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| Thomas Pynchon | |
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Auteur | Message |
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shanidar Abeille bibliophile
Messages : 10518 Inscription le : 31/03/2010
| Sujet: Re: Thomas Pynchon Mer 15 Juin 2016 - 12:02 | |
| VinelandIl est impossible de résumer ce roman tentaculaire, stagnant, travaillé par l'idée incessante des poursuites et des complots, des cachettes et des camps de rétention américain, traversé par l'angoisse de la jeune militante politique retournée par le FBI, par la découverte de ce que furent réellement ces années de lutte, de drogue, de surf music et de rock'n roll, c'est-à-dire au pire une illusion au mieux un rêve inabouti… Pynchon aime mélanger les époques, balader son lecteur d'un lieu à un autre sur un jet supersonique dans lequel on fait une fête du tonnerre. De Zoyd, Frenesi, DL (Darryl Louise) ou Takeshi, on ne saura que ce qu'ils veulent bien nous décrire de leurs années de lutte, ils nous confieront leur expertise pharmacologique touchant à l'herbe américaine, ils nous susurreront des chansons d'époque, ils nous précipiteront à leur suite dans des voitures tout terrain pour fuir ou exfiltrer de curieux agitateurs, ils nous apprendront les rites ninja et les moyens de nous rendre invisible (ou presque) et établiront avec nous des plans de campagne jamais mis en pratique, ils nous raconteront la lumière des films des années 70, ils partageront avec nous les restes de vieux mégots, nous emmèneront en stage au Japon (et là on se retrouvera exactement comme dans Kill Bill…), nous nous réfugierons avec eux dans un monastère plein de kunoichi (des femmes ninjas) et tout ça finira mal, au milieu d'un village thanatoïde. Un roman déjanté mais pas trop, compréhensible mais pas trop, pas haletant car il faut bien reprendre son souffle entre deux bouffées de marijuana… Un roman qui tisse le drapeau de l'insoumission, drapeau, que livre après livre, Pynchon tente de lever dans les cieux bleu de l'Amérique. Roman de la contestation bâillonnée et vite moribonde, assassinée aussi bien par les infiltrés extérieurs que par les membres intérieurs, gangrénée par l'esprit de propriété (quel beau geste d'offrir sa Porsche aux compagnons noirs en guise d'alliance) et surtout par l'incessant travail des flics. En naviguant dans le cœur d'une famille américaine sur trois générations, Pynchon fait le bilan, plutôt amer des années d'espérance et d'excès. Le livre se referme sur cette amertume délayée par le temps et sur l'idée que Vineland n'est pas le meilleur roman de Pynchon. Sans doute fait-il partie d'une architecture politique complexe, Pynchon semblant à chaque roman ouvrir sa réflexion historique sur les mêmes revers : la révolution avortée et la refermer sur le même constat : l'épuisement total et définitif du rêve. Alors même si j'ai ri à certains passages parfaitement jouissifs, même si la plupart des discours tenus par les uns et les autres reflètent une pensée à débattre, même si on retrouve ici une bonne part de ce qui fait (ou pas) le charme de Pynchon, ce n'est pas ce que j'ai lu de mieux (ou je me lasse, qui sait ?). Au fond, au lieu d'écrire ce long commentaire, j'aurai mieux fait de vous montrer la couverture de l'édition américaine et vous auriez compris : | |
| | | jack-hubert bukowski Zen littéraire
Messages : 5257 Inscription le : 24/02/2008 Age : 43
| | | | Dreep Sage de la littérature
Messages : 1435 Inscription le : 14/03/2014 Age : 32
| Sujet: Re: Thomas Pynchon Mer 15 Juin 2016 - 18:27 | |
| Merci pour le commentaire Shanidar, j'ose espérer que je serai moins déçu que toi. En même temps, il a l'air bien axé sur les trips d'une époque, et pas celle qui m'intéresse le plus. - jack-hubert bukowski a écrit:
- Pourquoi lire plus tard ce qu'on peut lire maintenant? Qui sait, la motivation pourrait être comment dire fluctuante d'une année à l'autre... :)
