Christian Boltanski

Citation :

Christian Boltanski est un plasticien français, né le 6 septembre 1944 à Paris. Photographe, sculpteur et cinéaste, connu avant tout pour ses installations, il se définit lui-même comme peintre, bien qu'il ait depuis longtemps abandonné ce support.

En couple avec l'artiste Annette Messager, Boltanski est aujourd'hui reconnu comme l'un des principaux artistes contemporains français. Il enseigne à l'École nationale supérieure des beaux-arts de Paris. Il vit à Malakoff.

Il est le frère du sociologue Luc Boltanski.

Né d'un père juif d'origine russe et d'une mère corse chrétienne1, Christian Boltanski est resté marqué par le souvenir de l'Holocauste. Il commence à peindre en 1958, à l’âge de 13 ans, alors qu’il n’a jamais connu de véritable scolarité ni suivi de formation artistique au sens traditionnel du terme. La plupart des tableaux qu’il réalise sont en majeure partie de grands formats représentant des personnages dans des circonstances macabres ou encore des scènes d'histoire. Il a fait des photographies en noir et blanc en partenariat avec Marc Domage.

Boltanski s'éloigne de la peinture à partir de 1967 et expérimente l'écriture, par des lettres, des installations ou des dossiers qu'il envoie à des personnalités artistiques. Il intègre à son œuvre des éléments issus de son univers personnel, et sa propre biographie, réelle ou imaginaire, devient le thème principal de son œuvre.
source wikipédia

Je viens d'écouter cette émission récente où Boltanski parle de lui et de son œuvre
Hors champs du 06/09/2013 avec Boltanski

Monumenta 2010 : Personnes

Citation :

Il s'agit d'une installation visuelle et sonore. 69 espaces rectangulaires sont alignés sur trois rangées le long de la nef ; chacun de ces espaces est recouvert de vêtements posés à plat au sol, face contre terre. Au centre de la nef se trouve une montagne de vêtements ; à son sommet, un grappin prélève quelques-uns de ces vêtements, les soulève dans les airs avant de les relâcher. Dans tout l'espace, des haut-parleurs diffusent l'enregistrement des battements de cœurs, évoquant aussi le bruit des trains sur leurs rails.
source wikipédia

Parmi ses thèmes de prédilection : la mémoire, l'oubli, le hasard, la mort aussi. Il collectionne. les photos de suisses morts, les photos de bébés à 1 jour parus dans le journal, les battements de cœur sur l'île de Teshima, les enregistrements vidéo des moindres faits et gestes dans son atelier diffusés dans une caverne de Tasmanie.
Son oeuvre m'interpelle.

Il y a quelque chose qui m'échappe... A l'époque de Monumenta, j'avais pensé qu'un tas de vêtements dans le 8° arrondissement de Paris, c'est de l'art, alors qu'un tas de vêtements près de chez moi, c'est chez Emmaüs...

J'ai vraiment du mal avec ce genre d'installation qui se veulent "art" : je veux dire : si je fais un tas de chaussettes dans ma chambre, est-ce de l'art ? Si Boltanski diffuse des vidéos de son atelier dans une caverne de Tasmanie ce sera de l'art... mais si moi je filme mon séjour et que je le projette dans une caverne creusée au Pôle Sud, est-ce que ce sera de l'art ?

Est-ce que cette forme d'art contemporain réside-t-elle dans l'intention, alors que l'art des années/siècles précédents résidait aussi (et principalement ?) dans le résultat ?
Et serait-ce donc pour ça que je ne la comprends pas, parce que je n'ai pas écouté/lu les explications ?

Mais je suis peut-être un vieux rétrograde complètement hors du coup, c'est bien possible. A un tas de vêtements, je préférerais toujours un bon Gauguin, je crois (par exemple). Le tas de vêtements, je peux le faire, le Gauguin, non. Parce que je ne suis pas un artiste.
Mais, je répète, il doit me manquer quelque chose, une clef de lecture, un chromosome...

@Shéhérazade
Tu as raison car il touche au plus profond de notre humanité.
Comment ne pas réagir?
Je suis également fort impressionnée par sa "bibliothèque des cœurs"

eXPie a écrit:

Il y a quelque chose qui m'échappe... A l'époque de Monumenta, j'avais pensé qu'un tas de vêtements dans le 8° arrondissement de Paris, c'est de l'art, alors qu'un tas de vêtements près de chez moi, c'est chez Emmaüs...

J'ai vraiment du mal avec ce genre d'installation qui se veulent "art" : je veux dire : si je fais un tas de chaussettes dans ma chambre, est-ce de l'art ? Si Boltanski diffuse des vidéos de son atelier dans une caverne de Tasmanie ce sera de l'art... mais si moi je filme mon séjour et que je le projette dans une caverne creusée au Pôle Sud, est-ce que ce sera de l'art ?

