Murakami Haruki

Le blues du coureur de fond

On a déjà couru cette saison le trois mille steeple avec Echenoz et Zatopek, osons maintenant le marathon avec Murakami et Murakami. À nos marques…

Le Jeudi 30/04/09
Corina Ciocârlie

Après La Solitude du coureur de fond selon Alan Sillitoe (la nouvelle qui inspira le film de Tony Richardson date de 1959), voici la version 2009 du même syndrome, signée Haruki Murakami. En réalité, le titre japonais du livre signifie «Ce dont on parle quand on parle de courir» et entend rendre hommage non pas à Sillitoe mais à Raymond Carver et à son fameux What We Talk About When We Talk About Love (1981).
Aussi incroyable que cela puisse paraître, l’Autoportrait qui vient de sortir chez Belfond est bel et bien un livre sur la course à pied. Ni plus, ni moins. En 1981, Haruki Murakami décide de vendre le club de jazz qu'il tient à Tokyo avec sa femme pour consacrer plus d'énergie à son passe-temps favori: écrire des romans. Assis à son bureau, il se met à fumer trois paquets de cigarettes par jour et commence à accumuler les kilos superflus.

JE COURS, DONC JE SUIS

À 33 ans – l'âge du Christ en fin de carrière –, le futur auteur de La Ballade de l'impossible s'achète donc un chronomètre et des chaussures à semelle rembourrée. Désormais la course à pied fera partie de son quotidien.
Vingt-cinq ans et autant de marathons plus tard, ce stakhanoviste des grands formats et des longues distances continue à surveiller chacune de ses enjambées. Conscient des risques courus, pour ainsi dire, par un auteur qui se vend à des millions d'exemplaires de par le monde – l'âge, la facilité, la routine, l'âge… –, Murakami s'évertue à maintenir son corps en mouvement, tout en le poussant parfois jusqu'à ses limites, afin de «guérir la solitude» qu'il ressent au fond de lui, ou au moins de la relativiser.
Comme Danton et Robespierre tentant, à force d'éloquence, de persuader des tribunaux révolutionnaires hostiles et enfiévrés, l'homme essaie de parlementer avec les parties rétives de son corps dans l'espoir de les amener à se montrer un peu plus coopératives: «Allez, les amies, encore un peu d'efforts! Vous allez y arriver, il vous suffit d'avoir du courage!». Très vite pourtant, il se rend à l'évidence: ses jambes n'en font qu'à leur tête: «Mais si l'on réfléchit – et moi, j'y réfléchissais –, Danton et Robespierre ont fini décapités, non?».

UNE HISTOIRE DE RYTHME

«Se consumer au mieux à l'intérieur de ses limites individuelles», voilà le principe fondamental de la course, et c'est aussi une métaphore de l'écriture. Concevoir un roman, s'attaquer à un marathon, même combat: pour mener à bien une tâche de longue haleine, il est primordial de conserver son rythme. «Si j'ai envie d'accélérer, je m'accorde une pointe de vitesse; en augmentant mon allure, je réduis ma durée de course, mais je m'efforce de garder intacte pour le lendemain la jubilation qu'éprouve mon corps aujourd'hui. C'est la même chose, et c'est essentiel, lorsque j'écris une nouvelle».
En tant qu'auteur et coureur confirmé, Murakami est bien placé pour savoir que la concentration consiste à retenir profondément son souffle, alors que la persévérance est l'art de respirer lentement, sereinement, en conservant en même temps l'air dans ses poumons: «Tant que vous n'êtes pas capable de trouver un équilibre entre les deux opérations, il vous sera difficile d'écrire des romans, de manière professionnelle, sur une longue durée».
Continuer à respirer tout en retenant sa respiration: toute la réussite, narrative et sportive, réside dans ce paradoxe. Tel le grand Zatopek – qui aura parcouru, rien qu'en s'entraînant, trois fois le tour de la Terre –, le marathonien est un simple rouage d'une machine solitaire et détraquée, un électron sur orbite continuant de remuer son vide bien à lui, «cousu main», sans espoir d'achever sa course «dans la splendeur du soleil couchant sur l'air héroïque de Rocky». On s'en était déjà aperçu avec le somptueux sprint d'Echenoz, on le vérifie avec la cadence infernale de Murakami: courir, c'est tout un roman.


source: ici

Queenie a écrit:

(Spas pour dire... mais le thème a vraiment l'air chiantissime... à moins d'être un foudingue du footing...)

J'attendrais donc l'avis des Parfumés courageux.

Non, ce n'est pas chiantissime, mais il faut s'intéresser à Murakami, c'est sûr. Comme le titre l'indique, Murakami utilise la course à pied pour se définir en tant qu'écrivain. La course l'aide à cultiver la persévérance, l'endurance etc que demande le métier de romancier, elle l'aide aussi à garder une bonne hygiène de vie.

kenavo a écrit:

Le Jeudi 30/04/09
Corina Ciocârlie

un livre sur la course à pied. Ni plus, ni moins.

Pas d'accord avec la dame. C'est plus que ça. Ce n'est pas une apologie gonflante de la Course et du Sport visant à nous faire tous aller gambader, c'est vraiment un essai autobiographique centré sur lui-même, Murakami l'auteur, Murakami l'homme, mais vu à travers le "prisme" du jogging. On apprend beaucoup sur sa façon de travailler, sur les raisons qui l'ont poussé à écrire, sur son côté à la fois très ascétique, limite obsessionnel, et amoureux de la vie. C'est très intéressant pour qui s'intéresse à cet auteur, comme une très longue interview.

Nezumi a écrit:

Queenie a écrit:

(Spas pour dire... mais le thème a vraiment l'air chiantissime... à moins d'être un foudingue du footing...)

