Parfum de livres… parfum d’ailleurs
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 Eric Emmanuel Schmitt - EES

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MessageSujet: Re: Eric Emmanuel Schmitt - EES   schmitt - Eric Emmanuel Schmitt - EES - Page 4 EmptyMar 26 Aoû 2008 - 7:53

Un auteur qui me laissait comment dire indifférente pour cause de battage médiatique trop fort et puis est sorti en film Odette tout le Monde et je me suis laissée tenter. Un pur moment de bonheur, une écriture légère, un moment hors du temps bref une pépite.
Quand à la rêveuse d'Ostende, je m'attendais à mieux, je pensais retrouver le style employé pour Odette.J'ai mis du temps à le lire.
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MessageSujet: Re: Eric Emmanuel Schmitt - EES   schmitt - Eric Emmanuel Schmitt - EES - Page 4 EmptyMar 26 Aoû 2008 - 15:41

scarpeta a écrit:
Un auteur qui me laissait comment dire indifférente pour cause de battage médiatique trop fort et puis est sorti en film Odette tout le Monde et je me suis laissée tenter. Un pur moment de bonheur, une écriture légère, un moment hors du temps bref une pépite.
Quand à la rêveuse d'Ostende, je m'attendais à mieux, je pensais retrouver le style employé pour Odette.J'ai mis du temps à le lire.

Je suis assez d'accord, je m'attendais à mieux.
J'ai lu 'ibrahim et les fleurs du coran' qui est sur le même registre que la vie devant soi d'émile Lajar. Ensuite j'ai essayé d'en lire plusieurs (dont la part de l'autre) mais je n'ai pas accroché.

Je déçois sans doute les fans de cet écrivain .... désolée. honte
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MessageSujet: Re: Eric Emmanuel Schmitt - EES   schmitt - Eric Emmanuel Schmitt - EES - Page 4 EmptyJeu 25 Sep 2008 - 20:58

J'ai fini il y a quelques jours La Part de l'Autre.
L'idée de base du récit est originale mais était tout de même sacrément casse-gueule. L'auteur a réussi son pari avec brio, j'ai été happé par le roman et son propos.
Que se serait il passé si Hitler avait été reçu aux beaux arts ? J'avoue m'être déjà posé la question auparavent et j'ai donc été immédiatement séduit par le roman. Car, après tout, Hitler n'était qu'un homme avec ses défauts et ses faiblesses et non un monstre. Un homme banal, n'ayant rien de particulier, avec ses qualités et ses défauts.
A ce titre, le Hitler "historique" ne m'a pas inspiré de haine dans son roman, seulement une immense pitié. Certes, le personnage est mégalomane et ses actes sont detestables mais je n'ai pas pu le detester, seulement le plaindre.
Quant à Adolf H, le personnage m'est apparu fort sympathique, sauf au début du roman où, imbu de lui même, est particulièrement antipathique. Toutefois, au fur et à mesure qu'il s'adapte socialement et humainement, j'ai ressenti de plus en plus de sympathie pour ce brave homme sur lequel le sort s'acharne, il s'agit simplement d'un homme banal et aux préocupations proches de celles de n'importe qui d'autre, un personnage très humain et touchant à vrai dire.

Bref, j'ai adoré et je compte bien lire d'autres romans de ce monsieur.
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MessageSujet: Re: Eric Emmanuel Schmitt - EES   schmitt - Eric Emmanuel Schmitt - EES - Page 4 EmptyJeu 2 Oct 2008 - 19:22

Je viens de lire Oscar et la dame en rose": j'ai adoré. Un livre plein d'humour, de tendresse et avec simplicité il pose des questions importantes sur la vie.

