Atiq Rahimi

Aérale, je viens de le terminer.

Tu l'auras début de semaine prochaine. Je suis encore toute à mes impressions. Je ferai un petit commentaire ce week-end et surtout je choisirai quelques extraits.

mimi a écrit:

Aérale, je viens de le terminer.

Tu l'auras début de semaine prochaine. Je suis encore toute à mes impressions. Je ferai un petit commentaire ce week-end et surtout je choisirai quelques extraits.

Merci Mimi...Je suis très impatiente!

Hier soir donc, projection du film "Terre et Cendres" et après un débat (questions posées par le public) avec Atiq Rahimi.

Voir "Terre et Cendres" sur grand écran était très bien! Et confirme ma bonne impression de la première vision.
Film sur la douleur, la parole, l'incommunicabilité, le deuil nécessaire à faire. Et aussi un lueur d'espoir par la présence de "sages" comme le marchand ou le conducteur de camion, dans la tradition d'une sagesse, d'un mysticisme oriental (persan si j'ai bien compris Rahimi).

Très bonne impression sur lui qui correspond pas avec la photo que certains ont aimé ici, mais qui évoquait pour moi une personnage plus lointain. En parlant il était bien plus simple (dans le sens le meilleur!).

Malheureusement certaines personnes ont en de telles occasion plus de facilité de prendre la parole (la salle était archicomble! pour une petite ville comme Cluny un vrai exploit!) - dommage. Mais Rahimi avait des très bonnes réflexions sur le propre du cinéma, voir, du livre: l'un exigeant l'autorité, l'équipe, la vue, jouant plus avec des intuitions, des associations avec les images, l'autre un travail plus en solitaire.

La citation reprise par Marie( Je suis bouddhiste car je crois à ma faiblesse, chrétien car j'avoue ma faiblesse, juif car je me moque de ma faiblesse, musulman car je me bats contre ma faiblesse et athée si Dieu est tout puissant.) était dite encore une fois par un intervénant. Peut-être chaqu'un trouve sa façon de consentir - mais éventuellement pour différentes raisons et approches?!

tom léo a écrit:

Très bonne impression sur lui qui correspond pas avec la photo que certains ont aimé ici, mais qui évoquait pour moi une personnage plus lointain. En parlant il était bien plus simple (dans le sens le meilleur!).

Tu as raison il fait poseur sur cette photo, elle ne correspond pas à sa personnalité réelle

Ella a écrit:

tom léo a écrit:

Très bonne impression sur lui qui correspond pas avec la photo que certains ont aimé ici, mais qui évoquait pour moi une personnage plus lointain. En parlant il était bien plus simple (dans le sens le meilleur!).

Tu as raison il fait poseur sur cette photo, elle ne correspond pas à sa personnalité réelle

C'est exactement cela!

Pierre de patience

C'est d'une lenteur infinie. Posée en petites phrases courtes. Surprenantes par leur ponctuation hachée. Des répétitions obsédantes, insensées. C'est pesant, lourd, dur comme une atmosphère qui s'installe et à laquelle on ne peut échapper. Absurde jusqu'à la folie.
Avez-vous connu l'attente ? L'espoir distillé au compte-gouttes et la peur qui se diffuse. Les petits gestes répétés mille fois. Mécaniquement. Pendant que l'autre est absent, le regard vide et vitreux et son corps squelettique. Elle se parle à elle-même. En silence. Et le silence de l'attente ? Ce silence qui envahit tout et prend forme, meublant chaque recoin d'une pièce.
Atiq Rahimi ne donne pas de nom à son personnage principal. C'est "La femme". "Elle" restera anonyme. Jusqu'au bout, on la regarde évoluer, on l'entend penser, puis parler doucement. Se révolter. Crier son impuissance et puis sa rage. Rire. Perdre la tête. Redevenir lucide.

Elle se souvient de sa vie de jeune Afgane. Son mariage. Ses rebellions d'enfant. Les contes du grand-père. Et elle parle de son homme à son homme. Le berce, le secoue, lui fait l'amour. L'insulte, le trompe enfin. Espérant lui faire reprendre conscience, le réveiller de sa torpeur, puis le délivrer de sa bêtise crasse. Elle l'imagine renaître enfin. Tel qu'elle avait toujours souhaité qu'il soit, tel qu'il aurait dû toujours être.
En se remémorant l'histoire de la pierre de patience, elle comprend que tout ceci a un sens. Et que ce n'est pas en vain qu'elle hurle, gémit, se lamente et se plaint.

