William Gibson

Au vu de ce qu'on trouve maintenant en cyberpunk, ça a quand même bien vieilli.

un petit extrait de Comte Zéro (comme ça, juste pour la forme, pris un peu au hasard pour l'ambiance) :

Citation :

Son arrivée à l'appartement de Deux-par-Jour n'avait aucun rapport avec celle qu'il s'était si souvent imaginée. Pour commencer, il n'avait jamais pensé faire son entrée dans un fauteuil roulant que quelqu'un aurait piqué à la maternité de Sainte-Marie - le nom de l'établissement et le numéro de série étaient nettement gravés au laser sur le chrome terne de l'accoudoir gauche. La femme qui le poussait n'aurait absolument pas détonné dans l'un de ses fantasmes; elle s'appelait Jackie, c'était l'une des filles de la Zupe qu'il avait vues chez Léon, et, avait-il finalement déduit, l'un de ses deux anges. Le fauteuil roulant glissait en silence sur la rugueuse moquette grise de l'étroite entrée de l'appartement mais les breloques dorées sur le feutre de Jackie tintinnabulaient gaiement tandis qu'elle le poussait.
Et jamais il n'aurait imaginé que Deux-par-Jour pût vivre dans un endroit si grand, et encore moins que celui-ci fût rempli d'arbres.
Pye le toubib - qui avait bien pris soin de lui expliquer qu'il n'était pas toubib, rien qu'un gars qui "donnait un coup de main de temps en temps" - était allé s'installer sur un tabouret de bar défoncé, dans sa salle d'opération improvisée, il avait ôté ses gants verts sanglants, allumé une cigarette mentholée et solennellement prévenu Bobby de se tenir bien tranquille pendant une semaine ou deux. Quelques minutes plus tard, Jackie et Rhéa, l'autre ange, l'avaient tant bien que mal engoncé dans un pyjama noir froissé qui avait l'air de sortir d'un kino de série Z, l'avaient déposé dans le fauteuil roulant avant de partir pour la batterie centrale d'ascenceur, au coeur de l'arcologie. Grâce à trois timbres supplémentaires sortis de la réserve pharmaceutique de Pye, dont l'un chargé de deux mille micros d'endorphine de synthèse, à l'aise, Bobby se trouvait fringant et ne ressentait aucune douleur.
- Où sont mes affaires ? protesta-t-il tandis qu'elles le poussaient dans un corridor que des décennies d'accumulation de câbles blindés et de tuyauteries avaient rendu périlleusement étroit. Où sont mes fringues, ma console et tout le reste ?
- Tes fringues, chou, vu leur état, sont emballées dans un sac en plastique, en attendant que Pye aille les foutre aux ordures. Pye a dû les découper directement sur toi, et de toute manière, ce n'étaient plus que des loques ensanglantées. Si t'avais ta console dans la poche dorsale de ta veste, m'est avis que les gars qui t'ont suriné l'ont embarquée. Z'ont bien failli t'avoir dans l'opération. Et t'as ruiné ma chemise Sally Stanley, 'spèce de petit connard.
L'ange Rhéa ne semblait pas spécialement amical.
- Oh, dit Bobby comme ils tournaient un coin, d'accord. Bon, vous auriez pas trouvé par hasard un tournevis, là-bas ? Ou une carte à puce ?
- Pas de puce, bébé. Mais si le tournevis, c'est celui avec deux cent dix nouveaux roulés dans la poignée, c'est justement le prix de ma chemise neuve...

et un extrait de Tomorrow's parties :

Citation :

