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Parfum de livres… parfum d’ailleurs
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Messages : 31548 Inscription le : 12/05/2007 Age : 43 Localisation : Tours
Sujet: Re: William Gibson Mar 14 Aoû 2012 - 22:23
trop embrouillé dans l'univers techologico-drogué ? si ce n'est que ça et que tu es prête à retenter le coup tu peux essayer un des derniers qui sont toujours technologico hallucinés mais parfaitement contemporains.
animal Tête de Peluche
Messages : 31548 Inscription le : 12/05/2007 Age : 43 Localisation : Tours
Sujet: Re: William Gibson Mer 22 Mai 2013 - 22:49
Lumière virtuelle (1993)
Premier volume de la "Trilogie du pont" : - Lumière virtuelle ((en) Virtual Light, 1993) - Idoru ((en) Idoru, 1996) - Tomorrow's Parties ((en) All Tomorrow's Parties, 1999)
Référence au Golden Gate qui se retrouve habité, peuplé de réfugiés, marginaux, d'un grand tremblement de terre, cabanes, structure complexe et éphémère, vivante...
C'est un peu par hasard que je suis tombé dessus l'autre jour à la gare, et ne l'ayant pas encore lu l'occasion était parfaite pour revenir enfin à William Gibson, à peu de chose près peut-être tout ce que je digère comme SF et un auteur que j'apprécie beaucoup.
Au début je ne savais pas que c'était le premier volume de la trilogie, mais j'ai reconnu le personnage de Berry Rydell, sorte de jeune type pas tout à fait paumé à la très brève carrière dans la police avant de se retrouver dans une compagnie de sécurité privée... un brave type pas trop con mais qui a une fâcheuse tendance à enchainer les emmerdements avec un talent certain.
A côté il y a Chevette Washington, une jeune femme dégourdie mais un peu en galère qui est coursière à vélo à San Francisco. Un jour elle pique une paire de lunettes toute bizarre à un bonhomme...
De fragments en fragments de ses histoires à lui, de ses histoires à elle et des histoires de l'autre les deux se rencontrent.
William Gibson c'est ces personnages imparfaits, attachants, qui suivent les hasards dans une forme de conscience de ce qui les entoure. Un monde de sens, de réflexes, d'attractions, d'instinct. Presque caricatures, répliques acides, actions non maitrisés, c'est une suite du roman noir old school à l'américaine qui survit dans un monde changé.
Haute-technologie vécue du côté de celui qui la connait sans la maitriser, exclu parfois de sa réalité, l'ambiance cyberpunk, le monde que l'on connait qui aurait encore plus dégénéré.
Les grands états se sont dissous, les grandes entreprises ont un pouvoir sans frontières, les données comptent autant que l'argent, sectes, groupuscules mal définis, société de consommation sauvage, minorités, habitudes. Objets quotidiens, matériaux, saturation du banal, des événements, drogue, danger. A travers les péripéties et un développement qui reste toujours près du sol, jusqu'à un presque anti-final très réussi, c'est le demain en puissance qui est vu, senti, ressenti dans les fibres du lecteur.
Les observations techniques ou technico-sociales restent, à quelques gadgets maintenant presque disparus de l'imaginaire (mais depuis peu), d'une pertinence frappante et les risques à cette échelle qui dépasse les personnages et habitants du livre, un courant, une mouvance, quelque chose d'évolutif, de mouvant, qu'il n'est pas possible d'arrêter et de définir sont peut-être bien ceux de tous les jours. Du nouveau produit qui envahit l'espace à la reformation conditionnée de la ville.
L'autre ombre majeure de ce bouquin, pour donner un exemple, c'est le sida, ou un après sida. Son univers de geek comme on dirait aujourd'hui, de gadgets sécuritaires ou d'une banalité folle anticipée est d'abord dans la palpitation, l'attente, le ressors, le rebond, le dérèglement.
J'aime beaucoup Gibson et après la bonne surprise de la ressemblance massive avec ses derniers livres j'ai passé un excellent moment, meilleur même que je ne l'imaginais tellement il est intense, proche de la base, perdu, vif, aux aguets, humain, tendre.
Oui, ce Lumière virtuelle est excellent, moins démesuré ou technologiquement fou que d'autres sans doute (que je crève d'envie de relire maintenant, c'est malin), si proche de nous, très romanesque, très brut. Une floraison de littérature populaire.
