Le jardin voyageur A chaque fois que je rends visite à ma libraire, elle a sur ses étagères des albums devant lesquels je ne peux passer sans m'arrêter ni résister. Il en fut ainsi cet après-midi. Oh, j'ai eu bonne conscience: la BCD de l'école a toujours besoin d'être alimentée et a à sa disposition trois carrés de jardin! Ni une, ni deux,
"Le jardin voyageur" fut embarqué joyeusement.
Il était une fois une ville grise, triste, sans une once verdoyante, où tout le monde restait calfeutré chez soi, où personne ne sortait....sauf un jeune garçon,
Liam, qui adore déambuler au grand air, même sous la pluie.
Liam aime regarder autour de lui, se promener au gré de ses envies, aussi, un jour, découvre-t-il une entrée, très discrète, sous le pont de l'ancienne voie ferrée. N'écoutant que sa curiosité, il prend l'escalier et arrive au beau milieu des rails rouillés et délaissés: une surprise l'attend...
"un îlot de fleurs sauvages", mal en point mais vaillant, dresse fièrement ses feuilles et pétales.
Liam ne s'y connaît pas vraiment en jardinage mais il met tout en oeuvre pour faire revivre le petit coin de verdure de la voie ferrée. Chaque jour, les fleurs s'épanouissent jusqu'à ce que l'îlot décide de voyager: il essaime d'abord les fleurs sauvages, aventurières dans l'âme, puis les fleurs plus timides. Au fil des semaines, la voie ferrée se recouvre d'un joli tapis coloré aux vagabondages sautillants jusqu'à ce que l'hiver arrive et dépose son épais manteau de neige sur la ville grise et son ruban, secret, verdoyant.
Liam ne peut plus rendre visite à son îlot vagabond et encore moins s'en occuper, qu'à cela ne tienne, il prépare activement le retour du printemps. Quand ce dernier pointe son nez,
Liam retrouve son jardin qui sous ses habits d'hiver ne demande qu'à se réveiller et s'épanouir encore et encore.
Le jardin voyageur se prend à coloniser tout ce qu'il rencontre: des vieilles choses rouillées et abandonnées puis les murs et les panneaux de la ville.
Liam s'inquiète un peu mais est très vite rassuré: les gens deviennent rapidement des jardiniers, heureux de pouvoir s'occuper des fleurs et arbustes du jardin vagabond à tel point que la ville devient un immense jardin redonnant vie aux murs et aux rues grises et vides.
"Le jardin voyageur" est un album où la poésie est à chaque page, à chaque mot: les illustrations sont très belles, très modernes avec un je ne sais quoi d'imaginaire permettant le voyage inattendu. Liam, aux doigts agiles et créatif, est le fil conducteur d'une renaissance, d'une réappropriation du milieu urbain par la nature, d'un nouveau regard des hommes sur leur environnement quotidien.
Peter Brown emmène ses lecteurs dans un voyage au fil des saisons, dans un imaginaire qui réconcilie urbanisation et végétation: la ville ne pourra jamais vaincre la ténacité d'une nature toujours en éveil, toujours prête à reprendre un voyage interrompu par le désintérêt des hommes.
Ce joli récit montre combien l'harmonie et l'équilibre des relations avec la nature sont essentiels dans un monde urbanisé à outrance (
Peter Brown vit à New York - à l'ouest de Manhattan se trouve une ancienne voie de chemin de fer aérien qui dès qu'elle fut laissée à l'abandon vit la nature revenir garnir les rails) afin de ne pas perdre ce fil ténu qui nous relie à la vie.