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| Vincent van Gogh [peintre] | |
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Auteur | Message |
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Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
| Sujet: Vincent van Gogh [peintre] Sam 28 Fév 2009 - 18:40 | |
| VAN GOGH ET LES COULEURS DE LA NUIT Exposition Le musée Van Gogh d’ Amsterdam propose jusqu’au 7 juin 2009 un exposition consacrée au thème de la nuit dans la peinture de Van Gogh. J’ai scanné un certain nombre de reproductions dont je ne trouvais pas les images sur le net. Le rendu est évidemment médiocre comparé aux tableaux originaux. Allée de peupliers au soleil couchant (1884) Obsédé par ces mots, le veuvage et l’automne, Mon rêve n’en veut pas d’autres pour exprimer Cette mélancolie immense et monotone Qui m’ôte tout espoir et tout désir d’aimer.
Il évoque sans cesse une très longue allée De platanes géants dépouillés à demi, Dans laquelle une femme en grand deuil et voilée S’avance lentement sur le gazon blêmi.
Ses longs vêtements noirs lui faisant un sillage Traînent en bruissant dans le feuillage mort ; Elle suit du regard la fuite d’un nuage Sous le vent déjà froid et qui chasse du nord.
Elle songe à l’absent qui lui disait : Je t’aime ! Et, sous le grand ciel bas qui n’a plus un rayon, S’aperçoit qu’avec la dernière chrysanthème Hier a disparu le dernier papillon.
Elle chemine ainsi dans l’herbe qui se fane, Bien lasse de vouloir, bien lasse de subir, Et toujours sur ses pas les feuilles de platane Tombent avec un bruit triste comme un soupir.
– En vain, pour dissiper ces images moroses, J’invoque ma jeunesse et ce splendide été. Je doute du soleil, je ne crois plus aux roses, Et je vais le front bas, comme un homme hanté.
Et j’ai le cœur si plein d’automne et de veuvage Que je rêve toujours, sous ce ciel pur et clair, D’une figure en deuil dans un froid paysage Et des feuilles tombant au premier vent d’hiver.François Coppée, Tristement (Le cahier rouge) Van Gogh a peut-être lu ce poème de François Coppée qu’on peut écouter face à ce tableau magnifique, grâce à l’audioguide qui accompagne la visite. L’exposition montre l’ influence de peintres contemporains ou antérieurs à Van Gogh au travers de cette thématique des couleurs de la nuit. Il y a en effet toute une tradition de la représentation de la nuit et de ses mystères qui émerge au XIXe siècle, en partie favorisée par l’apparition de l’éclairage au gaz et des réverbères qui permettent de découvrir ce qui était caché jusque là. Van Gogh était fasciné par l’univers poétique et esthétique de la nuit. Il aimait travailler tard le soir et il a essayé de saisir l’ambiance et les jeux de lumière de la nuit à travers la couleur. - Citation :
- Il y associait ses idées sur les spécificités symboliques de ces heures vespérales en le mettant en rapport avec les cycles de la vie, les effets de la modernité et une vision romantique de la nature.