C'est un très beau livre. Qui nous parle du deuil, de l'abandon d'une part de soi. C'est aussi l'histoire d'une renaissance qui se construit dans la douleur.
Ce qui caractérise ce livre d'Atiq Rahimi, c'est la pudeur. Pudeur qui n'empêche pas les mots mais au contraire les exhorte dans une situation d'une extrême violence, parfois.

Un livre engagé très intelligent qui au travers d'Elle, nous raconte la condition des femmes maltraitées en Afghanistan, l'absurdité de la guerre, l'hypocrisie des religieux, la bêtise des hommes mais aussi des mères.
Puis n'oublie pas de nous dire aussi la fragilité de ces hommes au travers de leur corps meurtris.
Assez bouleversant !

Mimi par ses écrits, tu me donnes encore plus le goût de lire ce livre qui est dans ma LAL . très bon résumé .

Ella a écrit:

tom léo a écrit:

Très bonne impression sur lui qui correspond pas avec la photo que certains ont aimé ici, mais qui évoquait pour moi une personnage plus lointain. En parlant il était bien plus simple (dans le sens le meilleur!).

Tu as raison il fait poseur sur cette photo, elle ne correspond pas à sa personnalité réelle

Ah non, il est tout sauf poseur!
Je l'avais écouté aussi lors d'une présentation à Manosque, et il est hyper simple et naturel.

Vraiment une personnalité attachante...

Tant mieux Bulle. Il est en route pour le cerclage chez Aériale dès lundi.

mimi a écrit:

Tant mieux Bulle. Il est en route pour le cerclage chez Aériale dès lundi.

Il est arrivé à la biblio. une attente de 29 jours auparavant . ensuite mon nom sera sur la liste pour me le procurer. merci tout de même mimi

Je viens de finir "Syngué sabour ou pierre de patience" et Mimi a tout dit. Très beau texte!

Nathria a écrit:

Je viens de finir "Syngué sabour ou pierre de patience" et Mimi a tout dit. Très beau texte!

Non, je n'ai pas tout dit, Nathria. Il y a encore énormément à dire. Sur la fin, notamment.

Plus je repense à ce livre, plus je me dis que c'est un chef d'oeuvre.

mimi a écrit:

C'est un très beau livre. Qui nous parle du deuil, de l'abandon d'une part de soi. C'est aussi l'histoire d'une renaissance qui se construit dans la douleur.
Ce qui caractérise ce livre d'Atiq Rahimi, c'est la pudeur. Pudeur qui n'empêche pas les mots mais au contraire les exhorte dans une situation d'une extrême violence, parfois.

Mimi a parfaitement résumé ce livre devant lequel je reste très admirative aussi. Il y a de la pudeur, c'est vrai, de la passion aussi, cette voix pure qui crie sa révolte au mileu de la barbarie toute proche et pouvant surgir à tout moment.
Le viol, la guerre la menacent, mais elle reste forte et lucide, protégée par sa syngué sabour. Il y a ces contrastres qui révèlent l'absurdité de la vie: le mari blessé mortellement par un de son camp, les tirs au loin, cette femme et ce silence, l'intimité des époux alors que lui se meurt, inconscient.
Tout un ilôt préservé où elle se révèle tour à tour amante, épouse, mère et fille, et parvient à lui parler et à toucher son corps, être maître du jeu enfin.

Unité de lieu, de temps, de personne, tous les ingrédients sont réunis pour intensifier des sentiments étouffés et exacerbés par l'urgence du moment. Des moments qui montrent aussi l'aspect dérisoire de la vie où une épouse mariée de force à un inconnu absent, ne peut livrer ses mots que devant son corps agonisant et inerte.

J'ai craint un peu cette histoire avant de m'y jeter. La lenteur, le silence... Mais Atiq Rahimi parvient à y insuffler un souffle poétique d'une assez rare puissance. Il m'a complètement retournée!
Je suis très heureuse que le Goncourt ait pu lui être attribué car il le mérite amplement

Ne ratez surtout pas ce livre 'à part'.

aériale a écrit:

Ne ratez surtout pas ce livre 'à part'.

Oui, ça serait vraiment dommage ! Merci pour ton commentaire, Aériale.

Oui, "Syngué sabour" est un livre "à part", qui raconte une réalité qu'on a des difficultés à s'imaginer. Le style est haletant comme le récit de la femme mais manque de mots poétiques qui auraient rendu le texte respirable et l'identification possible.
Quand à la fin du livre, elle reste trop ambigüe et se lit pour moi de deux manières. Ma version est qu'elle sombre dans une crise schizophrène...et pas du tout que son homme se réveille, ce qui ferait perdre toute vraisemblance à ce récit par ailleurs réaliste.

Après avoir lu les autres commentaires si élogieux, je me suis demandé si je devais écrire ce que je pensais...