| Parfum de livres… parfum d’ailleurs Littérature, forum littéraire : passion, imaginaire, partage et liberté. Ce forum livre l’émotion littéraire. Parlez d’écrivains, du plaisir livres, de littérature : romans, poèmes…ou d’arts… |
|
| Alberto Manguel | |
|
+14IzaBzh monilet eXPie Cachemire Sahkti Amapola Chatperlipopette kenavo bix229 coline Chimère Aeriale Queenie Marie 18 participants | |
Auteur | Message |
---|
Marie Zen littéraire
Messages : 9564 Inscription le : 26/02/2007 Localisation : Moorea
| Sujet: Alberto Manguel Mer 21 Mar 2007 - 3:38 | |
| Né en Argentine, écrivain, traducteur, éditeur, Alberto Manguel est de nationalité canadienne, mais a installé sa bibliothèque en France..... Dans la forêt du miroir Essais sur les mots et sur le monde traduit de l'anglais par Christine Le Boeuf Ed Actes Sud C'était la première fois que je lisais Alberto Manguel. Sous le regard d'Alice et de ce qu'elle trouva de l'autre côté du miroir ( et de ce que chaque lecteur ,individu unique, découvre à la lecture d'un livre, ce que ce livre fait résonner en lui), cet écrivain a rassemblé quelques textes écrits à des périodes et occasions diverses. Tous ayant comme point commun d'être une ode à la littérature , à la fiction, " seule entreprise capable de donner au monde une cohérence à laquelle d'aucuns censeurs, de siècle en siècle, cherchent à substituer un chaos propice au maintien des esprits en esclavage." Ces textes traitent donc de plusieurs aspects de la littérature, analyses de certaines oeuvres , de certains genres ( tout un chapitre sur la littérature gay! ), de l'importance primordiale de la traduction, du rôle de l'éditeur,du critique, etc. C'est très érudit, et même si ,comme c'est extrèmement bien écrit ( et bien traduit), cela se lit avec plaisir, faute d'une culture littéraire suffisante, bien des choses me sont passées largement au dessus de la tête!!! Il y a par contre 3 ou 4 chapitres qui traitent à plus proprement parler de Manguel, l'homme et son histoire personnelle. C'est à eux que je me suis le plus attachée. Dans le premier, intitulé "La mort de Che Guevara", il raconte sa découverte, à peu près contemporaine de celle d'Ernesto Guevara ,des " injustices fondamentales de la condition humaine". mais, dit il, " contrairement à nous, il avait agi . Le fait que ses méthodes fussent douteuses, sa morale impitoyable, sa réussite en fin de compte impossible paraissait- parait encore, peut-être) moins important que le fait qu'il ait pris sur lui de combattre ce qu'il croyait mal même s'il ne fut jamais tout à fait certain de ce qui, à la place, serait bien."Et oui, Mr Manguel, mais on pourrait dire que l'important est peut être la prise de conscience. Après, chacun fait ce qu'il peut, certains dans l'action, d'autres dans l'écriture? Le deuxième , "In Memoriam" est presque une confession . Au lycée de Buenos Aires est arrivé un jour un professeur qui ouvre à ces jeunes étudiants " les digues de la littérature". " Mais, avant tout, il nous a appris à lire. Je ne sais pas si nous avons tous appris, sans doute pas, mais écouter Rivadavia nous guider au travers d'un texte, au travers des relations entre mots et souvenirs, entre idées et expériences, a constitué pour moi un encouragement à une vie entière de passion pour la page imprimée dont je n'ai jamais réussi à me désintoxiquer . Ma façon de penser, ma façon de sentir, l'individu que j'étais dans le monde et cet autre individu , plus sombre , que j'étais , seul avec moi-même, sont nés en majeure partie de ce premier après midi où Rivadia a fait la lecture à ma classe."Et puis.......et puis la dictature militaire, et Manguel se trouve en Europe. Là aussi, je le laisse parler: " Pendant quatorze années, l'Argentine a été dépecée vive. Quiconque vivait en Argentine pendant ces années avait le choix entre deux options: combattre la dictature militaire, ou la laisser s'épanouir. Mon choix fut celui d'un couard: je décidai de ne pas rentrer. Mon excuse ( il n'y a pas d'excuse) est que je n'aurais pas su me servir d'une arme".......Beaucoup de ses amis disparaissent , certains se suicident, et ce n'est que plus tard que Manguel découvre que celui qui renseignait si bien les militaires sur les sympathies et antipathies politiques de ces étudiants, ce qui permettait leur capture et élimination était son mentor en littérature, le professeur Rivadavia... Dès lors, dit Manguel, trois options lui apparaissent: - " Je peux décider que l'être qui a eu le plus d'importance dans ma vie, qui d'une certaine façon m'a permis de devenir ce que je suis aujourd'hui, qui me paraissait l'essence même du maître capable d'inspirer et d'illuminer, était en réalité un monstre et tout ce qu'il m'a enseigné, tout ce qu'il m'a encouragé à aimer était corrompu. - Je peux essayer de justifier ses actes injustifiables et ignorer le fait qu'ils ont entrainé la torture et la mort de mes amis. - Je peux admettre que Rivadavia était à la fois le bon professeur et le collaborateur des bourreaux, et laisser cette description en rester là, tels l'eau et le feu. Je ne sais pas laquelle de ces options est la bonne." Et vous? | |
| | | Queenie ...