« Souvent il me semble que la nuit est beaucoup plus vivante et richement colorée que le jour ». Van GoghParmi ces influences on commence l’exposition avec Rembrandt et son fameux « clair obscur »: Les pélerins d’Emmaüs (1648) de Rembrandt La Sainte Famille le soir (1638-1640) de Rembrandt Il y a aussi l’école de Barbizon avec Corot, Théodore Rousseau, Jules Dupré: Van Gogh admirait Corot dont il avait une reproduction d’après « Le soir » dans sa chambre. Clair de Lune (1855) de Camille Corot Dante et Virgile (1859) Vers le soir (1885) de Van GoghPaysage à la tombée du jour (1885) La chaumière (1885) Il s’est aussi beaucoup inspiré de Jean-François Millet dont il a repris le thème du « semeur » et certaines scènes paysannes. Il existe aussi un tableau plus atypique de Millet, « Nuit étoilée », dont on retrouve l’écho dans ses propres nuits étoilées. Millet, Le semeur Le semeur (1888) de Van Gogh (1ere version) Le semeur (1888) de Van Gogh, chef-d’œuvre dont la composition est inspirée d’estampes japonaises. Nuit étoilée (1851) de Jean-François Millet. Nuit étoilée sur le Rhône (les étoiles constituent la grande ourse) La nuit étoilée (1889) : La « Joconde » de Van Gogh qui vampirise tous les visiteurs et n’avait pas été exposée à Amsterdam depuis presque 20 ans. C’est le MoMA qui possède ce célèbre tableau hypnotisant. Le grand compositeur Henri Dutilleux a créé « Timbre, espace, mouvement » pour orchestre en 1978 , une reproduction du tableau étant projetée au-dessus de la scène. - Citation :
- «La Nuit étoilée m'a toujours fasciné. Je me suis dit qu'en partant de cette toile de Van Gogh, je pourrais tenter un rapprochement dans le domaine sonore, rechercher une forme mais surtout un matériau instrumental inusité, en relation avec l'étrange impression de vertige et d'espace cosmique que dégage cette toile.» Henri Dutilleux
Ce tableau a donné droit à de nombreuses interprétations quelles soient psychanalytiques, poétiques ou même astronomiques. Il a peint ce tableau à l’asile psychiatrique et certains y voient l’expression de son esprit tourmenté. Lui-même n’aimait pas trop « La nuit étoilée » qu’il avait conçu comme une sorte d’esquisse, d’expérimentation sur le mouvement et les couleurs. Ensuite il y a les cafés la nuit qui s’inspirent directement des peintures de Gauguin ou des œuvres de Toulouse Lautrec. Il s’était lancé des défis avec ses amis Emile Bernard et Paul Gauguin avec l’idée de peindre des scènes d’intérieur, des sujets contemporains dans une composition artistique moderne. Le Café de nuit est illuminé par une lumière artificielle excessive renforcée par l’effet d’ombre portée menaçante de la table de billard et l’effacement des autres ombres qui devraient pourtant être présentes. Le café de nuit (1888) de Gauguin Café de nuit (1888) de Van GoghLa salle de danse à Arles (1888) de Van Gogh Terrasse de café le soir (1888) Et enfin l’exposition se termine sur des peintures représentant les jardins de l’ hôpital psychiatrique Saint-Paul où il peignait en s’inspirant de ses modèles à partir de livres ou de reproductions, ou en regardant ce qu’il voyait à travers sa fenêtre et dans le jardin. Un beau parcours qui permet d'admirer des chefs-d'oeuvre pas toujours accessibles ( La nuit étoilée voyage beaucoup ou il faut aller à New York) et de découvrir des raretés magnifiques comme l'allée de peupliers ou Vers le soir inspirés notamment par Corot. Pour ceux que ça intéresse j'en rajouterai quelques autres au fur et à mesure. Paysage au crépuscule (1890)
Dernière édition par Marko le Sam 28 Fév 2009 - 23:48, édité 3 fois | |
| | | Marie Zen littéraire
Messages : 9564 Inscription le : 26/02/2007 Localisation : Moorea
| Sujet: Re: Vincent van Gogh [peintre] Sam 28 Fév 2009 - 18:53 | |
| Magnifique, Marko! Tu es nommé envoyé spécial sur toutes les expos européennes, pour les crédits, tu t'adresses aux administrateurs! | |
| | | kenavo Zen Littéraire
Messages : 63288 Inscription le : 08/11/2007
| Sujet: Re: Vincent van Gogh [peintre] Sam 28 Fév 2009 - 18:54 | |
| merci pour ce sublime fil.. | |
| | | Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
| Sujet: Re: Vincent van Gogh [peintre] Sam 28 Fév 2009 - 19:07 | |
| Paysage au crépuscule que j'ai mis en dernier est vraiment très beau et par chance cette reproduction est plutôt réussie. | |
| | | kenavo Zen Littéraire
Messages : 63288 Inscription le : 08/11/2007
| Sujet: Re: Vincent van Gogh [peintre] Sam 28 Fév 2009 - 19:10 | |
| - Marko a écrit:
- Paysage au crépuscule que j'ai mis en dernier est vraiment très beau et par chance cette reproduction est plutôt réussie.
