Au fil de nos lectures

ArturoBandini a écrit:

Flaubert - La tentation de saint-Antoine a écrit:

Si tu posais ton doigt sur mon épaule, ce serait comme une traînée de feu dans tes veines. La possession de la moindre place de mon corps t’emplira d’une joie plus véhémente que la conquête d’un empire. Avance tes lèvres ! Mes baisers ont le goût d’un fruit qui se fondrait dans ton coeur ! Ah ! Comme tu vas te perdre sous mes cheveux, humer ma poitrine, t’ébahir de mes membres, et brûlé par mes prunelles, entre mes bras, dans un tourbillon...

Antoine fait un signe de croix.

Ce n'est pas loin du recueil de Gourmont que je lis en ce moment. Ca te plairait. Peut-être.

pia a écrit:

colimasson a écrit:

Pia, ce passage sur Louis XVI est extrait de quel livre de Zweig ?

oui.

Merci

Je reprends un extrait que j'ai pris un peu au hasard dans mon exemplaire usagé du Lieu commun de Bruce Bégout, pages 80 et 81 :

Citation :

Le motel qui n'était ainsi, au début du siècle, qu'un espace de transit pour les touristes motorisés et fortunés devient, par la généralisation de la morale nomade qui l'a produit, le modèle de vie de millions d'hommes et de femmes, pris jour après jour dans la spirale du travail de troisième type : le travail mobile et flexible. Comme les Trailers-Parks avec leurs caravanes Airstream montées sur parpaings, il représente le symptôme d'une nouvelle manière d'être. Une loi d'airain se dégage : la locomotion universelle de l'automobilité affecte tout lieu possible de résidence d'un coefficient d'indétermination. Les bureaux, les maisons, les salles à manger et les chambres, les halls d'aéroport et les stations de métro, tout devient mo(r)tel, aussi froid et vide, aussi pauvre et simple : mêmes meubles en plastique, mêmes formes dépouillées, mêmes atmosphères désenchantées, où plus rien ne constitue un lieu, où plus rien n'a lieu. Plus personne n'a de point d'ancrage auxquels il pourrait se rattacher et se donner alors comme expérience, à savoir comme la traversée (ex-perentia) du réel. Sans lieu véritable pour advenir, l'avoir-lieu s'est retiré dans le souvenir du possible. Cela pourrait être ici ou là, mais cela reste de toute façon quelconque, simple quelque chose en général. Conséquence étrange  du mobilisme universel : où que l'on aille, tout se ressemble et devient identique.

Cette vision du monde fait peur Jack.

Ce fut un voisin qui vint éteindre la lumière du monde. Le gamin était assis par terre, les jambes allongées devant lui avec sa soeur à son côté alors que sa mère se tenait debout, les yeux perdus dans un vague lointain, les bras le long du corps, comme morts, quel enfer que d'avoir des bras et personne à étreindre.


il reste longtemps immobile. De longues minutes s'écoulent. il est sain pour un être humain de se tenir, seul, au creux de la nuit, il s'unit alors au silence et ressent comme une connivence pourtant suceptible de se changer instantanément en une douloureuse solitude.

Entre ciel et terre de Jón Kalman Stefánson

pia a écrit:

Cette vision du monde fait peur Jack.

Pourtant, c'est d'un commun en Amérique. Nous n'avons pas le même patrimoine architectural qu'en Europe. Nous écumons les routes plutôt que les bâtiments historiques. Il commence à y avoir une indifférenciation entre les escales proposées en cours de route. Il faut exercer son regard cela dit.

Louis-Ferdinand Céline, L’église

Citation :

Apprenez Pistil, que depuis la genèse, le grand principe de la morale de ce monde, c’est la production. Les plaisirs sont improductifs, donc les plaisirs sont immoraux, c’est même pour cela que le plaisir est immoral. S’emmerder sur une tâche aride est productif, donc s’emmerder est moral. Les protestants savent s’emmerder mieux que personne au monde, aussi, sont-ils moraux et productifs et dominent-ils le monde.

Citation :

… vous êtes intelligent, ne restez pas en France, allez tenter la fortune en Amérique, à New-York ; ici, le prolétaire intelligent devient révolutionnaire, là-bas, il fait parfois fortune. » C’est ses propres paroles. « Ici, qu’il me disait, vous appartiendrez toujours à la classe si intéressante des huit millions de salariés français qui ne gagnent pas cinq cents francs par mois ; c’est assez pour être patriote, ce n’est pas assez pour bouffer, l’expérience le prouve. Foutez le camp, mon ami, autrement vous allez devenir communiste, ce qui n’est pas non plus une manière de se nourrir. »

Je me prêterai au jeu... :)

Lu dans les premières pages du recueil à la poésie assez ample (et donc contraire à une habitude de lecture adoptée...) :

Citation :

À Londres l'écho des trains annonce
la pluie à rendre sourd
une lune apparaît quand on se blesse au visage
les exécutions sommaires sont réservées
aux rêveurs qui s'injectent de la glaise
on les conduit à grands cris devant l'usine
corbeaux lourds ligotés face à la terre vacillante
on ne lapide plus mais la correction
laisse des traces de mâchoires sur l'asphalte
on cherche dans les enterrements
le passage des oiseaux

Jean-François Poupart, Tombe Londres Tombe, 2015, Montréal : Poètes de brousse, p. 15.

