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Parfum de livres… parfum d’ailleurs
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Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
Sujet: Re: Luchino Visconti Dim 6 Mar 2011 - 23:30
J'oubliais de préciser que Rocco et ses frères est l'adaptation d'une partie du roman de Giovanni Testori: Le pont de la Ghisolfa
Invité Invité
Sujet: Re: Luchino Visconti Mer 4 Jan 2012 - 13:43
Le Guépard
Synopsis
Nous sommes dans les années troubles de 1860-1863 : l’armée révolutionnaire de Garibaldi débarque à Marsala, ville italienne de la province de Trapani en Sicile, en vue d’annexer le royaume des Bourbons à l'Italie du Nord. Le prince Fabrizio Courbera de Salina (joué par Burt Lancaster) comprend qu’il vit les derniers moments d’une époque bientôt révolue. Sans beaucoup d’illusions sur son avenir, il quitte son domaine avec sa famille pour son palais de villégiature dans le village de Donnafugata.
Le plus grand atout de ce film ? Sans conteste Burt Lancaster : il est absolument impérial dans ce rôle d’un aristocrate vacillant sur ses bases mais pas encore totalement déboulonné. Ce film devrait être vu rien que pour lui tant il m’a impressionnée, touchée, remuée. Un grand acteur cet homme là, ayant été tout au long du film complètement sous son charme, Alain Delon faisant pâle figure en comparaisons malgré sa fougue et son insolence propre à la jeunesse.
Les plus grandes failles du film ? La reconstitution de l'entrée des forces révolutionnaires de Garibaldi à Marsala frôle le ridicule, c’est mou, sans forme, inconsistant, limite potache. Le jeu de Claudia Cardinal est souvent mauvais, ou du moins affreusement daté. Il faut dire que les gloussements d’un spectateur installé non loin de moi à chaque mimique maladroite (ridicule ?) de l’actrice ne m’ont pas beaucoup aidé à prôner l’indulgence et j’avoue avoir été plusieurs fois tentée de glousser à mon tour tant son jeu d'actrice manquait parfois de subtilité. Exception faite lorsqu’elle éclate de rire à table en compagnie de Tancrède, joué par Alain Delon : un rire franc, audacieux et irrévérencieux à la fois, un rire véritablement orgasmique. Vraiment jubilatoire.
Reste les mises en tableaux somptueuses et magnifiquement orchestrées, un plaisir pour les mirettes. Les fameuses scènes de bal mais pas seulement : les scènes de familles, les scènes religieuses, sans oublier les paysages arides et la beauté des terres siciliennes. Evocation d’une transition de pouvoir, de la fin d’une époque. Il y a une atmosphère propre aux romans d’auteurs de la Mitteleuropa dans ce film, je pense notamment à Sándor Márai : des us et coutumes qui commencent déjà à se flétrir mais qui dégagent encore une douceur de vivre qui ravit et indispose à la fois, une légère odeur fétide se dégageant peu à peu comme d’un fruit devenu trop mûr.
A noter de la présence dans des rôles secondaires de Guiliano Gemma et Mario Girotti (qui ne s’appelait pas encore Terence Hill) à leur début.
Malgré quelques réticences donc, un film à voir, ne fusse que pour la mise en scène somptueuse et le magnifique jeu d’acteur de Burt Lancaster. J’aurais juste voulu mieux connaître le contexte historique de l’Italie à cette époque, afin de mieux me situer par rapport à certains dialogues, mieux cerner les enjeux même si on les comprend sans peine dans les grandes lignes.
Citation :
Nous étions les guépards, les lions. Ceux qui nous remplaceront seront les chacals, les hyènes. Et tous tant que nous sommes, guépards, lions, chacals, brebis, nous continuerons à nous prendre pour le sel de la Terre.
Le Guépard de Luchino Visconti (1963), adapté du livre-homonyme de Giuseppe Tomasi di Lampedusa. Il a reçu la Palme d'or au Festival de Cannes 1963.
eXPie Abeille bibliophile
Messages : 15620 Inscription le : 22/11/2007 Localisation : Paris
Sujet: Re: Luchino Visconti Mer 4 Jan 2012 - 19:56
sentinelle a écrit:
Malgré quelques réticences donc, un film à voir, ne fusse que pour la mise en scène somptueuse et le magnifique jeu d’acteur de Burt Lancaster. J’aurais juste voulu mieux connaître le contexte historique de l’Italie à cette époque, afin de mieux me situer par rapport à certains dialogues, mieux cerner les enjeux même si on les comprend sans peine dans les grandes lignes.