ceux que tu as mis sont tous faits pour donner envie.. tu imagines si on aurait le musée Pei pour avoir une telle expo | |
| | | bix229 Parfum livresque
Messages : 24639 Inscription le : 24/11/2007 Localisation : Lauragais (France)
| Sujet: Van Gogh Sam 28 Fév 2009 - 19:34 | |
| Mes préférences vont à la Nuit étoilée, le Semeur et l'Allée de peupliers... Je me demande si je n'ai pas vu le 3e en Avignon... Je me souviens, il y avait beaucoup de monde et beaucoup de flics armés. Naivement, je me suis demandé pourquoi au début. J'avais oublié la valeur marchande d'un Van Gogh ! | |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Vincent van Gogh [peintre] Sam 28 Fév 2009 - 20:00 | |
| C'est la Terrasse de café le soir ma préférée, parce qu'elle me rappelle d'excellents souvenirs en Arles, et une terrasse toute pareille. La même rue, peut-être! |
| | | Cachemire Sage de la littérature
Messages : 1998 Inscription le : 11/02/2008 Localisation : Francfort
| Sujet: Re: Vincent van Gogh [peintre] Sam 28 Fév 2009 - 22:29 | |
| J'adore le tableau Paysage au crépuscule que j'ai vu en vrai dans un expo, mais où ? Marko, sais-tu s'il est dans la collection du musée Van Gogh d'Amterdam ? | |
| | | Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
| Sujet: Re: Vincent van Gogh [peintre] Sam 28 Fév 2009 - 23:31 | |
| - Cachemire a écrit:
- J'adore le tableau Paysage au crépuscule que j'ai vu en vrai dans un expo, mais où ?
Marko, sais-tu s'il est dans la collection du musée Van Gogh d'Amterdam ? Oui il fait partie de la collection permanente. Il a un impact très fort quand on le voit avec ses dimensions et ses couleurs "réelles". Mais il y a tellement de ses tableaux qui font cet effet! Inépuisable! | |
| | | coline Parfum livresque
Messages : 29369 Inscription le : 01/02/2007 Localisation : Moulins- Nord Auvergne
| Sujet: Re: Vincent van Gogh [peintre] Sam 28 Fév 2009 - 23:52 | |
| - Marko a écrit:
- VAN GOGH ET LES COULEURS DE LA NUIT
Nuit étoilée sur le Rhône (les étoiles constituent la grande ourse)
C'est celui-ci mon préféré...Les personnages regardent le ciel étoilé?.... | |
| | | Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
| Sujet: Re: Vincent van Gogh [peintre] Sam 28 Fév 2009 - 23:58 | |
| - coline a écrit:
- Marko a écrit:
- VAN GOGH ET LES COULEURS DE LA NUIT
Nuit étoilée sur le Rhône (les étoiles constituent la grande ourse)
C'est celui-ci mon préféré...Les personnages regardent le ciel étoilé?.... Un commentaire sur Wikipedia: - Citation :
Le tableau a été peint sur les bords du Rhône, à un emplacement situé à une minute ou deux de la Maison Jaune sur la Place Lamartine que Van Gogh louait alors. La position avantageuse qu'il a choisie pour réaliser son tableau lui a permis de capter les reflets de l'éclairage au gaz dans Arles sur l'eau bleue miroitante du Rhône, avec à droite les lueurs du quartier de Trinquetaille. Le ciel est illuminé par la constellation de la Grande Ourse. Au premier plan, deux amoureux flânent sur les bords du fleuve où se trouve un tas de sable. - Citation :
- ... Je veux maintenant absolument peindre un ciel étoilé. Souvent il me semble que la nuit est encore plus richement colorée que le jour, coloré des violets, des bleus et des verts les plus intenses. Lorsque tu y feras attention tu verras que de certaines étoiles sont citronnées, d'autres ont des feux roses, verts, bleus, myosotis. Et sans insister davantage il est évident que pour peindre un ciel étoilé il ne suffise point du tout de mettre des points blancs sur du noir bleu. Van Gogh
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| | | Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
| Sujet: Re: Vincent van Gogh [peintre] Dim 1 Mar 2009 - 12:15 | |
| Pour compléter le thème de ce fil je recommande la lecture d'un beau livre d'Art consacré à la représentation de la nuit dans la peinture et au théâtre: Nocturnes, peindre la nuit, jouer dans le noir de Georges Banu - Citation :
- La nuit est au jour ce que le dos est au visage. Elle réclame au peintre ou à l'homme de théâtre de se détourner afin d'accéder à l'autre côté, rebelle au règne conventionnel du visage et du jour car la nuit, comme le dit Goethe, est la 'face étrangère du jour'. La nuit est un envers et un contraire. Elle entre dans la problématique de la contradiction, de l'opposition, de la perdition. Alors que le jour établit l'homme dans un ordre social, la nuit place l'être du côté de l'essence. Elle l'entraîne au-delà d'une identité bien déterminée, dans l'informel et le mouvant. Il se trouve plongé au coeur de la nuit qui ne bat pas au même rythme pour tous car la nuit dissocie les êtres. S'engager sur le chemin de la nuit, c'est se laisser emporter par l'excès, par l'oubli des normes en vigueur, des interdits et des contraintes car, selon Marguerite Duras, 'La nuit tout est plus vrai.' La nuit, c'est le jour vu de dos.