J'attendrais donc l'avis des Parfumés courageux.

Non, ce n'est pas chiantissime, mais il faut s'intéresser à Murakami, c'est sûr. Comme le titre l'indique, Murakami utilise la course à pied pour se définir en tant qu'écrivain. La course l'aide à cultiver la persévérance, l'endurance etc que demande le métier de romancier, elle l'aide aussi à garder une bonne hygiène de vie.
Ce n'est pas une apologie gonflante de la Course et du Sport visant à nous faire tous aller gambader, c'est vraiment un essai autobiographique centré sur lui-même, Murakami l'auteur, Murakami l'homme, mais vu à travers le "prisme" du jogging. On apprend beaucoup sur sa façon de travailler, sur les raisons qui l'ont poussé à écrire, sur son côté à la fois très ascétique, limite obsessionnel, et amoureux de la vie. C'est très intéressant pour qui s'intéresse à cet auteur, comme une très longue interview.

Ok, merci pour ces précisions Nezumi.

De rien Queenie.

J'ai édité entretemps mon message car je n'avais pas lu l'article posté par Kenavo.
A nouveau, c'est une critique qui réduit trop cette œuvre à la course, au marathon, aux détails techniques, chronomètre patati patata... Dommage car ça risque de détourner des lecteurs potentiels.
Ils négligent le fait que c'est avant tout un auto-portrait. Celui d'un homme obsédé par la course certes, mais justement intéressant à cause de cette obsession.

Ayant été un coureur de fond (limité au demi marathon à un niveau amateur honorable – autour d’1H30’) et appréciant l’auteur, je note en haut de liste.

La course de fond n’a pas grand-chose à voir avec le footing, la distance change tout…il faut à la fois être endurant, résistant à la douleur et organisateur dans l’effort ; il ne suivit pas de courir à petit trot pendant 20 minutes…
L’analogie avec le métier d’écrivain, même si elle ne saute pas aux yeux, mérite réflexion.

sousmarin a écrit:

Ayant été un coureur de fond (limité au demi marathon à un niveau amateur honorable – autour d’1H30’)

...

J'ai lu le dernier Murakami (lu dans l'avion pour aller au Japon) et j'ai été un peu déçue comme je le présentais malgré quelques bons passages sur le rapport entre la préparation mentale et physique du coureur et celle de l'écrivain. Le reste est assez plat et fade.
Seul avantage c'est que mon chéri est plongé dans l'ouvrage et a envie de découvrir Murakami .

L'éléphant s'évapore

J'ai trouvé ce recueil de nouvelles très divertissant. On retrouve l'imaginaire foisonnant de Murakami. On s'amuse aussi de rencontrer des intrigues, des personnages, qui auront servi de terreau pour des romans ultérieurs (Chroniques de l'oiseau à ressort).
On passe d'un personnage dont l'activité principale est de tondre des pelouses, à un autre spécialisé dans la mise à feu de granges, puis à un éléphant qui s'évapore d'un zoo. C'est très hétérogène mais il y a une constante: un train train perturbé par un accident à un moment ou à un autre.

J'ai préféré Après le tremblement de terre mais la qualité est là.

Kafka sur le rivage:

Je viens de terminer ce livre.Mon premier de cet auteur, chaleureusement recommandé par les internautes.
Pendant la lecture ce ces pages, je suis passée par toutes les émotions possibles.
L'écriture est très originale, arrive à allier simplicité du style et complexité du message, car il y a beaucoup de messages dans ce livre...
On navigue sans cesse entre la réalité et la fiction, l'inconscient et l'inconscient, ce qui peut parfois être déroutant et donner une sorte de sensation vertigineuse.
Je ne suis pas sûre d'avoir tout saisi, beaucoup d'hypothèses restent non vérifiées et peut-être qu'en fin de compte "tout n'est que métaphore", pour citer une phrase qui revient souvent dans le roman.
Une chose m'a par contre interpellée, c'est la multiplicité des marques de vêtements ou autres citées dans le livre, c'est parfois tellement fréquent que cela en devient envahissant.
Bref, une lecture à découvrir...et qui ne laisse pas indifférent....

Grrr toutjours pas lu alors qu'il me tend les bras chaque jour

lyana79 a écrit:

Une chose m'a par contre interpellée, c'est la multiplicité des marques de vêtements ou autres citées dans le livre, c'est parfois tellement fréquent que cela en devient envahissant.

Tiens, c'est une chose que je n'ai pas du tout remarquée. Mais en effet, deux personnages importants (et fantasmatiques) ont des noms de marque (Johnnie Walker, le Colonel Sanders).
Critique du consumérisme particulièrement marqué au Japon, sans doute.

Chatperlipopette a écrit:

Grrr toutjours pas lu alors qu'il me tend les bras chaque jour

Quoi ? Pas encore ? Tu es un oiseau chat rare, Chappy!

Nezumi a écrit:

lyana79 a écrit:

Une chose m'a par contre interpellée, c'est la multiplicité des marques de vêtements ou autres citées dans le livre, c'est parfois tellement fréquent que cela en devient envahissant.

Tiens, c'est une chose que je n'ai pas du tout remarquée. Mais en effet, deux personnages importants (et fantasmatiques) ont des noms de marque (Johnnie Walker, le Colonel Sanders).
Critique du consumérisme particulièrement marqué au Japon, sans doute.

Je ne parlais pas de cela mais plutôt des marques de vêtements, boissons, stylos...
ça m'a paru plutôt répétitif, d'où ma remarque et la critique du consumérisme ne m'a pas parue très claire mais peut-être ne suis-je pas assez clairvoyante