En plus du plaisir de cette efficacité (et de l'humour) la quantité d'observations "qui parlent", de visions immédiates ressemblantes est ahurissante (au moins aussi à jour que le Dépaysement de J-C Bailly, dans un autre registre), l'intérêt du lieu et du flux complexe qui l'habite. De la vie dedans, jetée dedans, imbriquée dedans, qui en fait partie. On passe du détail peut-être du gobelet de café ou d'un bout de carton à l'ébranlement à venir d'une ville à travers des reflets de verre, inaccessibles.
C'est tellement VIVANT !
shanidar Abeille bibliophile
Messages : 10518 Inscription le : 31/03/2010
Sujet: Re: William Gibson Jeu 23 Mai 2013 - 19:41
un commentaire qui donne fichtrement envie de revenir à ce bonhomme ! ma première lecture de Gibson remonte à quelques années, il s'agissait de nouvelles (dans l'ensemble très courtes) et très efficaces ! Fragments de rose en hologramme dans la petite collection Librio... On y sentait déjà un univers très construit et très puissant. A relire !!!
animal Tête de Peluche
Messages : 31548 Inscription le : 12/05/2007 Age : 43 Localisation : Tours
Sujet: Re: William Gibson Ven 24 Mai 2013 - 21:33
petit extrait (ça me démange d'en mettre plus avant mais point trop n'en faut, et j'y reviendrai peut-être plus tard) :
Citation :
Et voilà qu'il se retrouvait maintenant à Los Angeles, au volant d'un Hussar Hotspur à six roues et à vingt couches de polish appliquées à la main. Le Hussar était en réalité un Land Rover blindé capable de faire du centre quarante sur un direct, à condition d'en trouver un ouvert et d'avoir le temps d'accélérer. Hernandez, son superviseur, disait qu'on ne pouvait pas faire confiance à un Anglais pour fabriquer quelque chose de beaucoup plus grand qu'un chapeau, surtout si on voulait que ça marche quand on en avait besoin. Il disait que Sécur-Intens aurait dû acheter son matériel aux Israéliens ou, à tout le moins, aux Brésiliens, et qu'on n'avait pas besoin d'un Ralph Lauren pour créer un tank. Rydell n'avait pas d'opinion sur la question. Mais ce boulot de peinture le dépassait vraiment. Ce qu'ils voulaient, sans doute, c'était que les gens pensent à ces gros camions de la Poste, couleur de papier d'emballage, et en même temps au style de décoration que l'on trouvait dans les églises du culte épiscopal. Pas trop de dorures sur le logo. De la retenue, en quelque sorte. Les gens qui travaillaient au poste de lavage étaient en grande partie des émigrés d'origine mongole, arrivés de fraîche date, qui avaient du mal à trouver de meilleurs emplois. En travaillant, ils fredonnaient d'une drôle de manière, à partir de la gorge, et Rydell aimait bien entendre ça. Il n'arrivait pas à comprendre comment ils faisaient pour produire des bruits pareils. Cela ressemblait au chant d'une grenouille verte, mais avec deux sons en même temps. Ils étaient maintenant en train d'astiquer les rangées de boutons chromés, au bas du véhicule, qui servaient de support aux grilles anti-émeutes. Le chrome n'était là que pour faire bien. Les camions anti-émeutes, à Knoxville, étaient électrifiés, mais avec un système de ruissellement qui les maintenait mouillés, et ça faisait beaucoup plus mal. - Signe ici, lui dit le chef d'équipe, un black, peu causant nommé Anderson; il était étudiant en médecine dans la journée, et on avait toujours l'impression qu'il avait deux nuits de sommeil à rattraper.
