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| Alberto Moravia [Italie] | |
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Auteur | Message |
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Emmanuelle Caminade Envolée postale
Messages : 204 Inscription le : 06/11/2009 Age : 74 Localisation : Drôme provençale
| Sujet: Racconti romani de Moravia, traduction intégrale Jeu 26 Nov 2009 - 15:47 | |
| Il semblerait qu'il y ait eu une édition intégrale, qu'on peut encore trouver facilement d'occasion sur de nombreux sites : Nouvelles romaines,AlbertoMoravia , Editions J'AI Lu - Texte intégral - 1971 - 371p- N°403" - Comme l'édition italienne "tascabili bompiani , comporte 382 p. ( auxquelles s'ajoutent une préface, une bibliographie et une chronologie), cela semble plausible. | |
| | | Emmanuelle Caminade Envolée postale
Messages : 204 Inscription le : 06/11/2009 Age : 74 Localisation : Drôme provençale
| Sujet: Racconti romani d'Alberto Moravia Dim 29 Nov 2009 - 13:13 | |
| Les soixante et un courts récits des Racconti romani sont avant tout l'oeuvre d'un conteur, de ces histoires qu'enfant Moravia aimait à se raconter à voix haute. Des récits très divers mais dont l'ensemble montre pourtant une grande unité. Car ils ont tous pour décor la ville natale de l'auteur, à laquelle il était profondément attaché et pour unique protagoniste ce petit peuple qu'il avait appris à aimer. On ne s'étonne pas alors de cette narration à la première personne, de ce «je» repris, relayé par soixante et un personnages différents. Car ce recueil pose finalement une seule et grande question : Qu'est-ce que vivre ? Survivre ou exister ? Question que Moravia aborde en moraliste, rendant compte de la diversité des comportements humains avec tendresse et dérision, sans jamais les juger, incitant le lecteur à tirer lui-même les leçons...
«Le style c'est la voix», disait l'auteur et c'est celle du petit peuple romain qu'il a voulu nous faire entendre. La ville qu'il décrit se rapproche plus de la Rome populaire et dialectale des sonnets de Belli que de la cité aristocratique et européenne de Stendhal. Moravia utilise donc une langue concrète, familière et colorée, traduisant la fameuse « énergie » de ce peuple romain que notait déjà Stendhal au siècle précédent. Son recours au langage oral se double d'un style très visuel qui évoque souvent le cinéma ou la peinture. On peut rapprocher, à juste titre, les Racconti romani du néo-réalisme italien de l'époque, car Moravia y utilise beaucoup de plans larges qui inscrivent les personnages dans leur milieu familial, social, géographique et professionnel et beaucoup de "scènes" sont "tournées" à l'extérieur. Pourtant, paradoxalement, Moravia recourt parfois à des artifices expressionnistes, qui culminent dans deux de ses récits. Déformant alors la réalité en y projetant sa propre subjectivité au travers de celle de ses personnages, exacerbant l'état émotionnel de ces derniers en prêtant au décor urbain, aux paysages naturels et aux phénomènes météorologiques des aspects démesurés profondément angoissants , il donne une vision apocalyptique de la modernité dans laquelle s'engage une Rome qui a perdu son innocence. Et de La rovina dell'umanità , le récit culminant de ce recueil, émane même un mysticisme de la nature amorçant une réflexion sur la condition humaine, très proche de la philosophie et de l'esthétique orientale, qui évoque plus le cinéma chinois ou indien que le néo-réalisme italien.
( J'ai longuement présenté ce livre sur mon blog en en donnant plusieurs extraits en italien ) | |
| | | eXPie Abeille bibliophile
Messages : 15620 Inscription le : 22/11/2007 Localisation : Paris
| Sujet: Re: Alberto Moravia [Italie] Sam 17 Juil 2010 - 18:39 | |
| La Désobéissance. (La disubbidienza, 1948). Folio, 182 pages. Traduit de l'italien en 1949 par Michel Arnaud. C'est l'histoire d'un garçon, Luca, qui va connaître une grande perturbation psychologique. - Citation :
- "Lorsque Luca revint en ville, après avoir passé les vacances l'endroit habituel, au bord de la mer, il avait la sensation de ne pas être bien et de couver une maladie. Ces derniers temps, il avait grandi de façon anormale et, à quinze ans, sa taille était déjà celle d'un adulte." (page 17).
