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 Vassili Grossman [Russie]

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Cassiopée
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Marie
Le Bibliomane
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MessageSujet: Vassili Grossman [Russie]   Vassili Grossman - Vassili Grossman [Russie] EmptyJeu 5 Mar 2009 - 14:39

Vassili Grossman - Vassili Grossman [Russie] Vasily10

Biographie :

Après des études de chimie à l'université de Moscou, il devient ingénieur dans le Donbass, et y décrit sur des carnets la vie des mineurs avant la révolution de 1917 dans une nouvelle datée de 1934. Il suit stylistiquement les canons du 'réalisme socialiste' : il appartient par ailleurs à une génération qui soutient encore le Staline. Mais la guerre va bouleverser sa perception de l'URSS : entre combats sanglants et exterminations des Juifs d'Europe, Vassili Grossman commence à entrevoir la réalité soviétique et met en parallèle les essences totalitaires des régimes staliniens et hitlériens. Il est dès 1941 correspondant de guerre, notamment pendant le siège de Stalingrad dont il retirera son premier roman publié en 1945 et intitulé 'Stalingrad, choses vues'. Il travaille aussi sur les témoignages des hommes et des crimes de guerre et découvre durant son périple l'horreur de Treblinka. Ces chocs historiques lui inspireront son chef d'oeuvre, 'Vie et Destin', en 1952 qui sera saisi et interdit par le KGB. Ce roman d'une ampleur considérable ne franchira le Rideau de Fer que vingt ans après la mort de son auteur. (Source Evene)

Dans le cadre d'une Lecture Commune sur l'Arménie, nous avons lu : Que la paix soit avec vous que vous pouvez retrouver : ici
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MessageSujet: Re: Vassili Grossman [Russie]   Vassili Grossman - Vassili Grossman [Russie] EmptyJeu 5 Mar 2009 - 14:44

"Vie et Destin :

Si certains des romans qui encombrent aujourd'hui les étalages des librairies n'étaient jamais publiés, la face du monde littéraire n'en serait que bien peu affectée tant la médiocrité et la futilité de ces romans élaborés avec force études de marché et plans marketing laissent pantois les lecteurs dotés d'un minimum de sens critique et de respect de la littérature.
D'autres, au contraire, romans essentiels et de grande qualité, restent méconnus ou, pire encore, ne sont pas édités, voire interdits car ne correspondant pas à la ligne définie par certaines idéologies commerciales ou politiques.
Ce fut le cas pour « Vie et Destin », le chef-d'œuvre de Vassili Grossman, roman qui faillit bien passer à la trappe lorsqu'il fut achevé en 1962. Le propos de ce livre a été alors jugé tellement subversif par le pouvoir soviétique que le manuscrit fut saisi et mis sous les verrous par le KGB. On ne sait par quel miracle, une copie échappa miraculeusement à la censure et c'est en 1980 que parut enfin ce livre, considéré depuis lors comme le « Guerre et Paix » du XXe siècle.

Le contenu de ce roman restait en effet profondément dérangeant pour le pouvoir en place, même si le contexte de celui-ci, la bataille de Stalingrad en 1942-1943, remontait à une vingtaine d'années auparavant.

La victoire, après de longs mois de lutte acharnée, des combattants soviétiques contre les troupes du IIIe Reich fut, on le sait, l'évènement qui annonça le déclin et la chute de l'hégémonie hitlérienne. Cette victoire fut également un formidable élément de propagande pour le pouvoir stalinien qui put ainsi se parer, à l'instar des États-Unis, de l'auréole héroïque de libérateur de l'Europe asservie sous le joug du nazisme.

Vassili Grossman, qui a lui-même vécu ces évènements – il s'est engagé dans l'Armée Rouge en qualité de journaliste, a participé à la bataille de Stalingrad et a suivi les troupes soviétiques jusqu'en Allemagne – est au départ un auteur d'une orthodoxie exemplaire pour le régime stalinien. Mais son expérience de la guerre va profondément bouleverser sa vision des choses et le régime stalinien va se révéler à ses yeux aussi pernicieux et aussi sanguinaire que celui de l'adversaire nazi.

Juif soviétique né en 1905 à Berditchev (Ukraine), Grossman est profondément atteint lorsqu'il apprend les massacres à grande échelle de civils juifs perpétrés dans sa province natale par les troupes nazies. Sa mère, restée à Berditchev après l'arrivée de l'occupant, sera elle aussi assassinée par les envahisseurs. Lors de l'offensive soviétique vers l'Allemagne, Grossman va découvrir l'impensable : les camps d'extermination. Il sera ainsi le premier auteur à décrire ce que l'Armée Rouge a découvert à Treblinka. Son témoignage sera utilisé lors du procès de Nuremberg.