Par contre je suis complètement déçue par Odette tout le monde, je l'ai abandonné après quelques pages humeur
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chrisdusud
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MessageSujet: Re: Eric Emmanuel Schmitt - EES   schmitt - Eric Emmanuel Schmitt - EES - Page 4 EmptyDim 23 Nov 2008 - 17:19

Je viens de terminer "Lorsque j'étais une oeuvre d'art".
L'histoire résumée : Un jeune homme (Tazio) au bord d'une falaise souhaite se suicider. Un artiste est là et lui propose un marché : devenir propriété de l'artiste pour en faire un chef-d'oeuvre. Tazio accepte et et après une série d'actes chirurgicaux qui transforme completement son corps , il devient mondialemnt connu en tant qu'oeuvre d'art. Mais Tazio tombe amoureux, veut revendiquer sa part d'humanité et reprendre sa vie...
Il s'agit d'une sorte de conte original même si on pense rapidement à Faust. J'ai bien aimé cette histoire assez délirante qui se lit facilement.
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MessageSujet: Re: Eric Emmanuel Schmitt - EES   schmitt - Eric Emmanuel Schmitt - EES - Page 4 EmptyVen 2 Jan 2009 - 20:47

"Ulysse from Bagdad"



L'Antiquité grecque, avec ses mythes et ses personnages légendaires, revient à la mode depuis quelques temps chez nos auteurs contemporains : Laurent Gaudé revisite le mythe d'Orphée avec « La porte des Enfers », Vincent Delecroix consacre un ouvrage au plus grand héros de la guerre de Troie avec son « Tombeau d'Achille » et – jusque dans le domaine de la science-fiction – Dan Simmons réinterprète l'Iliade avec sa décevante dilogie « Ilium - Olympos ».

Et voici qu'Eric-Emmanuel Schmitt se prend lui aussi au jeu en remettant au goût du jour « l'Odyssée », nous faisant ainsi partager le destin et les aventures d'un Ulysse du XXIe siècle.

Le personnage qu'il met en scène, pourtant, n'est pas grec et n'est pas natif de la petite île d'Ithaque. Non, ce moderne Ulysse est irakien et a grandi à Bagdad. Il s'appelle Saad Saad, est âgé d'une vingtaine d'années, et n'a connu jusqu'ici que le régime de terreur instauré par Saddam Hussein.

Chez les Saad, une famille de la classe moyenne, on s'accomode tant bien que mal du régime dictatorial en faisant en sorte de ne pas trop se faire remarquer des autorités. Le père, bibliothécaire, féru de littérature, cache dans sa cave des ouvrages proscrits par le régime et qu'il préserve ainsi de la destruction.
Saad grandit dans un appartement, seul garçon au milieu de ses quatre soeurs, chéri par ses parents.
Les années passent, sous le regard omniprésent du dictateur dont les portraits s'étalent dans toutes les rues, toutes les boutiques, toutes les administrations.

Vient l'année 1990 et l'invasion du Koweït, puis la riposte occidentale et les années d'embargo. Ce blocus, destiné à faire plier le tyran ne sera en fait une punition que pour la population de ce pays, population qui verra s'amenuiser la nourriture, les médicaments et toutes les commodités permettant de vivre décemment.

Au cours de ces années, devenu étudiant, Saad – ulcéré par la déliquescence de son pays, la corruption galopante, la cruauté et l'indifférence de Saddam Hussein envers son peuple – va intégrer un petit groupe d'amis – étudiants eux aussi – qui s'opposent – de manière bien inoffensive et bien naïve – à la politique du chef de l'État Irakien. C'est au sein de ce petit groupe qu'il va rencontrer celle dont il va sans tarder tomber éperdument amoureux: Leila.

Puis arrive le 11 septembre 2001, immédiatement suivi par la guerre en Afghanistan d'abord, puis l'invasion de l'Irak par les forces américaines.

Pauvres irakiens ! Eux qui pensaient être délivrés du joug du tyran et connaître enfin la paix, se trouvent plongés dans le chaos de cette après-guerre qui a laissé place au terrorisme et aux exactions de toutes sortes. Saad et sa famille vont connaître l'horreur lorsque leur père mourra sous les balles américaines suite à un dramatique malentendu. Puis le jeune homme touchera le fond du gouffre lorsqu'il découvrira que l'immeuble dans lequel vit Leila a été pulvérisé.
Que faire ? Voici Saad devenu responsable de sa mère et de ses quatre soeurs devenues veuves au cours des années, et des enfants de celles-ci qui n'ont plus de pères.
L'Irak n'est plus que ruines. Comment vivre dans cette géhenne ? Comment assurer la subsistance de sa famille ?

