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| Mathias Enard | |
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Auteur | Message |
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uolav Agilité postale
Messages : 663 Inscription le : 27/11/2009 Age : 61 Localisation : CAEN
| Sujet: Re: Mathias Enard Mer 18 Déc 2013 - 8:57 | |
| Vous me faites regretter de ne pas avoir pu le lire jusqu'au bout... Il faudrait que je réessaie. | |
| | | shanidar Abeille bibliophile
Messages : 10518 Inscription le : 31/03/2010
| Sujet: Re: Mathias Enard Mer 18 Déc 2013 - 10:12 | |
| - uolav a écrit:
- Vous me faites regretter de ne pas avoir pu le lire jusqu'au bout... Il faudrait que je réessaie.
je pense que c'est typiquement le genre de livre dans lequel on plonge complètement ou pas du tout. un livre à relire, aussi. | |
| | | topocl Abeille bibliophile
Messages : 11706 Inscription le : 12/02/2011
| Sujet: Re: Mathias Enard Mer 18 Déc 2013 - 10:58 | |
| Oui, il y a tout du long la même intensité dramatique. Tout le monde ne peut pas faire face à ça, c'est sur. | |
| | | topocl Abeille bibliophile
Messages : 11706 Inscription le : 12/02/2011
| Sujet: Re: Mathias Enard Mer 18 Déc 2013 - 14:20 | |
| Zone refermé, j'ai ressenti le besoin irrépressible de retrouver Tout sera oublié,ce roman graphique lu il n'y a pas si longtemps, écrit par Mathias Enard, qui hésite entre le devoir de mémoire et le dérisoire de la mémoire officielle face aux atrocités de la guerre en Yougoslavie, face à la douleur endurée par les gens. La lecture en est évidemment très enrichie après la lecture de ZoneEn voici quelques extraits. - Citation :
- Seul un artiste international comme vous peut dessiner quelque chose d'intéressant, on m'a dit. Quelque chose qui ne soit pas partisan, on m'a dit. Qui prenne en compte les souffrances de tous les camps, on m'a dit. Drôle d'idée qu'un monument à la souffrance, j'ai pensé.
Et je me dis que, oui, Mathias Enard, avec Zone, a su construire un monument inspiré à la souffrance. - Citation :
- Les vivants ou les morts ?
S'adresser aux vivants pour les morts ? - Citation :
La vie est le seul monument aux morts. Les histoires que les morts racontent aux vivants. - Citation :
Ou ceux qui ont cru se battre pour la liberté et n'ont obtenu que la misère et la destruction - Citation :
- Pour Igor tout le monde a perdu cette guerre,
c'est pour cela qu'il n'y a pas de réconciliation possible. | |
| | | Bédoulène Abeille bibliophile
Messages : 17270 Inscription le : 06/07/2007 Age : 79 Localisation : Provence
| Sujet: Re: Mathias Enard Mer 18 Déc 2013 - 14:49 | |
| Je reviendrai lire Enard, merci Topocl pour ces extraits | |
| | | Marie Zen littéraire
Messages : 9564 Inscription le : 26/02/2007 Localisation : Moorea
| Sujet: Re: Mathias Enard Lun 13 Jan 2014 - 21:05 | |
| Pierre Marquès Mathias EnardEn exergue : Tout sera oublié. Absolument tout. Camille de Toledo ( Le Hêtre et le Bouleau) Je crois que c'est ce qu'on appelle maintenant un " roman" graphique.. Je mets le mot " roman" entre guillemets car , même si les mots de Mathias Enard accompagnent les illustrations, celles-ci auraient presque pu suffire. Ce n'est pas la première collaboration entre Pierre Marquès et Mathias Enard. Là, le personnage principal, peintre connu, est chargé de réaliser un objet ( un monument au départ, mais l'idée est vite abandonnée) censé rendre hommage à toutes les victimes d'une guerre absurde. Comme toutes les guerres. L'été 1991, les Serbes, les Bosniaques, les Croates commencent à se foutre sur la gueule, et vingt ans plus tard on me demande d'imaginer un monument qui ne soit ni serbe, ni bosniaque, ni croate pour cette guerre oubliée plus que terminée. Seul un artiste international comme vous peut dessiner quelque chose d'intéressant, on m'a dit. Quelque chose qui ne soit pas partisan, on m'a dit. Qui prenne en compte la souffrance de tous les camps, on m'a dit. Drôle d'idée qu'un monument à la souffrance, j'ai pensé. Qu'est-ce qu'un monument? C'est un bâtiment en soi inutile. Un musée sans musée. Un genre de croix. Une mosquée sans fidèles, une église sans Dieu...Ce que vont construire ces deux artistes, c'est ce livre. Qui rend compte de ce qui reste. A travers les traces physiques des destructions. Et des souvenirs de certains. Avant qu'ils ne passent à d'autres souvenirs . A travers des dessins sur les murs en ruine, jusqu'à ce que ceux-ci soient détruits.. Les images sont magnifiques. Marqués a travaillé sur des photos , recolorées, sur lesquelles il a repeint. Beaucoup de teintes sombres , beaucoup de sépia, sans doute car il pâlit et s'estompe. Un beau livre, assez désespérant. Car, oui, tout sera oublié. | |