Extrait de ce livre concernant les nuits étoilées de Van Gogh: en réponse à la question de Coline. - Citation :
- Van Gogh, avec ses deux Nuits étoilées, l'une conservée à Paris et l'autre à New York, fournit les visions nocturnes les plus célèbres, visions où la nuit s'embrase et les étoiles semblent être lunes ou soleils, astres multipliés pris dans la tourmente d'une énergie irrépressible. La Nuit étoilée d'Orsay reprend les signes répertoriés des nocturnes, mais en leur accordant une intensité nouvelle, en les multipliant sans pour autant les dévaloriser. L'eau s'étale sans la moindre agitation et capte les reflets des « lunes » fixées sur le ciel, « firmament qui se remplit de sphères rayonnantes » comme l'écrivait Novalis, en précurseur de Van Gogh, dans ses Hymnes à la nuit". Cela confirme une parenté spirituelle et souligne une filiation d'artiste. Van Gogh fournit le dernier avatar explosif et destructeur de la nuit romantique. Il la reprend et la place, selon le principe cher au romantisme, sous le signe de l'expérience autobiographique, du moi dérouté face à la nuit qui l'accueille dans sa démesure. Cela, forcément, ne peut conduire qu'à l'excès ultime dont la « vision » apporte la preuve sans faille. De la nuit, il s'agit de faire voir l'emprise.
Van Gogh sait à quel point il retourne ici les données du paysage nocturne, surtout en mélangeant reflets cosmiques et signes urbains saisis par une palette dont le chromatisme échappe à la tradition, l'attaque et la renverse. Par rapport à ses précurseurs, c'est une autre nuit que voit Van Gogh. Il écrit à Bloch en octobre 1888: « enfin une étude du Rhône, de la ville éclairée au gaz se reflétant dans la ville bleue. Avec le ciel étoilé au-dessus - avec la Grande Ourse - à scintillement rose et vert sur le champ bleu de cobalt du ciel nocturne, tandis que la lumière de la ville et ses reflets brutaux sont d'un or rouge et d'un vert bronzé ». Ici, l'écrivain égale le peintre : la nuit leur est également indispensable. Nuit aux couleurs qui embrasent les sens et emportent les astres. Si le ciel, en plan général, éblouit par la diversité des sources lumineuses qui pointent, et l'eau par la multiplicité des reflets, au premier plan, marginal, un couple ne regarde pas comme à l'accoutumée vers le lointain mais se retire furtivement. Ici, où à l'horizon se dessine l'incandescence de la ville et non pas l'illimité de la mer, l'homme et la femme ne tournent pas le dos au spectateur tels les mélancoliques de Friedrich, mais à la cité éclairée qui rivalise impunément avec l'éclairage céleste. Rien ne les aspire et ils semblent vouloir s'éloigner de cette agitation nocturne qui ne les concerne pas. Ils lui sont étrangers. Placés en bordure de la rivière, sur la terre, l'homme et la femme, l'un contre l'autre, quittent les lieux et Van Gogh accroît le contraste entre la nuit aux pouvoirs illimités et les deux personnages prêts à franchir le cadre, pour se diriger vers un improbable hors-scène. Ainsi, tout en reprenant les données canoniques des nocturnes romantiques, Van Gogh les renverse. Chez lui, la nuit expulse ses visiteurs et produit une sorte d'aplatissement qui les rapproche du spectateur: à l'éloignement succède la proximité.