Une seule solution s'impose : Partir. Gagner l'étranger afin d'y décrocher un travail susceptible d'apporter suffisamment d'argent à envoyer au pays. Ce sera l'Angleterre, cette contrée lointaine et exotique qui faisait tant rêver Leila, grande amatrice des romans d'Agatha Christie.

Saad va prendre la route mais son long périple vers la liberté sera semé d'embûches. Il devra, comme Ulysse, vivre parmi les Lotophages, déjouer les pièges de Circé, résister aux charmes de Calypso et affronter le cyclope Polyphème.

Au bout de la route, peut-être trouvera-t-il la paix, l'oubli et la liberté. Aidé par l'esprit de son père, il devra devenir, comme le héros d'Homère, « l'homme aux mille ruses », afin de franchir les nombreux obstacles qui vont se dresser sur sa route.

Avec ce dernier roman, Éric-Emmanuel Schmitt se penche sur deux douloureux sujets de notre actualité immédiate : le quotidien du peuple irakien pendant et après la dictature de Saddam Hussein, ainsi que le sort dramatique de ceux que les médias nomment « les clandestins », ces hommes, ces femmes et ces enfants qui bravent tous les périls pour fuir la misère et la guerre et atteindre l'Europe, cet Eldorado factice qui s'évertue à les rejeter hors de ses frontières.

J'avoue avoir été captivé par la première partie de ce roman, celle qui se déroule dans cet Irak où plane l'ombre d'un dictateur sanguinaire et paranoïaque, avant que la chute de celui-ci n'entraîne un désordre indescriptible d'où émergeront divisions, violences et terrorisme. L'auteur réussit à nous faire ressentir la chape de plomb qui s'est étendue sur ce pays du fait de la dictature d'une part mais aussi du fait de l'embargo déclaré par les Nations-Unies suite à l'agression du Koweït et de la première guerre du Golfe. L'arrivée des troupes américaines et la chute du tyran est également très bien rendue et rend bien compte de l'atmosphère de confusion qui peut régner dans les esprits lorsqu'un peuple se trouve devant cet étrange sentiment qui est celui de la haine éprouvée contre ses libérateurs.

La deuxième partie, celle de l'exil et du long voyage jusqu'en Europe m'a, par contre, un peu déçu, justement à cause du parti-pris de l'auteur de faire de son personnage principal un nouvel Ulysse.
Les péripéties de Saad confronté à Circé, au cyclope et autres personnages et situations inspirées de l'oeuvre d'Homère, m'ont semblé un peu artificielles, pas toujours nécessaires, et parfois caricaturales. Fallait-il tenter de coller à ce point à l'Odyssée, au risque de se fourvoyer dans des clichés simplistes qui n'apportent rien à une histoire qui s'en serait, en fait, très bien passée.

J'ai par contre éprouvé beaucoup de plaisir à suivre les dialogues qu'entretiennent Saad et son père défunt qui, de l'au-delà, lui prodigue conseils et mises en garde, dialogues tour à tour truculents, drôles et émouvants qui incitent le jeune homme à comprendre le monde et le sens de la vie.

Malgré donc cette petite gêne due à quelques invraisemblances ainsi qu'à une volonté de calquer ostensiblement le périple de Saad sur celui du héros de l'Odyssée, « Ulysse from Bagdad » reste cependant un roman qui se lit avec beaucoup d'intérêt et dont on ne peut se détacher avant de l'avoir terminé. En cela, Éric-Emmanuel Schmitt, cet auteur touche-à-tout, prouve une fois encore qu'il fait partie intégrante du paysage littéraire français, que son oeuvre, parfois inégale, ne peut pas laisser indifférent et que, s'il passionne certains et en irrite d'autres, son talent d'écrivain et de conteur est indéniable.

