Christian Oster

isabus2 a écrit:

PS : Je ne veux pas être impolie avec mon post!

tu ne peux pas être impolie quand tu nous donne tes impressions de ta lecture..
et tu as bien fait! merci.. on n'a pas besoin d'être toujours du même avis, et pas besoin non plus d'être toujours élogieux.. ce forum n'aurait pas de sens dans ce cas

en attendant tes prochains avis de lecture je te souhaite de passer un bon moment avec tes livres

isabus2 a écrit:

PS : Je ne veux pas être impolie avec mon post, dans lequel je ne réponds à aucun post précédent sur les deux romans cités; je ne lis pas les post avant de choisir ou d'écrire, au plus je butine, je papillonne, sinon il me serait difficile (voire impossible) d'écrire.

Je comprends que tu ne lises pas trop les avis avant d'avoir lu toi-même l'ouvrage et d'avoir écrit ton avis... Je fais un peu pareil parfois, pour ne pas être trop influencée.
Par contre une fois fini d'écrire mes propres sensations, je fais un tour sur le fil que je lis avec plus d'attention et trouve parfois une ou deux réponses à faire à certains. Et même des semaines/mois/années après, c'est toujours agréable un dialogue qui naît.

Citation :

Il y a des plumes qui se suffisent à elles même... mais comme me l'a très gentiment conseillé Kenavo , c'est d'écrire mes avis et mes ressentis librement. Ainsi, cette raison explique l'absence de références aux avis (lus à postériori) que je partage par ailleurs sur Oster. Contributive mais décalée.

Oster est plein d'humour, c'est utile de le redire, une manière à lui de ne pas mépriser les petits défauts!

Tu as très bien donné ton avis, à ta façon, et c'est exactement ce qu'il faut. Merci !

C'est avec émotions que je lis vos encouragements. Merci Kenavo et Queenie

Rouler

"J'ai pris le volant un jour d'été à treize heures trente. J'avais une bonne voiture et assez d'essence pour atteindre la rase campagne. C'est après que les questions se sont posées. Après le plein, j'entends." Et voilà, c'est parti, on entre dans le nouveau Christian Oster, Rouler, sans difficulté, bien décidé à le suivre sur les routes de France. Les départementales, hein, parce que les autoroutes, ce n'est pas son truc, on y circule trop vite, on ne voit pas le paysage et, surtout, on arrive rapidement à destination. Et le narrateur du livre, prénommé Jean, n'en a pas, de destination. Enfin si, Marseille, mais c'est plus la sonorité de ce nom que la ville elle-même qui l'attire. Le voyage sera lent, Jean veut rencontrer des gens (sic), mais n'a pas très envie de communiquer. Dilemme. On est bien chez Oster, confortablement assis au côté du conducteur, mais le charme opère moins que dans ses précédents livres. Est-ce l'impression d'une certaine routine ? Ou plutôt l'absence de cet humour subtil qui fait généralement le sel des romans d'Oster ? A moins que ce ne soit la dépression de Jean, même si le mot n'est jamais écrit, pour des raisons un peu obscures, qui déteint sur le lecteur ? Au fil des pages, Jean semble aller mieux. La preuve, il s'intéresse à nouveau aux seins des femmes. Et il rencontre des personnes qui le font revenir à la vie. Le roman reprend alors des couleurs, le sens du détail d'Oster fait de nouveau mouche et l'on se prend à sourire enfin. Au bout du compte, un livre en demi-teinte, moins brillant que Dans la cathédrale, qui devrait cependant séduire les inconditionnels de l'auteur, parce qu'on y retrouve son style singulier et son art de la description pointilliste.

Rouler

Drôle de récit qui n'en n'est pas vraiment un, où l'on retrouve un héros désoeuvré, uniquement mû par le hasard, et paradoxalement soucieux de menus détails qui semblent être les seules balises dans son escapade, complètement indéterminée en revanche (où trouver les bonnes chaussures, comment se procurer du dentifrice chez le voisin, etc..) Jean n'est attaché à rien (depuis quand? pourquoi?) mais analyse tout. Ses moindres gestes ou pensées de l'instant, il nous les livre tels quels et de là surgit une absurdité et une incongruité drôlissimes.
Exemple, lorsqu'il se prend à nager devant Ségustat:

Citation :

Qu'importe je nageais pour Ségustat, tout en me disant que je n'étais pas obligé de le faire mais que, apparemment, il était passé pour ça et que je ne voulais pas le décevoir