As-tu vu la VF ou la version Italienne ? Il me semble avoir lu quelque part que la version italienne comporte du minutage supplémentaire vers le début, qui traite de la situation politique. En jetant un oeil sur imdb, il est écrit que Visconti aurait d'abord voulu Laurence Olivier ; la Fox lui a donné le choix entre Anthony Quinn, Spencer Tracy, et Burt Lancaster, ce dernier ayant fait savoir à Visconti qu'il avait lu le livre.
Burt Lancaster est vraiment excellent, et même plus, oui, on pourrait dire que c'est le rôle de sa vie. C'est toujours étonnant de voir de telles interprétations même pas remarquées par une nomination à un Oscar ou autre... Avec toute la sympathie que j'ai pour Spencer Tracy, je ne l'imagine pas dans le rôle. Quant à Anthony Quinn, aurait-il pu donner un jeu aussi subtil, ou bien en aurait fait des tonnes dans l'Italianité ? (on n'en saura jamais rien).
Sujet: Re: Luchino Visconti Mer 4 Jan 2012 - 20:31
Je crois que Le Guépard est mon film préféré de Visconti. Peut etre parce que j' avais beaucoup aimé le livre et aussi parce qu' il y a une adéquation étroite entre visconti et Lampedusa, fils d' aristrocrates, et critiques de leur propre classe.
Et puis les acteurs et notamment Burt Lancaster phénoménal !
Invité Invité
Sujet: Re: Luchino Visconti Mer 4 Jan 2012 - 20:36
eXPie a écrit:
As-tu vu la VF ou la version Italienne ? Il me semble avoir lu quelque part que la version italienne comporte du minutage supplémentaire vers le début, qui traite de la situation politique. En jetant un oeil sur imdb, il est écrit que Visconti aurait d'abord voulu Laurence Olivier ; la Fox lui a donné le choix entre Anthony Quinn, Spencer Tracy, et Burt Lancaster, ce dernier ayant fait savoir à Visconti qu'il avait lu le livre.
Burt Lancaster est vraiment excellent, et même plus, oui, on pourrait dire que c'est le rôle de sa vie. C'est toujours étonnant de voir de telles interprétations même pas remarquées par une nomination à un Oscar ou autre... Avec toute la sympathie que j'ai pour Spencer Tracy, je ne l'imagine pas dans le rôle. Quant à Anthony Quinn, aurait-il pu donner un jeu aussi subtil, ou bien en aurait fait des tonnes dans l'Italianité ? (on n'en saura jamais rien).
J’ai vu la version italienne, qui parait-il diffère de la version française (plus courte que la version italienne j’imagine) mais n’ayant jamais vu la version française, je ne saurai dire si les versions diffèrent concernant le traitement de la situation politique.
Burt Lancaster est vraiment magistral dans ce rôle, sans doute le rôle de sa vie comme tu dis. J’avoue que je ne me l’imaginais pas vraiment non plus jouer cet aristocrate italien avec autant de finesse et de sensibilité, je comprends donc sans peine les réticences de quelques-uns (un cow-boy pour jouer le guépard ?), réticences complètement balayées quand on voit le résultat. Il parait qu’on voulait que le guépard soit au départ joué par Visconti lui-même mais par pudeur, le réalisateur n’a pas voulu jouer ce rôle. J’ai entendu une interview d’Alain Delon qui disait que Burt Lancaster et lui-même avaient signé pour tourner une suite du Guépard (le Guépard trente ans après), suite malheureusement annulée suite au décès de l’acteur américain en 1994.
Anecdotes du tournage: Le Guépard a été tourné en 4 ou 5 langues (français, espagnol, italien, anglais, allemand ?), chaque acteur parlant sa langue avant d’être doublé. C’est d’ailleurs flagrant dans la version italienne : Alain Delon est bien doublé en italien mais parle bien en français tant la lecture labiale ne trompe pas sur ce point. Puis comme le dit Alain Delon, la scène du bal (à la lumière des bougies) prend autant de temps que celui d’un film d’aujourd’hui (1/3 du film, temps du tournage de la scène du bal : 3 semaines), chose assez inimaginable de nos jours.
bix229 a écrit:
Je crois que Le Guépard est mon film préféré de Visconti. Peut etre parce que j' avais beaucoup aimé le livre et aussi parce qu' il y a une adéquation étroite entre visconti et Lampedusa, fils d' aristrocrates, et critiques de leur propre classe.
Et puis les acteurs et notamment Burt Lancaster phénoménal !