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MessageSujet: Re: Eric Emmanuel Schmitt - EES   schmitt - Eric Emmanuel Schmitt - EES - Page 4 EmptySam 10 Jan 2009 - 17:54

Pour ma part, je ne connais que Le Libertin. Je dois dire que si j'avais voulu écrire la plus mauvaise pièce possible sur Diderot et l'Encyclopédie, sous couvert de leur rendre hommage ou je ne sais quoi, je n'aurais pas réussi à frapper aussi fort.

On y voit à l'œuvre, quintessenciés, absolument tous les préjugés les plus idiots et les plus aberrants sur le libertinage et le matérialisme athée : on nous montre un Diderot libidineux, incapable de cohérence et de profondeur, qui n'écrit sa philosophie que dans le but de justifier ses contradictions et ses pulsions génésiques, se faisant dicter ses idées par une espionne ridiculement prophétesse, évoluant dans la demeure du baron D'Holbach, réduit, pour sa part, à n'être qu'un inventeur débile de bizarreries inutiles, pendant que toutes la communauté autour d'eux ne pense qu'à foutre ou se faire foutre dans tous les coins et à se goinfrer ignoblement jusqu'à l'indigestion.

E-E Schmitt, ou comment fouler au pied la philosophie en tirant d'une grande entreprise de la pensée un vaudeville minable. Je suis sûr que quand les anti-philosophes, au XVIIIe siècle, ont écrit et fait jouer une pièce contre le parti de Diderot, ils n'ont pas dû réussir de manière aussi éclatante à anéantir et ridiculiser tout ce que la figure du philosophe peut avoir de séduisante et d'intéressante. Franchement, ça m'a donné la nausée. Quand je parlais des "auteurs indigents de notre modernité", pour moi, en voilà un. Du moins pour cette pièce, car je ne connais rien d'autre de lui, et ose espérer qu'il lui est arrivé de faire mieux que...ça.

PS : je suis TRES surpris de voir que ce type à fait une thèse sur Diderot et la métaphysique* !!! Il n'y aurait pourtant pas à aller chercher très loin dans les textes de Diderot pour prouver que sa pièce ne contient que des inepties (et je le ferai, si on me le demande). Je précise que, si je suis remonté, c'est qu'il me semble que la philosophie de Diderot n'est ni très connue ni très estimée du grand public, et que ce n'est certainement pas ce genre d'œuvre qui va contribuer à redorer l'éclat d'un philosophe brillant et passionnant.

* Cela étant, on peut aussi lire sur sa biographie "Agnostique pendant plusieurs années, il est revenu récemment au christianisme." Où comment se rendre soupçonnable de vouloir gâter l'image d'un des athées les plus intelligent du XVIIIe siècle.
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MessageSujet: Re: Eric Emmanuel Schmitt - EES   schmitt - Eric Emmanuel Schmitt - EES - Page 4 EmptySam 10 Jan 2009 - 18:49

Eric Emmanuel Schmitt , c'est l'exemple type de l'écrivain autour duquel se fait toujours un gros battage médiatique, démesuré par rapport à la valeur de ce qu'il écrit...
Mais bon...c'est tout de même mieux que Lévy... content
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MessageSujet: Re: Eric Emmanuel Schmitt - EES   schmitt - Eric Emmanuel Schmitt - EES - Page 4 EmptySam 10 Jan 2009 - 18:59

coline a écrit:
Eric Emmanuel Schmitt , c'est l'exemple type de l'écrivain autour duquel se fait toujours un gros battage médiatique, démesuré par rapport à la valeur de ce qu'il écrit...
Tout à fait d'accord ! Et pourtant, il écrit bien, enfin son style me plaît en tout cas; j'ai juste lu Ma vie avec Mozart, que j'avais bien aimé, mais voilà, sans plus, juste la sensation d'avoir lu quelque chose de léger et bien écrit.