Est-ce que cette forme d'art contemporain réside-t-elle dans l'intention, alors que l'art des années/siècles précédents résidait aussi (et principalement ?) dans le résultat ?
Et serait-ce donc pour ça que je ne la comprends pas, parce que je n'ai pas écouté/lu les explications ?

Mais je suis peut-être un vieux rétrograde complètement hors du coup, c'est bien possible. A un tas de vêtements, je préférerais toujours un bon Gauguin, je crois (par exemple). Le tas de vêtements, je peux le faire, le Gauguin, non. Parce que je ne suis pas un artiste.
Mais, je répète, il doit me manquer quelque chose, une clef de lecture, un chromosome...

Il ne te manque rien rassure toi.
La sensibilité de chacun est différente.
Soit quelque chose résonne (et ne raisonne pas) avec ta mémoire soit tu y vois un tas de chaussettes.
On pourra raisonner (et non résonner) de la même façon sur une autre œuvre.

Je suis d'accord avec toi Expie. Apparemment, c'est oppressant et angoissant de se retrouver au milieu d'une œuvre de Boltanski. Il y a quelque chose qui nous dérange (ou pas à vrai dire, je n'ai pas vu en vrai donc ne sais pas.) et ce serait ça qui contribuerait à dire que c'est de l'art par rapport à un empilement de chaussettes chez soi mais peut-être peut-on faire du Boltanski si on se met à collectionner les chaussettes d'une certaine façon.. ou si elles ont une histoire particulières ou justement rien de particulier, qu'elles symbolisent juste ceux à qui elles ont appartenues et qui sont eux absents et anonymes.
Il explique même dans son interview que le seul fait de savoir que quelque part dans le monde il y a les archives du cœur est de l'art, même si on ne s'y rend pas.
Mais je reste d'accord avec ce que tu dis dans le sens où au Monumenta 2008 par exemple de Richard Serra où il entrepose des immenses plaques d'acier, ça ne m'interpelle pas.
Il se trouve que Boltanski par son approche, parce qu'il interroge l'oubli, la mémoire, la mort, me parle davantage que Gauguin qui, peut-être parce que je n'y connaît rien me laisse froide.

eXPie a écrit:

si je fais un tas de chaussettes dans ma chambre, est-ce de l'art ?

Ca peut.. Après, difficile à dire si tu vas pouvoir le vendre..Je ne voudrais pas te laisser trop d'espoir.

Une petite lecture pour Expie  
Découvrir et comprendre l'art contemporain

Sommaire:

Citation :

Je me sens désemparé devant les oeuvres contemporaines !
Mais où est le sujet ?
Ce ne sont que des taches !
Je n'y vois que du bleu !
Pourquoi une telle rupture dans l'art au début du XXe siècle ?
C'est n'importe quoi cet urinoir !
Il n'y a plus que le concept !
Mais pourquoi emballer un pont ?
Ce n'est même pas beau !
Mais c'est un dessin d'école primaire !
L'art actuel est-il décadent ?
Peut-on faire de l'art avec tout ?
Comment ça s'appelle ?

Vu à Nantes (avec animal et nezumi qui pourront peut-être en dire plus), un 'fragment' de Boltanski. J'avoue que l'homme m'intrigue, pour ce qu'il dit de l'Histoire à travers les histoires... Je l'ai découvert dans l'émission Des mots de minuit, je l'avais trouvé touchant, troublant, intéressant, j'étais assez curieuse de voir en vrai. La minuscule intervention de Boltanski dans l'Oratoire de Nantes a été (parmi d'autres œuvres) celle qui m'a retenue. Etrange manière de parler des absents. Etrange façon de leur rendre hommage. A travers des ampoules qui luisent comme des guirlandes, à travers des visages anciens dont on devine pour certains à quel point l'enfance a dû s'ouvrir sur des souffrances, Boltanski raconte des dizaines d'histoires, certaines sont dures car les visages sont abîmés, d'autres sont simples... A chacun de donner un sens, à chacun de laisser libre cours à ses envies, ses désirs, ses narrations.

Une belle manière de parler du temps qui passe...

 

Je serai très curieuse de voir d'autres choses de ce plasticien qui raconte des histoires tout en parlant d'Histoire....

il y avait de drôles de trucs (bruyants) dans cette chapelle, huhu...

tu ne l'aurais pas indiqué je n'aurais pas fait le rapprochement. Devant les portraits il y a une forme de doute, de distance aussi, un rapport à l'inconnu certainement, le pressentiment de la tragédie peut-être ? Je ne sais pas ce que ça donne en "grand" comme rapport démultiplié et les renvois au macabre de masse.

