Edward Hopper [Peintre]

ça dépend peu-être des sujets ou peintres ? prendre un universitaire "spécialiste" pour auteur n'est pas illogique

kenavo a écrit:

animal a écrit:

le texte du bouquin est positivement pauvre.

dommage.. j'aurais tenté dire que Taschen fasse attention à la qualité du côté image ET texte...

J'ai quand même l'impression que les dernière parutions de Taschen font moins de pages, et qu'il y a moins de texte ; peut-être la qualité du texte a-t-elle diminué aussi... Ils doivent maintenir un prix attractif, et pour ça il leur faut peut-être faire des concessions...
Ce n'est peut-être qu'une impression de ma part, mais je crois que les premiers livres de leur collection à plus ou moins 10 euros étaient beaucoup plus fournis il y a quelques années.

animal a écrit:

ça dépend peu-être des sujets ou peintres ? prendre un universitaire "spécialiste" pour auteur n'est pas illogique

oui.. peut-être.. et je garde quand même souvent le reflexe de m'orienter vers Taschen s'il s'agit d'une première approche - leurs prix sont abordables et souvent après je sais si je veux aller plus loin et peut m'orienter vers d'autres livres, souvent plus chers

eXPie a écrit:

J'ai quand même l'impression que les dernière parutions de Taschen font moins de pages, et qu'il y a moins de texte ; peut-être la qualité du texte a-t-elle diminué aussi... Ils doivent maintenir un prix attractif, et pour ça il leur faut peut-être faire des concessions...

oui, je pense aussi.. et comme je l'ai dit, pour une première approche c'est encore toujours une bonne adresse.. un peintre, ce sont surtout ses images.. le texte vient après

en parlant d'inspiration


jaquette de la bande originale du film The End of Violence de Wim Wenders

Darkanny vient de mentionner l'expo Hopper à Lausanne.. et j'ai envie de revoir des peintures de lui

toujours fascinée par ses couples..


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Sunlight on Brownstones - Summer Evening


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Two on the Aisle - First Row Orchestra

kenavo a écrit:

Claude Esteban, Soleil dans une pièce vide et autres scènes

pour vous donner une idée comment cela se présente:

avec en avant-propos de l'auteur:

Voici donc une suite de scènes, disons de courts récits que ces toiles m'ont proposé, une par une. Avec, peut-être, en dépit d'une approche que j'ai souhaitée fidèle, un peu d'interprétation. J'aimerais qu'on lise ces lignes sans chercher à reconnaître précisément telle ou telle image. Les admirateurs de Hopper, qui sont nombreux, pourront toutefois, s'ils le désirent, se référer aux oeuvres dont je parle.


