celle de "En eaux troubles" d'Erik Poppe, et le climat en fait un jumeau des mélodrames de Suzanne Bier.

J'ai par contre trouvé le scénario à la limite de la lourdeur. Il enfonce le clou avec ces traumas à répétition qui finissent par faire un peu trop (on frôle le pathos quand même!) et on voit venir le final à 3 km dès que le frère toxicomane débarque dans l'histoire. On sait bien que son frère finira par avoir la responsabilité du gamin (il faut bien la fameuse "rédemption" ) et à partir de là j'ai trouvé que ça trainait en longueur.

Mais malgré ça, il y a une telle conviction dans la direction d'acteurs qu'on accepte d'être ému. Emu par ce bloc de douleur qui s'effondre (j'ai pensé à "Breahtless" récemment), ces grands yeux d'enfant déjà presque adulte, cette transmission d'un nom qui autorise peut-être un début de libération. Il aurait apporté un peu plus de subtilité à son histoire (adaptée d'un roman), il en aurait fait un film aussi puissant que celui d'Erik Poppe.

La Chasse

Prix Oecuménique Cannes 2012

(Date de sortie?)

Difficile de parler de ce genre de film qu'on peut adorer ou rejeter avec la même intensité. J'aurais pu reprendre ce que j'ai dit de Submarino. J'y retrouve les mêmes qualités et défauts.

C'est un film qui emporte de la première à la dernière image par son intensité dramatique. Aucune seconde d'ennui, c'est tendu, moralement dérangeant, prenant et violent comme un thriller psychologique.

Le sujet est celui de la violence de la rumeur qui contamine toute une communauté autour de la parole d'une enfant dont le spectateur sait dès le départ qu'elle ment. Il est comme le Peter Grimes de Britten un bouc émissaire qui provoque suspicion, méfiance puis violence de la part des autres (mais Peter Grimes reste ambigu du début à la fin). J'ai aussi pensé au roman pour ados de Joyce Carol Oates "Sexy" qui montrait différemment l'effroyable mécanique de la rumeur dans une histoire d'accusation pédophile.

La faiblesse du film repose pour moi sur le manque de subtilité d'un scénario dont on anticipe la plupart des péripéties dont chaque épisode prépare le terrain du suivant avec trop d'évidence. C'est aussi parfois insuffisamment subtil et même s'il évite en partie le manichéisme, par un panel d'émotions et de réactions variées dans la communauté, l'histoire est racontée à gros traits.

Reste qu'il y a des idées fortes et marquantes et que l'émotion essentielle surgit à travers les enfants (la petite fille qui est incroyable jusqu'au malaise, le fils adolescent qui découvre l'horreur de la rumeur). Cet adolescent qui doit "devenir un homme" en entrant dans la confrérie des chasseurs et qui découvre en même temps la cruauté et la lâcheté humaines. Il y a de très belles scènes à travers eux.

Et puis il y a ce final que je ne révélerai évidemment pas (même si la presse ne peut pas s'empêcher de l'évoquer). Il est troublant et intéressant dramatiquement même s'il peut apparaître artificiel car ce qu'il induit potentiellement n'est pas satisfaisant au regard de l'ensemble du film. C'est quand même une dernière image forte qui vient nous asséner un nouveau coup de massue.

A l'arrivée j'ai pris du plaisir à cette Chasse tout en lui trouvant un certain nombre de défauts qui en rebuteront plus d'un.

Je suis d'accord avec cette critique de libé tout en prenant du plaisir au film:

Citation :

Que la propagation de l’infamie sur un homme qui n’a rien fait soit montrée avec vraisemblance, c’est indéniable, mais il y a quelque chose de profondément déplaisant chez ce cinéaste. On a le sentiment qu’il prend en charge une problématique morale qu’il fait semblant d’examiner alors qu’en réalité il se contente d’appliquer avec ruse des recettes manichéennes. On espère que Nanni Moretti sera sans pitié face à un truc pareil et que même Mikkelsen, pourtant très bon, n’aura aucun prix.