Antisthène, n'hésite pas à continuer ton message sur Diderot, ça m'intéresserait assez car je n'ai pas lu la pièce de Schmitt Wink
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MessageSujet: Re: Eric Emmanuel Schmitt - EES   schmitt - Eric Emmanuel Schmitt - EES - Page 4 EmptySam 10 Jan 2009 - 19:14

F.H : avec plaisir !

coline a écrit:

Mais bon...c'est tout de même mieux que Lévy... content

Honnêtement ? Je ne crois pas. (Du moins, pour la pièce dont je parle). Pourquoi ? Parce que Marc Levy ne se pique pas de mettre en scène des Freud ou des Diderot.

Sur la biographie wikipédia de Schmitt, il est écrit :
Citation :
Les œuvres de Schmitt attirent le public en mettant en scène des personnages historiques célèbres. Il propose des pistes de lecture pour tenter de comprendre leur vie et leurs actes.
Voir de telles contre-vérités sur scène et croire que ce sont autant de pistes de lecture données gracieusement au spectateur pour comprendre Diderot ! Je suis révolté, et je vais essayer vous expliquer mes raisons :

Les pièces de Schmitt sont tout de même largement diffusées : combien de gens qui ne connaissent RIEN à Diderot ou a Freud ont pu voir les inepties qu'il donne à voir à leur sujet ? Ce qu'ils ont pu trouver comme "pistes de lecture" dans la pièce de Schmitt, je ne résiste pas à vous en donner quelques aperçus :

Dans la pièce, Diderot dit, en gros "je ne passerai pas à la postérité car je suis meilleur au lit qu'au bureau". Or, Diderot (le vrai), qui travaillait parfois 12 heures par jour, a écrit : " cette postérité serait bien ingrate si elle m'oubliait tout à fait, moi qui me suis tant souvenu d'elle ".

Dans la pièce, Diderot est présenté comme quelqu'un qui ne pense qu'à jouir sans entrave. Or, quand on lit les Promenades du sceptique, texte dans lequel Diderot convoque plusieurs courants de pensée afin de les confronter les uns aux autres, on constate que le premier courant à être rejeté, avant même les excès du scepticisme radical (ou pyrrhonisme), est justement celui des libertins jouisseurs sans entrave.

Dans la pièce, le frivole Diderot semble prendre l'Encyclopédie par dessus la jambe, puisqu'il renonce à écrire un article "Morale", et veut simplement écrire "Morale : voir Ethique". Alors qu'à Ethique, il est écrit : "voir Morale". Or, le vrai Diderot tenait à l'Encyclopédie plus qu'à tout : quand, au bout de 15 ans de collaboration, il se rend compte que son imprimeur l'a trahi et a censuré des passages de l'ouvrage, Diderot exulte, le qualifie d'"Ostrogoth" qui a "châtré" la philosophie, qui l'a "dépecée, mutilée, mise en lambeaux, sans jugement, sans ménagement, et sans goût". Obligé de continuer de travailler avec lui, il lui lance : "Vous ne savez pas combien de mépris vous aurez à digérer de ma part. Je suis blessé pour jusqu'au tombeau". Drôle de façon de considérer son travail avec frivolité et légèreté !

Enfin, dernier passage, une fois encore pour montrer l'absurdité du Diderot sans mœurs ni morale, car il me faut dire que Schmitt se sert de cette absence présumé de morale pour ridiculiser un Diderot incohérent : dans la pièce, alors qu'il prône ouvertement l'immoralisme pour lui, il veut empêcher sa fille de coucher avec un barbon, celle-ci lui renvoyant alors naturellement ses beaux principes en pleine face. Pour faire justice au philosophe de cette scène stupide, je citerai juste cet extrait de l'Entretien d'un philosophe avec la maréchale de *** :

Citation :
LA MARÉCHALE. - C'est donc vous qui ne croyez à rien ?

DIDEROT. - Moi-même.

LA MARÉCHALE. - Cependant votre morale est celle d'un croyant.

DIDEROT. - Pourquoi non, quand il est honnête homme ?