Pas trop mauvais exemple, qu'une pensée en dépasse une autre, moderne, cosmopolite, précis et finalement critique du paysage construits par les touches d'impressions. Il y a un art de l'utilisation de la référence et des tiroirs chez ce bonhomme.
animal Tête de Peluche
Messages : 31548 Inscription le : 12/05/2007 Age : 43 Localisation : Tours
Sujet: Re: William Gibson Mar 28 Mai 2013 - 22:44
On va remettre une petite couche avec un large extrait des "remerciements" :
Hodgetts + Fung pour l'exposition Visionary San Francisco
Citation :
Ce livre doit beaucoup à Paolo Polledri, conservateur et fondateur du département d'architecture et de décoration du Musée d'Art Moderne de San Francisco. Mr Polledri avait commandé, pour l'exposition de 1990 intitulée "Visionnaires de San Francisco", une œuvre écrite qui prit corps sous la forme d'une nouvelle intitulée Skinner's Room (La chambre de Skinner). Il m'a facilité la collaboration avec les architectes Ming Fung et Craig Hodgetts, dont la carte redessinée de la cité (bien que je l'aie transformée par la suite) m'a fourni l'idée de Skywalker Park, du Piège et des tours Sunflower. Un autre écrit commandé à l'occasion de cette exposition, le puissant Sodom Reflections on a Stereotype), de Richard Rodriguez, m'a inspiré le caractère victorien et le côté mélancolique du personnage de Yamazaki. L'expression "lumière virtuelle" a été forgée par un scientifique, Stephen Beck, pour décrire un dispositif capable de produire "des sensations optiques directement au niveau de l'œil, sans passer par les photons" (Mondo 2000). Le Los Angeles de Rydell doit beaucoup au City of Quartz de Mike Davis, plus particulièrement, je pense, en ce qui concerne ses observations sur la privatisation des espaces publics. J'ai une dette envers Markus, alias "Fur", l'un des rédacteurs du Mercury Rising, publication de l'Association des Coursiers Cyclistes de San Francisco, qui a eu la gentillesse de me fournir tout un lot d'anciens numéros et n'a plus entendu parler de moi pendant un an ou plus (pardon). Le Mercury Rising a pour devise d' "informer, amuser, agacer et renforcer" la corporation des coursiers. Il m'a fourni le cadre de travail de Chevette Washington ainsi qu'une bonne partie de son personnage. Déproje !
kenavo Zen Littéraire
Messages : 63288 Inscription le : 08/11/2007
Sujet: Re: William Gibson Mer 21 Aoû 2013 - 8:07
William Gibson dévoile les racines du cyberespace
Ou plutôt, les câbles électriques
L'un des écrivains de science-fiction les plus méritants et adulés de ces dernières années, William Gibson, a levé le voile sur un de ses concepts qui l'ont rendu célèbre au cours d'une interview donnée à la New York Public Library. Dans cet entretien au long cours, il s'arrête ainsi sur la notion de « cyberespace » qui lui valut notamment un doctorat honorifique de sciences humaines.
Pour l'auteur, c'est avant tout la littérature de science-fiction qui l'a conduit au concept de cyberespace : « J'avais besoin d'une arène au milieu de laquelle ancrer mes histoires » débute-t-il pour tracer l'histoire du terme. L'auteur souhaitait un tout autre univers que celui des voyages spatiaux et des fusées, plus ouvert aux possibilités narratives.
C'est en observant les gamins des années 80, rivés devant les machines d'arcade, que Gibson a pensé à cette notion de cyberespace, attirant les joueurs qui auraient voulu se projeter à l'intérieur du jeu, « derrière cette paroi de verre », façon Tron. Le développement des ordinateurs personnels, et des connexions primaires entre eux via les lignes téléphoniques, auraient achevé de le convaincre de l'existence d'un monde insoupçonné.
Non sans autodérision, le pape du cyberpunk explique qu'il ne connaissait rien aux ordinateurs, et que mélanger toutes ces observations s'est révélé étonnamment productif. Pour le terme en lui-même, cyberespace, et bien... C'est tout simplement celui qui sonnait le mieux : « Le mot voulait dire quelque chose, ou en tout cas semblait vouloir dire quelque chose... »
source
animal Tête de Peluche
Messages : 31548 Inscription le : 12/05/2007 Age : 43 Localisation : Tours
Sujet: Re: William Gibson Mer 21 Aoû 2013 - 22:34
Merci merci !
quelques extraits de la transcriptions :
A propos de Sherlcok Holmes :
When my mother realized that I could read at a more or less adult level, for some reason she bought me a two-volume omnibus set of all of the Holmes novels and stories. So that was—you know, for me that was the beginning, that was the beginning of literature, it was the beginning of my knowledge of cities, because those books have such a wonderful sense of urban existence, delight in the complexity and secrets.