Je me disais que c'était à-propos avec l'angle de lecture adopté sur le fil.

jack-hubert bukowski a écrit:

pia a écrit:

Cette vision du monde fait peur Jack.

Pourtant, c'est d'un commun en Amérique. Nous n'avons pas le même patrimoine architectural qu'en Europe. Nous écumons les routes plutôt que les bâtiments historiques. Il commence à y avoir une indifférenciation entre les escales proposées en cours de route. Il faut exercer son regard cela dit.

Je n'avais pas lu cet extrait comme toi, mais je comprend ton point de vue maintenant.

Pétronille d'Amélie Nothomb.

Celle-ci en état d'ivresse avancé, se révéla vite insurectionnelle. Elle écoutait à peine ce que je lui racontais et répliquait par des commentaires acerbes sur ce qu'elle voyait. Nos échanges ressemblaient à ceux-ci:
-L'un des buts de la vie me parait d'être pompette, la nuit, dans de belles villes.
-Qu'est-ce que c'est que ce ramassis de mégères?
-Il y a des choses à grignoter au buffet mais je ne vous les recommende pas. Ma soeur Juliette dit avec raison...[...]
-Si celle-là continue à me dévisager, je vais lui envoyer mon pied dans la gueule.
-Je n'ai rien contre l'alimentation, mais je pense qu'il faut commencer à diner quand on est plus capable de boire même une gorgée. Ce qui retarde considérablement le moment de se mettre à table.
-Mais vaut-elle que je lève le pied pour ça. j'y crois moyen.
-Il m'est arrivé de tant le retarder que je n'en étais plus capable. Aussi est-il exquis de s'éffondrer d'ivresse sur un sofa voluptueux. Il faut repérer l'endroit où l'on va tomber. [...]
-Je vais lui demander si elle veut ma photo.

Puis...

Le garçon avait apporté des cacahuètes. Ce qui dénotait un curieux sens des valeurs. Autant lire Tourgueniev en écoutant la danse des canards.


Et....

J'ai tendance à boire vite, même quand c'est excellent. Ce n'est pas la pire manière de faire honneur. Le Champagne ne m'a jamais reproché mon enthousiasme, qui ne correspond absolument pas à un manque d'attention de ma part.

on aimerait bien être sa co-vignonne.

Je crois que tu pourrais très bien l'être! Je vous vois bien toutes les deux boire des coups de champagne et parler jusqu'à.... "plus soif" !

Je m'éloigne un peu du In vino veritas, mais pas tant que ça. Retrouvons notre bon Durtal, qui même après conversion au catholicisme n'est pas si serein ...

Huysmans a écrit:

Et pour la centième fois, il se questionnait : « Suis-je plus heureux qu'avant ma conversion ? » et il devait cependant bien, pour ne pas se mentir, répondre oui ; il menait une vie chrétienne en somme, priait mal, mais priait sans relâche au moins ; seulement … seulement … Ah ! ses pauvres demeures d'âme étaient-elles assez vermoulues et assez arides ! Et il se demandait avec angoisse si elles ne finiraient pas, comme le manoir d'Edgar Poe, par s'effondrer subitement, en un jour de crise, dans les eaux noires de cet étang de péchés qui minait les murs !

ça marche facilement sur moi ce genre de petite phrase :

Citation :

Même leur antique jargon espagnol a la légèreté de la langue mystérieuse dont doit user le rajah quand il joue avec ses singes.

dans Le Café du coin de Sait Faik Abasıyanık

Une conversation monte d'un compartiment:
-Je vous jure, une fois on était pas encore mariés, elle va m'acheter une chemise, mais elle l'achète pas parce qu'elle connaissait pas ma taille. Puis, à la porte du magasin, d'un seul coup ça lui revient et elle crie à travers toute la boutique: "Quand je l'étrangle, j'ai toujours les mains comme ça!"

Les palabreurs de Bohumil Hrabal

Un autre passage qui a l'air moins drôle mais quelques lignes plus haut c'est tout à fait autre chose.

Je suis dépression, spleen et chien couché, si je me prépare à plonger tête la première contre un mur, ce n'est jamais que tentative toujours remise de voir s'il est possible de vivre autrement que je n'ai vécu, je suis un neurasthénique doué d'une santé de fer,un insomniaque qui ne sombre jamais dans un sommeil de plomb ailleurs que dans le tramway et se laisse emmener jusqu'au terminus....


Quelques lignes plus haut:

Je suis sans cesse sidéré de ce que les gens ne soient pas sidérés que la vie soit si courte [...] je suis arbre feuillu, plein d'yeux attentifs et souriants, en état de grâce permanente et pareil aux machines couplées des hasards et des accidents, quel délice pour une souche ancienne de lancer de jeunes rameaux...

Manuel de l'apprenti palabreur de Bohumil Hrabal