Messages : 22891 Inscription le : 02/02/2007 Age : 44 Localisation : Un peu plus loin.
| Sujet: Re: Alberto Manguel Mer 21 Mar 2007 - 9:43 | |
| Juste un petit détail technique Marie, si tu pouvais un poil plus aérer ton texte ce serait super. Là ça fait un peu pavet, et j'ai faillit faire la fainéante et passer par dessus... - Marie a écrit:
Dans la forêt du miroir Essais sur les mots et sur le monde traduit de l'anglais par Christine Le Boeuf Ed Actes Sud C'était la première fois que je lisais Alberto Manguel. Sous le regard d'Alice et de ce qu'elle trouva de l'autre côté du miroir ( et de ce que chaque lecteur ,individu unique, découvre à la lecture d'un livre, ce que ce livre fait résonner en lui), cet écrivain a rassemblé quelques textes écrits à des périodes et occasions diverses. J'aime bien quand les gens se penchent sur ce qu'a été la lecture pour eux. c'est toujours fascinant de sentir cette osmose entre un être et un livre. Et le phénomène d'identification, d'empathie, fonctionne à merveille dans ces cas là pour moi. - Citation :
- de certains genres ( tout un chapitre sur la littérature gay! )
pourquoi cette précision sur la litté gay ? c'est un point important pour toi ? ou juste exceptionnel ? (c'est juste de la curiosité, je souligne ce que tu soulignes) - Citation :
- C'est très érudit, et même si ,comme c'est extrèmement bien écrit ( et bien traduit), cela se lit avec plaisir, faute d'une culture littéraire suffisante, bien des choses me sont passées largement au dessus de la tête!!!
au moins, est-ce que ça t'a donné envie de découvrir des auteurs, romans... etc... - Citation :
- Et puis.......et puis la dictature militaire, et Manguel se trouve en Europe. Là aussi, je le laisse parler: " Pendant quatorze années, l'Argentine a été dépecée vive. Quiconque vivait en Argentine pendant ces années avait le choix entre deux options: combattre la dictature militaire, ou la laisser s'épanouir. Mon choix fut celui d'un couard: je décidai de ne pas rentrer. Mon excuse ( il n'y a pas d'excuse) est que je n'aurais pas su me servir d'une arme".......
