Atiq Rahimi

Il y aura bien un livre sur lequel nous serons totalement en accord un jour !

Bien sûr.

Comment revenir après sept pages de commentaires sur un livre? J'aimerais bien réagir sur beaucoup de commentaires, mais c'est impossible.

J'ai lu "Syngué sabour" en deux jours, presque entrant moi-même dans ce rythme halétant.
Je soulignerais que le rythme de la langue, sa simplicité (dans un certain sens) correspond aussi à la prière de répetition et à une certaine monotonie, un cadre minimaliste. Je pensais toute de suite au théatre: probablement une pièce rélativement simple à adapter (avec un très fort rôle féminin).

Je comprends que le texte n'est pas littéraire. Non, dans ce sens-là il n'est pas très novateur, à mes yeux. Mais il décrit fort bien la situation de LA femme, et de L'homme dans des telles sociétés.

Au-délà des allusions culturelles et politiques afghanes, je vois quand même aussi une possibilité pour nous de se demander comment on fait face, nous, avec la question de la souffrance, du sens, et de "dire le tout". Est-ce que nous, si libéré que nous soyons, on n'aurait pas aussi besoin une pierre de patience? Est-ce que nous attendons forcement l'inertie absolu de l'autre pour oser dire nos souffrances? Cela je me pose comme question à moi, pas à cette femme blessée. Mais elle fait, à sa façon, un chemin de libération. Est-ce que - pour reprendre la parabole du livre - cette libération pourra se faire sans sacrififice?

Je suis assez surpris qu'ici (comme ailleurs) on n'ose pas voir des allusions réligieuses. La fin, je la comprends plutôt comme

Spoiler:

Je reste un peu surpris par la fin (les derniers deux pages...), mais je conseillerai plutôt la lecture.

Syngué sabour

Vous en avez déjà tellement dit.. il ne me reste plus grand chose.. à part de dire que j'ai aimé ce livre!
Dès le début j'étais enthousiasmé de son choix pour faire de ce roman une sorte de pièce de théâtre - moi qui adore lire du théâtre - je me retrouvais tout de suite..
Et pour les pièces de théâtre, pas besoin de faire trop, de donner des 'sentiments' à ces personnages, de faire la grande psychologie - il y a tout dans les mots, dans les images que les mots créent ... j'ai vu le tout devant moi et c'est trop bon ce que j'ai vu..

Contrairement à beaucoup d'entre vous je n'ai pas eu le sentiment de la lenteur.. il a un rythme bien tenu et je l’ai suivi ..

J’ai hâte de rencontre cet auteur le week-end prochain lors du festival..

Terre et cendres

Toujours la même intensité chez l'auteur dans ce très court roman qui pourrait encore se lire ici comme une pièce dramatique. Unité de temps de lieu, d'action, toute l'horreur de la guerre est concentrée dans ces quelques scènes où un vieil homme et son petit fils devenu sourd, tente de rejoindre le père de celui-ci.

Il y a des images fortes, celles de la destruction de leur village

Citation :

Je courais vers la maison dans une nuage de flammes et de fumée. En chemin j'ai vu la mère de Yassin. Elle courait entièrement nue. Elle ne criait pas, elle riait.

La solitude, le néant, l'hébétude et le passé qui ressurgit dans les souvenirs. Ils tentent de comprendre.

Citation :

Vénérable père, à l'heure actuelle, les morts sont plus heureux que les vivants. Que faire ! Les temps sont durs. Les hommes ont perdu toute dignité. Le pouvoir est leur foi, au lieu que leur foi soit leur pouvoir. Il n'y a plus d'homme digne de ce nom, il n'y a plus d'homme valeureux. Qui se souvient encore de Rostam. Aujourd'hui Sohrab assassine son père et, pardonnez-moi l'expression, baise sa mère… L'époque est à nouveau aux serpents de Zôhak, des serpents qui se nourrissent du cerveau de notre jeunesse

Et puis l'image de l'innocence bafouée, celle de l'orphelin

Citation :

La bombe était très forte. Elle a tout fait taire. Les tancks ont pris la voix des gens et sont repartis. Ils ont même emporté la voix de grand-père. Grand-père ne peut plus parler, il ne peut plus me gronder…

Des phrases courtes, un style très dépouillé, Atiq Rahimi nous restitue en peu de mots la désespérance d'un peuple qui cherche à redonner un sens à sa destinée, à comprendre cette violence mais se butte au silence.

Citation :

Il n'y a que ce petit-fils qui ait survécu. Et lui ne peut pas m'entendre. J'ai l'impression de m'adresser à une pierre. Cela me brise le cœur… Parler, ça ne suffit pas, mon frère, si on ne t'entend pas, c'est comme des larmes…

Très fort!

Merci pour ton commentaire.. j'ai bien envie de continuer avec cet auteur - non seulement à cause de la rencontre à Saint Malo mais aussi parce que son Syngué Sabour m'a si bien plu

J'ai résisté, très vigoureusement, pas eu envie de me lancer dans cet auteur que tout le monde lisait en même temps, et puis compte tenu de mes expériences avec le Goncourt, l'attribution du prix est complètment disuasive pour lire un écrivain.

Et puis j'ai entendu l'auteur ce matin dans les émissions consacrées à Marguerite Duras, entre autre expliquer qu'il a appris le Français avec un exemplaire de L'amant, et que lorsqu'il parlait comme dans un livre de Duras il se faisait corrigé ses strucrures de phrases. Et plein d'autres choses aussi, qui m'ont du coup donné envie de le lire, alors qu'à aucun moment il n'a vraiment évoqué ses livres.

Je ne vais pas me précipiter, mais il est noté et un jour ou l'autre je le lirai.