Chevette passa devant la flamme pâle du feu de charbon de bois d'un vendeur de marrons grillant sur un chaudron découpé dans le nez arrondi d'un capot de voiture ancienne.
Un autre feu danse dans sa mémoire : du coke rougeoyant dans la forge, qu'active un tuyau d'aspirateur. A côté d'elle le vieil homme tient une chaine de moto, repliée sur elle-même en une masses compacte maintenue par un bout de fil de fer rouillé. Pour être prise entre les tenailles du forgeron et mise au feu. Pour être ensuite battue incandescente en une billette à l'aspect moiré du damas, les fantômes des maillons émergeant tandis que la lame est forgée, pressée, façonnée et affilée à la meule.
Où est passé ce couteau ? se demande-t-elle.
Elle avait observé l'artisan travailler un manche de cuivre, river entre elles des feuilles de plaquettes laminées et les modeler à l'aléseuse. Ces feuilles - couches de microcicuits inclus dans une résine phénolique de couleur verte-, on en trouvait partout sur le pont. Quand les pilleurs de poubelles les rapportaient des décharges où elles abondaient, elles étaient constellées de leurs composants, dont on se défaisait facilement au feu, en fondant la soude grise. Il ne restait que ces planches nues et vertes avec leurs inclusions évoquant des plans de cités imaginaires, résidus de la seconde ère de l'électronique. Et Skinner lui disait que ces plaques étaient immortelles, inertes comme de la pierre, résistantes à la moisissure et aux ultraviolets et à toute forme de pourrissement; qu'elles étaient destinées à joncher la planète, et qu'en conséquence il était bon de les réutiliser quand cela était possible dans la structure du monde.

et ben je ne sais pas. c'est un peu loin et mélangé tout ça. mais on en lit un qui plait on a de fortes chances d'y revenir. et le problème du un est dissolu.

On m'a demandé de rendre ma copie , alors voilà

Identification des schémas de William Gibson (proposé par pandipanda)

Résumé :
Dialogues électroniques, phobie des marques et manipulation, William GIBSON, l’écrivain pionnier des réseaux informatiques, part en quête virtuelle dans l’univers impitoyable du marketing de pointe avec "Identification des Schémas".

L’intrigue est, comme toujours, démultipliée : Cayce Polard, jeune femme atteinte de la "phobie des marques", a développé un talent unique dans l’analyse du potentiel commercial des logos et autre branding. GIBSON la lance sur les traces d’un mystérieux court-métrage ainsi que d’un père disparu le lendemain du 11 septembre.

Avec ce roman l’inventeur du cyberespace explore les obsessions et les manies contemporaines en signant, par la même occasion, son premier roman non SF.
Pourtant, omniprésence des médias, impact d’Internet sur nos mœurs, réalité virtuelle, mixage des cultures, nouveaux cultes urbains, l’amateur retrouvera les thèmes qui sillonnent l’œuvre de l’écrivain américain depuis les débuts.

Donc un univers très particulier , peu familier pour moi , mais pas incompréhensible pour autant , ce n'est pas de la science fiction mais c'est extrêmement contemporain tant dans le style que dans le propos.

Cayce Polard évolue dans un monde qui pourrait s'apparenter à de la science fiction pour moi si ce n'est finalement que ses problèmes peuvent se transposer à n'importe quel quidam (relations humaines , affect , épanouissement personnel etc...).

Ce livre est construit comme un thriller (tant mieux ) , le rythme est soutenu et je trouve que c'est parfaitement écrit , je m'attendais à un discours branchouille , c'est bien au delà de ça .

On y parle beaucoup de marques (forcément puisque Cayce est une pro du design , mais paradoxalement elle développe une phobie des marques ), on passe de Londres à Moscou via Tokyo , dans des endroits hypra modernes , où la technologie rivalise de modernité , les protagonistes étant tous à la recherche (pour des raisons diverses ) de l'auteur d'un "film" diffusé en fragments codés sur le net .

Le mystère s'épaisssit autour du "film" et il y a même un forum (et là c'est drôle car justement certains ou certaines se reconnaîtront peut être dans l'approche qu'ils ont vis à vis de ce cyber espace) , ça devient une obsession jusqu'au dénouement.

La communication virtuelle est un des thèmes omni présent dans ce livre ainsi que l'importance des médias , fiction ou réalité , on ne sait pas toujours où est la frontière.