Beaucoup de ses amis disparaissent , certains se suicident, et ce n'est que plus tard que Manguel découvre que celui qui renseignait si bien les militaires sur les sympathies et antipathies politiques de ces étudiants, ce qui permettait leur capture et élimination était son mentor en littérature, le professeur Rivadavia,.....Dès lors, dit Manguel, trois options lui apparaissent: - "Je peux décider que l'être qui a eu le plus d'importance dans ma vie, qui d'une certaine façon m'a permis de devenir ce que je suis aujourd'hui, qui me paraissait l'essence même du maître capable d'inspirer et d'illuminer, était en réalité un monstre et tout ce qu'il m'a enseigné, tout ce qu'il m'a encouragé à aimer était corrompu. - Je peux essayer de justifier ses actes injustifiables et ignorer le fait qu'ils ont entrainé la torture et la mort de mes amis. - Je peux admettre que Rivadavia était à la fois le bon professeur et le collaborateur des bourreaux, et laisser cette description en rester là, tels l'eau et le feu. Je ne sais pas laquelle de ces options est la bonne." Et vous? c'est intéressant ce passage sur la "lâcheté". En même temps, on ne peut pas tous être des héros, des résistants. Même si nous rêvons tous de le pouvoir, et culpabilisons tous de ne pas y parvenir. Je pense que pour le professeur je choisis également la position du couard : admettre l'eau et le feu. Je le fais déjà pour des auteurs qui me fascinent comme Céline (aaah la polémique sur Céline) alors... | |
| | | coline Parfum livresque
Messages : 29369 Inscription le : 01/02/2007 Localisation : Moulins- Nord Auvergne
| Sujet: Re: Alberto Manguel Mer 21 Mar 2007 - 15:30 | |
| Durant les dernières années de la vie de J.L. Borges, Alberto Manguel, alors étudiant à Buenos Aires, fut chargé par l'écrivain argentin de lire les pages auxquelles ce dernier, atteint de cécité progressive, n'avait plusaccès par lui-même.
Alberto Manguel relate le souvenir de ces moments qui ont eu de l'importance sur son écriture et sa réflexion.
Alberto Manguel: Chez Borges (Editions Babel)
Ce livre m'attend... | |
| | | Marie Zen littéraire
Messages : 9564 Inscription le : 26/02/2007 Localisation : Moorea
| Sujet: Re: Alberto Manguel Jeu 22 Mar 2007 - 3:49 | |
| Hello Queenie! si tu pouvais un poil plus aérer ton texte ce serait super. Là ça fait un peu pavet, et j'ai faillit faire la fainéante et passer par dessus...: je te remercie donc d'avoir eu le courage de le lire! Mais il faudrait me donner des conseils, je suppose que c'est la longueur des citations qui te gêne? Ou la longueur du texte ? pourquoi cette précision sur la litté gay ? c'est un point important pour toi ? ou juste exceptionnel ? (c'est juste de la curiosité, je souligne ce que tu soulignes)Il me semble avoir plus souligné l'aspect historique vécu par Manguel, et ce qu'il en racontait. Mais, effectivement, ce court chapitre qui traite de la littérature dite gay m'a beaucoup intéressée. Tant par le rappel historique que par le positionnement de Manguel, opposé à toute forme de classification et de mise en catalogue! Mais en fait, je viens, avant de te répondre, de relire ce chapitre. Il n'a rien d'aéré..... , est d'une intelligence d'écriture que j'admire profondément, et ne peut absolument pas être résumé sans être trahi. Il faudrait tout recopier.... au moins, est-ce que ça t'a donné envie de découvrir des auteurs, romans... etcAh......avec un tel lecteur à côté de soi, on ne peut qu'avoir envie de lire tout ce dont il parle avec ses mots à lui! Mais c'est tellement fourmillant de culture ( et de culture assimilée, il faut des années, et c'est un métier.....) littéraire que c'est un peu la même chose qu'en philosophie, il me faudrait reprendre beaucoup de choses à la base, et pour cela, il me faudrait beaucoup plus de temps. Cela m'a surtout donné envie de continuer à lire Alberto Manguel , ce que j'ai fait avec le "Journal d'un lecteur". | |
| | | Queenie ...
Messages : 22891 Inscription le : 02/02/2007 Age : 44 Localisation : Un peu plus loin.
| Sujet: Re: Alberto Manguel Jeu 22 Mar 2007 - 10:37 | |
| - Marie a écrit:
- Hello Queenie!