à froid, devant une installation ( ?) comme celle de Nantes j'avoue que j'ai du mal à aller vers l'œuvre, à y plonger, à imaginer des histoires. Si je me souviens à peu près ce sont les portraits d'une classe de la fin des années 60 ? peut-être le rapport à la fiction (l'appel d'une fiction négative) joue-t-il un rôle dans la distance que l'on peut vouloir garder.

Une grande expo Boltanski au MAC du Grand Hornu près de Mons pour l'ouverture de Mons 2015 capitale de la culture. Je vais vite aller voir ça. En plus l'endroit est fantastique. À coupler avec l'expo Van Gogh au Borinage au BAM. Vive Mons!

LIEN

Et bien bonnes expos! Profites bien de ta journée à Mons. Je ne connais pas la ville.

Boltanski a donc investi tout l'immense espace du MAC's au Grand Hornu (un lieu magnifique qui vaut à lui seul la visite). Il attache toujours de l'importance au lieu de chaque  exposition et à son histoire. Le Grand Hornu était un centre minier avec ses corons et son usine à charbon. Cela lui permet de rendre hommage aux mineurs qui travaillaient ici et qui sont morts depuis. Il y transpose ses obsessions et thèmes de prédilection habituels autour de la Shoah et plus généralement sur la condition humaine.



Le parcours de cette expo qui s'intitule La salle des pendus nous fait découvrir différents espaces qui racontent l'histoire du lieu, constituent une sorte de mémorial au rythme des pulsations cardiaques enregistrées par les visiteurs (les morts et les vivants entrant en connexion intime en quelque sorte) et symbolisent une forme d'impressionnant Memento Mori.



L'image ci-dessus fait penser à la fois à une figure christique, au noir du charbon, à ces manteaux que les ouvriers suspendaient avant de descendre dans la mine ou à un vêtement quotidien de n'importe quel individu. Ces manteaux ressemblaient effectivement à des pendus, d'autant plus que ceux qui mourraient dans la mine ne remontaient pas et que leur manteau restait donc dans les airs une fois les autres redescendus.

Il y a une flèche dessinée par les néons autour du manteau qui peut faire envisager une issue vers un au-delà potentiel, un espoir, mais son reflet autorise une interprétation opposée en conduisant vers l'abîme ou le néant. Qui y a-t-il après la mort? Vers quoi nous dirigeons nous? Dans quel but?  



La salle suivante est la salle des pendus à proprement parler. Elle évoque en même temps des fantômes ou des passants répétant inlassablement les mêmes rituels quotidiens (métro, boulot, dodo) de façon monotone et implacable. On pense aussi aux camps de concentration avec l'idée d'entrer dans un espace menaçant et de cheminer vers la mort.



Après une pièce qui montre des manteaux entassés dans des wagonnets, comme on en voit dans une mine, le spectateur se retrouve devant cet immense tas de vêtements qui évoque autant un terril (qui est un monticule constitué des déchets du charbon) que l'accumulation des objets appartenant aux victimes des chambres à gaz et des fours crématoires. Boltanski ose ce parallèle entre le sacrifice du mineur, le génocide et la condition humaine dans une continuité spatiale et temporelle avec les vivants partageant une même destinée mortelle.



Et après? Il y a la sortie de l'exposition et le retour vers la vie. Il y a aussi les questionnements et les sensations que cette expérience suscite. C'est quand même coloré et plutôt plein d'espoir. A chacun son interprétation.

Il y a 5 ou 6 autres pièces dont une immense salle où sont entreposées des boites en fer avec quelques photos des mineurs qui travaillaient sur ce site. Boltanski a rassemblé tout ce qu'il pouvait trouver sur ces personnes. A chacun d'imaginer ce qu'il y a dans ces boites. Objets, lettres, cendres? Même continuité entre le mémorial de guerre, les urnes d'un cimetière, le mur du souvenir.

On peut enfin enregistrer son propre coeur puisque Boltanski collecte à chaque expo ces traces sonores de la vie de ceux qui traversent ces lieux. Enregistrements qui sont destinés à rejoindre tous ceux collectés à travers le monde dans une île japonaise. Les archives du coeur de l'île de Teshima. Chacun peut donc participer à une oeuvre d'art qui célèbre la fragilité et le côté éphémère de la vie. J'aime bien l'idée qui consiste à relier les uns aux autres, aujourd'hui et hier. Expérience littéralement religieuse qui nous ramène à notre figure christique du début. Chouette expo!