| | | topocl Abeille bibliophile
Messages : 11706 Inscription le : 12/02/2011
| Sujet: Re: Mathias Enard Lun 13 Jan 2014 - 21:34 | |
| Tu crois, que tout sera oublié? Regarde le fil sur la Première Guerre mondiale. Tout ce qui se dit sur la Grande Guerre. Pourquoi ça ne serait pas pareil pour cette autre guerre en Bosnie. Pourquoi la douleur ne laisserait pas de trace. Même si les monuments sont inappropriés, , même si les faits sont récupérés; les traces se transmettent par d'autres fidelités, dans les cœurs, dans les livres notamment.. Ce qui est oublié, c'est le "jamais plus", ça c'est sûr, ça recommence toujours.. Mais les guerres laissent des traces j'en suis convaincue. (Ca n'en est pas moins désespérant) | |
| | | Marie Zen littéraire
Messages : 9564 Inscription le : 26/02/2007 Localisation : Moorea
| Sujet: Re: Mathias Enard Lun 13 Jan 2014 - 22:22 | |
| - topocl a écrit:
- Tu crois, que tout sera oublié?
Regardele fil sur la Première Guerre mondiale. Tout ce qui se dit sur la Grande Guerre. Pourquoi ça ne serait pas pareil pour cette autre guerre en Bosnie. Pourquoi la douleur ne laisserait pas de trace. Même si les monuments sont inappropriés, , même si les faits sont récupérés; les traces se transmettent par d'autres fidelités, dans les cœurs, dans les livres notamment.. Ce qui est oublié, c'est le "jamais plus", ça c'est sûr, ça recommence toujours.. Mais les guerres laissent des traces j'en suis convaincue. (Ca n'en est pas moins désespérant) Dans ce contexte précis,celui du livre de Marquès et Enard, c'est peut être la douleur et la rancune qui entraineront un recommencement. Je n'en sais rien. A quoi sert que la douleur laisse des traces , si justement elle n'empêche jamais le encore et encore? Pour la Première Guerre mondiale, oui, 100 ans, ça marque . Et beaucoup de nouveaux livres. Dont un que je viens de lire qui montre bien à quel point les monuments servaient finalement à classer l'affaire. Le sort de chacun. Les livres, oui, encore faut-il qu'ils soient lus et qu'on lise toujours ceux des véritables acteurs. Même s'ils n'ont jamais pu retranscrire ce qu'ils avaient réellement vécu. Parce que c'est impossible. Quelques lieux aussi, pour 14/18. Après, l'excès de mémoire? Il faut se garder des légendes, et à côté de cela, il y a des pages très intéressantes également , toujours dans un livre que je lis, L'Enracinement, de Simone Weil, sur ce que sélectionne la mémoire.Et ce qu'entraîne cette sélection. Bref, c'est compliqué .. | |
| | | topocl Abeille bibliophile
Messages : 11706 Inscription le : 12/02/2011
| Sujet: Re: Mathias Enard Mar 14 Jan 2014 - 7:53 | |
| - Marie a écrit:
Bref, c'est compliqué .. Là dessus au moins nous sommes d'accord ! Eh bien si on ne veut pas sombrer dans le désespoir, on peut dire que les traces servent non pas au jamais plus, mais permettent de faire que le encore et encore soit moins rapproché. Il faut avoir des objectifs atteignables dans la vie... A propos de commémoration et de monuments dressés pour classer l'affaire, on peut quand même jeter un coup d’œil à ce site qui parle des bien rares (mais ayant le mérite d'exister) monuments aux morts pacifistes en France. Et je t'accorde que la folie commerciale actuelle sur le Grande Guerre est surtout mercantile, mais cela va quand même faire lire/regarder/parler sur le sujet, il n'y a qu'à voir ici. Donc comme d’habitude, prenons y ce que nous pouvons /voulons. Bon en tout cas, j'aime bien ce livre, qui pose des questions et n'y répond pas, et donc permet l'échange. | |
| | | Marie Zen littéraire
Messages : 9564 Inscription le : 26/02/2007 Localisation : Moorea
| Sujet: Re: Mathias Enard Mar 14 Jan 2014 - 18:21 | |
| Il me semble que nous sommes d'accord sur beaucoup de choses, topocl En fait, le livre de Danielle Auby intitulé lui aussi Bleu Horizon m'avait un peu .. perturbée. Tous ces mots, ces discussions , ces disputes mêmes pour savoir comment on rend hommage, pour recommencer quelques années après . Et puis.. en fait, ces discussions portaient sur un hommage aux écrivains morts , chacun avait son idée bien sûr. Après ils ont fait deux choses. Un livre Le Hérisson regroupant leurs écrits, et une forêt. Le livre, on ne le trouve plus, et la forêt a brûlé. Pour le souvenir , dans les générations futures, je raconterais plus volontiers, à l'école ou ailleurs, comme Danielle Auby, des parcours individuels, permettant l'identification. Sinon, j'aime bien ton site et ça, la sélection. A propos de sélection.. beaucoup de statues métalliques ont été données par le gouvernement de Vichy aux allemands pour faire des canons.. Mais il est très bien, oui, le livre Marquès Enard, j'avais rebondi sur le titre. C'est eux qui l'ont choisi.. | |
