Kiyoshi Kurosawa

Tokyo Sonata

Le mot qui me semble caractériser ce film est le mot « grâce »…
Grâce des images.
Grâce qui fait de la tragédie intime et pudique d’une famille japonaise toute simple, une histoire universelle, d’une grande force émotionnelle.

Grâce qui s’incarne dans la mère, aux paroles et aux gestes toujours suspendus mais tellement subtils et expressifs.

Grâce du petit garçon, volontaire et révolté au visage d’ange, qui étudie en cachette le piano avec l’argent de la cantine.

Grâce sur laquelle pèse lourdement (jusqu’à l’anéantir ?) le chômage soudain du père, le mensonge dans lequel, par honte, il s’installe, son autorité mise à mal, son mal-être… et la violence qui parfois en découle.



Le fils aîné s'enrôle dans l’armée américaine pour combattre en Irak, le petit fait des bêtises . Chacun, même la mère si sage, perd la tête…


Un film sombre, un regard lucide sur une société impitoyable.
Reste-t-il un espoir ?

Dans un final magistral, Kenji, le prodige, joue Le Clair de lune de Debussy au piano…
Je pleure…

C'est vraiment très riche et beaucoup d'images reviennent après la projection. J'en parlais récemment avec Tommy et il a eu le même sentiment de flottement après le film dont on met un peu de temps à sortir (l'émotion aidant).

Je revois aussi ces images Kafkaïennes de files d'attente à l'ANPE locale, dans les escaliers, sur les trottoirs. Cette soupe populaire où beaucoup sont encore en costume cravate pour préserver les apparences... Le réalisateur est un habitué du cinéma fantastique où l'inquiétante étrangeté se dégage du quotidien.

Et puis il y a cette échappée nocturne au bord d'une plage où la mère se demande si sa vie pourrait recommencer à zéro...

Mais et si c'était le plus beau film de l'année?

Marko a écrit:

Mais et si c'était le plus beau film de l'année?

L'un des plus beaux en tout cas ça c'est sûr...

Citation :

Dans un final magistral, Kenji, le prodige, joue Le Clair de lune de Debussy au piano…
Je pleure…

Tu n'es pas la seule, Coline..
J'ai lu et je suis d'accord avec tout ce que vous avez dit. J'aime beaucoup ce cinéma qui parle peu, mais dans lequel chaque scène compte. Par exemple le suicide de l'ami retrouvé, et de sa femme, qui n'a pas eu le choix, il y a juste quelques mots, et le regard de la fille du couple, vêtue de noir. La scène dure très peu, mais quel impact!
Très beau film.

Citation :

Mais et si c'était le plus beau film de l'année?

je serais bien incapable de faire un classement sur l'année, mais une question, dans les 3 films japonais vus cette année, Still walking, Tokyo sonata, et Departures, quel est votre préféré?

Marie a écrit:

[...]

Citation :

Mais et si c'était le plus beau film de l'année?

je serais bien incapable de faire un classement sur l'année, mais une question, dans les 3 films japonais vus cette année, Still walking, Tokyo sonata, et Departures, quel est votre préféré?

Question compliquée...
Par ordre de préférence... : je crois que pour le repas de famille qui se déglingue (un truc que j'adore), je choisis Still Walking en premier. Pour l'humour tendre, je prends Departures. Et pour le film plombant socialo-familial, Tokyo Sonata (puis un bout du film me laisse encore perplexe... celle vraiment barrée poétique-métaphorique sur la plage, avec les déambulations sur la route, il se fait renverser par une voiture...etc...).

Marie a écrit:

Citation :

Mais et si c'était le plus beau film de l'année?

je serais bien incapable de faire un classement sur l'année, mais une question, dans les 3 films japonais vus cette année, Still walking, Tokyo sonata, et Departures, quel est votre préféré?

Tokyo sonata devant Still walking et Departures.

