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 John Barth

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MessageSujet: John Barth   John Barth EmptyJeu 25 Fév 2010 - 8:48

John Barth John_b10

Une biographie succincte tirée de Wikipedia :

John Barth (né en 1930) est un romancier et nouvelliste américain connu pour les caractéristiques postmodernes et métafictionnelles de ses oeuvres.

Il est né à Cambridge dans le Maryland, Il étudia brièvement à Juilliard School avant de rejoindre l' Université Johns-Hopkins. Il y rédige une thèse en 1952 intitulée La Tunique de Nessos qui s'avère plutôt être un court roman ou une longue nouvelle.

Il fut ensuite professeur dans diverses universités dont jusque sa retraite en 1995.

L' Université de Pennsylvanie entre 1953 et 1965
L' Université de Buffalo entre 1965 et 1973
L' Université de Boston entre 1972 et 1973
L' Université Johns-Hopkins entre 1973 et 1995

Bibliographie :


The Floating Opera, 1957
The End of the Road, 1958
The Sot-Weed Factor, 1960
Giles Goat-Boy, or, The Revised New Syllabus, 1966
Lost in the Funhouse: Fiction for Print, Tape, Live Voice, 1968
Chimera, 1972
LETTERS, 1979
Sabbatical: A Romance, 1982
The Tidewater Tales, 1987
The Last Voyage of Somebody the Sailor, 1991
Once upon a Time: A Floating Opera, 1994
On with the Story, 1996
Coming Soon!!!: A Narrative (2001), 2001
The Book of Ten Nights and a Night: Eleven Stories, 2004
Where Three Roads Meet, 2005
The Development, 2008


Autres :

The Friday Book, 1984
Further Fridays, 1995 (1995)
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http://lebibliomane.blogspot.com/
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MessageSujet: Re: John Barth   John Barth EmptyJeu 25 Fév 2010 - 8:54

Le courtier en tabac :

Quand John Barth publia en 1960 « The Sot-Weed Factor » (Le Courtier en tabac), il était loin de penser que son roman deviendrait l’un des classiques de la littérature américaine.
Moins connu chez nous que des auteurs tels que Steinbeck, Faulkner, Salinger et bien d’autres, John Barth est à l’origine, avec ce roman, d’une œuvre qui a fait date dans l’histoire littéraire américaine.

S’inspirant d’un poème publié à Londres en 1706, écrit par un certain Ebenezer Cooke, auteur dont on ne sait que peu de choses, si ce n’est qu’il fut avocat au Maryland où son père possédait une terre au point de jonction de la Choptank River et de la baie de Chesapeake, terre qui porte encore aujourd’hui le nom de Cooke’s Point.

Ce poème, intitulé : « Le Courtier en tabac : ou, un voyage au Maryland. Une satire dans laquelle sont décrits les Lois, Gouvernements, Tribunaux & Constitutions de cette contrée ; ainsi que les Éédifices, Fêtes, Caprices, Divertissements, et Beuveries des Habitants de cette Province américaine. En vers burlesques. Par Eben. Cook, Gent. LONDRES : imprimé et vendu par B. Bragg, à l’Enseigne du Corbeau dans Paternoster Row. 1706. », a inspiré John Barth, lui-même originaire du Maryland, qui a imaginé la biographie de ce mystérieux Ebenezer Cooke qui se trouva fort désappointé lorsque, venu d’Angleterre,il aborda pour la première fois les rivages du Maryland.


« Il débarque dans le légendaire Nouveau-Monde, nous dit John Barth dans sa Préface, pour se lancer dans le commerce du tabac; mais au lieu de l’Eden policé qu’ont coutume de vanter les publicités coloniales - une terre de nobles sauvages, d’honnêtes marchands, de planteurs courtois, de chastes épouses, d’élégantes plantations - , il découvre que le Maryland est un lieu barbare et pernicieux. Les indiens puent la graisse d’ours; les colons sont des ivrognes, des querelleurs, des illettrés et des filous dont l’hospitalité est on ne peut plus douteuse; leurs épouses sont des souillons, leurs tribunaux sont corrompus. »

Barth, dans le roman qu’il va créer à partir des maigres indices relatifs à ce courtier en tabac, va donner corps à ce mystérieux Ebenezer Cooke, un personnage aussi burlesque qu’attachant, d’une naïveté sans bornes, qui va se trouver bien malgré-lui propulsé dans des aventures aussi extravagantes que loufoques.