Donc au final , un thème que j'ai peu abordé dans mes lectures mais suffisamment bien mené par l'auteur pour que je lise ce livre pratiquement d'une traite , ça m'a donné envie de me pencher sur d'autres romans de Gibson plus axés sur la SF comme Neuromancien par exemple .
Merci à pandipanda pour cette découverte , c'était bien trouvé.

nouveau sorti en vo :



je sais ce qu'il me reste à faire...

Moi je vais attendre la VF... parce que Gibson en VO ça doit être coton quand même... non ?

animal a écrit:

nouveau sorti en vo :



je sais ce qu'il me reste à faire...

Tiens, j'y jetterais bien un oeil (et même deux), ça fait tellement longtemps que je n'ai pas lu cet auteur. Je note.

apparemment c'est une suite du précédent.

pour la lecture en vo c'est peut-être les contextes particuliers ou atypiques qui peuvent gêner, et ce malgré que ce ne soit pas forcément futuriste.

Zero History

Troisième volet d'une espèce de trilogie, ou de la phase plus vraiment SF de Gibson, après Pattern Recognition et Spook Country et reprenant les personnages de ce dernier. c'est une presque suite.

ça demande un peu de temps pour resituer les personnages, et peu je crois sans trop de dommage être lu sans avoir lu le ou les précédents. L'intrigue cette fois se déroule à Londres avec un épisode parisien. On retrouve Hollis l'ex rockeuse travaillant pour Hubertus Bigend patron excentrique au costard Klein Blue de Blue Ant, une sorte de boite ultra branchouille et nébuleuse de marketing. Milgrim interprète camé est aussi de la partie réinventé dans sa guérison œuvre de ce même employeur pas vraiment simple. Garreth sorte de ninja des temps modernes et petit ami de Hollis revient lui aussi sur la fin... et pas mal de personnages secondaires gravitent dans ce monde. Fiona, coursier à moto. Une agent des services secrets US, ...

Selon un angle très différent Hollis et Milgrim sont lancés sur un projet qui mêle mode et contrats militaires. Hollis sur la trace du designer d'une marque secrète Gabriel Hounds, haute qualité, concept qui mélange du vintage et du moderne... et absence de publicité. Milgrim lui sur la partie contrat, ce qui amène une confrontation avec d'obscurs ex-militaires passés dans un business de consultant en sécurité et vente d'armes et matériel... l'objet industriel est de fourgué le design à succès à l'armée américaine... en remettant par là dessus une guerre interne très corporate chez Blue Ant centrée sur les tenants du système d'information.

Joyeux bordel illustré de façon très geekesque par une constellation de téléphones portables, ordinateurs, gadgets ... à la fois atrocement futuriste et complètement actuel. Pour les perdus, Milgrim un peu déconnecté pendant dix ans recolle les morceaux avec vous. On va jusqu'à la maquette Gundam. Chouette.

Cependant ce n'est pas ce qui fait le bon plaisir et l'intérêt de cette lecture qui m'a bien branché. Beaucoup de description de lieu qui mélangent design et transgression de ses codes. Une sorte d'interrogation de la référence comme motif qui se retrouve dans les personnages, très typés et définis dans des attitudes (et des fringues) mais qui sont aussi en marge, un peu comme si après plusieurs livre Gibson dégageait une forme fondamentale de son monde... les types louches et techniques, les femmes fortes et étranges, sa ou ses galeries de personnages types se retrouvent en variants dans des interactions et observations (monde, proximité, communication, rapport à l'autre) qui ressemble à la recherche d'une constante. La constante humaine qui fait (c'est un peu mon avis) que Gibson SF ou pas SF ça marche. Ce qui dure de l'individu et du groupe. Qu'il cause à une machine, à travers une machine ou non. Dans Zero History on a droit a un gros final très branché et ambiance intervention paramilitaire (mais sans certains excès) qui apparait surtout comme très collectif. On entreverrait un certain optimisme là dedans.

