Tarjei Vesaas [Norvège]

Nous suivons pour ainsi dire de l'intérieur (bien que le récit soit à la troisième personne) la vie de Mattis, presque quarante ans mais dans la tête un petit garçon qu'un rien émerveille ou terrifie. Son univers fait de signes qu'il s'agit de décoder, car ils peuvent changer toute la vie d'un jour à l'autre. Mais cet univers est toujours menacé par le regard que les autres portent sur lui, il se sent deprecié en permanence et a peur de la moquerie. Ce qui le rassure le plus, c'est sa relation avec sa soeur Hege, qui est le centre de son univers. Alors lorsqu'il a l'impression de la perdre, de la voir s'éloigner de lui, tout son monde éclate et devient insupportabe et angoissant.

Un livre très surprenat, tant par le style que par le sujet. Tarjei Vesaas arrrive à donner la parole à un simple d'esprit d'une façon étonnante, ce n'est pas puéril ni simplet, c'est juste différent. C'est très poétique mais pas idéalisé. Un livre fort et original.

Je l'ai acheté lors de mes vacances en métropole sur les conseils de la libraire. Je vais donc pouvoir m'y plonger.

J'ai aimé beaucoup...beaucoup...Les oiseaux...

Sahkti, Arabella et moi aussi !

Vous voilà informés !

Les oiseaux


Je me joins à vous pour recommander ce livre tellement sobre et attachant.

Il y a une sorte de tradition dans les pays nordiques et de l'Est qui consiste à percevoir le malade mental ou le simple d'esprit comme un être en communication directe avec la nature et les éléments dont il percevrait le sens sacré à travers un mode de pensée magique, archaïque et immémorial. Et l'incompréhension des autres hommes, leur intolérance, les condamneraient à l'exclusion et la solitude.

On retrouve par exemple ce personnage du "fou" chez Bergman dans A travers le miroir ou chez Tarkovski dans Stalker notamment. C'est probablement une vision poétique et comme idéalisée de la folie même si elle n'omet pas d'en montrer la souffrance.

Vesaas est une sorte de peintre. Il dessine une épure où le langage apparait simple en apparence, minimaliste, mais où chaque détail, chaque mot fait sens dans l'esprit de cet homme autiste pour lequel tout changement dans son environnement devient signe, où toute parole est susceptible de masquer une menace, une intrusion.

Et il décrit quelques séquences comme il ferait des tableaux tantôt impressionnistes, tantôt expressionnistes, le plus souvent symbolistes. On garde des images très puissantes à l'esprit même longtemps après avoir lu ce livre: un vol d'oiseau au-dessus d'une maison isolée en lisière de la forêt, un orage qui menace de déchainer sa colère, une barque sur un plan d'eau qui permet d'abord la victoire puis l'accomplissement d'un destin. De ce point de vue la couverture du livre est particulièrement bien choisie et reste le symbole de cette histoire.

Comme le soulignait Arabella, la manière dont il nous fait pénétrer l'univers mental décalé de son personnage est étonnante et évidente en même temps. On finit presque par percevoir comme lui que ce sont les gens qui l'entourent qui sont décalés et qui passent à côté des choses essentielles et c'est très émouvant.

La fin est terrible et lumineuse en même temps. Un beau moment de lecture à renouveler... Je suis tenté par "L'incendie" et "le Palais de glace".

Je trouve Vesaas inégal ou alors c' est moi qui suis injuste, mais,
pour l' instant, à part Palais de glace, j' aime moins ses autres livres.
Mais Les Oiseaux est un livre unique !

bix229 a écrit:

Je trouve Vesaas inégal ou alors c' est moi qui suis injuste,

C'est ce que dit Régis Boyer dans son introduction à Palais de Glace, crois-je me souvenir (que c'est inégal, pas que Bix est injuste, hein...)

Ouf !

Merci ExPie !

Marko a écrit:

Les oiseaux


Je me joins à vous pour recommander ce livre tellement sobre et attachant.

Merci de ton commentaire Marko. Si juste!
Comment ne pas aimer ce roman?...Je crois que cela ne se peut pas...

