traversay Flâneur mélancolique
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| Sujet: Re: Miljenko Jergovic [Bosnie/Croatie] Dim 19 Fév 2012 - 16:04 | |
| Ruta Tannenbaum - Citation :
- Le destin de deux familles zagréboises, l’une catholique et l’autre juive, dans le même immeuble et durant la même période (1932-1942). Leurs histoires entremêlées occupent le devant de la scène, tandis que de brèves touches factuelles dessinent le cadre historique. C’est l’intimité de ses personnages que Jergovic veut sonder et c’est là que réside la véritable gageure du roman. La jeune Ruta, la “Shirley Temple croate” (en partie inspirée de la figure historique de Lea Deutsch) absorbe, imite, restitue ce qui l’entoure avec un tel talent qu’elle va vite devenir, malgré son jeune âge, une vedette du Théâtre national croate.
Miljenko Jergovic n'a pas voulu écrire une biographie de Lea Deutsch, jeune prodige du théâtre croate, morte en déportation à l'âge de 16 ans. Aujourd'hui oubliée, volontairement sans doute, car symbole d'une époque trouble, elle a cependant inspiré et constitué le point de départ de Ruta Tannenbaum qui évoque près de quarante ans de vie zagréboise, à travers une profusion de personnages d'où émergent la petite Ruta et sa famille juive ainsi qu'un couple de voisins, catholiques. La livre s'apparente à une fresque intime où les événements historiques viennent chambouler les destins, où les sentiments des hommes et des femmes évoluent au gré des changements de régime, jusqu'à la haine quand l'Etat indépendant de Croatie est créé, lors de la Seconde guerre mondiale, s'alignant sur la politique nazie en matière d'extermination des minorités. S'il s'agit du livre le plus ambitieux de Jergovic, portrait d'une ville balayée par les rafales de l'Histoire, l'auteur reste fidèle à ses habitudes : ruptures de tons nombreuses, de la tragédie au burlesque ; digressions incessantes, avant de revenir à son principal motif narratif. Davantage que dans ses autres romans, Jergovic ne perd cependant pas son dessein initial et, au fur et à mesure que le livre avance, la tonalité se fait plus sombre, à l'orée des années de plomb. Juifs, croates, bosniaques, serbes : l'écrivain ne ménage aucune communauté, sans pour autant condamner qui que ce soit, autrement que par les actions dont il est responsable. A travers cette fiction, située en grande partie dans la rue qu'elle habitait, il rend finalement hommage à Lea Deutsch, victime de la barbarie dont la célébrité a été recouverte par le silence des générations suivantes "C'est à elle que je dois la tendresse que m'inspire ce décor. Lea Deutsch m'a laissé entrer dans sa rue. Ce livre est une petite pierre sur le seuil de sa maison, puisqu'elle n'a pas d'autre tombeau.". | |
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