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| Elif Shafak [Turquie] | |
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Auteur | Message |
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traversay Flâneur mélancolique
Messages : 10160 Inscription le : 03/06/2009 Age : 66 Localisation : Sous l'aile d'un ange
| Sujet: Re: Elif Shafak [Turquie] Mar 31 Aoû 2010 - 16:31 | |
| Soufi, mon amour, le dernier roman d' Elif Shafak, a été un énorme succès en Turquie. Sorti tout d'abord avec une couverture rose, il a été très vite vendu également avec une noire pour que les hommes puissent l'acheter aussi (sic). Sinon, je le termine ce soir et je poste mon avis qui est plus que positif. | |
| | | traversay Flâneur mélancolique
Messages : 10160 Inscription le : 03/06/2009 Age : 66 Localisation : Sous l'aile d'un ange
| Sujet: Re: Elif Shafak [Turquie] Mar 31 Aoû 2010 - 20:23 | |
| Soufi, mon amour - Citation :
- On peut avoir la quarantaine plutôt épanouie, être une excellente ménagère et une enviable mère de famille, et découvrir soudain que sa vie ressemble à un leurre. C’est ce que réalise Ella Rubinstein lorsqu’elle entame la lecture de Doux Blasphème, un manuscrit signé Aziz Z. Zahara, soumis à son jugement par un éditeur. Ce roman va définitivement changer sa vie. Il retrace la vie du poète Rûmi qui, au xiiie siècle, vit son existence prendre une nouvelle orientation et une nouvelle hauteur sous l’influence du plus célèbre derviche du monde musulman, Shams de Tabriz. Au fil des e-mails à Zahara et des pages de Doux Blasphème, Ella subit une métamorphose quasi spirituelle, semblable à celle que connut Rûmi dans sa relation avec Shams. Dans l’un et l’autre cas, à sept siècles de distance, il est possible de parler d’amour, de l’amour transcendé par la quête mystique à laquelle il appelle.
La quatrième de couverture de Soufi, mon amour d' Elif Shafak (énorme succès en Turquie) insiste sur la vie d'Ella, américaine BCBG, en fait une "Desperate Housewife", qui va rencontrer l'amour fou à travers un soufi mystérieux et écrivain avec lequel elle correspond par courriels. Ceci n'est que la partie émergée de l'iceberg d'un roman qui se déroule principalement au 13ème siècle, entre Bagdad et Konya (ville sainte d'Anatolie). Une histoire d'amour, platonique et fusionnelle, entre un érudit et un derviche errant, le second convertissant le premier aux 40 règles du soufisme. Ce n'est pas un livre religieux, mais spirituel et mystique, oui, il l'est assurément. Qu'on se rassure, il est lisible par n'importe quel mécréant, pour peu qu'il se laisse prendre à la prose d' Elif Shafak, qui ondule comme une danse du ventre, et envoûte parfois comme une prestation de derviche tourneur. Soufi, mon amour se dévore comme un conte des mille et une nuits, enrichi par la multitude des personnages qui prennent la plume à tour de rôle et donnent leur version des faits : un ivrogne, un assassin, une prostituée, un saint, un poète etc. Le livre est aux antipodes de Lait noir et bien loin de La bâtarde d'Istanbul. Le talent de conteuse de la romancière turque, lui, est toujours intact. | |
| | | domreader Zen littéraire
Messages : 3409 Inscription le : 19/06/2007 Localisation : Ile de France
| Sujet: Re: Elif Shafak [Turquie] Mer 8 Sep 2010 - 19:09 | |
| Ca y est traversay, ce dernier commentaire m'a décidée à faire connaissance avec Elif Shafak, et puis j'avais aussi envie d'en savoir plus sur le soufisme sans pour cela lire quelque chose de beaucoup plus érudit. | |
| | | traversay Flâneur mélancolique
Messages : 10160 Inscription le : 03/06/2009 Age : 66 Localisation : Sous l'aile d'un ange
| Sujet: Re: Elif Shafak [Turquie] Mer 8 Sep 2010 - 19:27 | |
| - domreader a écrit:
- Ca y est traversay, ce dernier commentaire m'a décidée à faire connaissance avec Elif Shafak, et puis j'avais aussi envie d'en savoir plus sur le soufisme sans pour cela lire quelque chose de beaucoup plus érudit.