« Dans les dernières années du dix-septième siècle, on pouvait rencontrer parmi les sots et les élégants des cabarets de Londres un personnage maigre et dégingandé du nom d’Ebenezer Cooke, plus ambitieux qu’ingénieux et néanmoins plus ingénieux que prudent, qui, semblable en cela à ses joyeux compagnons, tous censés étudier à Oxford ou à Cambridge, avait trouvé plus plaisant de se divertir de sa langue mère, l’anglais, que d’en approfondir sa connaissance, et, plutôt que de se soumettre à la rigueur des études, avait appris l’art de versifier et produit nombre de pages de distiques selon le goût de l’époque, tout empanachés de « Par Jove » et « Par Jupiter », tout clinquants de rimes discordantes et plein de comparaisons tirées par les cheveux et conséquemment sur le point de céder.
Poète, Ebenezer l’était, ni pire ni meilleur que ses compagnons dont aucun ne laissa derrière lui souvenir plus insigne que sa simple postérité; […]

le cheveu clair et l’œil clair, efflanqué, les joues émaciées, sa taille - non, sa coupe - était de dix-neuf paumes. Ses vêtements étaient de bonne qualité et fort bien coupés, mais ils pendaient sur lui comme des voiles lofées sur de longs espars. Héron par le physique, les membres sans cesse ployés et le bec long, il marchait et s’asseyait comme un pantin désarticulé; chacune de ses poses était une merveille d’inclinaison, chacun de ses gestes la course arrêtée d’un fléau. Qui plus est, son visage était sujet au dérèglement, comme si ses traits s’accordaient mal entre eux : son bec de héron, son front de loup, son menton pointu, ses joues caves, ses yeux d’un bleu délavé et ses sourcils blonds et proéminents obéissaient à des caprices distincts, chacun n’en faisant qu’à sa guise et s’arrangeant en de déconcertantes compositions, qui bien souvent n’étaient point en harmonie avec le sentiment qu’on pouvait alors lui prêter. »

Voici donc le portrait d’Ebenezer Cooke, tel qu’imaginé par John Barth. Fils d’un riche négociant, Ebenezer, ainsi que sa sœur jumelle Anna, est né au Maryland. La mère des deux enfants, étant morte en couches, le père, Andrew Cooke décida de repartir pour l’Angleterre, laissant son domaine, baptisé Malden, aux bons soins d’un homme de confiance.

Les deux enfants vont donc grandir en Angleterre, et leur éducation va être confiée à un étrange précepteur du nom d’Henry Burlingame III.

Andrew Cooke envoie Ebenezer étudier à Cambridge mais le jeune homme, qui se pique de poésie, fait preuve de bien peu d’acharnement dans ses études et préfère passer ses journées dans les estaminets londoniens en compagnie d’autres jeunes gens qui prétendent eux aussi taquiner la Muse.

Voyant son fils échouer à tous ses examens et perdre son temps dans les tavernes, Andrew Cooke va confier à Ebenezer la mission d’aller s’établir au Maryland afin de prendre en main son domaine de Malden. Rien moins qu’enthousiaste à cette idée, Ebenezer va pourtant accepter cette proposition suite à sa rencontre avec Lord Baltimore, ancien gouverneur du Maryland, qui lui décerne le titre de poète-lauréat du Maryland et lui confie la tâche de créer une œuvre poétique dans l’esprit de l’Iliade et de l’Énéide, dédiée à cette obscure province américaine : La Marylandiade.

C’est ainsi que, fort de son nouveau statut de Poète & Lauréat de la Province du Maryland, Ebenezer Cooke va s’embarquer vers cette lointaine contrée afin de prendre possession de son domaine de Malden et de composer une œuvre poétique qui fera de lui, pense-t-il, l’égal d'Homère, de Virgile, de Shakespeare et de Milton.
Mais Ebenezer Cooke va au devant de nombreuses péripéties. Bien que puceau à trente ans, et fier d’avoir conservé jusqu’ici sa vertu, le voici qui tombe éperdument amoureux d’une prostituée, puis le voici victime d’une usurpation d’identité, puis la proie des pirates.

Arrivé tant bien que mal sur le continent américain, le voici dépossédé de son domaine suite à l’imprudence de son valet Bertrand, puis bientôt prisonnier d’esclaves révoltés et d’une tribu d’indiens. Tout cela sans compter les apparitions d’Henry Burlingame, personnage aux multiples facettes, dont personne ne sait quelles sont les réelles intentions, si ce n’est celle de découvrir les étranges circonstances de sa naissance. On apprendra aussi comment se déroula réellement l’aventure de John Smith en Virginie ainsi que la curieuse méthode utilisée par celui-ci pour déflorer la princesse Pocahontas et bien d’autres choses encore, à tel point qu’il est difficile de résumer tous les épisodes qui jalonnent ce roman foisonnant.


Roman picaresque, drolatique et rabelaisien, écrit dans un langage qui fleure bon le XVIIè siècle et remarquablement traduit par Claro ( qui est aussi le traducteur, entre autres, de Pynchon, de Selby Jr. et de William T. Vollmann), John Barth avoue s’être inspiré notamment du « Tom Jones » de Fielding mais l’on retrouvera aussi dans cet ouvrage les influences de Swift, de Sterne, de Cervantès et de Lesage.

Nombreux sont les romanciers qui, par leur talent, ont su débarrasser l’Amérique de ce sentiment infondé qu’était leur infériorité dans le domaine littéraire par rapport à la suprématie des belles-lettres de la patrie originelle : le Royaume-Uni. A n’en pas douter, John Barth est de ceux-là et « Le Courtier en tabac » apparaît comme l’ un des plus beaux fleurons de la littérature américaine.


Un pur chef-d-œuvre.
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