Hou Hsiao Hsien

Hou Hsiao Hsien


Biographie (allociné):

Elevé, au sein d'une famille nombreuse, par des parents enseignants arrivés à Taiwan un an après sa naissance, le jeune Hou Hsiao Hsien grandit à Fengshan, la grande ville du sud de l'île. Enfant, il passe ses journées dehors avec ses copains, avant de fréquenter assidument les salles obscures pendant son adolescence. En 1969, son service militaire achevé, il entreprend des études de cinéma à l'Académie nationale d'art de Taiwan. Après des débuts comme assistant réalisateur, notamment auprès de Li Hsing, il tourne en 1977 un documentaire commandé par l'armée.

En 1980, Hou Hsiao Hsien réalise son premier long métrage, Cute girl, qui remporte un franc succès en salles. Le réalisateur prendra néanmoins ses distances avec cette œuvre de jeunesse, ainsi qu'avec les deux suivantes, les jugeant trop commerciales. En 1984, Les Garcons de Fengkuei marque un nouveau départ dans sa carrière. Primée au Festival des 3 Continents, cette chronique aux accents autobiographiques est le fruit de sa collaboration avec Chu Tien-Wen, qui deviendra sa scénariste-fétiche. S'imposant comme le chef de file d'une nouvelle vague taïwanaise, il décroche en 1985 le Prix de la critique internationale à Berlin pour Un temps pour vivre, un temps pour mourir puis le Lion d'or à Venise en 1989 pour La Cite des douleurs. Cette fresque politique ouvre une trilogie sur l'Histoire de Taïwan, qui se poursuivra avec Le maitre des marionnettes (Prix du Jury au Festival de Cannes en 1993) et Good Men, Good Women (1995).

Co-auteur de Taipei Story de son compatriote Edward Yang (dans lequel il joue le rôle principal), producteur d'Epouses et Concubines de Zhang Yimou, Hou Hsiao Hsien fait le portrait des courtisanes du XIXe siècle dans l'envoûtant Les Fleurs de Shanghai (1998), mais peut aussi dépeindre le Taïwan d'aujourd'hui, comme dans Goodbye South, Goodbye (1997) ou Millennium Mambo (2001), une oeuvre hypnotique qui révèle au public occidental la comédienne Shu Qi. Après un détour par le Japon avec Café lumière (2003), film-hommage au maître Yasujiro Ozu, Hou Hsiao Hsien, cinéaste du fragment, du souvenir et de la sensation, conte trois histoires d'amour, situées à trois époques différentes, dans Three times (2005), un film ambitieux qui marque sa sixième venue en compétition au Festival de Cannes.


Hou Hsiao Hsien, dit "le Maître" dans son pays, est considéré par beaucoup de critiques et de cinéastes comme l'un des grands artistes du cinéma contemporain. Je ne connais pas sa première période qu'il me reste à découvrir, mais je suis devenu un inconditionnel à partir de Goodbye South Goodbye et surtout depuis le somptueux "Les Fleurs de Shangaï" qui reste un de mes plus beaux voyages cinématographiques et dont je vais parler plus loin. J'évoquerai également Millenium Mambo.

Il est un observateur attentif de la nature humaine et de ses rituels, un peintre nostalgique du temps qui passe, de la recherche des racines et des origines d'un peuple. C'est aussi un expérimentateur qui nous plonge dans des bains sensoriels fascinants et parfois proches de l'hypnose, comme si on était sous l'emprise de l'opium.

Je commence avec Les Fleurs de Shangaï:

Les Fleurs de Shangaï



Hou Hsiao Hsien est un cinéaste que j’admire et, par hasard, un ami. Je crois que les Fleurs de Shanghai est son chef d’œuvre. C’est peut-être le plus grand film de l’histoire du cinéma chinois. Olivier Assyas