Cette nuit qui acquiert une immédiateté magique est en même temps « électrique » car Van Gogh intègre l'expérience de la ville moderne où la nuit perd en partie ses vertus sous l'impact des réverbères qui se multiplient: leur éclairage envahit la « bouche d'obscurité ». Les personnages fuient peut-être cette nuit-là aussi. Ils ne trouvent plus le repos de jadis et, face à l'horizon obstrué par l'agglomération urbaine, ils se détournent de la ville. Parce que trop lumineuse, cette nuit-là ne repose plus et ses mirages ne concernent désormais que les regards extérieurs : sur eux, ils continuent d'agir, tandis que pour les êtres du dedans, ils ont perdu leur ancienne efficacité. Van Gogh fait se croiser deux rapports distincts, même opposés, a la nuit: 1'un, intérieur, de désertion, pratiqué par les personnages, l'autre, extérieur, d'attrait, propre aux spectateurs. La mise en abime des deux regards, du spectateur et des protagonistes, pratiquée par Friedrich est abandonnée ici. Ce qui s'inscrivait alors dans une continuité se dissocie maintenant. Rupture qui perturbe la fascination autrefois également partagée: même la nuit désunit.
Van Gogh se tourne vers les étoiles, avoue-t-il, quand il éprouve un « terrible besoin de religion », rejoignant ainsi la relation qu'entretenait Friedrich, sur un mode moins exalté, avec la nuit. Le soleil fut son dieu païen et le jour son expérience profane. En revanche, au terme de sa vie, malade, enfermé, il retrouve la flamme mystique de ses débuts en se projetant dans la nuit qu'il investit de sa foi et de ses dernières ressources. Comme un Christ abandonné. Et le critique Albert Boïme eut l'intuition juste de renvoyer cette nuit « double, de l'obscur et de la lumière » à la nuit sur le mont des Oliviers. Hypothèse plausible qui mérite d'être développée. Dans La Nuit étoilée de New York, il n'y a plus personne. Le peintre surenchérit sur le contraste entre d'un côté le ciel secoué par la violence des tournoiements lumineux, vision unique où le soleil et la lune se confondent grâce à une sorte de contamination mystique, et de l'autre côté le monde plongé dans une obscurité qui réduit l'église à une présence fantomatique et rend la ville à peine repérable. Tout porte à croire que le salut vient des pouvoirs du ciel et non pas des ténèbres qui plongent la terre dans un noir sans espoir. Terre réduite à un tiers du tableau, tandis que la voûte animée occupe les deux autres tiers et, forcément, aspire les regards. La voûte s'affirme dans sa plénitude tandis que le monde semble être voué à la solitude et à l'isolement. Les regards ne peuvent plus se diriger vers un lointain incertain, mais seulement vers un ciel qui, entraîné dans sa dynamique, ignore la terre confinée dans le noir. D'en bas, habitants d'un jardin des Oliviers étendu à l'échelle de la planète, il ne nous reste plus qu'à lancer des appels vers un ciel muet. Nuit de l'homme assimilé à jésus au plus profond de sa détresse. Nuit du doute et de l'abandon. Nuit de l'espoir vertical et non pas de l'attente horizontale. Si Friedrich cherche « Dieu dans les roseaux », Van Gogh lève encore les yeux vers le ciel étoilé qui, par son animation, laisse croire à l'existence d'une force supérieure. Elle est énorme et troublante pour les inquiets qui, de leur obscurité, envoient des appels au secours. Ciel ambivalent, protecteur et écrasant, ciel du Père qui oublie un instant son Fils. Et c'est Van Gogh lui-même qui se vit comme son incarnation profane, son double terrestre. Nuit étoilée, nuit désespérée.
Les experts l'ont confirmé : les nuits de Van Gogh, bien que placées sous le sceau d'une subjectivité qui s'y projette explicitement, ont été peintes à partir d'une exploration assidue du ciel. Derrière les barreaux de sa cellule, il enregistrait l'emplacement des étoiles qu'il restituait ensuite sur la toile avec une précision telle que, récemment, deux astronomes américains ont même pu retrouver la date où les tableaux furent exécutés. La « vision » de Van Gogh s'appuie sur ce qu'il appelait la « carte du ciel », qu'il respecte tout en l'investissant d'une énorme projection personnelle. Ici s'accomplit pour une fois l'alliance parfaite entre l'infini et l'indéfini. Aucun ne prévaut sur l'autre et de leur présence commune provient l'attrait de ces nuits, astronomiquement exactes et poétiquement fortes.