LA MARÉCHALE. - Et cette morale, vous la pratiquez ?

DIDEROT. - De mon mieux.

[...]

LA MARÉCHALE. - Quel motif peut avoir un incrédule d'être bon, s'il n'est pas fou ? Je voudrais bien le savoir.

DIDEROT. - Et je vais vous le dire.

LA MARÉCHALE. - Vous m'obligerez.

DIDEROT. - Ne pensez-vous pas qu'on peut être si heureusement né qu'on trouve un grand plaisir à faire le bien ?

LA MARÉCHALE. - Je le pense.

DIDEROT. - Qu'on peut avoir reçu une excellente éducation qui fortifie le penchant naturel à la bienfaisance ?

LA MARÉCHALE. - Assurément.

DIDEROT. - Et que, dans un âge plus avancé, l'expérience nous ait con­vaincu qu'à tout prendre il vaut mieux, pour son bonheur dans ce monde, être un honnête homme qu'un coquin ?

Et encore, là, ce ne sont que quelques exemples. Je ne rentre pas dans le détail. Quand on a un large public et une thèse sur Diderot (!), il me semble qu'il convient de faire preuve d'un peu plus de probité intellectuelle. Alors bon, franchement, je préfère encore Marc Lévy. Il écrit peut être moins bien, mais il est sans doute d'une malhonnêteté intellectuelle moins scandaleuse.

Cette pièce, c'est comme prétendre proposer des pistes de lecture pour rendre plus compréhensible l'oeuvre de Heidegger en montrant ce dernier faire des "Sieg Heil" à tour de bras et pratiquer allègrement l'irrumation en faveur de Hitler...


Dernière édition par Antisthene_Ocyrhoe le Sam 10 Jan 2009 - 19:35, édité 5 fois
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MessageSujet: Re: Eric Emmanuel Schmitt - EES   schmitt - Eric Emmanuel Schmitt - EES - Page 4 EmptySam 10 Jan 2009 - 19:21

Citation :
Il écrit peut être moins bien, mais il est sans doute d'une malhonnêteté intellectuelle moins scandaleuse.
Alors là, je pense la même chose! Avec Levy, il n'y a pas tromperie sur la marchandise !
Voir E.E. Schmidt parler de son "oeuvre".. et le lire après, ça laisse rêveur...
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MessageSujet: Re: Eric Emmanuel Schmitt - EES   schmitt - Eric Emmanuel Schmitt - EES - Page 4 EmptySam 10 Jan 2009 - 22:57

Marie a écrit:
Citation :
Il écrit peut être moins bien, mais il est sans doute d'une malhonnêteté intellectuelle moins scandaleuse.
Alors là, je pense la même chose! Avec Levy, il n'y a pas tromperie sur la marchandise !
Voir E.E. Schmidt parler de son "oeuvre".. et le lire après, ça laisse rêveur...

Je suis d'accord avec vous...
Mais je ne connais pas ses pièces sur Freud ou Diderot...Je reste sur des romans que j'ai trouvé si moyens que je ne fais plus attention du tout aux sorties des ouvrages de Schmidt...tous les ans...voire plusieurs en un an quelquefois il me semble...
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MessageSujet: Re: Eric Emmanuel Schmitt - EES   schmitt - Eric Emmanuel Schmitt - EES - Page 4 EmptyDim 11 Jan 2009 - 8:19

Ah! Que vous êtes durs avec E.E.S. Mais je vous comprends. Pourtant, je n'arrive pas à le détester comme Marc L. et Guillaume M. Il est vrai que c'est un véritable "pisse-copie" et que ses romans semblent écrits à la chaîne (il a peut-être des nains lui aussi...)
Bref, je ne le classerai pas dans les auteurs à proscrire comme les deux cités plus haut. Il me fait plutôt le même effet qu'Amélie : pas vraiment mauvais, mais pas génial non plus, avec des romans à lire dans le train ou dans la salle d'attente du médecin. Cependant je reste persuadé que cet homme sait écrire (même si ce n'est pas fabuleux ni transcendant, loin de là) et que ses romans (enfin, ceux que j'ai lus, et ils ne sont pas pléthore) permettent de passer un agréable moment.
C'est de la littérature populaire et je préfère voir une personne avec un roman d'E.E.S dans les mains plutôt qu'avec un L. un M. ou un Bernard W.
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MessageSujet: Re: Eric Emmanuel Schmitt - EES   schmitt - Eric Emmanuel Schmitt - EES - Page 4 EmptyDim 11 Jan 2009 - 12:26

