Charlie.
(1980)
Deux étudiants tout innocents s'inscrivent à des tests dirigés par un éminent professeur du département psycho de leur faculté.
Andy est en licence d'anglais, avec un bon niveau, mais pas un rond.
Vicky, la rouquine sympathique, qui vient là pour faire chier son petit copain qu'elle aimerait larguer (le petit copain connaît un peu le professeur, et flippe de ses expériences. Louche déjà)
Wanless, le Savant Fou, surnom qui se murmure dans les couloirs, ce qui fait flipper Andy, quand même, hein, travaille pour La Boîte, un organisme gouvernemental obscur, qui serait aussi peu rassurant que la CIA.
Mais Andy et Vicky se font inoculer dans une presqu'insouciance une drogue aux effets proches du LSD... font connaissance en plein trip, leurs lits côte-à-côte... et alors qu'ils ont des visions de mec s'arrachant les yeux, ont des flashs cognitifs de ce que sont en réalité les mecs en blouse autour d'eux (comme un type du FBI, qu'Andy "voit" tuer puis violer une femme), ils s'aperçoivent qu'ils peuvent communiquer par télépathie... et tombent amoureux l'un de l'autre.
Jolie bluette qui se solde par un mariage et un enfant : Charlie.
Ils évitent de parler de l'expérience passée, et de trop fouiller dans les détails flippants, et se concentrent sur leur gentille vie de famille. Surtout qu'après cette expérience, Andy a développé un talent mental qu'il nomme La Poussée (il se concentre, et pousse les gens à croire tout ce qu'il leur dit), Vicky a des facultés de télékinésie, et Charlie... leur petite fille, pyrokinésiste, allume des feux à distance.
Ils sont surveillés de près. Andy le sent. Le sait.
Un jour, un événement anodin fait que les gens de La Boite flippent et passent à l'acte : ils veulent le père et la gamine (surtout). Commence alors une fuite en avant désespéré pour un mec lambda et sa fille de 7 ans à travers les Etats-Unis.
Le début du livre fonctionne vraiment bien. D'emblée, comme
King sait si bien le faire, on s'attache aux personnages, si gentils, si parfaits, si simples. On les imagine très bien vivant dans la maison d'en face, invitant les voisins aux barbecue, restant discrets tout en étant toujours d'une douce politesse.
Ils sont probablement, aussi, un peu trop gentils. Pas loin de la niaiserie. Surtout face à des situations improbables pour le commun des mortels.
Bref, on a envie de les prendre par les mains et leur trouver une planque.
Les méchants sont méchants. Des tueurs qui obéissent aux ordres, et qui ne réfléchissent par eux-mêmes que lorsque leurs miches risquent de prendre feu. Les chefs sont assoiffés de puissance, jouent leur petit jeu de "c'est qui qu'à la plus grosse", entre le chef de La Boite, Wanless le professeur, Pynchot le psy et Hockstetter le scientifique. Et ne se rendent pas comptent qu'ils foncent droit dans le mur.
Personnage supplémentaire : John Rainbird.
King l'a tartiné d'une gueule pleine de cicatrices et de trous, d'un orbite vide, et d'une fascination obsessionnelle pour la Mort. A planter son regard dans celui de ses victimes pour La voir, sans jamais y parvenir.
Andy et Charlie vont s'en prendre plein la tronche.
Vont croiser un gentil petit couple de vieux fermier loyaux comme l'Amérique de
King sait en faire.
Les gens de La Boite vont croire toucher au but, mais ne vont que permettre à Andy et Charlie de réduire leur organisation en cendre.
John Rainbird va tomber raide dingue amoureux de Charlie (oui, ça flirte plus qu'un petit peu avec la pédophilie) et vouloir en faire son Ultime voyage vers l'au-delà.
Un monde convenu. Des ficelles qu'on voit venir à dix milles kilomètres (sauf, peut-être, un rebondissement tragique sur les derniers paragraphes, et encore que...).
King insiste bien lourdement, donne très vite tous les éléments comme un médium qui te révélerait dans un nuage cotonneux l'avenir de tout ce petit monde. En soufflant bien fort, on voit tout. En choisissant de rester dans le flou, on est tenu par ce système d'indices qui font avancer petit à petit, dans un suspens tourne-pages incontestable.
Reste qu'à un moment (parce que je "savais" comment se passeraient les choses ?), le livre s'attarde, traîne en longueur. A s'enfoncer dans des détails chiants d'un quotidien en suspension. Ça correspond au fond de l'histoire, mais ça dure trop longtemps. C'est répétitif, trop "facile" et caricatural. Et puis, même les personnages tout choupinou qu'on veut voir réunis et sauvés, deviennent lointains, flous.
Puis, ça repart dans plein d'actions, et c'est comme si
King nous tirait violemment sur le bras pour nous précipiter en plein milieu du chaos.
Du bordel apocalyptique dans tous les sens (ça aussi il l'avait annoncé) qui fonctionne complètement sur l'empathie du "Bien fait pour leur gueule", avec tout de même l'inquiétude de la conséquence de tout ça.
Parce que
King met tellement plein de gentille morale et d'humanité dans ses livres, qu'on sent toujours la petite pointe de culpabilité à jouir du spectacle de la gueule massacrée des méchants.
Bref.
Est-ce que j'ai mûri ou vieilli ? Ce
Stephen King ne m'a pas scotchée comme j'ai pu l'être à mes 15-20 ans quand j'avais un bouquin de lui dans les mains.
Reste que c'est plaisant à lire, comme un bon blockbuster avec Harrison Ford, Tom Cruise, Liam Neeson ou Will Smith. Une grosse boite de mm's qu'on dévore avec frénésie jusqu'à l’écœurement, à ne pas abandonner les 3 dernières boules au fond, parce que même si on a mal au ventre, c'est tout de même très bon sous la dent.