si tu pouvais un poil plus aérer ton texte ce serait super. Là ça fait un peu pavet, et j'ai faillit faire la fainéante et passer par dessus...: je te remercie donc d'avoir eu le courage de le lire! Mais il faudrait me donner des conseils, je suppose que c'est la longueur des citations qui te gêne? Ou la longueur du texte ? quand je dis "aérer", je veux dire laisser des interlignes vides tout simplement la longueur des citations et de ton texte sont parfaits | |
| | | coline Parfum livresque
Messages : 29369 Inscription le : 01/02/2007 Localisation : Moulins- Nord Auvergne
| Sujet: Re: Alberto Manguel Jeu 22 Mar 2007 - 12:13 | |
| J'ai vu un jour un reportage sur cet écrivain installé maintenant en France. On le voyait dans son cadre de vie. Un manoir magnifique...mais le plus beau...le plus beau à mes yeux étaient les bibliothèques immenses qui habillent les murs de certaines pièces de son manoir. Il s'est installé environné de tous ses livres... Ces images m'ont longtemps fait rêver... " La bibliothèque est notre autoportrait", dit Alberto Manguel. | |
| | | coline Parfum livresque
Messages : 29369 Inscription le : 01/02/2007 Localisation : Moulins- Nord Auvergne
| Sujet: Re: Alberto Manguel Jeu 22 Mar 2007 - 12:16 | |
| "Journal d'un lecteur"
Alberto Manguel, auteur mondialement reconnu pour son Histoire de la lecture, s'est installé en juin 2002 dans un ancien presbytère du Poitou. Il y a installé sa bibliothèque de... 30 000 ouvrages !
«Après tant d'errances, explique Manguel, il me fallait un endroit où me poser et déballer enfin mes cartons. Le Canada, où je suis devenu écrivain, était trop cher. Quand j'ai découvert ce presbytère, cette région, j'ai su que c'était là.»
Quatre niveaux d'étagères afin de loger un maximum de volumes tout en les gardant accessibles. Il a choisi le bois, les éléments de décoration, l'éclairage. Le classement a ensuite été fait par langues et par ordre alphabétique d'auteurs, mélangeant ainsi prose, poésie, théâtre et essais. Certains thèmes, en revanche, comme les anthologies ou les livres d'art, sont regroupés à part.
Il continue d'acheter des livres et ne sesépare d'aucun,y compris ce qui lui semble mauvais («Ça peut aussi servir!»).Ses livres sont aussi là pour l'entourer, le rassurer
«Je peux suivre la trace de tous mes souvenirs grâce à ces volumes empilés.»
«La bibliothèque est un univers très personnel, illogique, irrationnel et affectif. Il n'y a que moi pour m'y retrouver», explique Manguel.
«Tout ce que je connais de l'univers est désormais là, sous mon toit. Cet ordre est une autre façon de regarder le chaos. Une bibliothèque est un reflet du monde, mais un reflet optimiste, réorganisé, repensé pour lui donner comme une structure narrative. Le matin, quand j'écris, c'est moi le maître, mais, la nuit, les livres prennent le pouvoir. Je suis sous leur influence, sous leur force...Je mourrai ici, au milieu d'eux.»
Manguel a 53 ans lorsqu'il s'installe dans son presbytère du Poitou. Il décide de relire pendant un an 12 de ses livres de prédilection - à raison d'un par mois. Cela donne le "Journal d'un lecteur" qu'il publie aujourd'hui. Retour sur sa vie et sur lien qui s'établit entre une oeuvre et son lecteur. | |
| | | Marie Zen littéraire
Messages : 9564 Inscription le : 26/02/2007 Localisation : Moorea
| Sujet: Re: Alberto Manguel Jeu 22 Mar 2007 - 21:00 | |
| " Pour qu'un livre nous touche, il faut sans doute qu'il établisse entre notre expérience et celle de la fiction- entre les deux imaginations, la nôtre et celle qui se déploie sur la page- un lien fait de coîncidences." | |
| | | Aeriale Léoparde domestiquée
Messages : 18120 Inscription le : 01/02/2007
| Sujet: Re: Alberto Manguel Ven 23 Mar 2007 - 8:52 | |
| Merci Marie pour cette superbe présentation d'auteur ! J'ai pris le temps de lire ,ce dont je n'avais pas eu l'occasion jusqu'à présent...
Ce personnage a de quoi nous capter , de part son parcours , sa sensibilité et sa complète authenticité ,son honnêteté morale.
Quelqu'un qui ne craint pas de se regarder dans le miroir et de se poser ces questions fondamentales : comment aurais-je dû agir ? Est-ce que j'aurais dû agir ? Fallait-il se taire ou prendre les armes?