Je croise les doigts pour que tu soies aussi en phase que je l'ai été. On y apprend effectivement beaucoup de choses sur le soufisme sans que cela soit pesant (en tous cas, pour un mécréant comme moi). | |
| | | Madame B. Zen littéraire
Messages : 5352 Inscription le : 17/07/2008 Age : 51
| Sujet: Re: Elif Shafak [Turquie] Lun 20 Sep 2010 - 13:25 | |
| J'aime l'univers d'Elif Shafak même si je dois avouer que j'ai été un petit peudéçue par Soufi mon amour. Comme le dit Traversay elle a un vrai talent de conteuse mais je n'ai pas été tellement convaincue par l'histoire de cette femme qui lit le roman d'un homme (que nous lisons aussi), communique avec lui par internet et va changer de vie. Il y a quelque chose d'un peu artificielle dans tout cela. Certains passages de l'histoire du poète Rumi sont de toute beauté néanmoins. Ces quelques remarques ne m'empêchent pas, cependant, d'attendre la suite de son oeuvre avec impatience. Disons simplement que ce n'était pas un livre (ou un sujet) pour moi. | |
| | | domreader Zen littéraire
Messages : 3409 Inscription le : 19/06/2007 Localisation : Ile de France
| Sujet: Re: Elif Shafak [Turquie] Mer 22 Sep 2010 - 19:11 | |
| Soufi Mon Amour Elif Shafak
Voilà une belle histoire ! Une histoire de sages et aussi une histoire d’amour d’une autre dimension. En voici rapidement le propos.
Une parfaite ménagère de plus de quarante ans, épouse modèle et bonne mère décide de retravailler, alors que ses enfants sont déjà grands. Elle trouve un emploi auprès d’une maison d’édition et doit lire des manuscrits pour en faire un résumé et une critique. On lui donne à lire un manuscrit curieux d’un auteur complètement inconnu dans lequel elle se plonge avec réticence, puis avec une sorte d’addiction. C’est alors que démarre le vrai propos de ce roman : l’histoire se passe au 12ème siècle et se concentre autour de deux derviches célèbres, adeptes du soufisme, Shams de Tabriz et le poète Rumi. En effet le récit se concentre autour de la rencontre de ces deux hommes, qui deviennent des ‘compagnons d’âme’, tant leurs intellect respectifs se complètent et s’enrichissent mutuellement. Ceci au point d’aller jusqu’au bout de leur religion et de rejeter toutes les scories produites par les hommes au nom de Dieu, c'est-à-dire qu’il vont vivre pour l’amour suprême, l’amour universel, celui qui est en fait à la base de toutes les religions révélées. Ainsi ils se feront beaucoup d’ennemis fanatiques. En parallèle, notre ménagère suit un peu le même chemin que les derviches, mais j’ai trouvé son histoire parfaitement secondaire, un faire-valoir du récit principal.
J’ai lu ce livre avec rapidité et plaisir, et on peut dire que c’est un roman historique de bonne facture, qui nous fait toucher du doigt l’essence du soufisme sans être pesant pour autant. Mais pour qui s’est un peu penché sur les religions, il semble que l’essence du soufisme ressemble beaucoup à celle des autres religions. A la base, l’amour, le développement harmonieux de chacun sans le carcan des dogmes inventés par les hommes pour en asservir d’autres. Là je prends bien sûr un raccourci ! Seul bémol pour moi, l’histoire parallèle de cette ménagère américaine qui s’ennuie et découvre une vie spirituelle. La rencontre saisissante des deux derviches se suffisait vraiment à elle-même. Ce qui rend aussi ce livre agréable à lire, c'est l'alternance des chapitres courts, avec chaque fois un narrateur différent: shams, rumi, son épouse, une prostiuée, un ivrogne, un assassin, etc. Un bon moment de lecture.