Pour deux raisons, l'une étant que se farcir un Pynchon (surtout s'il est volumineux) c'est complètement excitant mais faut avoir de l'appétit. Peut-être que je lirai L'homme qui apprenait lentement avec un autre, comme ça. L'autre raison, c'est que j'essaie de pas reproduire la même erreur que j'ai commise avec Dostoïevski : sinon les nouvelles, il ne me reste que deux livres de lui à lire. Si j'avais continué à lire les Dosto au même rythme que je le faisais avant, il ne me resterait plus rien ! Je n'aurais plus qu'à relire, alors je préfères profiter des découvertes qu'il me reste à faire chez Pynchon et Dosto, et par la même occasion profiter de cette relaxation de mes monomanies en découvrant d'autres auteurs. | |
| | | shanidar Abeille bibliophile
Messages : 10518 Inscription le : 31/03/2010
| Sujet: Re: Thomas Pynchon Mer 15 Juin 2016 - 19:22 | |
| "relaxation de la monomanie" = expression extra !! J'ai oublié de dire que dans Vineland, les femmes ont une place vraiment particulière par rapport aux autres romans de Pynchon. Elles remplacent pratiquement en tout les hommes d'un point de vue politique, libertaire et économique (et aussi dans la bagarre), laissant aux hommes deux rôles fondamentaux mais pour le moins étonnant pour le second : le sexe et la paternité. Tous les personnages masculins sont plus ou moins obsédés par le sexe (et souvent le gros ratage de leur relation avec les femmes) et Zoyd remplace auprès de sa fille Prairie sa mère qui a préféré larguer sa môme plutôt que de lui faire du mal... Le renversement des valeurs est ici particulièrement appuyé et assez troublant. Les femmes sont les vraies guerrières du roman mais malgré tout, les hommes ont l'avantage de la loi (les flics, les juges, les agents du FBI sont tous des hommes...). Je n'ai pas l'impression que les positions soient aussi tranchées dans les autres romans de Pynchon... | |
| | | jack-hubert bukowski Zen littéraire
Messages : 5257 Inscription le : 24/02/2008 Age : 43
| Sujet: Re: Thomas Pynchon Mer 15 Juin 2016 - 19:38 | |
| - Dreep a écrit:
- Merci pour le commentaire Shanidar, j'ose espérer que je serai moins déçu que toi. En même temps, il a l'air bien axé sur les trips d'une époque, et pas celle qui m'intéresse le plus.
- jack-hubert bukowski a écrit:
- Pourquoi lire plus tard ce qu'on peut lire maintenant? Qui sait, la motivation pourrait être comment dire fluctuante d'une année à l'autre... :)
Pour deux raisons, l'une étant que se farcir un Pynchon (surtout s'il est volumineux) c'est complètement excitant mais faut avoir de l'appétit. Peut-être que je lirai L'homme qui apprenait lentement avec un autre, comme ça. L'autre raison, c'est que j'essaie de pas reproduire la même erreur que j'ai commise avec Dostoïevski : sinon les nouvelles, il ne me reste que deux livres de lui à lire. Si j'avais continué à lire les Dosto au même rythme que je le faisais avant, il ne me resterait plus rien ! Je n'aurais plus qu'à relire, alors je préfères profiter des découvertes qu'il me reste à faire chez Pynchon et Dosto, et par la même occasion profiter de cette relaxation de mes monomanies en découvrant d'autres auteurs. Juste une question au hasard... as-tu tendance à relire ce que tu as déjà lu? Il me semble que dans le cas de Dostoïevski, tu pourrais le faire. Mais bon, à chacun ses habitudes de lecture. Et pour revenir à l'expression de la «monomanie», quand nous lisons et/ou écrivons, nous développons nos méthodes. Il faut dire que oui, il faut être dans un état de disponibilité optimal. Quand je regarde des gens qui se fixent un horizon de six mois pour lire une brique, je me dis que c'est encourageant d'un point de vue qui encourage la persévérance et la discipline même si c'est parfois difficile de soutenir l'intérêt plus qu'un certain temps de manière aussi constante. | |
| | | Dreep Sage de la littérature
Messages : 1435 Inscription le : 14/03/2014 Age : 32
| Sujet: Re: Thomas Pynchon Mer 15 Juin 2016 - 23:46 | |
| Curieux renversements, en effet, Shanidar
Ah oui, je relis peu, mais je relis. Surtout Dostoïevski, mais, c'est quand même pas pareil quand on connait déjà. Tiens cette année, je pensais relire Crime et châtiment par exemple.