Entracte

Elle est arrivée avant l’heure de la séance pour être sûre d’avoir une bonne place, juste au premier rang. Les sièges sont confortables. Ce sont de vrais fauteuils, comme on pourrait en avoir chez soi, en velours bleu, avec un accoudoir en bois foncé qui sépare le fauteuil du fauteuil du voisin. Il y a deux fauteuils par rangée, du moins dans la partie latérale, contre le mur de gauche. Au centre, entre les deux allées, il doit y en avoir au moins douze, peut-être plus, mais on n’est pas en mesure de les voir. Cependant on ne peut pas se tromper, c’est toujours ainsi dans les salles de projection. La femme s’est assise à gauche, juste contre l’allée, et il n’y a pas de fauteuils devant elle, puisqu’elle est au premier rang. Elle peut ainsi étendre plus commodément ses jambes, et c’est pour cette raisons, sans doute, qu’elle a choisi cette place, si près de l’écran. La salle est éclairée. On ne distingue pas d’où vient la lumière, mais c’est une lumière blanche brutale, qui accuse les reliefs, qui isole chaque chose comme s’il n’y avait pas d’air autour et que tout devienne dur, les fauteuils, le rideau de scène, le corps de la femme qui est assise. On dirait que l’air est absent ou qu’il est solide, compact, transparent comme un morceau de glace, et qu’il ne bougera jamais plus. Il a vieilli dans la salle, et la salle est vieille, elle aussi, avec cette couleur déteinte sur les murs, cette moquette sur le sol jaune, ou plutôt jaunie par tous les pas des spectateurs, tant d’années durant. Au début, c’était sans doute une salle de théâtre, mais on ne joue plus de pièces de théâtre depuis longtemps dans les petites villes et les théâtres ont été transformés en cinémas. Par habitude, on continue à les appeler théâtres, mais personne ne s’y trompe, on n’y voit plus que des films. On ne saura pas si cette femme aime le cinéma, si elle vient souvent s’asseoir au premier rang. Elle ne le sait peut-être pas elle-même. Elle vient là dans l’attente de quelque chose, quelque chose qui l’arracherait à sa façon de penser, de vivre. Elle sait pourtant que c’est impossible. Elle a vécu en espérant ce moment qui n’est jamais venu, lorsque le cœur bat plus fort, qu’on a envie de sortir dans la rue, dans la lumière du jour, et de marcher vite pour retrouver quelqu’un. C’est peut-être la femme que l’on a surprise, vingt ans plus tôt, toute nue dans le soleil de la chambre, après sa toilette, et qui regardait cette couleur rose saumon sur le mur. Elle a, maintenant, les cheveux courts et d’une teinte différente, mais c’est le même visage en effet, les même yeux tristes, et cette façon de tenir sa tête en avant, comme si elle allait poser son menton sur le rebord d’un de ces appareils qu’utilisent les oculistes. C’est peut-être la femme qu’on avait vue, encore vingt ans en arrière, une très jeune fille alors, avec des cuisses charnues, de jolis bras ronds, et cette masse de cheveux roux qui lui dissimulait le visage. La même femme et une autre. Elle y pense probablement lorsqu’elle se regarde dans la glace de la salle de bains et qu’elle se coiffe. Elle ne se maquille plus. Elle ne ressemble presque plus à une femme. Ce pourrait être un vieux soldat ou un mannequin de carton. Elle pense à tous ces visages qui ont été les siens, maintenant qu’elle n’a presque plus de visage. C’est pour cela qu’elle veut s’asseoir au premier rang, pour que personne ne la reconnaisse, que personne ne la salue, et qu’elle n’ait personne à saluer, elle non plus. Mais à force de s’intéresser à cette femme, on a oublié de mentionner qu’il n’y a pas d’autres spectateurs dans la salle. Qu’elle est arrivée la première, mais qu’elle est aussi la dernière à rester sur son fauteuil. On peut imaginer, bien sûr, que c’est le moment de l’entracte, et qu’elle n’a pas voulu quitter sa place pour quelques minutes, qu’elle se sent mieux sans personne autour. Mais c’est une hypothèse qui ne tient pas vraiment, lorsqu’on réfléchit. Il y aurait au moins des manteaux, un parapluie, une écharpe posés sur les autres sièges. Les spectateurs les laissent là, pendant les entractes, pour se souvenir de la rangée où ils étaient assis, pour être plus libres de leurs mouvements quand ils boivent un café ou un soda, dans le couloir, avant que la séance ne reprenne. Et l’on comprend que la séance ne va pas reprendre, que la projection est finie, et que tout le monde a quitté la salle. La femme ne s’en est pas rendu compte, ou bien elle s’efforce de gagner quelques minutes avant d’avoir à se lever et de partir. Elle a regardé le film, et maintenant elle continue de le voir se dérouler dans sa tête. Elle cherche à comprendre pourquoi les films s’arrêtent, pourquoi les personnages ne continuent pas de parler, de bouger, d’agir à sa place. La vie, elle, ne s’arrête pas. Il faut que toutes les minutes s’écoulent, que le temps s’accumule dans un corps. Elle ne s’habitue pas à cette idée. Elle la trouve absurde. Elle a les deux bras posés sur les accoudoirs, des bras desséchés comme des morceaux de bois. Elle s’est habillée pour sortir. Sa robe est noire ou d’un gris très sombre. On n’aperçoit pas son sac à main. Il doit être à côté d’elle, sur le siège de gauche. Elle porte des chaussures noires, fines, avec de hauts talons. C’est peut-être un signe de sa vie passée. De telles chaussures ont, sans doute, une histoire, une histoire comme on en raconte dans les films. Ses jambes ont dû être assez belles.


et pour ceux qui veulent voir le tableau:

Spoiler:

en faisant des recherches pour quelqeus aquarelles de lui




Anderson’s House, 1923




House at Riverdale, 1928





j'ai trouvé celle-ci.. j'aurais jamais supposé que c'est du Hopper.. et j'adore  



Gloucester Beach, Bass Rocks, 1924

une des ses images est d'actualité en couvertur pour le nouveau livre de Hugo Hamilton,
je reviens donc à quelques gravures de lui




self-portrait as a young man  

Donc, j'ai suivi le fil et j'ai découvert Hopper. C'est une belle peinture mais qui me parait froide. Je ne vois que de la solitude dans ces peintures, ais-je raison ???
Je n'y connais rien en art plastique et ne ressens une peinture qu'à partir de mes tripes. J'y vois quelque chose de clinique, de figé qui ferait presque peur

zazy a écrit:

Donc, j'ai suivi le fil et j'ai découvert Hopper. C'est une belle peinture mais qui me parait froide. Je ne vois que de la solitude dans ces peintures, ais-je raison ???
Je n'y connais rien en art plastique et ne ressens une peinture qu'à partir de mes tripes. J'y vois quelque chose de clinique, de figé qui ferait presque peur

rien de mal si on n'adhère pas à ses images..
comme tu le dis, je ressens la peinture aussi à partir de mes tripes, donc, je ne peux pas te dire ce que tu "devrais" éprouver.. si c'est froid et figé pour toi, je veux bien te croire..
Pour moi il y a surtout la solitude.. mais une qui ne me fait pas peur.. et surtout rien de clinique pour moi, il arrive à mettre en images des sentiments que je ne pourrais pas mettre en mots

zazy a écrit:

Donc, j'ai suivi le fil et j'ai découvert Hopper. C'est une belle peinture mais qui me parait froide. Je ne vois que de la solitude dans ces peintures, ais-je raison ???
Je n'y connais rien en art plastique et ne ressens une peinture qu'à partir de mes tripes. J'y vois quelque chose de clinique, de figé qui ferait presque peur

Je serais pas mal de ton avis Zazy.

Plus que la solitude, j'y verrais l'angoisse de l'incommunicabilité ... le temps est comme suspendu dans l'attente que survienne un acte ou un évènement brisant le silence ... les personnages me paraissent plus sinistres que solitaires.

j'y re-réfléchis depuis que j'ai vu l'expo Forain, la première réflexion étant venue après l'expo de Lausanne. du coup ce sinistre me réveille, non pas que je l'appliquerai à l'ensemble de ce que j'ai vu, il y a les gares aussi et ces vues à hauteur de toit, mais les personnages qui sont souvent, les femmes surtout ? aussi des caricatures font un drôle de mélange avec ses grandes étendues. Il est à la fois moderne (en s'inspirant de ses prédécesseurs ?) et très de son temps. l'évidence que j'ai pensée (j'hésite en partie maintenant, sans trop savoir pourquoi) décorative se marie bancalement avec la guidance morale qu'il pourrait y avoir. On aurait à choisir dans une balance entre une vision de publiciste froid et un tantinet moralisateur et une vision esthétique refroidie (ou amèrement refroidie), auquel cas cependant la rupture serait sauvage avec la manière. ou alors on se perd entre les deux...

et pour revenir aux impressions de zazy, indirectement je trouvais cette solitude plutôt séduisante, en "vrai" c'est la froideur esthétique (ce n'est pas la bonne façon de le dire) qui m'a surpris et refroidi.

kenavo a écrit:

zazy a écrit:

Donc, j'ai suivi le fil et j'ai découvert Hopper. C'est une belle peinture mais qui me parait froide. Je ne vois que de la solitude dans ces peintures, ais-je raison ???
Je n'y connais rien en art plastique et ne ressens une peinture qu'à partir de mes tripes. J'y vois quelque chose de clinique, de figé qui ferait presque peur

rien de mal si on n'adhère pas à ses images..
comme tu le dis, je ressens la peinture aussi à partir de mes tripes, donc, je ne peux pas te dire ce que tu "devrais" éprouver.. si c'est froid et figé pour toi, je veux bien te croire..
Pour moi il y a surtout la solitude.. mais une qui ne me fait pas peur.. et surtout rien de clinique pour moi, il arrive à mettre en images des sentiments que je ne pourrais pas mettre en mots

Si elle me fait peur car j'y vois de l'incommunicabilité, les modèles regardent au loin, jamais le peintre

animal a écrit:

j'y re-réfléchis depuis que j'ai vu l'expo Forain, la première réflexion étant venue après l'expo de Lausanne. du coup ce sinistre me réveille, non pas que je l'appliquerai à l'ensemble de ce que j'ai vu, il y a les gares aussi et ces vues à hauteur de toit, mais les personnages qui sont souvent, les femmes surtout ? aussi des caricatures font un drôle de mélange avec ses grandes étendues. Il est à la fois moderne (en s'inspirant de ses prédécesseurs ?) et très de son temps. l'évidence que j'ai pensée (j'hésite en partie maintenant, sans trop savoir pourquoi) décorative se marie bancalement avec la guidance morale qu'il pourrait y avoir. On aurait à choisir dans une balance entre une vision de publiciste froid et un tantinet moralisateur et une vision esthétique refroidie (ou amèrement refroidie), auquel cas cependant la rupture serait sauvage avec la manière. ou alors on se perd entre les deux...

et pour revenir aux impressions de zazy, indirectement je trouvais cette solitude plutôt séduisante, en "vrai" c'est la froideur esthétique (ce n'est pas la bonne façon de le dire) qui m'a surpris et refroidi.

oui, beaucoup de froideur esthétique, ce que j'appelle figé