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| | | traversay Flâneur mélancolique
Messages : 10160 Inscription le : 03/06/2009 Age : 66 Localisation : Sous l'aile d'un ange
| Sujet: Re: Elif Shafak [Turquie] Mer 22 Sep 2010 - 22:16 | |
| - domreader a écrit:
- Soufi Mon Amour
Elif Shafak Voilà une belle histoire ! Une histoire de sages et aussi une histoire d’amour d’une autre dimension. de lecture. Une analyse que je partage à 100%, y compris pour l'histoire de la ménagère contemporaine, d'un intérêt nettement moindre. Ecrire ça après Lait noir, que j'ai infiniment aimé, Shafak, euh, je veux dire Chapeau. | |
| | | Arabella Sphinge incisive
Messages : 19316 Inscription le : 02/12/2007 Localisation : Paris
| Sujet: Re: Elif Shafak [Turquie] Ven 9 Sep 2011 - 18:44 | |
| Je viens de terminer La bâtarde d'Istanbul. Par certains aspects c'est certainement un livre sympathique, mais en toute honnêteté je ne peux pas en dire du bien. Je l'ai trouvé bourré de clichés et de facilités (on se doute de l'identité du père d'Asya au moins 100 pages avant "la révélation" en espérant que l'auteur n'osera quand même pas), les liens invraisemblables et tellement prévisibles (plus ils sont invraisemblables et plus ils sont prévisibles) entre les deux familles, les scènes pittoresques attendues de cuisine, de bazar et autres. Et l'écriture tellement simple et incolore, certes proche de la langue parlée, mais sans le plus que j'attends d'une oeuvre littéraire. L'auteur aime son pays et sa ville et en donne une image gentille et proprette, rassurante, avec des personnages féminins aimables au possible, juste ce qu'il faut d'un peu exotique, mais surtout pas trop.
J'ai la sensation que dans une semaine je ne m'en souviendrai plus. | |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Elif Shafak [Turquie] Dim 5 Fév 2012 - 17:34 | |
| Je suis très curieuse pour lire des nouveautés étrangères et avec la batarde d'istanbul je n'ai pas été déçue du tout. Un roman trouvé à ma bibliothèque par hasard (je lis toujours en premier les quatrièmes de couvertures ça donne toujours une idée). Cette recherche du passé, des femmes et leurs vies, les amours , les emmerdes pourrait -on-dire??!! J'ai envie de me plonger dans Soufi mon amour. |
| | | zazy Sage de la littérature
Messages : 2492 Inscription le : 19/03/2011 Age : 75 Localisation : bourgogne
| Sujet: Re: Elif Shafak [Turquie] Mer 15 Fév 2012 - 21:02 | |
| Soufi, mon amour
Le titre ne me laissait augurer qu’une histoire d’amour….. Mais j’avais un challenge à respecter !!!! J’ouvre le livre et…. Je suis happée, prise par la main, impossible de lâcher le livre.
Deux histoires cohabitent dans ce livre.
Nous somme en 2008. Ella habite le Massachussetts, mariée, mère de 3 enfants, vie très pragmatique d’américaine bon ton, devient lectrice pour une maison d’édition. Elle reçoit son premier manuscrit : « Doux blasphème ». Là aussi, le titre me fait frémir… encore un roman à l’eau de rose ? Laissons tomber l’histoire de Ella qui est convenue et sert à introduire les quarante règles de Shams
« Doux blasphème » se déroule en 1242 en Turquie et, telle la danse lancinante des derviches, je suis entraînée et me laisse entraîner. Kony, Turquie en l’an 1242. Rûmi, célèbre poète turc rencontre Shams de Tabriz, derviche soufi. Nait entre eux, une histoire d’amitié et d’amour si profonde qu’elle va bouleverser leurs vies.