Lire un roman pendant six mois, c'est juste pas possible pour moi, ou c'est que je m'acharne et c'est pas bon signe. Je l'ai fais avec Anna Karénine, et ça m'en a coûté. Non, pour un livre il faut que je le lise en deux ou trois mois maximum (mais ça va de une semaine à un mois la plupart du temps), sauf quand il est découpé en plusieurs volumes à cause de sa longueur. Le truc avec Pynchon, c'est qu'il déploie une telle quantité d'éléments dans ses romans, que le but du jeu (du moins, je l'ai ressentis comme ça) est de terrasser son lecteur, je ne me vois pas renouveler l'expérience plusieurs fois d'affilée. C'est un peu spécifique à Pynchon, alors que si je le voulais, je pourrais m'enfiler plusieurs Dostoïevski à la fois. | |
| | | jack-hubert bukowski Zen littéraire
Messages : 5257 Inscription le : 24/02/2008 Age : 43
| Sujet: Re: Thomas Pynchon Jeu 16 Juin 2016 - 7:20 | |
| Discussion à plusieurs personnes en parallèle ici : intéressant à suivre. Donc, oui, six mois pour lire un livre... il a le temps de prendre la poussière tant qu'à moi... deux trois mois me semble plus sage comme maximum... | |
| | | shanidar Abeille bibliophile
Messages : 10518 Inscription le : 31/03/2010
| Sujet: Re: Thomas Pynchon Jeu 16 Juin 2016 - 11:52 | |
| J'ai l'impression que Pynchon utilise toujours plus ou moins les mêmes pièces d'un puzzle mais qu'il ne les agence pas de la même manière ce qui permet d'écrire des livres différents sur des motifs itératifs. Cependant, Vineland est en effet le genre de roman qui terrasse, alors que Contre-jour pourtant plus conséquent m'a semblé beaucoup plus léger et ludique... (mais bon, pour l'instant c'est incontestablement mon préféré). Je compte poursuivre avec Vente à la criée du lot 49. | |
| | | Hanta Agilité postale
Messages : 723 Inscription le : 04/07/2014 Localisation : Vitrolles
| Sujet: Re: Thomas Pynchon Ven 17 Juin 2016 - 13:34 | |
| Désolé shanidar je t'ai un peu laissé tomber, je n'ai pas eu une seconde pour cette relecture... | |
| | | shanidar Abeille bibliophile
Messages : 10518 Inscription le : 31/03/2010
| Sujet: Re: Thomas Pynchon Ven 17 Juin 2016 - 18:35 | |
| Pas de problème Hanta ! | |
| | | shanidar Abeille bibliophile
Messages : 10518 Inscription le : 31/03/2010
| Sujet: Re: Thomas Pynchon Mer 29 Juin 2016 - 10:27 | |
| Où l'on découvre que Pynchon a bien lu Jung (extrait de Vineland) : - Citation :
- Petit provincial tôt appelé, cuivres sur la bande-son, au pouvoir dans la cité-mère blanche, où il deviendrait, comme il l'avait rêvé, le produit élaboré soigneusement par des hommes plus âgés, Brock, taille moyenne, mince, blond, traînait avec lui un double vigilant, assez déloyal, féminin, embryonnaire, contre lequel sa version mâle, censée mener le jeu, devait constamment exercer toute sa vigilance. Dans des rêves qu'il ne pouvait pas contrôler, dans lesquels une intervention lucide était impossible, des rêves dont l'alcool et les drogues ne venaient pas à bout, il était visité par son anima inquiète sous toutes sortes de masques, en particulier la Folle du Grenier. Brock errait à travers les pièces d'une immense et splendide demeure qui appartenait à des gens si riches et si puissants qu'il ne les avait même jamais vus. Mais, alors qu'ils l'autorisaient à y demeurer, c'était son rôle de s'assurer que toutes les portes et toutes les fenêtres, il y en avait des douzaines dans tous les coins, étaient soigneusement fermées, et que rien ni personne n'était entré. Il fallait faire cela chaque jour, et que cela fût fini avant la nuit. Chaque placard, chaque recoin, chaque escalier dérobé, chaque lointaine réserve devait être vérifié, jusqu'à ce qu'enfin il ne restât plus que le grenier à visiter. Il était alors déjà tard, et la lumière avait presque disparu. C'était cette phase du crépuscule, pleine d'angoisses, où la pitié en ce monde et dans les autres risque moins d'être présente. Les énergies se libéraient, des masses pouvaient se matérialiser. Il escaladait l'escalier du grenier dans la pénombre, s'arrêtait devant la porte. Il entendait sa respiration, elle l'attendait - impuissant il ouvrait, il entrait, tandis qu'elle s'avançait vers lui, vague, mal éclairée, à part ces yeux flamboyants, le sourire animal impitoyable, et soudain elle se jetait sur lui, et sous cet assaut il mourait, et il se réveillait dans ses propres appartements, la courtepointe blanche et soigneusement pliée comme du papier de boucher autour d'un rôti - allongé sur le dos, rigide, couvert de sueur, déchiré par les battements de son cœur.
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