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| Gregor von Rezzori [Autriche] | |
| | Auteur | Message |
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Bellonzo Sage de la littérature
Messages : 1775 Inscription le : 22/07/2008 Age : 75 Localisation : Picardie
| Sujet: Gregor von Rezzori [Autriche] Ven 15 Aoû 2008 - 20:51 | |
| Gregor von Rezzori est un écrivain autrichien né à Tchernivtsi (Bucovine) le 13 mai 1914 et mort en Toscane le 23 avril 1998. De nombreux littérateurs le rangent parmi les grands noms de la littérature autrichienne, aux côtés de Robert Musil et de Heimito von Doderer. Parmi ses œuvres figurent notamment : Neiges d'antan L'Hermine souillée Œdipe à Stalingrad La Mort de mon frère Abel Sur mes traces, un livre autobiographique publié en français en 2004, avec une préface de Jacques Lajarrige.[quote] | |
| | | Bellonzo Sage de la littérature
Messages : 1775 Inscription le : 22/07/2008 Age : 75 Localisation : Picardie
| Sujet: Re: Gregor von Rezzori [Autriche] Ven 15 Aoû 2008 - 20:54 | |
| Sur les traces de la Mitteleuropa
Gregor von Rezzori(1914-1998) venait d'un pays qui n'existe plus. Ce pourrait être en Roumanie, vaguement, maintenant.Il a longtemps été apatride comme bien des hommes de cette époque et de ces pays coincés entre Europe Centrale et Balkans.Il fut autrichien puis fit de l'Italie sa terre choisie.Son oeuvre littéraire,peu connue en France,est en allemand. C'est une sorte d'errance relativemant dorée qui a rythmé la vie de l'auteur à travers les bouleversements du Vieux Continent.
Comme un Stefan Zweig ou un Robert Musil, Gregor von Rezzori a transfiguré par son talent d'écrivain une vie sous le signe de l'exil et de la perte d'identité.Sur mes traces est publié aux Editions du Rocher.De la diplomatie au cinéma Rezzori a été une sorte de dilettante politiquement incorrect et libre.Parmi ses autres livres notons L'hermine souillée et La mort de mon frère Abel. | |
| | | Marie Zen littéraire
Messages : 9564 Inscription le : 26/02/2007 Localisation : Moorea
| Sujet: Re: Gregor von Rezzori [Autriche] Lun 18 Aoû 2008 - 6:12 | |
| De Gregor von Rezzori,j'ai lu Neiges d'antan qui est une autobiographique, le récit d'une enfance dans une famille longtemps exilée et qui retrouve son "pays" alors qu'il a 5 ans. Mais ce pays n'est plus leur pays, l'Autriche et sa culture, mais appartient alors à la Roumanie ( actuellement, la ville dans laquelle von Rezzori a passé son enfance ,Czernowitz, est en Ukraine..). Portrait d'une société , d'une passionnante culture qui tend à complètement disparaitre ( quel gâchis..),d'une époque ( "Jadis, je ne vivais pas par moi-même, c'était mon époque qui vivait en moi"). Récit d'une enfance dominée par certains personnages tous féminins, la mère anxieuse et autoritaire,la nourrice, personnage haut en couleurs, et puis, plus tard, l'ex-préceptrice de sa mère qui le guide lors de son adolescence. Et puis la soeur, constamment réfugiée dans ses lectures et qui meurt très jeune d'une tumeur au cou qui la déforme complètement.. Je l'ai lu il y a quelques années, donc il m'est difficile d'en dire beaucoup plus, mais je me souviens que ce livre est un des premiers à avoir éveillé mon intérêt sur l'histoire de cette fameuse Mitteleuropa, tant les analyses étaient fines .. Je me permets de reprendre un court extrait cité dans Le Matricule des Anges pour donner une idée..