Comme toute quête de l’absolue pureté, élévation, grand amour exclusif, Rûmi va s’isoler du monde sans se soucier du reste. Les dommages collatéraux seront très importants au sein de son entourage sans que cela engendre la moindre culpabilité des deux hommes.
Shams le derviche, rencontre toute une pléiade de personnages qu’il met en scène pour inviter Rûmi à passer les 5 portes tels Suleiman l’ivrogne, le zélote, Rose du désert la catin…..
Chaque partie a pour titre un des éléments : la terre (ce qui est solide, absorbé, immobile), l’eau (ce qui est fluide, changeant et imprévisible), le vent (ce qui bouge, évolue et nous défie) le feu (ce qui abîme, dévaste et détruit), pour arriver à la 5ème : le vide (ce qui est présent à travers son absence).
Shams et Rûmi ont mis 40 jours à discuter autour des 40 règles…. Tiens, cela me rappelle les 40 jours du déluge !!! Il est aussi question d’Abel et Caïn… A cette époque moyenâgeuse, beaucoup de religions cohabitaient. Rûmi, musulman, a épousé Kerra chrétienne, bien qu’Erudit et enseignant l’Islam….
Ce que démontre Shams est plus du domaine de la philosophie que de la religion. Mais voilà, il y a les hommes et leur interprétation de la ou plutôt des religions
J’ai bien aimé ce livre si facile et agréable à lire. J’ai comme une envie de découvrir plus avant la vie de ces 2 personnages. Comme je l’ai emprunté à la bibliothèque, je vais l’acheter pour l’avoir dans ma bibliothèque.
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| | | traversay Flâneur mélancolique
Messages : 10160 Inscription le : 03/06/2009 Age : 66 Localisation : Sous l'aile d'un ange
| Sujet: Re: Elif Shafak [Turquie] Mer 17 Avr 2013 - 15:04 | |
| Crime d'honneur - Citation :
- « Ma mère est morte deux fois. » C’est par ces mots qu’Esma, jeune femme kurde, commence le récit de l’histoire de sa famille née sur les rives de l’Euphrate et émigrée à Londres en 1970.
L’histoire, d’abord, de sa grand-mère dans le village de Mala Çar Bayan, désespérée de ne mettre au monde que des filles, elle qui sait combien la vie ne les épargnera pas. L’histoire de sa mère, Pembe la superstitieuse, et de sa tante, Jamila la guérisseuse, sœurs jumelles aux destins très différents. L’histoire des hommes aussi, celle de son père, tour à tour aimant, violent, fuyant, et celle de ses frères, Yunus le rêveur, et Iskender. Iskender, l’enfant chéri de sa mère, la « prunelle de ses yeux », son sultan. Son meurtrier. Crime d'honneur : dès les premières pages du dernier livre d' Elif Shafak, il est clair que toutes les pistes narratives de cette immense saga familiale vont mener à cet acte horrible : le meurtre d'une femme par son propre fils décidé à laver un affront indélébile. Patiemment, la romancière remonte tous les fils d'une histoire qui débute dans un petit village du Kurdistan turc, se pose un temps à Istanbul, avant de se déployer dans le Londres de la fin des années 70 alors que le mouvement punk secoue l'Angleterre avec les riffs des Clash pour bande son. Elif Shafak bouscule la chronologie, passe d'un personnage à l'autre, tous en lutte pour échapper à leur destin, les principaux, loin de leur terre natale, se débattant entre le respect des traditions ancestrales et une hypothétique aspiration à la liberté. La tragédie a ses racines et il faut tout le talent d'une conteuse orientale pour entremêler une douzaine d'histoires sans jamais perdre de vue son thème central. Entre l'honneur et l'horreur, celle d'un crime, Elif Shafak s'insinue dans les interstices, donne de l'ampleur à l'intime, cherche et trouve l'empathie avec des hommes et des femmes qui ont tous et toutes leurs raisons d'agir, que l'auteur détaille sans porter le poids du jugement. Avec Crime d'honneur, la romancière se renouvelle, explore de nouveaux rivages, tout en affinant sa plume, et pétrit la pâte des sentiments humains avec virtuosité et maîtrise. | |