Rétribution (Sakebi, 2007)
Mauvais titre français, pourquoi ne pas avoir traduit littéralement par "La plainte" ou "Le cri" ? Un sale petit polar qui bifurque bien vite vers un autre territoire, celui du film de fantôme(s). Mais pas le genre d'ectoplasmes que l'on a l'habitude de voir au cinéma, ceux-là sont posés, réfléchis, et interrogent la conscience des vivants. La vraie vedette de Rétribution est son décor, ces terrains vagues, sorte de no man's land en bord de mer, qui ont un passé, depuis longtemps oublié. C'est un film aqueux, sordide, sur des thèmes comme la rédemption ou le remords. Assez excitante et étrange oeuvre qui mériterait d'être vue en salles plutôt qu'en DVD, bien que celui-ci possède quelques boni de qualité, dont une fin alternative.

traversay a écrit:

Superbe et totalement déroutant.

La mini-série de Kyoshi Kurosawa, Shokuzai (Celles qui voulaient se souvenir) dure 270 minutes. Cette mini-série va apparemment sortir en format film chez nous, au cinéma, le 29 mai. J'espère que les coupures ne seront pas trop préjudiciables, puisque le minutage a été réduit à 120 minutes...

eXPie a écrit:

La mini-série de Kyoshi Kurosawa, Shokuzai (Celles qui voulaient se souvenir) dure 270 minutes. Cette mini-série va apparemment sortir en format film chez nous, au cinéma, le 29 mai. J'espère que les coupures ne seront pas trop préjudiciables, puisque le minutage a été réduit à 120 minutes...

Je me cite pour rectifier. En fait, le film va sortir en deux parties : la première, "Celles qui voulaient se souvenir", le 29 mai et la deuxième, "Celles qui voulaient oublier", la semaine suivante.
On ne perdra donc rien, apparemment.
Tant mieux !

Vu Shokuzai-Celles qui voulaient se souvenir. C'est donc la première partie.
Une petite fille est tuée... ses amies ont vu le tueur, mais disent qu'elles ne s'en souviennent plus... Etrange.
L'assassin n'est pas retrouvé.
Il y a une sorte de promesse qu'elles font à la mère de la petite victime.


Des années plus tard, nous suivons la vie des différentes amies. Dans cette partie, nous en avons deux, qui permettent de voir comment un drame de l'enfance peut changer la façon de vivre, les choix de la profession, etc.

Comme toujours chez Kurosawa Kiyoshi, ce n'est pas du réalisme à 100%. Il y a du symbolisme, des excès... Les deux premiers destins sont très différents l'un de l'autre.
Pour le moment, c'est bien, mais est-ce que l'ensemble va tenir la route ? Réponse la semaine prochaine, avec la deuxième partie.

eXPie a écrit:

Vu Shokuzai-Celles qui voulaient se souvenir. C'est donc la première partie.

Pour le moment, c'est bien, mais est-ce que l'ensemble va tenir la route ? Réponse la semaine prochaine, avec la deuxième partie.

J'ai été très impressionnée par cette 1ère partie, pourvu que la suite reste à ce niveau.

eXPie a écrit:

Vu Shokuzai-Celles qui voulaient se souvenir. C'est donc la première partie.
Une petite fille est tuée... ses amies ont vu le tueur, mais disent qu'elles ne s'en souviennent plus... Etrange.
L'assassin n'est pas retrouvé.
Il y a une sorte de promesse qu'elles font à la mère de la petite victime.


Des années plus tard, nous suivons la vie des différentes amies. Dans cette partie, nous en avons deux, qui permettent de voir comment un drame de l'enfance peut changer la façon de vivre, les choix de la profession, etc.

Comme toujours chez Kurosawa Kiyoshi, ce n'est pas du réalisme à 100%. Il y a du symbolisme, des excès... Les deux premiers destins sont très différents l'un de l'autre.
Pour le moment, c'est bien, mais est-ce que l'ensemble va tenir la route ? Réponse la semaine prochaine, avec la deuxième partie.