Marko a écrit:

La Chasse

Prix Oecuménique Cannes 2012

(Date de sortie?)

(14 novembre 2012

Faut patienter...)

La Chasse

Prix Oecuménique Cannes 2012

J'ai adhéré à 100% !

Les défauts donnés par Marko ne m'ont absolument pas gênés : oui, on sait dès le départ, et au fur et à mesure du film, tous les évènements qui vont subvenir. Oui, il n'est pas original dans sa démonstration, et peut sembler manichéen. Mais... l'originalité et la soi-disant complexité humaine ni toute noire ni toute blanche, si on y prête attention, c'est souvent du chiqué.

Le scénario et l'avancement du film tient. Un rythme dans lequel on entre, on se suspend, tendu. Des scènes sont très dures. Tout repose sur les acteurs, qui sont fabuleux. Leurs regards, leurs expressions, leurs façons de sortir les mots, les noms. Les corps qui se tiennent, s'enveloppent, se touchent, se frappent, se crachent dessus, se courent après.



J'aime cette façon qu'à Thomas Vinterberg de donner corps aux acteurs. Je ne sais pas trop comment l'expliquer, mais dans ce film ça m'a frappé. Ils sont vivants, présents, massifs ou discrets. De la chair sous laquelle bouillonne le sang. Dans la joie ou la tristesse. La colère ou la légèreté.

J'aime ce réalisme qui ne force pas sur un naturalisme social lourdingue, et ces petits côtés poétiques du quotidien avec les scènes de chasse (et pourtant j'aime pas la chasse...), la neige qui tombe, les traits au sol qu'il faut éviter.

J'ai adoré les personnages. Tous. Crédibles. Les voisins de tout le monde. Cette gamine est époustouflante. Tellement jolie, avec ce regard tellement troublant.
Vinterberg sait vraiment capter la perdition, le doute, et les illusions perdues.

Convaincue, ravie, tenue.
Je deviens fan.

Queenie a écrit:

Mais... l'originalité et la soi-disant complexité humaine ni toute noire ni toute blanche, si on y prête attention, c'est souvent du chiqué...

C'est pas faux! Il n'y a qu'à voir l'affaire DSK et en matière de nuance on peut faire mieux quant à la récupération médiatique et sociale qui en a été faite. Un vrai lynchage collectif effrayant sans que personne ne sache réellement ce qui s'est passé. Le film est une bonne démonstration de ce type d'engrenage. Ce qui surprend dans le film c'est toute la dernière partie où chacun fait semblant d'avoir oublié ce qui s'est passé... Une vraie bombe à retardement.

Marko a écrit:

Queenie a écrit:

Mais... l'originalité et la soi-disant complexité humaine ni toute noire ni toute blanche, si on y prête attention, c'est souvent du chiqué...

C'est pas faux! Il n'y a qu'à voir l'affaire DSK et en matière de nuance on peut faire mieux quant à la récupération médiatique et sociale qui en a été faite. Un vrai lynchage collectif effrayant sans que personne ne sache réellement ce qui s'est passé. Le film est une bonne démonstration de ce type d'engrenage. Ce qui surprend dans le film c'est toute la dernière partie où chacun fait semblant d'avoir oublié ce qui s'est passé... Une vraie bombe à retardement.

Le déni c'est salvateur... mais c'est vrai qu'on sent que ça plane, et que ça peut exploser.
Des relations humaines sauvées, mais changées.

La chasse

Un film qui m'a semblé extrêmement pénible...par rapport à l'avis de Marko, je retiens surtout le rejet. La démonstration de Vinterberg cherche à être efficace mais j'ai eu l'impression d'être manipulé du début à la fin. La mise en scène utilise le regard dans le vide de la petite fille puis la figure abattue de Mads Mikkelsen, sans parvenir à donner vie à ces personnages et à offrir une crédibilité à cette description d'une communauté. Je ressens trop de mépris et d'habileté pour être ému par une quelconque réflexion, et les rares traits d'humour m'apparaissent complètement forcés. J'ai de plus été relativement gêné par le rôle systématiquement joué par les femmes (rejetées dans l'ombre, entre lâcheté et hypocrisie), formant un tableau particulièrement sinistre et bien peu convaincant.