| | | topocl Abeille bibliophile
Messages : 11706 Inscription le : 12/02/2011
| Sujet: Re: Mathias Enard Mar 14 Jan 2014 - 19:56 | |
| - Marie a écrit:
-
En fait, le livre de Danielle Auby intitulé lui aussi Bleu Horizon m'avait un peu .. perturbée. Tous ces mots, ces discussions , ces disputes mêmes pour savoir comment on rend hommage, pour recommencer quelques années après . Et puis.. en fait, ces discussions portaient sur un hommage aux écrivains morts , chacun avait son idée bien sûr. Après ils ont fait deux choses. Un livre Le Hérisson regroupant leurs écrits, et une forêt. Le livre, on ne le trouve plus, et la forêt a brûlé.
Tu as gagné, je l'achète (M topocl est tenté aussi) | |
| | | topocl Abeille bibliophile
Messages : 11706 Inscription le : 12/02/2011
| Sujet: Re: Mathias Enard Jeu 16 Jan 2014 - 16:44 | |
| L'alcool et la nostalgie Longtemps que je n'avais rien lu aussi beau, et si triste. À Moscou où Jeanne est partie étudier à la recherche de « l'âme russe », elle a formé avec Mathias jeune écrivain français paumé, jeune homme seul et désespéré : « ma vie à moi était bien vide », et Vladimir/Vlako/Volodia, russe brillant et cultivé, un trio infernal. Éperdus de drogue et alcool, ces trois se sont aimés, et déchirés, courant après d’inatteignables chimères. Fuyant à Paris cette relation aussi passionnelle que délétère, Matthias y apprend un an après la mort de Vladimir, et saute dans un avion. Plutôt que de rester à Moscou pour protéger Jeanne (ou s’en faire protéger ?), il voyage trois jours le transsibérien, à la recherche vaine du village natal de Vladimir, dans un huis clos terrible. C’est une descente aux enfers solitaire, où il se remémore cette histoire, s'adressant désespérément à son ami mort. On est bien loin de l’exotisme sentimental habituel de ce genre de voyage. Malgré les bois de bouleaux qui défilent aux fenêtres et le samovar au fond du wagon, il se laisse submerger par les forces maléfiques de ce pays qu’il a adoré autant qu’haï, ses écrivains déchirés, son histoire sanglante. Il ne s’agit pas, on s’en doute, d’une banale histoire d’amour à trois. C’est la rencontre désespérée de trois êtres en perdition, conscients de la déchéance que leur imposent les drogues, dans un pays lui-même en déliquescence. L’histoire marque son sceau par ses événements les plus terribles et Mathias Enard, adepte d’une commémoration intime et littéraire, nous parle de la révolution, du communisme, de la Kolyma, et des dérives du libéralisme. On croise au passage, et cela prend tout son sens après avoir lu Tout sera oublié, le mausolée de Lénine, le musée de la Kolyma, la cathédrale où on rend un culte aux Romanov, le monument qui marque la limite de l’avancée allemande . On est plongé comme dans beaucoup de ses autres livres, dans un monde terriblement violent qui écrase des peuples impuissants. Enard se dépeint en écrivain débutant stérile, ne sachant plus s’il se drogue pour écrire ou et parce qu'il ne peut écrire. C'est l'occasion de réflexions sur la littérature, les auteurs qui nous ont construits, les grands Américains, les géants Russes, ce que les livres nous ont apporté, comment ils nous font grandir, et nous protègent . - Citation :
- Quand je l'ai rencontré à Paris nous avions dix huit ans à peine, je débarquais de ma province j'avais l'impression de sortir de prison, de rentrer du Goulag, de Magadan ou d'ailleurs et de retrouver une liberté qu'en réalité je n'avais jamais connue, à part dans les livres, dans les livres qui sont bien plus dangereux pour un adolescent que les armes, puisqu'ils avaient creusé en moi des désirs impossibles à combler, Kerouac, Cendrars ou Conrad me donnaient envie d'un infini départ, d'amitiés à la vie à la mort au fil de la route et de substances interdites pour nous y amener, pour partager ces instants extraordinaires sur le chemin, pour brûler dans le monde, nous n'avions plus de révolution, il nous restait l'illusion du voyage, de l'écriture et de la drogue.