A la sortie de Shokuzai-Celles qui voulaient se souvenir, on a hâte d'une seule chose. Voir si la seconde partie, parait-il plus réaliste, confirme l'impression que l'on a véritablement affaire à une oeuvre d'une force peu commune, dont le style épuré distille un malaise persistant. Sans doute que l'on perd au change avec deux films en lieu et place d'une série mais la nature du projet et son ambition sont bien et oh combien présentes. La mise en place, avec le meurtre de la petite fille installe d'emblée une ambiance oppressante : la tragédie est là et le trauma induit aussi, pour ses quatre amies. Les deux histoires qui suivent sont d'une durée et d'une tonalité différentes. Reste un fond malsain et tordu, une violence feutrée ou explicite, et un personnage incroyablement fort, celui de la mère de la victime qui telle une sorcière a jeté un sort aux fillettes, les seules à avoir vu l'assassin, et qui vont devoir vivre avec ce fardeau. Au-delà de cet aspect de thriller, parfois fantastique, Shokuzai est aussi un récit social, sur la place des femmes au Japon, entre soumission et velléités d'indépendance. Bref, une oeuvre riche, dense et dramatique dont il est urgent de connaître la suite et le dénouement.

Shokusai.

Un film qui nous entraîne dans une ambiance lente, angoissante, pesante et mystérieuse.
Un thriller, un suspens noir, où la culpabilité et la vengeance se répondent, à travers les années, les corps, les gestes et la relation aux autres.
Comment des femmes se retrouvent prisonnières de leur promesse, de leur secret. Comment leurs corps sont contre elle, en quelque sorte, les empêchant absolument d'oublier, de faire leur vie.
Et la présence de la mère qui plane, qui apparaît, qui s'en va, et revient. Qui impose de sa présence, sa dureté, son implacable et incorruptible besoin d'équilibre dans ce monde où on lui a retiré le sien.

Kiyoshi Kurosawa qui n'hésite pas aller dans le symbolique, le malsain et le pourtant très réaliste et concret. Des images fortes, et très accessible, qui parlent immédiatement à notre propre sensibilité. A ce que c'est de porter un poids du passé. Au fait d'être confrontée au regard des autres, à leurs attentes.

J'ai trouvé que ce film était aussi furieusement féministe. Les hommes en sont réduits à des personnages secondaires, parfois à des éléments de mal presque absolu, d'où surgit la colère, l'humiliation, l'autorité. Des images peu reluisantes. Alors que les femmes, au moins, essayent, et ont un but presque mystique à accomplir.

Shokusai - Pénitence (traduction de l'à peu près) - est comme une tragédie grecque revisitée, qui n'hésite pas aller jusqu'au bout de la douleur. Qui n'hésite pas avec les parallèles et les métaphores à gros traits.

Sans oublier qu'il y a de vraies belles images, qui donnent une ambiance froide, carrée, structurée, et qui se fissurent. Avec des coins sombres. Avec des ouvertures vers des extérieurs qui semblent inaccessibles.

Queenie a écrit:

Sans oublier qu'il y a de vraies belles images, qui donnent une ambiance froide, carrée, structurée, et qui se fissurent. Avec des coins sombres. Avec des ouvertures vers des extérieurs qui semblent inaccessibles.

La palette de couleurs est volontairement très limitée, il y a beaucoup de gris, de blancs... et pourtant c'est effectivement beau.

Les deux premières "histoires" étant assez différentes, je suis très curieux de voir les autres, comment ça se construit... va-t-on avoir en somme un catalogue des "pénitences" (le remords, la volonté de tout faire pour qu'une horreur pareille ne se reproduise pas...) ?
Saura-t-on le fin mot de l'histoire ? Parce que c'est bien bizarre, ce silence...
Et, avec Kiyoshi Kurosawa, le fantastique n'est jamais très loin...