Chants du voyageJ'ai découvert hier soir à l'opéra de lille un spectacle très émouvant (le public avait les larmes aux yeux en sortant de la salle, c'est rare) qui associait, avec justesse et habileté, l'opéra de Vaughan Williams "
Riders to the sea" précédé par 9 des "
Songs of Travel" de Stevenson.
Quelle émotion et quelle découverte que ces chants d'amour, d'amitié, de mort, d'appel à l'aventure, d'une poésie rare. Il y avait en plus une superbe mise en espace avec des projections de la mer et du texte lui-même en un jeu d'apparitions et de glissements très inventifs. Fort!
Je me suis précipité le lendemain pour trouver un exemplaire des "chants" sur internet et par miracle il existe dans une édition bilingue.
Tu aurais apprécié ce beau spectacle Bellonzo, j'en suis certain. Malheureusement il n'y a qu'une date mais le spectacle est repris à Paris du 8 au 11 avril au théâtre de l'Athénée Louis Jouvet.
http://www.athenee-theatre.com/programmation/fiche_spectacle.cfm/60718_riders_to_the_sea.html
Commentaires trouvés sur internet:
Présentation:
Robert Louis Stevenson, grand romancier que l'on connaît, est également un grand poète. On conserve de lui de nombreux recueils, dont ces Chants du voyage (Songs of Travel) qui représentent la quintessence de son art poétique.
Le poème d'ouverture, " Le vagabond ", est non seulement considéré comme l'un de ses meilleurs poèmes, mais encore comme l'un des meilleurs poèmes de la langue anglaise.
Les Chants du voyage sont un merveilleux exemple de cette finesse littéraire que Stevenson sait si bien cacher sous la simplicité et, par-dessus tout, de son charme.
Les Chants du voyage est le premier recueil de poèmes de Stevenson à être publié en françaisStevenson gardait plus d'un trésor dans ses cales. Les poèmes présentés dans ce recueil bilingue sont inédits en français et de la meilleure eau. Sous l'apparente simplicité et le charme qui ont fait son succès, l'auteur de L'Ile au trésor recèle dans ces vers une profondeur et une sensibilité exemptes de mièvrerie. Parmi ces perles, retenons particulièrement Le Vagabond et les derniers poèmes, rédigés sur les îles Samoa, où il trouva la mort. «Vagues et vents, îles, océans,/ Montagnes de soleil et de pluie,/ Tout ce qui était bon, tout ce qui était beau,/ Tout ce qui était moi s'est enfui.» Chants du voyage de Robert Louis Stevenson. Éditions Les Belles lettres.
Le Vagabond Sur un air de Schubert
Donnez-moi la vie que j'aime,
Le long de ma route un ruisseau,
Donnez-moi le ciel joyeux et le chemin de traverse.
Dormir sous le buisson, regarder les étoiles,
Tremper son pain dans la rivière –
Telle est la vie qui me convient
Toujours et à jamais.
Que s'abattent les coups qui me sont destinés,
Advienne ce qui devra ;
Mais donnez-moi la face de la terre
Et la route qui m'attend.
Richesse, espoir, amour n'importent
Ni un ami qui me connaisse ;
J'ai pour seul désir le ciel, là-haut,
Et la route qui s'en va.
Ou que l'automne me prenne
Par les champs où je m'attarde,
Faisant taire l'oiseau dans l'arbre,
Mordant mes doigts bleuis.
Le champ couvert de givre est blanc comme farine –
L'âtre offre un tiède abri –
Je ne veux céder à l'automne,
Ni même à l'hiver !
Que s'abattent les coups qui me sont destinés,
Advienne ce qui devra ;
Mais donnez-moi la face de la terre
Et la route qui m'attend.
Richesse, espoir, amour n'importent
Ni un ami qui me connaisse ;
J'ai pour seul désir le ciel, là-haut,
Et la route qui s'en va.
En VO
The Vagabond
To an air of Schubert
Give to me the life I love,
Let the lave go by me,
Give the jolly heaven above
And the byway nigh me.
Bed in the bush with stars to see,
Bread I dip in the river -
There's the life for a man like me,
There's the life for ever.