Je viens de terminer "les Oiseaux" (merci Coline !)

Délicatesse est le mot que m'inspirent cette écriture et ce récit.

L'auteur en pénétrant dans l'esprit de Mattis nous permet non seulement de le comprendre mais également de comprendre les autres et leurs réactions.

Délicatesse de cet esprit simple ; Mattis est un être à part, mais il raisonne avec logique, simplement elle est incompréhensible aux autres.

Savent-ils eux écrire en langage oiseaux ? parler aux éléments ou à leur propre corps ? lui voit, entend l'indescriptible, l'insaisissable mais hélas eux non !

Mais il sait apprécier à leur juste valeur les moments de plaisir, celui d'une journée passée avec deux charmantes jeunes filles, le bonheur d'un vol d'oiseaux, un mot gentil, un sourire.

Certains mots le terrorisent et tout évènement est interprété comme un symbôle.

Dépendant affectivement et matériellement de sa soeur depuis de longues années l'arrivée d'un homme dans ce foyer va bouleverser leurs vies. Mattis ne peut et ne veux envisager une séparation de sa soeur ou simplement un partage avec une autre personne.

Mattis est submergé par ses idées qui tournent et bondissent dans son esprit comme une boule dans un jeu de roulette.
Le vent sera un jour le hasard qui décidera de sa vie.

je lirai plus tard un autre de ces livres.

Je suis très heureuse que tu aies aimé ce roman Bédoulène...
Ce n'est pas toujoursnévident de conseiller un livre mais celui-ci, je l'ai plusieurs fois conseillé ou offert...J'aime comme une "affection" pour lui...

Palais de Glace


Retour à Vessas après son merveilleux Les Oiseaux. Quel envoûtement! Ce livre est à nouveau un enchantement sous l'apparence et la simplicité trompeuses d'un conte pour enfant.

Deux petites filles, Siss et Unn, s'aiment d'un amour étrange et puissant. Elles s'unissent un instant en fusionnant leurs reflets dans un miroir, porte vers l'ailleurs. Unn évoque un secret jamais révélé puis va se perdre dans le dédale d'un palais de glace sculpté par l'eau d'une cascade au moment de l'hiver. Siss ne pourra pas se résoudre à l'oublier et partira à sa recherche...

Chaque séquence est un tableau symbolique d'une troublante magie. Que ce soit la traversée menaçante d'une forêt à la nuit tombée alors que la glace craque au loin, le reflet de la végétation et de la lumière à travers la glace d'un palais éphémère (sublime séquence de "l'oeil rouge" qui illumine une des salles), le vol d'un rapace qui voit tout, l'union des enfants qui évoque le choeur antique et accompagne la quête de Siss. La nature enveloppe les humains, les menace ou les protège, leur donne la prescience d'un au-delà inquiétant, d'une mort à combattre puis peut-être à accepter? Et la force de l'amitié et de l'amour qui érige un autre palais, celui du souvenir. Cette histoire aurait fait un opéra de rêve pour Debussy ou aujourd'hui pour Kaija Saariaho.

Les mots sont simples, le récit minimaliste et une alchimie s'opère qui nous transporte dans un espace temps inconnu et pourtant familier. Celui de l'inconscient et des mythes.

L'attraction qu'exerce ce mystérieux palais de glace m'a rappelé le magnétisme du rocher dans "Picnic at Hanging Rock", le film de Peter Weir adapté du roman de Joan Lindsay.



Vesaas a-t-il écrit d'autre livres symboliques? Il semble que les autres soient assez différents. Je vais lire "La Blanchisserie."

Puisqu'est évoqué à nouveau sur ce fil le très beau roman Palais de glace de Tarjei Vesaas, j'ai envie de rappeler que c'est le roman méconnu de George Sand, Laura voyage dans le cristal qui m'a menée jusqu'à lui...

ICI:Laura voyage dans le cristal!
Il est surprenant!

coline a écrit:

Puisqu'est évoqué à nouveau sur ce fil le très beau roman Palais de glace de Tarjei Vesaas, j'ai envie de rappeler que c'est le roman méconnu de George Sand, Laura voyage dans le cristal qui m'a menée jusqu'à lui...