| | | zazy Sage de la littérature
Messages : 2492 Inscription le : 19/03/2011 Age : 75 Localisation : bourgogne
| Sujet: Re: Elif Shafak [Turquie] Mer 17 Avr 2013 - 23:18 | |
| Merci Traversay, je le note car il n'est pas encore à la bibliothèque. J'y ai retenu Bonbon palace de cet auteur | |
| | | traversay Flâneur mélancolique
Messages : 10160 Inscription le : 03/06/2009 Age : 66 Localisation : Sous l'aile d'un ange
| Sujet: Re: Elif Shafak [Turquie] Jeu 18 Avr 2013 - 9:54 | |
| - zazy a écrit:
- Merci Traversay, je le note car il n'est pas encore à la bibliothèque. J'y ai retenu Bonbon palace de cet auteur
Bizarrement, c'est le seul d'elle que je n'ai pas aimé. Je ne saurais pas dire pourquoi. | |
| | | zazy Sage de la littérature
Messages : 2492 Inscription le : 19/03/2011 Age : 75 Localisation : bourgogne
| Sujet: Re: Elif Shafak [Turquie] Jeu 18 Avr 2013 - 10:00 | |
| Je verrai !!! le titre m'a rappelé un auteur égyptien : Alaa El Aswany et de son livre L'immeuble Yacoubian. C'est en effet le même thème. | |
| | | pia Zen littéraire
Messages : 6473 Inscription le : 04/08/2013 Age : 56 Localisation : Entre Paris et Utrecht
| Sujet: Re: Elif Shafak [Turquie] Jeu 6 Nov 2014 - 17:56 | |
| Lait Noir Le thème de la Dépression postnatale. Cela pourrait être un livre triste, informatif, qui cherche des solutions mais ce n’est pas le cas. Il y a bien sûr quelques pages dans lesquelles elle parle de sa déchéance, de sa tristesse et de son désespoir, mais cela passe vite. Tout d’abord elle brosse un portrait d’elle-même. Le portrait d’une femme dispersée qui ne sais jamais quel chemin prendre et qui se bat avec elle-même. Elle le fait avec beaucoup d’humour et de dérision sous la forme de petites femmes miniatures qui seraient son chœur intérieur, avec lequel elle devise, qui est partagé ou qu’elle partage sans pouvoir trouver une unité. Je ne peux pas dire que, contrairement à elle, le silence me dérange. Chaque fois que le silence se fait, toutes les voix fêlées qui m’habitent surgissent l’une après l’autre. Je transporte en moi tout un chœur incapable de se taire. Le chœur de mes voix intérieures. Drôle de chœur que celui-là. Les voix sont discordantes. Et fausses pour la plupart. Réagissant au silence comme à un signal, elles se mettent toutes à jacasser en même temps. Le mot jacasser est faible, je devrais plutôt dire : à s’égosiller. Cette disparité et ce morcellement intérieurs me font frémir d’effroi. C’est pourquoi le silence ne me vaut rien. Je ne peux écrire que dans le bruit et le vacarme. Puis elle parle de la place de la femme dans la littérature et plus spécialement de la maternité dans la vie d’une auteure. Elle nous donne une foule de renseignements sur ses congénères et tente d’analyser ce que la maternité a changé dans leur vie. Puis elle se pose plein de questions sur la place de la maternité dans sa propre vie avant que cela n’arrive, sur sa féminité dans un monde dans lequel elle veut exister, et où en tant que femme on doit s’imposer en étant un cerveau plutôt qu’un corps. Elle se bat avec ses contradictions qu’elle ne peut vivre que d’une façon extrême. Cette semaine, j’ai compris et dû admettre que le corps d’une femme enceinte ne lui appartient pas en propre mais appartient à la société. A toutes les femmes de la société, plus exactement. Chaque fois que je sors dans la rue, il faut toujours que