Ce problème de prise de position face à une dictature m'a toujours interpellée . Serions nous du côté des couards ou des héros? Je pense que ce sont des évènements extrèmements difficiles à vivre pour quiconque doté de morale , et que parvenir à coexister en harmonie avec sa conscience doit être essentielle . Si parceque les conditions ne le permettent pas ou simplement parce que la peur qui taraude tout être humain les bride ,ceux qui opte pour un "compromis ", assimilé malgré eux à de la lâcheté ,comme Manquel , doivent en garder la trace bien longtemps.
On imagine aisément le problème qu'il a dû affronter aussi lorsqu'il a pris conscience de la trahison de son mentor . Là aussi , j'aurais eu bien du mal à composer mais le "choix" s'imposant presque de lui-même , sans doute aurais-je choisi la 3ème option , par défaut , et sous peine d'une trop radicale remise en question personnelle... | |
| | | Chimère Agilité postale
Messages : 995 Inscription le : 24/02/2007 Age : 52 Localisation : Bordeaux
| Sujet: Re: Alberto Manguel Ven 20 Avr 2007 - 22:13 | |
| Alberto Manguel est un indipensable pour les amoureux de la lecture.
LA BIBLIOTHEQUE LA NUIT d’Alberto MANGUEL Ed Actes Sud/296p Trad (anglais) : Christine Leboeuf
Ca commence par une photo, celle d’une pierre gravée, avec en légende en dessous : Tout ce qui reste d’une bibliothèque athénienne : un avis indiquant que l’établissement est ouvert de la 1ère à la 6ème heure et qu’il « est interdit d’emporter des œuvres ».
Si vous ne connaissez pas Alberto Manguel, je ne saurai trop vous conseiller de vous précipiter pour découvrir son essai Une histoire de la lecture et ensuite de lire son pendant La bibliothèque, la nuit ou de faire l’inverse mais de toute façon lisez ces deux livres. Vous allez adorer. Il y a une complicité évidente entre Manguel et son lecteur, il partage la même passion : la lecture. Et quel que soit le degré d’érudition de chacun, on finit par le comprendre parce qu’il parle notre langue, celle du lecteur. Et donc après la lecture passons au contenant : les bibliothèques. De l’agencement aux bibliothèques imaginaires, de l’émergence du support numérique aux cartons pleins entassés chez soi, c’est un vrai voyage dans le monde du livre avec des paragraphes que l’on lit, relit avec bonheur, des photographies, gravures, des anecdotes passionnantes, bref que du plaisir. C’est un essai et ça se lit comme un roman, sans se sentir dépassé une seule fois par la vaste érudition de l’auteur qui nous parle de sa bibliothèque et un peu de la notre aussi. Mon seul regret : que la fantastique bibliothèque de l’université invisible du disque monde de Pratchett n’apparaissent pas dans ce livre, seule bibliothèque avec un orang-outan comme bibliothécaire et qui permet de voyager dans le temps voire de passer dans d’autres bibliothèques d’autres dimensions et univers pour peu que l’on soit assez dingue pour s’aventurer dans ses rayons.
Nous cheminons au travers d’interminables rayonnages de livres où nous choisissons tel ou tel volume sans raison apparente : à cause d’une couverture, d’un titre, d’un nom, de ce quelqu’un a dit ou n’a pas dit, à cause d’une intuition, d’un caprice, d’une erreur, parce que nous croyons pouvoir trouver dans ce livre, tel récit, tel personnage ou tel détail, parce que nous pensons qu’il a été écrit pour nous, parce que nous pensons qu’il a été écrit pour tout le monde sauf pour nous et voulons découvrir pourquoi nous avons été exclus, parce que nous avons envie de nous instruire ou de lire ou de nous perdre dans l’oubli. (extrait) | |
| | | coline Parfum livresque
Messages : 29369 Inscription le : 01/02/2007 Localisation : Moulins- Nord Auvergne
| | | | Chimère Agilité postale
Messages : 995 Inscription le : 24/02/2007 Age : 52 Localisation : Bordeaux
| Sujet: Re: Alberto Manguel Ven 20 Avr 2007 - 22:40 | |
| Je crois bien qu'on en trouve dans ce livre. | |
| | | coline Parfum livresque
Messages : 29369 Inscription le : 01/02/2007 Localisation : Moulins- Nord Auvergne
| Sujet: Re: Alberto Manguel Ven 18 Mai 2007 - 16:03 | |
| Toute l' oeuvre d'Alberto Manguel est publiée par Actes Sud, où il dirige par ailleurs la collection "Le Cabinet de lecture".