Mais Grossman n'est pas dupe et pour lui la barbarie n'est pas l'apanage du nazisme. Le stalinisme n'a en effet rien à envier en matière d'antisémitisme à son adversaire germanique et les mesures anti-juives, les procès, les purges, les déportations, les assassinats, décrétés avant, pendant et après la seconde guerre mondiale n'ont pas manqué. Mais Grossman va plus loin dans sa critique du pouvoir et dans son écœurement face à celui-ci : bien au delà du sort réservé aux juifs d'URSS, c'est du sort de toutes les minorités qu'il s'inquiète :

« Ce qui se jouait, c'était le sort des Kalmouks, des Tatars de Crimée, des Tchétchènes et des Balkares exilés sur ordre de Staline en Sibérie et au Kazakhstan, ayant perdu le droit de se souvenir de leur histoire, d'enseigner à leurs enfants dans leur langue maternelle. Ce qui se jouait, c'était le sort de Mikhoels et de son ami, l'acteur Zouskine, des écrivains Bergelson, Markish, Féfer, Kvitko, Noussinov, dont les exécutions devaient précéder le sinistre procès des médecins juifs, avec en tête le professeur Vovsi. Ce qui se jouait, c'était le sort des juifs que l' Armée Rouge avait sauvés et sur la tête desquels Staline s'apprêtait à abattre le glaive qu'il avait repris des mains de Hitler, commémorant ainsi le dixième anniversaire de la victoire du peuple à Stalingrad. »

Mais pour Grossman, les minorités ne sont pas les seules victimes de la dictature stalinienne ; chaque citoyen est en effet une cible potentielle pour les agents du NKVD. Une plaisanterie, un mot de trop lâché au cours d'un repas arrosé peuvent valoir à son auteur d'être dénoncé et envoyé dans les geôles de la Loubianka. C'est ce processus de terreur appliqué à chaque citoyen qui est ici aussi fortement dénoncé par Grossman, processus auquel n'échappe même pas un fervent communiste tel que Krymov, l'un des personnages de ce roman, abasourdi par son arrestation, jugé, humilié, battu par ses gardiens jusqu'à ce qu'il en arrive à s'accuser de faits qu'il n'a jamais commis.
Il y a aussi le physicienVictor Krum, qui va tomber en disgrâce du fait de ses origines juives, un homme que tout le monde, même ses plus proches amis, décideront d'ignorer et repousseront comme s'il était un pestiféré, jusqu'à ce qu'un coup de téléphone de Staline en personne fasse radicalement changer l'attitude de son entourage qui, du jour au lendemain, l'encensera comme s'il ne s' était rien passé.
Il y a bien d'autres personnages dans cet immense roman et l'on peut facilement s'y perdre tant ils sont nombreux : soviétiques et allemands, tous victimes d'une idéologie qui, d'un côté comme de l'autre, s'évertue à broyer en eux toute trace d'humanité pour en faire de simples pions dans la partie d'échecs à laquelle jouent les deux funestes personnages qui dirigent ces deux grandes puissances.

Comme dans « La Guerre et la Paix » de Tolstoï, Grossman multiplie les points de vue et le lecteur se retrouve ainsi témoin des combats acharnés du siège de Stalingrad, il assiste aux interrogatoires menés par le NKVD, il fait le terrible voyage dans les wagons à bestiaux qui dirigent hommes, femmes, enfants et vieillards vers les camps de la mort, jusqu'à assister aux derniers instants de ceux-ci, poussés dans les chambres à gaz.
Le lecteur sort de ce livre comme hébété par cette profusion de personnages en proie à un destin terrible, écrasés entre deux idéologies aussi sinistres et paranoïaques l'une que l'autre. Il y a bien peu de place pour l'espoir dans ce monde décrit par Grossman et chaque individu n'est ici, même au plus fort des combats, qu'un être traqué, évalué, surveillé et puni s'il ose s'écarter un tant soit peu des recommandations du parti.
En mettant en scène soldats allemands et soviétiques, Grossman illustre le parallèle existant entre ces deux dictatures que furent le nazisme et le stalinisme. Ce parallèle lui permet de faire l'amer constat que le bien des peuples ne peut pas être décidé et instrumentalisé sans aboutir au plus pervers des totalitarismes.
Cette notion toute subjective du bien ne peut, pour Grossman, que s'exprimer individuellement, à une minuscule échelle, d'un individu à l'autre. Dès que le concept du bien tente de s'ériger en système, il mène irrémédiablement à la dictature et à l'oppression des peuples.
Cette réflexion, toute naïve qu'elle puisse paraître, même aux yeux de Grossman, est pourtant la seule valable en regard des atrocités commises au nom du bien telles que l'ont été celles du christianisme, de l'Islam, du communisme, du nazisme et aujourd'hui du libéralisme économique.
Ces minuscules étincelles de bonté humaine éclairent de loin en loin le roman de Grossman, comme pour nous rappeler que, en dépit de l'écrasante puissance des régimes totalitaires, même le plus simple, le plus anonyme, le plus insignifiant des actes de bonté, rend l'homme qui l'accomplit plus fort et plus humain que toutes les idoles, tous les hommes providentiels qui paradent sur les estrades et les tribunes oficielles.
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MessageSujet: Re: Vassili Grossman [Russie]   Vassili Grossman - Vassili Grossman [Russie] EmptyJeu 5 Mar 2009 - 20:10