de parfaites inconnues viennent me toucher le ventre. J’ai beau vouloir m’esquiver, leurs mains tâtent et tapotent mon bidon. Dernièrement, j’étais devant l’étal du marchand de quatre-saisons quand une vieille dame que je n’avais jamais vu de ma vie, s’est approchée pour se mettre à inspecter mes achats. -Ne prends pas d’aubergines, mon enfant, elles contiennent de la nicotine, dit-elle. Le plus drôle, c’est que l’apprenti devait lui reconnaitre une autorité indiscutable sur la question car il reposa illico mes aubergines sans demander mon avis. Et, avec l’approbation de la vieille dame, nous les avons remplacés par des brocolis. Elle parle de ce devoir de la femme moderne d’être une mère heureuse et montre le paradoxe qu’il y a de dire que, dans "l’ancien temps" on ne comprenait pas grand-chose. Soit disant parce qu’on n’avait moins de connaissances... Alors qu’on avait l’intuition que, ce moment après la naissance était une période critique pour les jeunes mères, et qu’elles devaient être aidées, soutenues, et ne pas être laissées à leur solitude pendant au moins 40 jours. Cette dépression qui pouvait survenir, prenait le visage de djinns malfaisants qui s’attachaient aux mères et qu’il fallait éloigner. -Qui êtes-vous ? demandé-je sans parvenir à masquer mon désagrément. -Ah, vous ne me reconnaissez pas ? répond-il l’air vexé. Ne me dites pas que vous n’avez jamais entendu parler des djinns qui s’accrochent aux nouvelles accouchées… La chaleur me monte au visage. Mais je m’efforce de conserver un calme apparent. -Serais-tu cette Alkarisi dont m’a parlée ma grand-mère ? Il éclate de rire. -Alkarisi ? Et puis quoi encore ? Mais non, très chère, ça, c’était dans l’ancien temps. Alkarisi est passée de mode depuis belle lurette. La dernière fois que j’en ai entendu parler, elle venait de se faire renvoyer de la maison de retraite des Mauvais Petits Dables. Même là-bas il a fallu que cette canaille fasse des siennes. A présent elle est pensionnaire d’un autre établissement, si je ne me trompe. Comme vous pouvez le constater, cela fait longtemps qu’elle a raccroché son tablier. Elle ne figure même plus dans le top Ten des djinns qui s’attachent aux nouvelles accouchées. De nouveaux Djinns sont apparus à l’époque moderne. Ce n’est pas pleurnichard, Il y a quelques longueurs quand elle devise sans fin avec le chœur de ses vies intérieurs, mais elle le fait avec beaucoup d’humour, ce qui est très plaisant. Son écriture en vaut vraiment le coup. Et pour ceux qui aime Adalet Ağaoğlu, elle raconte une rencontre qu’elle a eu avec elle, rencontre qui a servi d’introduction, de prémisse à toutes les interrogations de Lait noir. Bien envie de lire un livre d’elle. Jeune femme pensive sur un sofa de Jean-Etienne Liotard Madame B a écrit:C'est vrai que Lait noir est un peu à part. Il est lui-même différents genres (journal intime, essai...). J'ai beaucoup aimé même si je dois avouer parfois que la discussion avec ses "petites voix" ("ses petites bonnes femmes) m'a un peu lassée quelquefois même si au début je trouvais que c'était une bonne idée. J'aime toujours autant son écriture. Pia a écrit:Je suis d'accord avec toi, c'est un peu à part. Ce n'est pas un roman. C'est autobiographique... Il y a des passages qui sont comme un journal intime. Je trouve très drôle ses conseils et tests à la façon d'un magazine pour femme mais qu'elle détourne bien sûr à sa façon. C'est un peu un essai...Toute la partie du milieu..Les femmes auteures et leurs corps, leur maternité, leur place dans la littérature. Et j'aime son écriture comme toi. | |
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