"Comme la plupart des amours, l'amour des bibliothèque s'apprend. Nul ne peut savoir d'instinct lorsqu'il fait ses premiers pas dans une salle meublée de livres, comment se comporter, ce qu'on attend de lui, ce qui est promi, ce qui est autorisé. On peut se sentir horrifié - devant le fouilli ou l'ampleur, le silence, le rappel moqueur de tout ce qu'on ne sait pas, la surveillance - et il arrive, qu'un peu de cette sensation écrasante demeure encore après qu'on ait appris les rites et les conventions, qu'on s'est fait une idée de la géographie et que les indigènes se sont révélés amicaux..." | |
| | | coline Parfum livresque
Messages : 29369 Inscription le : 01/02/2007 Localisation : Moulins- Nord Auvergne
| Sujet: Re: Alberto Manguel Mar 22 Mai 2007 - 15:54 | |
| Alberto Manguel chez Borges
"Ce ne sont pas là des souvenirs; ce sont des souvenirs de souvenirs de souvenirs, et les événements qui les ont suscités ont disparu, ne laissant que quelques images, quelques mots, et même ceux-là, je ne suis pas certain qu'ils étaient tels que je me les rappelle."
"Le jeune homme qui montait l'escalier a disparu quelque part dans le passé, ainsi que le vieil homme sage qui aimait les histoires. Il aimait les métaphores anciennes-le temps comme le fleuve et la vie comme un voyage et un combat- et pour lui, maintenant, ce combat et ce voyage sont achevés, et le fleuve a tout emporté de ces soirées sauf la littérature qui (il citait Verlaine) est ce qu'il reste après que l'essentiel-toujours inaccessible par les mots-a dit son fait."
Un délice de lecteur que ce court texte d'Alberto Manguel évoquant la période où, adolescent amateur de littérature à Buenos Aires, la fréquentation d'une librairie mit sur son chemin le grand Borges, aveugle, qui lui demanda de bien vouloir venir chez lui lui faire des lectures... 76 pages de bonheur au milieu des livres, d'évocation de Borges mais aussi des auteurs qu'il aimait, propos sur la littérature. Ce petit livre est agréable à lire et tellement nourrissant! | |
| | | coline Parfum livresque
Messages : 29369 Inscription le : 01/02/2007 Localisation : Moulins- Nord Auvergne
| Sujet: Re: Alberto Manguel Mar 22 Mai 2007 - 15:57 | |
| Alberto Manguel chez BorgesExtraits pour vous donner envie d'en lire davantage... « Pendant plusieurs années, j’ai été l’un des nombreux privilégiés qui faisaient la lecture à Jorge Luis Borges. Je travaillais après les cours dans une librairie anglo-allemande de Buenos Aires, Pygmalion, que fréquentait Borges. Pygmalion offrait un lieu de rencontre aux gens qui s’intéressaient à la littérature […]Borges passait chez Pygmalion en fin d’après-midi, au retour de la Bibliothèque nationale, dont il était le directeur. Un jour, après avoir choisi quelques titres, il me demanda si, à supposer que je n’aie rien d’autre à faire, je viendrais lire pour lui certains soirs car sa mère, âgée de plus de quatre-vingt-dix ans, se fatiguait facilement. Borges demandait cela à quasiment n’importe qui : étudiants, journalistes venus l’interviewer, autres écrivains[…] C’était en 1964. J’avais seize ans. J’acceptai et, trois ou quatre fois par semaine, je rendis visite à Borges dans le petit appartement qu’il partageait avec sa mère et avec Fany, la bonne. A cette époque, je n’étais certainement pas conscient du privilège. Ma tante, qui vouait à Borges une admiration immense, était quelque peu scandalisée par ma nonchalance et me pressait de prendre des notes, de tenir un journal de nos rencontres. Mais, pour moi (dans l’arrogance de mon adolescence), ces soirées chez Borges ne représentaient pas vraiment quelque chose d’extraordinaire, elles ne me paraissaient pas étrangères au monde des livres, que j’avais toujours considéré comme le mien. A tout prendre, c’était la plupart des autres conversations qui me paraissaient étranges, dépourvues d’intérêt – conversations avec mes professeurs à propos de la chimie ou de la géographie de l’Atlantique sud, avec mes condisciples à propos de football, avec des membres de ma famille à propos de mes résultats d’examens ou de ma santé, avec des voisins à propos d’autres voisins. Les conversations avec Borges, par contre, étaient ce qu’à mon avis devaient être toutes les conversations : elles traitaient de livres et de l’horlogerie des livres, de la découverte d’auteurs que je n’avais pas encore lus et d’idées qui ne m’étaient encore jamais venues à l’esprit ou que je n’avais qu’entraperçues de façon hésitante, à demi intuitive et qui, par la voix de Borges, brillaient et étincelaient dans toute leur splendeur généreuse et, d’une certaine manière, évidente. Je ne prenais pas de notes parce que, ces soirs-là, je me sentais trop comblé. Borges parlait souvent de sa propre cécité, principalement avec un intérêt littéraire : en des termes devenus célèbres, démontrant "l’ironie de Dieu" qui lui avait donné "les livres et la nuit[…] affirmant que la cécité et la vieillesse sont deux façons différentes d’être seul. La cécité l’enfermait dans une cellule solitaire où il composa ses dernières œuvres, construisant les vers mentalement jusqu’à ce qu’ils fussent prêts à être dictés à la personne qu’il avait sous la main. "Pouvez-vous écrire ceci ?" Il parle des mots qu’il vient d’assembler et qu’il a appris par cœur. Il les dicte un à un, en marquant les cadences qu’il aime et en indiquant la ponctuation. Il récite le nouveau poème ligne par ligne, sans suivre le sens jusqu’au vers suivant mais en s’interrompant à la fin de chaque vers. Et puis il demande qu’on le lui relise, une fois, deux fois, cinq fois. Il s’excuse de cette demande, mais il la réitère, en écoutant les mots – qu’il tourne et retourne dans sa tête. Alors il ajoute une ligne, et puis une autre. Le poème ou le paragraphe (car il prend parfois le risque d’écrire à nouveau de la prose, encouragé en cela par son traducteur américain, Norman Thomas Di Giovanni) prend forme sur le papier après l’avoir fait dans son imagination. Il est étrange de penser que la nouvelle composition apparaît pour la première fois dans une écriture qui n’est pas celle de l’auteur. Le poème est terminé (un texte en prose prend plusieurs jours). Borges prend la feuille de papier, la plie et la range dans son portefeuille ou dans un livre. Chose curieuse, il fait de même avec l’argent. Il prend un billet, le plie en bande étroite et le glisse dans l’un des volumes de sa bibliothèque. Ainsi, lorsqu’il doit payer quelque chose, il sort un livre et (parfois, pas toujours) trouve le trésor. Je ne voyais pas souvent doña Leonor (la mère de Borges). Elle se tenait en général dans sa chambre quand j’arrivais et seule sa voix proférait de temps à autre une instruction ou une recommandation. Borges l’appelait madre et elle lui disait toujours "Georgie", le surnom anglais que lui avait donné sa grand-mère du Northumberland. Borges savait depuis sa petite enfance qu’il serait écrivain et sa vocation avait été acceptée comme un élément de la mythologie familiale. A tel point qu’en 1909 Evaristo Carriego, un poète du voisinage, ami des parents de Borges (et sujet d’un des premiers livres de celui-ci), composa pour doña Leonor quelques vers en l’honneur de son petit amateur de livres, alors âgé de dix ans : Et puisse votre fils, cet enfant qui fait votre fierté et qui, déjà, commence à sentir sur sa tête une légère soif de lauriers, aller, sur l’aile de la rêverie, poursuivre la vendange d’une nouvelle annonciation et récolter le raisin illustre du vin de la Chanson » | |
| | | Contenu sponsorisé
| Sujet: Re: Alberto Manguel | |
| |
| | | | Alberto Manguel | |
|
Sujets similaires | |
|
| Permission de ce forum: | Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
| |
| |
| |
|