ça n'éclipse pas les idées autour des marques et du design, de l'image. Beaucoup de références parfois obscures (on peut chercher un paquet de trucs à partir de ce bazar) centrée de façon plus explicite ou consciente sur l'imagerie militaire très présente entre actualité et industrie du divertissement. Rien de démontré ou de théorisé. Seulement un état de mise en rapport de façon consciente. presque des obstacles en suspension sur le chemin de la perception.

Très 2010 dans la technologie (électronique, motos, ... ) très rétrospectif également, quelque chose d'un regard sur une industrie, abordé autour de la fringue et de l'urbanité, sur le siècle passé doublé d'un lien culturel diffus mais présent. les livres existent, l'art aussi en somme (il y a d'ailleurs des survivances du locative art de Spook Country... plus version iphone mais malheureusement ça n'a pas l'air pour demain les peut-être vraies grandes choses, autre trace d'espérance ?).

La fin est légèrement précipitée mais c'est efficace et prenant sur la longueur. Bien rock'n'roll également avec Heidi ex-batteuse de Curfew et toujours les attitudes en retrait ou en observation des principaux personnages : Milgrim avec ses réflexes de bête traquée qui se découvre une humanité et Hollis dans une autre forme de réinvention dans un équilibre dynamique moins précaire qu'il n'y parait. Des trucs très chouettes dans des rapports humains ouverts et décidément pas trop pourris dans ce livre. Un gros courant de confiance animale parallèle au travers d'une histoire d'embrouilles très tenaces.

Eté 2011 au Diable Vauvert à ce qu'il parait.

été 2011 alors ?

en attendant puisque c'est à cause de lui : clic vers un autre fil

(et que l'interview se lit au moins par curiosité).

Neuromancien



Vous connaissez la paëlla ? Dans une paëlla, on trouve du riz avec du safran, du chorizo, des gambas et du poulet, des tomates, des langoustines, des poivrons et pourquoi pas des moules ! toute cette tambouille pourrait paraitre incohérente mais en réalité c'est excellent ! et bien Neuromancien, c'est un peu comme une paëlla, on y trouve pleins d'ingrédients bizarres, hétérodoxes, on a l'impression de lire un livre dans une langue étrangère dont on parvient de temps en temps à extraire un petit peu de compréhension et pourtant ce roman est très digeste, s'avale tout tranquillement et donne envie d'une deuxième assiette !

On a Case : le cow boy de l'espace, un pirate qui pénètre les programmes pour voler des choses...

On a Molly : la combattante, aux yeux-miroirs et dont les doigts possèdent des ongles-lames rétractiles.

et puis Armitage : un ancien combattant qui envoie les deux précédents en mission spéciale.

Une mission dont on ne comprend pas très bien les enjeux, ni les manifestations, dont on ne sait pas vraiment à quoi exactement elle va servir mais qu'importe, les personnages sont manipulés et manipulateurs, ils s'entourent d'êtres fictifs ou réels qui ne sont là que pour rendre encore plus compliquée l'aventure et cependant la magie opère, on est dedans, on vole, on plane, on se méfie des uns et puis des autres, on éprouve un peu de sympathie, pas mal de répulsion et arrivé au bout, on se sent esseulé.

Ce n'est pas le meilleur de la SF, c'est particulièrement embrouillé, technologisant, abscons, ça manque d'un peu de tension mais on trouve dans cette première création du cyberpunk tous les ingrédients dont se serviront d'autres (Mc Auley est plus speed, Dufour plus délicate) et l'écriture est très belle, envoûtante parfois très poétique (dommage que les dialogues soient plus lâches).

Un grand plaisir !

héhé, et un avis qui fait plaisir.

c'est un des traits que j'aime bien chez GIbson que ce qui sert d'intrigue principale n'est pas forcément ce qui a le plus de sens ou se révèle le plus intéressant mais devient un élément d'atmosphère comme un autre. et l'atmosphère est plus consistante.

Je n'ai pas du tout accroché avec Neuromancien. Pour moi c'était à la limite du compréhensible, embrouillé, et en fait pas trop intéressant. D'ailleurs je ne sais même pas si j'ai fini le livre