J'ai lu le livre à sa sortie .. mon père m'offrant les Goncourt de chaque année..
et j'ai vraiment beaucoup aimé . C'est une écriture fine , touchante et pointue. On ressent au plus profond de nous la souffrance de cette femme, de ce paysage, ce pays, et au final de cette culture qui au final en emprisonne beaucoup ...
cette gradation ou plutôt dégradation de la foi de la dame tout au long du livre qui finit par exploser de mille feux à la fin est juste terriblement forte.

Je me rappelle que cette fin m'a bouleversé et je ne cesse de me poser des questions et de ressasser mon émoi en y repensant.. enfin beau livre et j'essaierai d'en lire d'autres de lui .

Steevy a écrit:

cette gradation ou plutot dégradation de la foi de la dame tout au long du livre qui finit par exploser de mille feux à la fin est juste terriblement forte.

C'est vrai que la construction tend vers cette "explosion" qui est d'autant plus sidérante que le cadre de l'action est statique!

Citation :

La Galerie VU' a confié à l'écrivain cinéaste franco-afghan Atiq Rahimi, Prix Goncourt 2008, le commissariat de sa grande exposition d'automne sur le thème du corps.
Intitulée "Djân" (qui signifie à la fois corps et esprit en persan), cette exposition collective d'une sélection de photographies d'artistes de la Galerie VU' débute le 13 novembre, quelques jours avant Paris Photo consacré, cette année, à la photographie arabe et perse.

site de la galerie

quelques photos commentées sur le site de Le Magazine Littéraire: ici

kenavo a écrit:

Citation :

La Galerie VU' a confié à l'écrivain cinéaste franco-afghan Atiq Rahimi, Prix Goncourt 2008, le commissariat de sa grande exposition d'automne sur le thème du corps.
Intitulée "Djân" (qui signifie à la fois corps et esprit en persan), cette exposition collective d'une sélection de photographies d'artistes de la Galerie VU' débute le 13 novembre, quelques jours avant Paris Photo consacré, cette année, à la photographie arabe et perse.

site de la galerie

quelques photos commentées sur le site de Le Magazine Littéraire: ici

C'est dans un articlesur cette expo que j'ai découvert les photos de Marrie Bot: ici

Terre et cendres

Citation :

Présentation de l'éditeur
Un pont, une rivière asséchée dans un paysage désolé, la guérite d'un gardien mal luné, une route qui se perd à l'horizon, un marchand qui pense le monde, un vieillard, un petit enfant, et puis l'attente. Rien ne bouge ou presque. Nous sommes en Afghanistan, pendant la guerre contre l'Union soviétique. Le vieil homme va annoncer à son fils qui travaille à la mine qu'au village tous sont morts sous un bombardement. Il parle, il pense : enfer des souvenirs, des attentes, des remords, des conjectures, des soupçons... C'est une parole nue qui dit la souffrance, la solitude, la peur de n'être pas entendu.

Quel bonheur de retrouver l'écriture de Atiq Rahimi. Même si c'est autour d'une histoire triste..
J'ai bien aimé voir le développement de ce récit et comment on apprend peu à peu ce qui c'est passé

Madame B. a écrit:

Quelques mots sur Terre et cendres:
[...]
Cependant, je suis restée en-dehors de l'histoire, je n'ai pas été touchée par les personnages. Je n'ai pas ressenti d'émotion.

j'ai été beaucoup touchée par les personnages, même si c'est impossible de ressentir tout ce malheur qu'il nous raconte sur 90 pages.. mon émotion était plutôt dans les petites descriptions entre le grand-père et son petit-fils ou avec le propriétaire du magasin.. le fardeau qu'il doit porter et qu'il doit communiquer à son fils, impossible de le 'partager'..

pour moi un livre fort et (malheureusement toujours) d'actualité

kenavo a écrit:

j'ai été beaucoup touchée par les personnages, même si c'est impossible de ressentir tout ce malheur qu'il nous raconte sur 90 pages.. mon émotion était plutôt dans les petites descriptions entre le grand-père et son petit-fils ou avec le propriétaire du magasin.. le fardeau qu'il doit porter et qu'il doit communiquer à son fils, impossible de le 'partager'..

pour moi un livre fort et (malheureusement toujours) d'actualité

Le livre est sans doute meilleur que le film, réalisé par l'auteur lui-même.
Ce que j'ai pu le trouver looooonnnnng, ce film. Y repenser me donne sommeil.

eXPie a écrit:

Le livre est sans doute meilleur que le film, réalisé par l'auteur lui-même.
Ce que j'ai pu le trouver looooonnnnng, ce film. Y repenser me donne sommeil.

je n'ai pas vu le film... mais le livre est certainement très bien - surtout qu'il n'y a pas de 'longueurs'.. cela se lit vite (bien que les mots sont tellement beaux qu'une lecture lente lui conviendrait mieux ) et je pense que les 90 pages se lisent plus vite que le filme dure

Tiens... je suis surpris de trouver Rahimi dans les auteurs français. Je me serais plutôt attendu à le voir dans la section asiatique.


Je n'ai lu que Syngue sabour.
Je me souviens avoir apprécié ce court roman, ce long monologue d'une femme contrainte au silence durant toute sa vie et qui trouve (enfin) l'occasion de parler. Du coup, elle parle. Elle parle et ne semble plus devoir s'arrêter. Elle vide son coeur et sa conscience en révélant à son mari inconscient (mais l'est-il réellement ?) tout ce que sa condition de femme musulmane lui a toujours interdit de dire.

Seule la fin me choque. Elle est fort improbable et jette un ombre sur mes souvenirs.