Merci, Biblio, je l'attendais!!!
dans ma PAL depuis longtemps..
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MessageSujet: Re: Vassili Grossman [Russie]   Vassili Grossman - Vassili Grossman [Russie] EmptyJeu 5 Mar 2009 - 21:02

C'est un chef-d'oeuvre, Vie et Destin.
C'est la suite directe de Pour une Juste cause, les deux livres s'enchaînent. C'est vraiment une histoire en deux parties.
Mais autant Pour une juste cause est pro communiste tendance joli drapeau rouge qui flotte dans un immense ciel bleu avec les paysannes et le bon peuple ravi, les dents blanches (vus en légère contre-plongée, comme chez Eisenstein), qui fauchent le blé en chantant des hymnes à la gloire du Petit Père des Peuples, autant Vie et Destin se permet la comparaison entre les deux régimes totalitaires nazis et soviétiques, ce qui en France était tabou jusqu'à il y a encore quelques années ("anticommuniste primaire", tout ça).
Comme tu l'écris, Biblio : "deux idéologies aussi sinistres et paranoïaques l'une que l'autre".

Dès le début, on a un camp, et on se demande s'il s'agit d'un camp nazi ou soviétique. La rupture de ton avec Pour une juste cause est vraiment impressionnante.

L'antisémitisme stalinien est extrêmement bien décrit ; le scientifique qui a tous les honneurs et qui se voit progressivement rejeté (de mémoire : on se met à faire la distinction entre la "vraie science" et la "science juive"), le professeur qui ne comprend pas, sur le moment, ce qui lui arrive...

C'est un roman énorme, on sent en plus beaucoup de vécu dedans, la description des usines sonne vrai. C'est parce qu'il a connu tout ça, qu'il a vu et vécu tout ça.

Après la lecture de ce roman, on se demande comment on peut écrire un autre livre sur ce sujet sans paraître petit. Tout semble avoir été dit dans Vie et Destin.
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MessageSujet: Re: Vassili Grossman [Russie]   Vassili Grossman - Vassili Grossman [Russie] EmptySam 7 Jan 2012 - 13:34

Vie et destin

1173 pages et deux cartes géographiques : le front russe de décembre 1941 à Novembre 1942 et celle de la bataille de Stalingrad…
Ce livre a été saisi par le KGB et a disparu pendant près de vingt ans.

L’auteur, juif russe communiste a été longtemps persuadé du bien fondé de la politique communiste puis il a assisté au déchaînement de l’antisémitisme, à la création des camps de concentration et a été ainsi amené à revoir ses idées. Il a donc observé les deux visions, les deux côtés de l’horreur, de l’injustice, de ce que chacun croit être mieux.
A travers une fresque où se croisent différents personnages pendant une cinquantaine d’années, Vassili Grossman nous raconte sa Russie… On observe la bataille de Stalingrad décrite avec un sens accru de la réalité .On y voit des familles séparées par le Goulag, la ligne de front, certains dans des camps, d’autres au travail dans des conditions précaires. On y découvre le quotidien d’une époque de différents côtés de la barrière. On y voit les gens sous la pression qui finissent par craquer, d’autres qui résistent. On voit monter l’antisémitisme. Il n’y a pas de héros, seulement des gens ordinaires avec leurs tourments, leurs questions existentielles, leurs idées…

Une des principales difficultés est de repérer les différents lieux et les différents personnages et se remettre dans le contexte pour chaque situation. Les personnages changent de nom et il ne faut pas perdre le fil. Un exemple Victor Pavlovitch s’appelle aussi : Vitia et Strum !