Je ne pensais pas qu'on aurait pu trouver le ton du film méprisant, je suis très étonnée.
Et que les personnages paraissent sans vie.

Étrange, parce que je pensais qu'on aurait pu trouver des défauts à ce film, mais je ne m'attendais pas à ceux là.

Tu as été complètement hermétique du coup... ça a du être dur à regarder jusqu'au bout.

J'ai perçu les personnages sans vie car subissant tous les enjeux. La description de la communauté rassemble à mon goût tous les clichés nordiques et jamais Vinterberg ne parvient à faire ressortir l'individu derrière le collectif.
Dur à regarder, pas forcément...au moins c'est un film qui bouscule et pose des questions. Mais je n'ai à aucun moment été convaincu par les thèses du cinéaste.

Queenie a écrit:

La Chasse


J'ai adhéré à 100% !

Les défauts donnés par Marko ne m'ont absolument pas gênés : oui, on sait dès le départ, et au fur et à mesure du film, tous les évènements qui vont subvenir. Oui, il n'est pas original dans sa démonstration, et peut sembler manichéen. Mais... l'originalité et la soi-disant complexité humaine ni toute noire ni toute blanche, si on y prête attention, c'est souvent du chiqué.

Vinterberg n'est pas Cayatte mais, assez clairement, l'on reproche à La chasse les mêmes défauts qu'aux Risques du métier (1967) : une certaine lourdeur dans la démonstration et une prévisibilité de thèse dans la descente aux enfers d'un homme accusé à tort. Soit dit en passant, Mads Mikkelsen est aussi impressionnant que Jacques Brel l'était à l'époque. La chasse est un film qui se vit au premier degré, pourquoi serait-ce un défaut ?, dans l'intensité et l'identification à cet homme dont la passivité a parfois de quoi surprendre. Avec ce lien très fort avec son fils, qui assume la colère du père et en crache la révolte. Il aurait été facile à Vinterberg de jouer sur l'ambigüité de son personnage principal : et s'il était coupable, finalement ? Il ne le fait pas. Même chose pour la communauté qui le rejette illico, Fritz Lang opérait d'une façon identique sans que personne n'y trouve à redire, avec les mêmes ficelles et la même soi-disant absence de subtilité. Beaucoup de détails, en filigrane, ajoutent pourtant à l'intérêt du film, on ne peut plus scandinave dans son atmosphère : l'ironie, la symbolique de la chasse, l'ambiance de Noël, l'absence d'angélisme vis à vis de la parole de l'enfant roi. Bref, il y a du grain à moudre dans La chasse, qui, sans atteindre les sommets de Festen, ramène le cinéaste danois sur le devant de la scène.

Il décante bien et je pense aller le revoir.

traversay a écrit:

La chasse est un film qui se vit au premier degré, pourquoi serait-ce un défaut ?, dans l'intensité et l'identification à cet homme dont la passivité a parfois de quoi surprendre.

Mais oui, c'est ça ! Du total premier degré à suivre à fond l'intrigue, et à faire preuve d'une empathie sans limite.

Citation :

Fritz Lang opérait d'une façon identique sans que personne n'y trouve à redire, avec les mêmes ficelles et la même soi-disant absence de subtilité.

Oh, je n'avais pas du tout pensé à un lien avec Fritz Lang, mais maintenant que tu le dis, ça me semble tellement évident !
Un film frontal, qui est là pour la démonstration, pour assommer de son récit. Qu'on reste écrasé dans son fauteuil.

Vinterberg sera peut-être à Cannes avec son adaptation de Loin de la foule déchaînée de Thomas Hardy. La bande annonce fait redouter un certain académisme mais les amateurs de mélodrames romantiques devraient y trouver leur compte...

Le film sort mercredi. Le magazine LIRE dit que l'adaptation est très réussie, d'une grande beauté formelle et que le film a la grâce. À suivre !