Cette expérience de la nuit s'accompagne d'un irrépressible appétit polémique : Van Gogh se rebelle contre la représentation banale, stéréotypée et trop paisible de la nuit pour envisager, comme il l'écrivait à sa soeur, une autre approche. « Souvent il me semble que la nuit est plus riche en couleurs que le jour. » Il saisit des différences qui échappent à d'autres, il éveille des énergies habituellement endormies, il plonge dans le noir comme dans une masse aux pouvoirs inassouvis. Sa nuit porte l'empreinte de ses propres troubles. C'est une nuit signée. « Certaines étoiles sont citronnées, d'autres ont des feux roses, verts, bleus, myosotis [...] pour peindre un ciel étoilé, il ne suffit pas de mettre des points blancs sur du noir-bleu. » Le coloriste qu'il est se révolte contre la monotonie du noir à peine criblé d'étoiles pour réclamer le ciel d'une nuit animée, religieuse et en même temps « source d'énergie morale" ». Nuit autobiographique où le moi cherche à se consoler des défaites du jour. L'amant du soleil de Provence sacrifie sa passion et, de diurne, elle devient pour une fois nocturne. Toujours sur fond de confiance dans la pureté d'une nature qui, dans l'esprit de Walt Whitman, que Van Gogh aimait, confirme la présence, de jour ou de nuit, de « quelque chose qu'en somme on ne sait appeler que Dieu et l'éternité remise en place au-dessus de ce monde ». Le voeu de Van Gogh se résume dans la lettre à sa sœur du 8 septembre 1888: « Voilà un tableau de nuit sans noir. » Constat plastique accompagné souterrainement d'un voeu mystique, toujours croire dans la lumière. La nuit de son Café sera faite « rien qu'avec du beau bleu et du violet et du vert et dans cet entourage la place illuminée se colore du soufre pâle des citrons verts ». Eugène Jansson, sous l'impact de Van Gogh, peint Rue à Stockholm, une « vision » nocturne où, maintenant, les réverbères apparaissent comme des astres de remplacement, foyers lumineux qui, au pied des immeubles, épousent les contours d'une rue emportée par la projection de l'artiste . De son atelier d'où, cloîtré, il surveille la ville comme Van Gogh la nuit de sa cellule, Jansson impose à la terre la domination du ciel d'un bleu profond, orphelin de lune et d'étoiles, ciel qui, au loin, finit dans la rue, comme si le peintre entendait ainsi consacrer leur union par la force qu'il insuffle au paysage nocturne. Paysage qu'il fait sien, dont on retrouve la trace dans un célèbre autoportrait où la figure de l'artiste s'inscrit sur la masse du même bleu. Jansson s'approprie cette vision et reconnaît l'hypnose que la nuit produit sur le solitaire qu'il était. Peintre sourd, à force de s'exercer physiquement il acquiert une vitalité qui semble s'emparer du ciel autant que de la ville, mais le silence reste absolu dans la tourmente nocturne. Nul son, nul habitant, seule l'énergie de l'artiste qui dialogue avec la nuit immensément ouverte sous ses fenêtres calfeutrées.
Dans les « visions », l'artiste l'emporte sur la nuit mais, ne l'oublions pas, c'est elle qui se trouve à l'origine du vertige. | |
| | | Ella Invité
| Sujet: Re: Vincent van Gogh [peintre] Dim 1 Mar 2009 - 22:30 | |
| Et son tout premier "clair obscur" inspiré de Rembrandt : Les mangeurs de pommes de terre, Van Gogh 1885 |
| | | Queenie ...
Messages : 22891 Inscription le : 02/02/2007 Age : 44 Localisation : Un peu plus loin.
| Sujet: Re: Vincent van Gogh [peintre] Dim 1 Mar 2009 - 23:24 | |
| - Ella a écrit:
- Les mangeurs de pommes de terre, Van Gogh 1885
Et ils ont bien raison, parce que la pomme de terre c'est bon ! (Surtout en frite) YipYip. | |
| | | Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
| Sujet: Re: Vincent van Gogh [peintre] Dim 1 Mar 2009 - 23:32 | |
| - Queenie a écrit:
- Stella a écrit:
- Les mangeurs de pommes de terre, Van Gogh 1885
Et ils ont bien raison, parce que la pomme de terre c'est bon ! (Surtout en frite)
YipYip. Belle intervention Queenie! Bienvenue sur ce fil | |
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| | | | Vincent van Gogh [peintre] | |
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