Lorsqu’on connaît l’histoire personnelle de Vassili Grossman, on comprend comment il a pu faire « cheminer » ceux dont il parle. Il transpose sa réflexion personnelle sur ses personnages. Il ne dit jamais qu’il s’est trompé, que nazisme ou communisme ne sont pas bons. On sent parfois la désillusion mais tout cela reste formidablement humain. Ces russes qui font vivre ce livre, le font à travers l’amour de leur pays, où sont enracinées les vertus des hommes : courage, travail, patrie,…. restant éloignés des idéaux politiques qui déçoivent parfois.

Un « pavé » bien sûr, pas toujours facile à lire mais d’une écriture très vraie, très réelle. La forme, le foisonnement de lieux et de personnages peuvent rebuter mais il faut s’accrocher et se donner des atouts pour aimer cette lecture. J’avais, dès les premières pages écrit un arbre généalogique que j’ai complété petit à petit et qui m’a beaucoup aidé (entre autres pour ceux qui ont plusieurs noms).

Un livre à découvrir mais quand on a le temps et le souhait….
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MessageSujet: Re: Vassili Grossman [Russie]   Vassili Grossman - Vassili Grossman [Russie] EmptySam 7 Jan 2012 - 15:36

A lire aussi ses Carnets de guerre. De Moscou à Berlin, 1941-1945. - Le Livre de poche.
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MessageSujet: Re: Vassili Grossman [Russie]   Vassili Grossman - Vassili Grossman [Russie] EmptyDim 26 Juil 2015 - 21:59

La paix soit avec vous - Notes de voyage en Arménie (1963)


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Envoyé en Arménie pour un travail de traduction, Vassili Grossman observe ce pays inconnu d’un regard qui se veut critique. Il rédige pour l’occasion ce qui sera sa dernière œuvre, témoignage de l’aboutissement d’un parcours biographique tumultueux alimenté par de nombreux revirements idéologiques dans un cadre politique incertain. Résultat : l’observation du peuple arménien permet à Vassili Grossman de constater que les règles de stigmatisation culturelle n’agissent pas. Les Arméniens ne sont ni bons, ni mauvais, ce sont des hommes comme tous les autres. Vassili Grossman cherche à capter l’étrange fusion de l’âme chrétienne et du souvenir païen qui caractérise, selon lui, le soubassement de la vie arménienne, semblant réellement surpris de constater que le catholikos est plus mondain que spirituel, et que la plus grande foi se dévoile plus facilement parmi les petites gens du peuple. On redécouvre ainsi que l’habit ne fait pas le moine.


D’une manière plus générale, la découverte de ce pays et de ce peuple étrangers permet à Vassili Grossman de pratiquer la théorie qu’il aura mûrie toute sa vie : rien n’est absolument bon ni mauvais. On mangeait de la délicieuse truite du lac Sevan mais la pêche est maintenant interdite, l’eau du lac ayant été trop massivement utilisée pour le développement technologique du pays. Les traditions relient les vivants à leurs aïeux et leur permettent de construire des liens sociaux basés sur les figures de l’éternel, mais les traditions sont violentes et ne prennent pas en compte les désirs immédiats des vivants. Enfin, peut-on accepter absolument toutes les figures arméniennes lorsque certains arméniens se montrent plus bornés et dangereux que des hommes politiques dévastateurs ?


Rien de neuf sous le soleil mais dans le contexte de publication du livre, Vassili Grossman s’inscrivait à contre-courant de la pensée idéologique dominante. Son œuvre a d’ailleurs été censurée. Malgré les indications de la préface, nous lisons donc un texte corrigé et appauvri, ce qui explique peut-être en partie la déception. On s’attend à un livre qui prend la pensée à bras-le-corps pour remuer les opinions établies, et on se retrouve finalement avec un hors-d’œuvre bien refroidi. C’est peut-être le signe que l’opinion d’aujourd’hui s’est enfin alignée à celle qu’avait Vassili Grossman dans les années 60, c’est peut-être le signe qu’on peut enfin passer à l’étape suivante.
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Bédoulène
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MessageSujet: Re: Vassili Grossman [Russie]   Vassili Grossman - Vassili Grossman [Russie] EmptyLun 27 Juil 2015 - 23:32

La Paix soit avec vous !  Coli a déjà évoqué les raisons de son voyage en Arménie.

A son arrivée et à son départ  l'auteur voit en l'Arménie, des pierres. La Pierre, c'est l'âme de l'Arménie dit l'auteur. Les pierres plates, les os des montagnes éparpillés.

La préface est riche d'informations sur l'auteur,  marxiste-Léniniste  que je ne connaissais pas et les explications sur les passages en italique (ceux qui avaient été supprimés) très utiles et notamment le fait qu' il ait été happé à deux reprises par l'engrenage de la machinerie idéologique parce que juif.