ICI:Laura voyage dans le cristal!
Il est surprenant!

Super extra! Merci

J'ai vu que le théâtre La criée à Marseille allait donner une adaptation théâtrale de Palais de Glace du 8 au 16 Octobre... Il faut absolument que j'aille voir ça! Le spectacle devait être proposé en 2009 mais les travaux du théâtre l'ont reporté à 2010... C'est un signe! Je ne peux plus reculer

Voir le lien: Ici

Citation :

Tarjei Vesaas
Stéphanie Loïk

8 au 16 octobre 2010
Petit Théâtre

Compagnie Théâtre du Labrador
Création au Théâtre de La Criée
Coproduction

Petit Théâtre - 1h15

avec France Darry, Daniela Labbé Cabrera, Stéphanie Loïk
et Jacques Labarrière (musicien)
adaptation Joël Jouanneau scénographie Yves Samson création musicale Jacques Labarrière lumières Gérard Gillot assistants Daniela Labbé Cabrera, Igor Oberg

Coproduction Théâtre du Labrador, Théâtre National de Marseille La Criée
Création Théâtre de La Criée, octobre 2010

Une dramatique audio de france Culture qui propose une version condensée d'1h de Palais de Glace. Plutôt agréable à écouter (avec bande son et extraits musicaux)... Palais de glace

Citation :

Adaptation de Joël Jouanneau

Traduction Elisabeth Eydoux

Réalisation : Marguerite Gâteau

« Les poètes, les enfants, les simples d'esprit ont reçu la grâce de voir au-delà des apparences, d'entendre l'inaudible et de se trouver directement au cœur de l'essentiel. Le don de Tarjei Vesaas, peut-être le plus grand écrivain norvégien de ce siècle (1897-1970), aura été de savoir abolir la dérisoire ligne de démarcation entre vie et mort, solitude et présence. Il n'y a pas d'explication toute prête à proposer de ce chef-d'œuvre qu'est Palais de glace, tant la symbolique en est riche et les harmoniques multiples. Peut-être ne s'agit-il que d'une variation intensément poétique sur le grand secret du thème sacré : l'amour plus fort que la mort. Les deux petites filles qui s'aiment à en mourir, qui aiment l'amour plus qu'elles-mêmes réalisent leur rêve fou, l'une dans la fantastique splendeur de la cascade figée par le gel en un sublime château de glace, l'autre dans un immatériel palais du souvenir. Et l'art de Vesaas, fait d'approches timides, d'élans retenus, d'ébauches à demi suggérées édifie en un texte impeccable un mausolée d'images prestigieuses, de phrases chantantes qui atteint une perfection narrative rarement égalée dans son œuvre. » Présentation de l’éditeur

Palais de glace de Tarjeï Vesaas est publié chez Flammarion.

Tarjeï Vesaas est un romancier, nouvelliste et poète norvégien né le 20 août 1897 à Vinjem et mort le 15 mars 1970 à Oslo. Il écrit en néo-norvégien (langue rurale) dès les années 20 mais ne devient célèbre qu’avec Le grand jeu en 1934. Viennent ensuite les années de guerre, la peur, la violence (Le germe, La maison dans la nuit). Parmi les grands romans d’après-guerre, deux chefs-d’œuvre : Les oiseaux et Palais de glace. Son œuvre est dominée par les thèmes existentiels du Mal, de l’Absurde, ainsi que par l’omniprésence de la Nature. Elle se caractérise par une forte dimension symbolique et onirique.

Avec :

Anne Alvaro, la tante

Camille Garcia, Unn

Julia Vaidis-Bogard, Iss

Cyril Menauge, figurant

Arnaud Pfeiffer, figurant

Clément Aubert, figurant


Musicien : Thomas Dalle

Bruiteuse : Sophie Bissantz

Prise de son, montage, Mixage : Bernard Lagniel et Emilie Pair

Assistante de réalisation : Chloé Mauduy