Let the blow fall soon or late,
Let what will be o'er me;
Give the face of earth around
And the road before me.
Wealth I seek not, hope nor love,
Nor a friend to know me;
All I seek, the heaven above
And the road below me.
Or let autumn fall on me
Where a field I linger,
Silencing the bird on tree,
Biting the blue finger.
White as meal the frosty field -
Warm the fireside haven -
Not to autumn will I yield,
Not to winter even!
Let the blow fall soon or late,
Let what will be o'er me;
Give the face of earth around,
And the road before me.
Wealth I ask not, hope nor love,
Nor a friend to know me;
All I ask, the heaven above
And the road below me.
À une princesse des îles Depuis le temps lointain où, tout enfant,
Je rêvais en lisant de me lever, de partir,
Partout dans le monde et à chaque instant
J'ai imaginé une terre promise.
Ma maison était sur la route ;
J'ai embarqué souvent, et combien de nuits
Ai-je reposé ma tête sous un ciel sans voile,
Trempé par la pluie, battu par les vents :
Et j'ai franchi cent collines,
Parcouru cent pays – temps perdu de l'amour !
Puis, Madame, j'ai abordé cette île de soleil,
Vide d'espoir ; et, comme un aveugle
Recouvre la vue, j'ai frotté mes deux yeux
Pour saluer d'un cri ma terre promise.
Oui, Madame, j'étais au bout de ma route ;
Ce que j'avais rêvé, je le voyais enfin :
Le long rouleau saphir de l'océan
Qui préserve une terre vierge ;
Les solides géants de bois
Chargés de jouets, de fruits et de fleurs ;
La précieuse forêt qui se dresse
Comme un rempart autour de la ville ;
La ville même, et ses rues d'herbe,
Aimée de la lune, chérie de l'aube,
Où tout le jour les enfants bruns
Font un vacarme incessant et joyeux,
Jouant au soleil, jouant sous la pluie,
Sans jamais se battre et sans gémir ;
Et, à la nuit tombée, dans la forêt de fruits,
Dîtes, entendez-vous cette flûte qui passe ?
Je regardai tout alentour,
Comprenant que j'étais au pays enchanté.
Pourtant quelque chose semblait
Manquer. Car, Madame, (vous le savez),
Quiconque doit à sa persévérance
D'avoir atteint le Pays enchanté
Y découvre toujours, le regard émerveillé,
Une princesse-fée, sage et bonne.
Brève attente ! Car bientôt,
Sur le seuil, en plein midi,
Gracieuse et bienveillante, sage et douce,
Moë, Princesse-Fée, se tenait devant moi.
Tautira, Tahiti , 5 Novembre 1888.
En VO
To an Island Princess
Since long ago, a child at home,
I read and longed to rise and roam,
Where'er I went, whate'er I willed,
One promised land my fancy filled.
Hence the long roads my home I made;
Tossed much in ships; have often laid
Below the uncurtained sky my head,
Rain-deluged and wind-buffeted:
And many a thousand hills I crossed
And corners turned - Love's labour lost,
Till, Lady, to your isle of sun
I came, not hoping; and, like one
Snatched out of blindness, rubbed my eyes,
And hailed my promised land with cries.
Yes, Lady, here I was at last;
Here found I all I had forecast:
The long roll of the sapphire sea
That keeps the land's virginity;
The stalwart giants of the wood
Laden with toys and flowers and food;
The precious forest pouring out
To compass the whole town about;
The town itself with streets of lawn,
Loved of the moon, blessed by the dawn,
Where the brown children all the day
Keep up a ceaseless noise of play,
Play in the sun, play in the rain,
Nor ever quarrel or complain; -
And late at night, in the woods of fruit,
Hark! do you hear the passing flute?
I threw one look to either hand,
And knew I was in Fairyland.
And yet one point of being so
I lacked. For, Lady (as you know),
Whoever by his might of hand,
Won entrance into Fairyland,
Found always with admiring eyes
A Fairy princess kind and wise.
It was not long I waited; soon
Upon my threshold, in broad noon,
Gracious and helpful, wise and good,
The Fairy Princess Moe stood.