"Luca, à cette époque-là, était sujet à des colères subites et violentes, durant lesquelles son organisme, déjà tant exténué, paraissait consumer en des paroxysmes de révolte et de haine le peu de forces qui lui restaient. C'était surtout la muette et inerte résistance des objets, ou, plutôt, sa propre incapacité à se servir de ceux-ci sans effort et dans dommage, qui avait le pouvoir de le jeter dans ces fureurs dévastatrices." (page 18). "Luca avait le sentiment que le monde lui était hostile et que lui-même était hostile au monde ; et il lui semblait livrer une guerre continuelle et exténuante à tout ce qui l'entourait." (page 19). "Mais une fois en ville, une fois dans cet appartement où tant d'autres de ses anciennes révoltes s'étaient dissoutes dans les habitudes et dans l'ennui, la colère de Luca prit une autre forme, nouvelle pour lui. Comme si elle eût compris l'inanité de la violence, cette colère se mua brusquement en une volonté de renoncement et d'abdication." (page 29). C'est une forme de grève. Le renoncement de tout comme forme suprême (enfin... en attendant plus ?) de désobéissance, de lutte. Luca fait des expériences, pour voir jusqu'où il peut aller, que ce soit chez lui, à l'école, ou dans la vie en général. Il développe une ligne de conduite, une sorte de jeu, ou un plan de bataille. - Citation :
- "Le mot désobéir lui plut parce qu'il lui était familier : durant toute sa première enfance et pendant une bonne partie de son enfance proprement dite, il avait entendu sa mère répéter qu'il devait obéir, qu'il était désobéissant, que, s'il n'obéissait pas, elle le punirait et autres phrases similaires." (page 39).
Très bon roman, l'observation quasi-clinique d'un être en lutte contre le monde, et contre lui-même... On y rencontre aussi une infirmière assez mémorable... | |
| | | colimasson Abeille bibliophile
Messages : 16258 Inscription le : 28/06/2010 Age : 33 Localisation : Thonon
| Sujet: Re: Alberto Moravia [Italie] Mer 9 Oct 2013 - 14:26 | |
| Les Indifférents (1929) Réunissons en quasi-huis clos cinq personnages : Leo, Mariagrazia, Carla, Michel et Lisa. Tissons entre ces personnages des liens officiels : Mariagrazia est l’amie proche de Lisa et l’amante de Leo tandis que Carla et Michel sont ses enfants. Emberlificotons-les dans des liens officieux qui sauront créer la discorde : Leo est attiré par Carla tandis que Lisa, l’ancienne maîtresse de Leo, essaie de mettre le grappin sur Michel. Entourons ce marivaudage de quiproquos qui sauront semer la discorde et laissons la naïve Mariagrazia s’imaginer que l’éloignement progressif de son Leo est une conséquence de la perfidie de son amie Lisa, et nous pourrons obtenir une image ressemblante du casse-tête que sont capables d’imaginer des Indifférents. Mais au fait, tous ces personnages sont-ils vraiment indifférents ? Il semblerait plutôt qu’ils ne soient que deux et qu’il s’agisse des enfants de Mariagrazia : Carla et Michel. Lancés sur leur vingtaine, ceux-ci vivent encore aux crochets d’une mère fantasque et excentrique qui les domine et contrôle la plupart de leurs choix de vie. En résulte une certaine apathie, cause de leur indifférence, et une quête d’identité qui les poussera à mettre en jeu leur existence au petit bonheur la chance, le masochisme semblant être l’explication la plus pertinente de leurs choix aberrants. Toute la durée du livre est censée nous maintenir dans un suspense insoutenable jusqu’à ce que nous sachions si, oui ou non, Carla se forcera à coucher avec Leo et si, oui ou non, Michel réussira à surpasser son dégoût pour Lisa et à se mettre en couple avec elle. Malheureusement, même si l’on comprend les ressorts grossiers qui poussent ces jeunes personnages à l’autodestruction, il sera difficile de se passionner pour leurs intrigues amoureuses et de se prendre d’intérêt pour leurs failles psychologiques. La classe bourgeoise a ses problèmes, si dérisoires qu’ils n’intéressent même pas les autres bourgeois. A la manière de Knut Hamsun, Alberto Moravia a créé des personnages qui se jettent d’eux-mêmes dans l’humiliation ou la douleur en y prenant une certaine forme de plaisir qui n’ose pas se revendiquer comme tel. Toutefois, à la différence de cet autre écrivain, Alberto Moravia n’induit aucune subtilité de réflexion et ne se distancie pas une seconde de ses personnages, transformant leurs petites embrouilles en tragédies. « Mais ces visions ne le tourmentaient pas, n’éveillaient en lui nul sentiment. Il aurait aimé être tout autre : indigné, plein de rancune et de haine. Il souffrait de se retrouver à ce point indifférent. »On comprend le désespoir d’un jeune homme si indifférent. Peut-être même a-t-on déjà connu cette insensibilité apparente. Pourtant, aucune compassion ni intérêt n’est possible. Alberto Moravia nous a transmis l’indifférence de ses personnages. On comprend que c’est embêtant, mais on ne va pas s’apitoyer… - Citation :
- « Il aurait voulu se passionner. C’était pour la famille une question vitale : « Voyons, se disait-il, c’est notre existence qui est en jeu… D’un moment à l’autre, nous pouvons être réduits à n’avoir plus que juste de quoi manger. » Mais, en dépit de ses efforts pour s’échauffer un peu, il restait de glace, il demeurait étranger à cette ruine. C’était comme s’il eût assisté à une noyade sans lever le doigt. »
*peinture de Harold Bruder | |
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