D'où vient que sitôt évanouie sur l'écran la dernière image de Fleurs de Shanghai on soit déjà entré dans la nostalgie de cet univers clos qu'il va nous falloir quitter, et que le désir de séjourner à nouveau dans ce monde feutré - où les affects restent en suspension, où les éclats ne laissent pas de traces visibles, sinon dans les âmes - nous étreint alors même que le lent générique rouge et noir n'a pas encore fini de se dérouler? Sans aucun doute d'abord de la "beauté des choses" qui constituent cet univers de luxe, calme et volupté : somptuosité miniatures des décors, raffinement des objets et des tissus, tactilité des matières. Et tout particulièrement de la beauté des femmes qui habitent souverainement ces plans comme les Femmes d'Alger la fameuse toile de Delacroix dont Auguste Renoir disait qu'il n'y avait pas plus beau tableau au monde. D'une certaine façon, on pourrait dire de ces Fleurs de Shanghai qu'il n'y a pas de plus belle "enclave" (vouée à la célébration de la mélancolie et de la beauté pure) à l'intérieur du monde du cinéma, en retrait du monde réel auquel s'était jusqu'à là consacré le cinéma de Hou Hsiao-hsien. Alain Bergala


Résumé:

Dans le Shanghaï du siècle dernier, entre l'opium et le mahjong, les hommes se disputaient les faveurs des courtisanes qu'on appelait les fleurs de Shanghaï. Wang, un haut fonctionnaire qui travaille aux affaires étrangères, partage ses aventures amoureuses entre Rubis et Jasmin...

Bande annonce américaine (et avec une autre musique):
http://movies.nytimes.com/movie/162467/The-Flowers-of-Shanghai/trailers

Entrer dans l'univers des Fleurs de Shangaï, c'est faire l'expérience d'une transe hypnotique qui fera dormir certains et transportera d'extase ceux qui accepteront ce langage visuel et sensoriel, singulier et poétique. Un univers où chaque plan séquence, séparé du précédent par un fondu au noir, nous immerge dans un mouvement pendulaire presque subliminal de la caméra au sein d'un univers codifié qu'il observe avec une apparente distance mais avec le désir de capter l'éphémère, le mystère et la nostalgie du passage de chaque être humain dans l'espace qu'il occupe puis quitte comme si rien n'avait existé la seconde précédente.



Les personnages entrent et sortent du champ de la caméra mais celle-ci ne les accompagne pas. Les drames, les amours, les affrontements, ne seront pas montrés. Il filme les rituels, les gestes, les regards, les mouvements, la beauté des femmes, des étoffes et d'un décor volontairement artificiel. Il y a cependant une histoire. Il suggère les rivalités, les différences de classes sociales au sein de chaque enclave de la maison close, l'inversion des rapports de force mais en montre surtout les conséquences sur chaque personnage. Il n'y aura pas à proprement parler de cheminement, de résolution.



Et malgré cette abolition de tout ce qui caractérise un récit classique au cinéma, il se dégage progressivement une émotion indicible, grandissante qui atteint son paroxysme lorsque le générique de fin apparaît sur une musique mélancolique magnifique, mélange de mélodie synthétique et d'instruments traditionnels.

Ce thème musical composé par un jeune artiste expérimental, entre musique électronique et musique d'avant-garde, revient périodiquement durant le film. De même que 2 autres thèmes, plus monotones, et qui entretiennent la sensation d'hypnose.

De l'artifice de cette mise en scène surgit une vérité, une nostalgie d'un temps révolu et réinventé, une poésie et un envoutement.

très très bon souvenir ciné ! avec un de ces acteurs superstar mais extrêmement performant... et encore mieux pour les attitudes désabusées et détachées : tony leung chiu wai.

grand moment d'ambiance, mériterai d'être revu.

trailer moisi (pour video et en anglais) : ici

animal a écrit:

trailer moisi (pour video et en anglais) : ici

On se croise et j'ai mis la même bande annonce, très mauvaise, et qui ne rend pas justice à l'atmosphère de ce film!

c'est extra de vendre les fleurs de shangai avec une référence à Hardboiled (avec le tony leung en gentil flic trop stylé infiltré chez les mafieux (qui disposent d'ailleurs d'un excellent super homme de main du super méchant... si si ce type plus performant et plus réglo que le super méchant lui même)... je m'égare... pas mauvais film de flingues Hardboiled après tout... mais pas le même genre quoi).

je crois que je n'ai vu d'autres que Goodbye South, goodbye (très bien aussi) et Millenium Mambo (dont je me souviens moins, à part que Shu Qi en super actrice.... heuuuu... non. (et injuste pour beaucoup d'autres)).

Voilà un cinéaste que je connais fort mal.Un seul film vu et que j'avais aimé,La cité des douleurs.Mais je suis prêt à le découvrir.