Non mais je suis assez d'accord avec ça. Le Libertin, c'est un vaudeville qui tient la route. Ce qui m'insurge, ce n'est pas la qualité de la pièce ou des dialogues en tant que vaudeville, ce qui m'insurge, c'est que Schmitt fasse de Diderot, d'Holbach et quelques autres des Scapin ou autres M. Perrichon. En soi, la pièce a un bon rythme, et il y a quelques passages qui m'auraient sans doute fait rire si les bouffons que l'on me mettait sous le nez ne s'étaient pas appelés Diderot ou d'Holbach. S'ils s'étaient appelés Dupond et Durant, pourquoi pas ? Cela ne m'aurait pas empêcher de trouver que la pièce véhicule tous les clichés possibles et imaginables sur le libertinage, mais je ne m'en serais pas formalisé à ce point, je me serais contenté de me dire qu'il s'agissait d'un Vaudeville sans conséquence.

Mais là, quand je pense au large public de Schmitt, à l'image fausse et ridicule que sa pièce véhicule de Diderot, là, ça ne passe pas. Le vaudeville devient malhonnête : il fait d'un grand philosophe un clown qui en est presque l'exact contraire. Il réduit Diderot a une caricature de tout ce qu'il n'a pas été, et, qu'en plus de cela, il prétend* - ou certains croient - qu'il faut y voir des pistes de lecture pour comprendre le philosophe ! Tout ce que j'ai voulu montrer, c'est en quoi cela était parfaitement faux et malhonnête. Pour moi, j'y vais fort mais j'assume, c'est carrément un crime envers la mémoire d'un grand écrivain - et sous couvert de lui rendre hommage en plus !

*
Citation :
C'est que, dans l'ensemble de son oeuvre, Le Libertin a un statut un peu particulier. Il y parle d'un personnage historique, sur lequel il a fait sa thèse de doctorat en philosophie. Il n'y a pas une pensée exprimée dans le texte qui ne soit validée par cette connaissance, et pourtant tout est inventé : c'est une vraie création d'auteur dramatique.

Michel Kacenelenbogen (metteur en scène de la pièce de Schmitt), ici.

Après, à un autre niveau, je reconnais toutes les qualités d'écriture et de composition que l'on voudra à M. Schmitt. Simplement, pour moi, il est clair qu'il ne sera jamais plus que le Eugène Scribe du XXIe siècle. Et encore...


Dernière édition par Antisthene_Ocyrhoe le Dim 11 Jan 2009 - 14:29, édité 2 fois
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MessageSujet: Re: Eric Emmanuel Schmitt - EES   schmitt - Eric Emmanuel Schmitt - EES - Page 4 EmptyDim 11 Jan 2009 - 12:37

Antisthene, pour ce qui est du "Libertin" que je nai pas lu, et je me fie entièrement à ton analyse qui est parfaitement argumentée. Pour le reste aussi, on a le droit d'aimer ou de ne pas aimer E.E.S. la critique est salutaire et cet auteur n'est pas exempt de tous les défauts que l'on peut lui attribuer.
Ceci dit, je ne le trouve pas imbuvable (et ce n'est que mon avis) et je ne le mettrais pas non plus au pinacle des auteurs français contemporains. Disons que c'est peut-être pour moi l'un des auteurs les plus "acceptables" dans la catégorie des sur-médiatisés et sur-marketisés du moment, ce qui n'est pas glorieux au vu de l'extrême médiocrité des autres "auteurs" placés en tête des meilleures ventes.
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