Il va découvrir un pays qu'il n'imaginait pas, sera séduit par les paysages grandioses, sera sensible aux destins qui lui seront confiés ; s'étonnera de certaines violences héritées,  de leur religion chrétienne "polluée" de paganisme, de leurs us.

Ce voyage ressemble à une initiation tardive, dont il se satisfera. Sur l' image de la confession, lui le non-croyant s'accusera de ce qu'il a pu volontairement ou involontairement causé du tort aux autres.

j'ai vu ce récit comme celui d'un homme complexe, c'est-à-dire comme le sont les Hommes, et dont l'humanisme se révèle plus sensiblement avec l'âge, plus enclin à reconnaître ses torts et ses angoisses, notamment celle de la mort qui s'approche.


C'était finalement, après un début incertain, une lecture intéressante et agréable. Un regret, celui de n'avoir pas lu déjà un autre de ces livres .

merci à celles qui m'ont accompagnées dans cette LC ICI et à Silou de l'avoir proposée.
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shanidar
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MessageSujet: Re: Vassili Grossman [Russie]   Vassili Grossman - Vassili Grossman [Russie] EmptyMar 28 Juil 2015 - 14:50

!! Mais oui merci silou !!

La Paix soit avec vous



Barev dzes, que la Paix soit avec vous ; c'est avec ces mots que se saluent les Arméniens, c'est avec ces mots que Vassili Grossman met un terme à ses notes de voyage.

Un voyage qui commence par quelques déceptions, les intellectuels arméniens ne semblant par à la hauteur des attentes de notre écrivain alors que la colossale statue de Staline continue à asseoir une autorité faillible (nous sommes en 1960) sur les consciences arméniennes.
Mais qu'importe, ce qui est intéressant de lire ce sont les premières impressions d'un écrivain solitaire, perdu dans une ville, un pays, des pierres, dont il ne parle pas la langue, dont la beauté montagneuse l'effraie et dont il découvre à quel point il est loin de l'idée qu'il s'en était faite. Cette idée, elle provient des tableaux de Sarian qu'il a vus, des lectures qu'il a pu faire (le voyage de Mandelstam, sans doute) et de ses rêves soviétiques ; mais il découvre un pays dont les coutumes sont plus proches de l'orient que des pays slaves et qui est avant tout une terre d'accueil, une terre millénaire, riche d'elle-même. Une fois passés les premiers instants où l'on se regarde en chiens de faïence, il rencontre avec bonheur les habitants du petit village où il a élu domicile : la vieille femme cuisant son pain au four, un vieux berger à la famille décomposée, un autre, sorte de patriarche qui lui offrira les mots bibliques : ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas que l'on te fasse. Bref, Grossman découvre des êtres que le matérialisme marxiste n'a pas atteint, qui continuent à revendiquer leur individualité et qui malgré leur immense pauvreté ont un cœur gros comme ça.

Belle rencontre donc, avec un pays dont on voudrait toucher les pierres et où l'on rêve d'un jour pouvoir peindre l'Ararat.

J'ai beaucoup aimé cette lecture, aimé le ton bucolique des pique-niques montagnards ou de la noce villageoise, aimé les interrogations de l'auteur sur la manière pour un créateur de rendre le réel, de le transformer, de le manipuler et finalement de le restituer à sa propre image, bien loin d'une réalité impossible à reproduire. Alors même si le ton est celui de notes assez laconiques, comme Bédou, je suis tentée de lire d'autres œuvres de cet homme torturé, taiseux, observateur.

Merci coli et Bédou pour les échanges !

Pour rebondir sur le commentaire de colimasson à propos de la foi chrétienne évoquée par Grossman, il faut peut-être souligner que Grossman est athée et d'origine juive et qu'il a surtout appris à vivre dans un pays où la seule 'religion' reconnue était celle du stalinisme, laquelle rejetait toute autre forme de religiosité (les églises sont rasées, les prêtres déportés ou soumis au régime*) ; c'est pourquoi, peu familier du monde chrétien, il est possible que Grossman soit intrigué par la foi religieuse des uns et des autres. L'impression donnée ici est que l'écrivain découvre un monde qui lui est totalement étranger (religieux, oriental, montagnard), ce qui le pousse à la fois à s'interroger sur lui-même et à s'intéresser à ceux qui l'entourent.


*A cet égard, le début de la bédé Bouche du Diable de Charyn et Boucq évoque parfaitement bien les persécutions et les renoncements auxquels les prêtres ont été soumis par le régime de Staline (il me semblait qu'il y avait un commentaire quelque part de cette bédé mais je ne le retrouve pas…).
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