""Il n'y avait qu'un seul point sur lequel ma soeur et moi étions semblables et nous sentions proches : l'intelligence de la relation avec ce qui est irrémédiablement perdu. Nous connaissions la matière qui alimente la poésie de notre vie. Nous savions qu'elle est la valeur des mythes qui nous servaient à transformer les réalités perdues de notre vie. A la fin, il manqua seulement à ma soeur la force de persévérer dans le mythe." | |
| | | Bellonzo Sage de la littérature
Messages : 1775 Inscription le : 22/07/2008 Age : 75 Localisation : Picardie
| Sujet: Re: Gregor von Rezzori [Autriche] Jeu 24 Sep 2009 - 20:58 | |
| Ces jours-ci sort Viva Maria,journal de tournage.Gregor von Rezzori était quelque chose,je ne sais plus quoi,sur ce film.Pas tendre pour la Moreau ou la Bardot,et pas tendre pour Louis Malle non plus,paraît-il.J'aime les inclassables.Il me semble que Rezzori était de ceux-là. | |
| | | Bellonzo Sage de la littérature
Messages : 1775 Inscription le : 22/07/2008 Age : 75 Localisation : Picardie
| Sujet: Re: Gregor von Rezzori [Autriche] Mar 27 Oct 2009 - 20:35 | |
| Je confirme. Les morts à leur place.Journal d'un tournage écrit il ya 44 ans est un témoignage fort intéressant sur le cinéma. Viva Maria ne m'avait pas laissé un grand souvenir. Rezzori dont peu de gens connaissent le talent,sorte d'apatride voyageur alternativement branché et has been,a une plume assez vitriolée our évoquer les deux stars et plus encore Louis Malle.Plus ou moins acteur par hasard sur Viva Maria Gregor von Rezzori nous raconte les coulisses mais pas du tout comme un diariste des people(quel mot!).Non,il met dans son éphéméride toute la finesse d'écriture que lui savent ses rares lecteurs.Peu importe Bardot,peu importe Moreau,ce qui m'a ravi c'est le regard de Rezzori sur le Mexique des années soixante,cet étonnant pays où règne le culte de la mort comme nulle part ailleurs,entre le grand voisin du Nord et le grand baroque de l'Amérique Latine."Les morts à leur place" c'est l'injonction du metteur en scène aux figurants.Pas forcément très à la sienne au cinéma Gregor von Rezzori a su mettre dans ces articles très sixties une ironie très intemporelle,beaucoup d'humour et plus encore bien de la lucidité sur lui-même,Européen errant et légataire de tout un siècle d'histoire austro-roumano-hungaro-germano-etc... | |
| | | Marie Zen littéraire
Messages : 9564 Inscription le : 26/02/2007 Localisation : Moorea
| Sujet: Re: Gregor von Rezzori [Autriche] Mer 28 Oct 2009 - 0:54 | |
| - Citation :
- Je confirme.Les morts à leur place.Journal d'un tournage écrit il ya 44 ans est un témoignage fort intéressant sur le cinéma.
Je l'avais noté, et commandé. A suivre! | |
| | | Marie Zen littéraire
Messages : 9564 Inscription le : 26/02/2007 Localisation : Moorea
| Sujet: Re: Gregor von Rezzori [Autriche] Mar 15 Déc 2009 - 1:36 | |
| Remontons Gregor von Rezzori, en espérant le faire découvrir, j'aime vraiment beaucoup son écriture. - Citation :
- Non,il met dans son éphéméride toute la finesse d'écriture que lui savent ses rares lecteurs.Peu importe Bardot,peu importe Moreau,ce qui m'a ravi c'est le regard de Rezzori sur le Mexique des années soixante,cet étonnant pays où règne le culte de la mort comme nulle part ailleurs,entre le grand voisin du Nord et le grand baroque de l'Amérique Latine.
Pas grand chose à ajouter à ce que dit très bien Bellonzo sur Les morts à leur place, journal d'un tournage. Traduit de l'allemand par Jacques Lajjarige ( Le Serpent à plumes) C'est un fin observateur, Rezzori, et pendant ce long tournage, il a eu le temps d'observer. Et un excellent raconteur des relations humaines, qui se sont avérées légèrement complexes ,ce n'est rien de le dire, Louis Malle ayant eu l'idée saugrenue de mettre quasiment en compétition deux actrices fort différentes de caractère, et leur entourage. Sans compter ce réalisateur lui même et sa compagne de l'époque , à la langue acerbe ( parlant de Jeanne Moreau: " On se trompe toujours à son sujet. On croit pas exemple qu'elle est nécessairement intelligente parce qu'elle est moche.." Quelle bonne ambiance!!) Et bien sûr les plus beaux passages du livre de cet éternel exilé sont ceux dans lesquels il parle des lieux du tournage, le Mexique, donc, et des réflexions que lui inspirent ce pays et ceux qu'il y côtoie. C'est assez acerbe et ironique , mais constamment lumineux. Un petit extrait: - Citation :
- Je suis hanté par des souvenirs de Roumanie. Je suis hanté par le Mexique.