Oui oui oui, il est vraiment extraordinaire dans ce rôle, on ne le dira jamais assez je crois, Burt Lancaster. Il ne reste plus qu'à lire le roman maintenant
Avadoro Zen littéraire
Messages : 3501 Inscription le : 03/01/2011 Age : 39 Localisation : Cergy
Sujet: Re: Luchino Visconti Mer 4 Jan 2012 - 22:03
Burt Lancaster trouve en effet le rôle de sa vie, mais sa filmographie dans son ensemble est vraiment remarquable dans le sens où il a su et voulu interpréter une vieillesse et une usure physique (de The Swimmer à Atlantic City). J'admire Le Guépard à travers lui tant il "est" le prince de Salina, et la mise en scène de Visconti, somptueuse et grave, est au diapason. Digne du magnifique roman de Lampedusa, une des plus belles méditations sur le sens de l'histoire et le passage du temps.
Lisez quand meme le livre de Lampedusa qui a précédé et inspiré Visconti. Je pense que pour une fois, le livre et le film sont de valeur égale. Il ne faut jamais oublier non plus la lucidité historique et politique de Lampedusa qui anticipait sur ce qui allait se passer, en expliquant que la révolution garibaldienne aurait la peau de l' aristocratie. Mais que les chacals de la bourgoisierie lui succéderaient et que ce ne serait pas mieux pour le peuple.
Invité Invité
Sujet: Re: Luchino Visconti Jeu 5 Jan 2012 - 11:25
Je me suis fait la promesse de le lire, d'ailleurs je m'engage à le lire cette année (première bonne résolution de l'année 2012).
Sujet: Re: Luchino Visconti Jeu 5 Jan 2012 - 14:43
Tu ne le regretteras pas, Senti. L' histoire d' une famille et d' un homme, le prince Salina, prise dans la tourmente de l' Histoire en marche, c' est beau.
On comprend aussi pourquoi le prince préferait les guépards aux chacals !
Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
Sujet: Re: Luchino Visconti Mer 5 Sep 2012 - 0:37
traversay a écrit:
Sandra (Vaghe stelle dell'orsa, 1965) Vu il y a fort longtemps et peu apprécié à ce moment-là. Une nouvelle vision s'imposait. Après la splendeur du Guépard, Visconti revient au noir et blanc et filme une histoire très sombre dans une villa toscane. Atmosphère morbide, tragédie grecque à base d'inceste, de trahison et de dégoût, Sandra exacerbe les défauts (moins voyants dans d'autres films) du cinéaste, en particulier un certain formalisme et un excès d'effets mélodramatiques. Il y a cependant quelque chose de fascinant dans ce ratage (pas d'accord avec certains viscontiens prétendent qu'il s'agit d'une de ses oeuvres majeures), comme un écho aux thèmes du film et à la personnalité trouble du personnage de Sandra, que Claudia Cardinale joue avec une sensualité, euh, troublante.
Curieux film que ce Sandra qui oscille entre transposition théâtrale des Atrides et romantisme fiévreux à la façon des Hauts de Hurlevent. Sandra et Gianni sont une Electre et un Oreste déchirés par la mort de leur père, juif probablement déporté par les nazis sur dénonciation de leur mère. Leur haine pour cette Clytemnestre devenue complètement folle et leur ferveur pour honorer la mémoire de leur père les conduisent aux limites d'une relation incestueuse dont la réalité reste ambigüe. Ils sont aussi Cathy et Heathcliff portant en eux ce sang impur qui en fait des maudits condamnés à se consumer de désir et de souffrance.
Tout ça aurait pu donner un mélodrame sublime mais malheureusement le trait est trop appuyé, les jeux d'acteurs outranciers. Claudia Cardinale en rajoute jusqu'à l'insupportable dans la sensualité animale et les froncements de sourcils. La mère est une hystérique fellinienne digne de la Clytemnestre de l'opéra de Richard Strauss. Le mari de Sandra est bien fade. Jean Sorel s'en sort mieux par contre en Gianni, clone d'Alain Delon au regard enfantin et vulnérable, qui ne parvient pas à se détacher de son amour interdit pour sa soeur.
Il y a de belles séquences dans ce village toscan photogénique. Les retrouvailles de Sandra et Gianni sous un vent déchaîné ou dans les sous-sols d'un château d'eau sont très sensuelles. La cérémonie autour d'un arbre vers la fin a une très belle lumière... L'utilisation de la musique de César Franck comme leitmotiv évoquant à la fois la mémoire du père et la folie de la mère crée un fil conducteur troublant et mélancolique... Mais l'ensemble est excessif, maladroit, trop démonstratif.