C'est ce qui fait sans doute son charme, car d'intrigue il n'y en a point, et de psychologie encore moins. Les personnages tous aussi bizarres paraissent surgir là que pour nous perdre un peu plus. Alors bien sûr on attend que quelque chose se passe, on guette le moindre sursaut d'intéret, ce qui va le faire enfin réagir, et cette attente nous tient longtemps jusqu'à cette fin quasi burlesque. Et le lecteur de se demander pourquoi tout ça. Personnellement ce Jean m'a touchée, perdu qu'il est dans sa quête restée secrête. Il ressemble à ce Serge croisé dans l'équipée tout aussi insolite de Trois hommes seuls, des types un peu hagards, incertains et peu bavards, mais qui comptent sans se l'avouer vraiment sur le hasard, le moment qui bascule et fait renaître l'étincelle. Ils sont malgré tout bien encore vivants, comme Jean il peuvent s'accrocher à une voix, un sourire, au fil qui les relie à la vie. Et j'aime bien, ça parait terne mais c'est complètement romanesque au fond

Citation :

Une femme était assise à l'autre bout du banc, agée, avec un sac sur ses genoux et des cheveux permanentés, et nous ne nous regardions pas, évidemment, nous avions chacun nos raisons de nous trouver sur ce banc et n'avions pas , visiblement, l'intention, de nous en ouvrir l'un à l'autre. Nous regardions les gens, les vitrines, mais surtout les gens, et j'ai pensé que je les regardais avec elle, que j'en étais au même stade qu'elle, qu'il n'y avait pas tellement de différences entre nous, finalement, excepté qu'elle était vieille, tandis que moi je n'étais pas encore vieux, mais que je m'y préparais, que ce n'était pas si loin que ça, que le petit mètre qui nous séparait sur ce banc n'était guère plus long que les années qui nous tenaient à distance l'un de l'autre, que j'aurais aussi bien pu la rejoindre dans le temps, que ça ne modifierait pas excessivement les choses. Puis j'ai pensé que non, que j'étais vivant, que la vie en moi travaillait, en somme, travaillait encore et souterrainement, et que je la guettais, au sortir de son trou, mais qu'elle ne ressemblerait pas à ce que j'avais connu, que peut-être même c'était maintenant qu'elle surgissait, et qu'en effet je ne la reconnaissais pas. C'est pour cette raison que je n'ai pas bougé de mon banc, je crois, avant un long moment, pour voir si je m'habituais, mais le banc était dur et j'ai fini par me lever.

En ville

Citation :

Quelques jours après le dîner au cours duquel cinq amis ont fixé la destination de leurs vacances d’été, des événements parfois ambigus viennent perturber leur existence : Georges (qui vient d’être quitté) tombe amoureux, William (qui habite en face d’un hôpital) fait une embolie pulmonaire, Paul et Louise envisagent de se séparer (mais pas avant la fin des vacances) et Jean apprend qu’il attend un enfant (d’une femme qu’il n’aime pas). Le projet de départ n’en est pas moins maintenu, auquel on n’ose plus trop faire allusion.

Après avoir taillé la route dans Rouler, Christian Oster fixe son nouveau roman dans Paris, même s'il y est beaucoup question d'un projet de voyage. Cette fois, l'auteur photographie en gros plan les agissements et surtout les pensées, les deux forcément contradictoires, d'un petit groupe d'amis qui se retrouvent régulièrement dans la capitale. Il y a des scènes à la Sautet dans le livre mais mitonnées à la sauce Oster avec un style marabout de ficelle où le coq à l'âne se substitue au coq au vin. Le ton pourrait être à la comédie, certaines formules valant leur pesant d'hilarité, avec une pointe d'absurdité réjouissante (l'un des personnages n'est pas très tenté de se rendre à Malte parce qu'il n'aime pas son drapeau). Seulement, les héros d'En ville ne sont plus de prime jeunesse, leur vie sentimentale est bancale et ils sont parvenus à un âge où toute décision sonne comme un acte définitif. Oui, même une destination de vacances ! Ce petit monde d'irrésolus et de déboussolés est étudié à la loupe par l'entomologiste Oster. Le livre n'a pas le dynamisme de Dans la cathédrale, par exemple, mais avec ses longues phrases et ses dialogues métaphysiques, dépourvus de la ponctuation habituelle, le charme diffus et amer de l'écriture finit par opérer. Tout cela n'est guère optimiste en définitive, mais la mélancolie vaut toujours mieux que la tristesse d'existences indécises.

merci pour ton commentaire, je sais que je ne vais pas pouvoir dire non à ce livre... j'aime bien suivre cet auteur...

kenavo a écrit:

merci pour ton commentaire, je sais que je ne vais pas pouvoir dire non à ce livre... j'aime bien suivre cet auteur...