Prudence, ce livre fermé, vous exploserez votre LAL. Et puis aussi, Mathias Enard répond à Igor - Igor a écrit:
- Les derniers mots de ton message me font penser (c'est comme un flash) à un certain Mathias Enard et une rue des voleurs que j'ai aussi ressenti comme la vision d'un monde en guerre. Certes plus proche avec des lieux plus connus mais...
Bien différent dans la forme mais dans le fond ? (Igor parle de Jean Rolin, Enard d'Olivier,mais c'est le même univers). - Citation :
- J'avais toujours sa phrase dans la tête, toujours,elle me disait « ton problème, c'est que tu écris pour boire, et pas l'inverse », peut-être avait-elle raison, je voulais un nom d'écrivain, un destin d'écrivain, une vie d'aventures, de plaisir et de liberté sans avoir réellement envie de me coltiner l'écriture, le travail, accroché un rêve d'enfant. Et un jour alors que je venais de parler à Jeanne depuis une cabine téléphonique, dans cette tristesse que seul novembre sait fabriquer, novembre et Paris, j'ai aperçu un livre du coin de l’œil dans le bac d’un bouquiniste du quai Voltaire ; il s'appelait tout simplement En Russie était signé Olivier Rolin. J'avais trois pièces dans ma poche, je l'ai acheté, en pensant que c'était un heureux présage, tomber sur ce livre juste après avoir parlé à Jeanne. J'ignorais tout de cet auteur dont le nom avait quelque chose de familier, simple et proche. Je suis rentré chez moi à pied, avec dans la tête la voix de Jeanne, sa belle voix, et à peine arrivé je me suis mise à lire, ce voyage était magnifique, la Russie de ce Rolin était captivante, pleine de beaux alcools et de nostalgie. À la fin du livre il y avait l’histoire d'un insecte vert appelé cétoine, dont je n'avais jamais entendu parler, qui est très fréquent dans les plaines russes, d'après l'auteur ; le voyage finissait sur ces mots : « Les pages des livres sont des pétales que ronge le scarabée vert. »
J'ai refermé doucement le petit volume, j'ai regardé mon stylo, mes carnets luxueux désespérément vides, mon verre, ma bouteille, mes étagères, l'appartement crasseux, la vaisselle s'accumulant dans l'évier ; j’ai pensé qu'il n'y avait pas beaucoup de choses qui soient réellement importantes dans la vie, ni les oeuvres que l'on écrit, ni les livres qu'on lit, ni la destinée, tout cela finissait avalé par une minuscule bestiole comme une fleur fragile, c'était triste, triste et joyeux à la fois (…) L’écriture de Mathias Enard est proprement époustouflante. Il a un rythme, fait de grandes phrases entrecoupées, de répétition, on croirait entendre ce train, qui ne s’arrête jamais, ne reprend pas souffle, et la résonance rythmée que donnent les traverses. À moins que ce ne soit les chocs que la vie envoie dans la figure de Mathias. Ecoutez ça. - Citation :
- Le café me remet dans les narines l'odeur de l'opium, j'ai une demi-tablette de rohypnol dans ma valise, mais je les garde en cas de coup dur, maintenant je préfère me laisser aller à la drogue douce du souvenir, percé par les errances de ce train qui danse comme un ours sur ses retraverses, des arbres, des arbres de haute futaie, des arbres à abattre, holzfallen, holzfallen, comme criait ce personnage de Thomas Bernhard dans son fauteuil à oreilles, en maugréant contre les acteurs et la bonne société de Vienne, jamais je n'écrirai comme ça, Vlado, tu sais, jamais jamais, cette langue inouïe, répétitive jusqu'à l'hypnose, méchante, incantatoire, d'une méchanceté, d'une méchanceté hallucinée, j'avais vingt ans quand j'ai lu ce livre Vlad, vingt ans et j'ai été pris d'une énergie extraordinaire, d'une énergie fulgurante qui explosait dans une étoile de tristesse parce que j'ai su que je n'arriverais jamais à écrire comme cela, je n'étais pas assez fou, ou pas