Marko a écrit:

Les Fleurs de Shangaï

Entrer dans l'univers des Fleurs de Shangaï, c'est faire l'expérience d'une transe hypnotique qui fera dormir certains et transportera d'extase ceux qui accepteront ce langage visuel et sensoriel, singulier et poétique. ]

J'ai accepté le voyage car j'avais adoré ce film...J'aimerais le revoir...

Millennium Mambo


Bande annonce:
http://fr.youtube.com/watch?v=uQKjWt4d5AM

La belle ouverture avec la sublime Shu Qi:
http://fr.youtube.com/watch?v=ILtQIQzfzDM


Résumé (allociné):

Vicky est une jeune femme partagée entre deux hommes, Hao-hao et Jack. Le soir, elle est employée dans une boîte de nuit pour aider financièrement Hao-hao qui est au chômage. Hao-hao la surveille en permanence, qu'elle travaille ou non. Il vérifie ses comptes, ses factures de téléphone, les messages sur son portable et même son odeur, contrôlant ainsi ce qu'elle fait en son absence. Vicky ne le supporte plus et décide de le quitter pour se réfugier chez Jack.

Millennium Mambo est le prolongement des Fleurs de Shanghai qui serait transposé au XXIe siècle dans l'univers des adolescents, de la techno et du clubbing. Même procédé d'observation et de mise à distance, de non-évènement, de banalité et de dérisoire des comportements, de sublimation de la beauté de cette jeunesse. Même nostalgie du temps qui passe avec un jeu d'aller retour entre futur proche et présent.



Hou Hsiao Hsien continue à faire le portrait de la chine (ici Taïwan) à différentes époques. Il tente de capter l'esprit et les rituels de chaque période qu'il explore. Et surtout le côté éphémère de chaque chose. On s'installe devant de magnifiques tableaux animés où, comme chez Gus Van Sant, la caméra s'évertue à retenir, à imprimer sur la pellicule, la magie de ces êtres déjà fantômes pour tenter de les rendre immortels.



La bande son est très réussie, électronique, tantôt rythmée (Trance ou hardcore), tantôt planante (ambient et expérimentale). Après Yoshihiro Hanno pour Les fleurs de Shangaï, Hou Hsiao Hsien fait ici appel à Lim Giong et à des Dj de Bristol. Il travaille presque comme un documentariste et s'est inspiré des récits de tous ces jeunes pour construire son film (comme Gus Van Sant encore un fois).




Je conseille vivement la lecture de ce très bel essai essai de Jean-Michel Durafour qui montre bien l'infinie richesse du langage cinématographique de Hou Hsiao Hsien:

Je copie ton post Avadoro pour ne pas le perdre sur l'autre fil:

Avadoro a écrit:

Hou-Hsiao-Hsien est un immense cinéaste....on peut diviser sa filmographie en trois parties : la première est d'inspiration autobiographique, spontanée et presque néo-réaliste dans son approche d'une sensibilité discrète. L'attachement aux souvenirs, au passé, à la famille lui permet de se confronter à l'histoire tourmentée de Taïwan (entre la période japonaise et le départ forcé des partisans de Tchiang Kai-Chek de la Chine continentale après la victoire de Mao). La seconde période est composée de trois projets plus amples et ambitieux, ce sont des fresques qui s'enracinent dans les traumatismes émotionnels du passé qui n'étaient jusqu'alors qu'esquissés. La troisième période est marquée par une démarche formaliste qui dessine une vision esthétique de l'instant et d'une modernité.

Le voyage du ballon rouge étant une commande, je conseille également davantage Three Times. La division en trois parties distinctes peut surprendre (notamment la seconde qui renvoie, de manière encore plus radicale, aux Fleurs de Shanghaï), mais la mise en scène sublime emporte de suite l'adhésion (l'ouverture du film est parmi ce que j'ai vu de plus beau durant la dernière décennie).

Le dernier projet de Hou Hsiao-Hsien (The Assassin avec Shu Qi) se fait attendre depuis maintenant plusieurs années. J'espère en tout cas le retrouver à l'affiche d'un grand festival bientôt.

Merci Marko, je pensais d'ailleurs le faire pour ne pas rester dans le hors-sujet.

J'avais eu beaucoup de mal avec Millenium Mambo (vu à la télé, ceci dit) ; j'ai dû en voir un autre dont j'ai oublié jusqu'au titre, mais ça fait maintenant plusieurs années.
Il faudra que je réessaye un jour.