Tu verras, je trouve qu'il est de plus en plus pessimiste. Et s'il y a un personnage principal, le narrateur, j'ai bien aimé qu'il décrive ce groupe d'amis avec un art de la psychologie qui est assez étonnant. C'est aussi un livre sur Paris. Ce pourrait être du Woody Allen triste. Enfin presque.

hm.. Woody peut récompenser pour le côté pessimiste.. je vais voir cela de plus près, bien qu'il ne se trouve pas dans mes priorités de tout de suite

Trop de projets de lecture tuent la lecture.. je me suis donc promis pour 2013 de ne pas sauter sur toutes les nouveautés et lire d'abord ce que j'avais envisagé

-En ville-

Plaisir de retrouver Oster, sa plume malicieuse, pertinente, un peu plus désenchantée cette fois, qui capte d'emblée ou peut rebuter tout autant.. Ici on retrouve les pensées quotidiennes (et particulièrement drôlissimes) de Jean, la cinquantaine bien sonnée, célibataire tiraillé entre des décisions qui le dépassent et pour lesquelles il s'en remet souvent au hasard. De ce projet de vacances avec des amis qu'il ne connait finalement que mal, au choix d'un appartement (avec vue ou sans, coloc ou pas) à son acceptation de paternité, jusqu'au simple dilemme de tenir la main d'un alité, tout est prétexte à réflexion, sur la vie, l'amitié, le rapport à l'autre, le temps qui passe et l'importance donnée à toutes ces choses.

Tout comme ses précédents héros, Le Jean de La cathédrale ou le Serge de Trois hommes seuls, ce sont des êtres plutôt fragiles sous leur carapace de solitaires. Incertains, peu bavards, ils s'en remettent finalement au destin, incapables qu'ils sont de prendre l'initiative, dans l'attente du moment qui bascule et fait renaître un soupçon d'étincelle. (comme le suggère l'auteur dans ce rapport assez trouble et porteur d'espoir envers Louise, surtout à la fin) On s'amuse beaucoup à l'évocation de ses questionnements. Que le contexte soit grave ou platement anodin, Oster s'interroge finalement sur tout, et ses petites divagations de l'âme touchent car sous l'incongruité et l'absurde, se devinent les doutes d'un homme vieillissant, ceux qui s'imposent lorsque la mort de proches ou la venue d'un enfant viennent chambouler la donne.

J'ai passé un très bon moment à suivre Jean, il est devenu un peu mon ami. J'ai beaucoup ri aussi ( la mèche de Georges qui le tracasse, ou les blonds entretenus du Touquet, ça va me rester!) et son roman m'a donné une furieuse envie de me retrouver le long de la Seine, attablée à ces terrasses de cafés d'un Paris qu'il décrit si bien. Un récit tout simple pour un auteur somme toute complexe. Un de mes favoris de cette liste Inter

Aeriale a écrit:

J'ai passé un très bon moment à suivre Jean, il est devenu un peu mon ami. J'ai beaucoup ri aussi ( la mèche de Georges qui le tracasse, ou les blonds entretenus du Touquet, ça va me rester!)

J'imagine

Oh oui, c'est très drôle parfois! Si j'avais le courage je recopierais certains morceaux, mais je repasserai avec le bouquin..

Par contre il a un style particulier, avec des dialogues insérés dans la narration, des "ai-je dit", "m'a t'il répondu", etc .. Et cela rebute certains! Tu devrais essayer ceci dit Kannskia, car il se lit rapidement

Aeriale a écrit:

Tu devrais essayer ceci dit Kannskia, car il se lit rapidement

Je vais me laisser tenter (encore).

Rouler

On ne sait pas vraiment pourquoi Jean quitte Paris un beau jour pour une fugue baladeuse, qui, via l'Auvergne, le mène vers le Sud, direction Marseille - ou peut-être ailleurs. Une soif du silence, de solitude et de paysages, en tout cas.
Mais, maladresse, indécision ou actes manqués, Jean n'échappe pas à un enchaînement de rencontres de hasard mi-agaçantes, mi-rassurantes.

Christian Oster nous raconte cette histoire qui frôle souvent l'absurde d'un ton distant et sec qui fuit les effets de style, et j'ai traversé cette lecture un peu comme Jean traverse la piscine :

Citation :

j'ai couvert une dizaine de longueurs, que j'ai comptées, et, dès la septième, j'ai retrouvé cette sensation d'ennui caractéristique de la nage dans un espace fermé, identique, j'imagine, à celle que font naître toutes les activités qui miment le déplacement, comme le vélo d'appartement, et où la conscience aiguë d'être privé de destination se combine avec celle, plus souterraine, que le temps n'y changera rien et que par conséquent, même quand il sera écoulé, selon la limite qu'on se sera fixée, on ne sera toujours arrivé nulle part.