assez ivre, ou pas assez drogué, alors j'ai cherché dans tout cela, dans la folie, dans l'alcool, dans les stupéfiants, plus tard dans la Russie qui est une drogue est un alcool j'ai cherché la violence qui manquait à mes mots Vlad, dans notre amitié démesurée, dans mes sentiments pour Jeanne, dans la passion pour Jeanne qui s'échappait dans tes bras, dans la douleur que signifiait la voir dans tes bras, dans mon absence apparente de jalousie, dans cette consolation joyeuse que ce soit toi dans ses bras, je savais qu'elle faisait ce que je ne pouvais pas faire, par éducation, par volonté, par destin, par goût tout simplement, elle occupait la place que je ne pouvais pas prendre et je vous regardais sans vous voir comme Thomas Bernhard dans son fauteuil à oreilles, et c'était bien comme ça.
Parfois, Enard donne la parole à Jeanne, et le ton est plus calme, fragile, presque humble. Quant à la forme, ce petit livre de 88 pages (Heyoka, fonce!), Enard ne l’a sans doute pas choisie (c'était la copie qu'il devait rendre pour remercier d’avoir été invité avec une vingtaine d’écrivains, pour un voyage de deux semaines en transsibérien, une résidence mouvante en quelque sorte). Et certes, comme Kenavo, j’aurais apprécié un énorme pavé, qui m’aurait laissé le temps de me morfondre et m’ennuyer à plaisir, comme Mathias dans son compartiment. Cependant, cette forme brève aussi m’a énormément séduite, avec une intensité, une violence, qui n'aurait peut-être pas été soutenable sous un plus grand format. C’est un roman follement romantique c’est à dire romantique à la folie, d’un romantisme des plus terribles et des moins mièvres. | |
| | | shanidar Abeille bibliophile
Messages : 10518 Inscription le : 31/03/2010
| Sujet: Re: Mathias Enard Jeu 16 Jan 2014 - 20:43 | |
| merci topocl pour ce commentaire... habité ! et je garde dans ma tête cette idée que les livres, pour un adolescent, sont plus dangereux que des armes... cela donne à réfléchir sur les livres lus par Enard adolescent et sur ce qui a construit la littérature qu'il écrit... et merci pour les passages de relais d'un auteur à l'autre, ses relations-là sont précieuses car elles créent des ponts privilégiés de l'un aux autres. | |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Mathias Enard Jeu 16 Jan 2014 - 20:47 | |
| Je vois qu'il n'a pas renoncé à concurrencer Proust… Même si maintenant ses phrases font moins de 576 pages… |
| | | kenavo Zen Littéraire
Messages : 63288 Inscription le : 08/11/2007
| Sujet: Re: Mathias Enard Mar 4 Fév 2014 - 8:18 | |
| - Marie a écrit:
- Ce n'est pas la première collaboration entre Pierre Marquès et Mathias Enard
cette phrase m'intriguait, ayant tellement aimé Tout sera oublié, je voulais savoir plus. Bréviaire des artificiers est assez agréable côté illustrations, mais rien d'extraordinaire, et leur troisième collaboration est un livre plutôt jeunesse... mais pour un livre, je ne vais pas ouvrir un fil dans cette section Mangée, Mangée - Citation :
- Il était une fois, dans un joli village, une jolie petite fille qui avait une jolie robe et une jolie poupée. Elle avait aussi un joli prénom, Lila. A côté du village, il y avait une forêt. Lila et sa poupée étaient sûres qu'il y avait des loups dans la forêt, et qu'un jour, elles les verraient...
Au début du livre on peut lire: Un conte balkanique et terrifique... et surtout le 2ème est tout à fait vrai... une sorte de Chaperon Rouge, mais encore plus cruel, à ne pas mettre dans les mains d'un jeune public Mais rien à dire du côté texte/illustrations... j'espère que ces deux-là n'ont pas arrêté de travailler ensemble! | |
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| | | | Mathias Enard | |
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