Le petit homme que j'ai croisé ce matin, dressé vers le ciel, les vêtements imbibés par la sueur de son labeur, traînant son visage comme un chasse-neige dans la couleur de l'été commençant à couver, portait une sorte d'avertissement sur le front: " Je suis ingénieur au service de l'Etat!" Et le policier, avec sa virilité coquette dans le mouvement de la culotte de cheval et ses bottes à éperon, semblait posté au carrefour pour défendre l'arme au poing cette revendication incontestée. Mais cela, c'est Czernowitz, avec son byzantinisme des petites gens, son idolâtrie du moi dans les bas-fonds des bureaux de l'administration, qui pourtant n'est que simulée, fabriquée de toutes pièces, et prise au sérieux par personne. A quoi s'oppose la dignité humaine des bas-fonds de la vie. Cette dignité humaine des bas-fonds de la vie, je la rencontre à chacun de mes pas. Elle est tapie dans une porte cochère en train de donner le sein à un enfant. Elle tâtonne à l'aveuglette le long d'un mur, tendant une main quand elle entend des pas. Elle est à croupetons derrière un panier de fruits à moitié avariés. Elle porte des ballots sur ses épaules, tire de petites carrioles derrière elle, des ballots de haillons, des carrioles d'ordures. Elle est accompagnée et fêtée par des chiens à moitié morts de faim qui rentrent leur queue décharnée et t'évitent en faisant un grand détour quand tu lèves la main pour les caresser. Comme je connais bien cela! C'est un vieux pays qui se renouvelle. C'est un vieux peuple qui se transforme en nation. Qui découvre soudain sa grandeur- d'un bout à l'autre.On déniche la grandeur du passé parce qu'on en fait un préalable pou l'avenir. Un peuple d'une fierté que l'incertitude fait vaciller, déterminé au crime et implorant une reconnaissance amicale. Et qui, de fait, a un avenir d'avance sur nous. Mais derrière tout cela, quelque chose d'autre me rappelle mon pays natal ( et pays natal signifie toujours pour moi quelque chose de perdu): la guerre a épargné ce pays. Il a connu son prope bain de sang, à profusion. La révolution, qui a commencé en 1910, est encore aussi proche qu'une bataille livrée hier. On sent toujours l'odeur du feu, on flaire sa cruauté, on perçoit son horrible confusion. Mais elle avait pour elle la foi dans le droit et l'espoir. Ce pays continue de vivre dans l'innocence. Il vit dans la même innocence que nos pays avant 1939. La Première Guerre mondiale ne fut pas une défaite européenne. Seule la seconde le fut. Elle le fut en tant que catastrophe morale..
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| | | Marie Zen littéraire
Messages : 9564 Inscription le : 26/02/2007 Localisation : Moorea
| Sujet: Re: Gregor von Rezzori [Autriche] Mer 9 Mar 2011 - 2:12 | |
| Murmures d'un vieillard, Un compte rendutraduit de l'allemand par Jacques Lajarrige Editions du Rocher Le chirurgien m’assure que j’ai encore un peu de temps. Ce temps ne devrait plus être très long. Que l’on n’attende cependant pas de moi le sérieux moral qui sied communément à un homme au bord de la tombeJ'y comptais bien, Mr von Rezzori, dont j'avais pu déjà apprécier l'humour ! Là, l'écrivain est encore parmi nous, le livre date de 94. Et bien parmi nous, en fin observateur de son époque et de ses contemporains. Même s'il est réfugié ( on l'envie!) dans une maison en Toscane, point final du voyage d'un apatride involontaire. C'est dans cette maison, il en parle beaucoup et avec émotion que Bruce Chatwin, son ami, , a écrit quelques chapitres de son livre Les jumeaux de Black Hill . Il est malade, donc, plusieurs fois opéré, quelques notes de temps en temps, on sent que c'est grave mais que ce n'est pas sur ce sujet qu'il veut s'attarder. Murmures d'un vieillard est la suite du récit d'une vie , par le biais de notes prises ça et là , dans des environnements géographiques différents , notes faites de souvenirs, d'observations et de réflexions. Les sujets d'intérêts sont si divers que c'est bien sûr impossible de les résumer, mais il y a un point commun dans cet exercice de mémoire très brillant et merveilleusement écrit ( et traduit) , c'est la question du pouvoir dans un monde disons légèrement en déliquescence . Comme l'écrit son traducteur dans la préface, Gregor von Rezzori montre à partir des cinq entités politiques qui ont servi de cadre à son existence - la Double Monarchie, la Roumanie, le Troisième Reich, la République fédérale d'Allemagne et l'Italie- comment l'individu aux prises avec l'Histoire est sans cesse menacé par la formation de la masse, qui aveugle et paralyse le jugement et entraîne ces individus à ne suivre que leurs plus mauvais penchants, suivant les beuglements des fanatiques de tous bords. Religieux y compris, bien sûr, et c'est l'occasion , lors d'un séjour à Pondichéry et de la découverte d'un gourou et de sa compagne, surnommée La Mère qui commande et interdit au gré de son bon vouloir, de revisiter tous les dégâts occasionnés par les potentats de toutes sortes . En chapitres qui semblent des souvenirs dispersés- alors qu'en réalité, on le voit au fil de la lecture, la construction du texte est rigoureuse, et l'auteur sait parfaitement où il va- tous précédés d'extraits des Mille et une nuits, Gregor von Rezzori nous fait pénétrer dans son monde plein de culture et d'attention. Je n'en ai pas fini avec lui! Une citation d'André Breton à la fin: J'aimerais que ma vie ne laissât après elle d'autre murmure que celui d'une chanson de guetteur: une chanson pour tromper l'attention. Indépendamment de ce qui arrive, n'arrive pas, c'est l'attente qui est magnifique. | |
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