Il a l'air d'avoir fini sa carrière, HHH : il n'a plus réalisé depuis 2007... Problèmes financier ou d'inspiration ou autre ?

Il fait partie de ces artistes qui prennent leur temps et qui ont peu de déchet. Regarde Wong Kar Wai ou Terrence Malick, il leur faut parfois plusieurs années pour avoir l'inspiration et mûrir un projet (Lynch aussi, Kubrick and co). Mais HHH a été un grand maître des années 90 et se fait plus rare. Son Café lumière qui rendait hommage à Ozu était très beau aussi. Mais beaucoup de gens ont le sentiment de voir ses films à travers une fenêtre et de ne pas arriver à entrer. Jia Zhang Khe lui rendait hommage dans son dernier film documentaire I Wish i Knew. Autre grand cinéaste de la nouvelle génération.

Marko a écrit:

Il fait partie de ces artistes qui prennent leur temps et qui ont peu de déchet. Regarde Wong Kar Wai ou Terrence Malick, il leur faut parfois plusieurs années pour avoir l'inspiration et mûrir un projet (Lynch aussi, Kubrick and co).

Oui, mais on savait qu'ils étaient sur quelque chose, sur des projets qui n'aboutissaient pas, ou bien sur des tournages à rallonge. Pour HHH, aucune idée ; ils en avaient parlé dans Le Masque, et personne ne savait ce qu'il faisait, HHH.

Poussière dans le vent (1986) appartient à la période "narrative" de Hou Hsiao Hsien et constitue le 3e volet d'une série de films en partie autobiographiques. Un été chez grand-père (1984) évoquait l'enfance, Un temps pour vivre, un temps pour mourir (1985) l'adolescence et ce dernier l'entrée dans l'âge adulte.



Il est difficile de résumer ce film tellement il est riche aussi bien sur le plan narratif que formel. Prolifération romanesque dont les climax émotionnels habituels seraient néanmoins maintenus un peu à distance en adoptant un regard souvent détaché en apparence, mélange d'approche quasi documentaire, d'ampleur esthétique et de rigueur contemplative, tout en pudeur et en esquisses subtiles et sous-terraines. C'est un film qu'il faut apprivoiser, revoir plusieurs fois pour en retirer toute la substance. Il a ses moments de splendeur et d'austérité.




La scène inaugurale est très symbolique de tout le film. Un train qui conduit de la ville à la campagne traverse plusieurs tunnels comme pour inviter à passer d'un état à un autre, d'une époque à une autre, de la modernité à la tradition, de l'adolescence à l'âge adulte, de la quiétude aux troubles historiques de cette période des années 60. Jia Zhangke reprenait cette séquence hommage dans son "I wish i knew" où apparaissait Hou Hsiao Hsien à bord d'un petit train similaire.

On découvre une multitude de personnages qui habitent un village de montagne où on projète de nuit un film en plein air, où des mineurs de fond organisent une grève, où un grand-père s'occupe de son petit fils, une mère tyrannise son fils, des amis d'enfance partent ensemble pour la ville afin de trouver du travail.




On fait plusieurs allers-retours durant le film entre la ville et le village. Une histoire d'amour se tisse avant d'être contrariée. Il faut partir au service militaire, faire un mariage de raison...

Toute une vie dans ses multiples dimensions se trame devant nous avec ses moments de joie et de tristesse. Des traumas du passé ressurgissent le temps d'un plan sans aucun pathos. Hou Hsiao Hsien a passé sa vie à observer celle des êtres humains à différentes époques et dans différents lieux. Il établit des ponts, il pénètre la matière humaine sans agitation et sans mélodrame même s'il se passe des choses douloureuses parfois. Tout passe comme à travers le prisme du souvenir. Des vies comme de la poussière dans le vent...

Hou Hsiao Hsien radicalisera ensuite son cinéma en allant toujours plus loin vers une forme d'abstraction, de contemplation. Il faut tout voir de ce cinéaste indispensable et génial.



P.S. A noter que le film ressort dans une copie totalement restaurée numériquement comme d'autres grands films asiatiques qui suivront (Vive l'amour de Tsai Ming Liang bientôt!!). L'image est parfaite.

Vu The Assassin... C'est... Il faut mettre des mots sur une œuvre d'art pareille ? J'essaierai un peu demain mais en tout cas des films comme ça on en voit 20 dans une vie!