Then suddenly not only is there trauma and loss, but I’m transported to a place in which you might look—you might look in one direction and see that you were in 1956 because there’s a car with tailfins, but if you look in the other direction, you’d be seeing exactly what you would have seen in 1915, see a guy plowing a field with a mule, and Jack Womack has written beautifully about that exact weirdness, he grew up in Kentucky not too far, in a different culture, but not too far from where I grew up, but he also had that experience of the temporal split of living in the modern world in a very retrograde sort of culture.
when I started writing SF, I had the sense that any newest thing, any hot new thing, any piece of technology, will be an old dusty piece of junk in someone else’s—in a future that I’ll never see, and I found that immensely useful, if only for the sake of naturalism.
I don’t know, possibly of mind, because to encounter Borges is to encounter this absolutely extraordinary mind capable of, capable of modes of thought which until I encountered them I don’t think I could ever, ever have imagined. So if you can, with Borges, if you can go with him, if you can go where he’s going in his fiction, it’s I think literally mind-expanding.
Yeah, they wanted further immersion. They wanted a better virtual surround, it seemed to me. They were like children pressing their faces against a toy shop window, unable to get—unable to get to the other side, but I think even then I could see that they willed themselves to a higher immersion through their concentration—their concentration on the game, the mundane world disappeared, which is really what—I think what they were paying for.
PAUL HOLDENGRÄBER: You—I mean, these famous lines, “Cyberspace, a consensual hallucination experienced daily by billions of legitimate operators in every nation, by children being taught mathematical concepts, a graphic representation of data extracted from the banks of every computer in the human system, unthinkable complexity, lines of light ranged in the nonspace of the mind, clusters and constellations of data.” I must say, for something that you believed meant nothing, (laughter/applause) that is quite—quite a description.
Et il est aussi question de Springsteen, de Two lane blacktop, ...
shanidar Abeille bibliophile
Messages : 10518 Inscription le : 31/03/2010
Sujet: Re: William Gibson Mer 26 Mar 2014 - 11:16
Lumière Virtuelle
Très très grand plaisir de lecture.
Il y a Chevette, à San Francisco, la coursière qui un soir, un peu par hasard, par reflexe et pour se venger embarque les lunettes d'un 'trou du cul'. Elle habite dans une cabane construite à l'arrache sur le pont désaffecté (le pont est très important dans le roman). A Los Angeles, il y a Rydell, ex flic, ex agent de sécurité, pauvre jeune type qui ne réfléchit pas beaucoup et se laisse souvent guider par son instinct, lequel a la fâcheuse tendance de lui faire prendre les chemins les plus douteux, les plus périlleux et les plus dangereux. Les deux vont se retrouver à cause de cette histoire de lunettes et se lancer dans un road movie haletant et génial.
Le monde décrit par Gibson est très proche de nous et les quelques gadgets qu'il incorpore au décor sont parfaitement cohérent (ceci dit pour les réfractaires après le délicat Neuromancien). Nous sommes ici dans une aventure palpable, plus proche du très bon polar que de l'aventure cérébronumérique...
Proche de nous, donc, si proche de nous même que j'ai lu la critique sociale proposée par Gibson avec beaucoup d'attention. Grâce au personnage attachant de Yamazaki, jeune étudiant japonais qui vient interroger les habitants du pont, Gibson nous donne la description d'une société qui pourrait presque être la notre. Ainsi Skinner, interrogé par Yamazaki explique que les habitants du pont ne sont pas arrivés là par esprit rebelle ou par volonté violente mais bien pressés par une nécessité universelle et vitale : se loger. Que cette société a été contrainte pour survivre de développer un système D et un système d'entraide ainsi qu'une forme de décroissance imposée, pour le reste, ils font comme ils peuvent avec les moyens du bord (en particulier pour l'évacuation des déchets ou des eaux usées...). Quand on sait qu'en France, 600 000 foyers ont bénéficié de la trêve hivernale qui leur a permis de ne pas payer leur facture énergétique (électricité-gaz), et que cette trêve étant finie, ils ont le 'choix' entre le surendettement, la coupure du compteur ou l'expulsion... on se dit que le roman de Gibson nous pend au nez... Bien sur, 600 000 foyers sur toute la France ne sont que quelques gouttes réparties sur les communes, mais rassemblez ces gens et ça fait déjà un beau paquet de problème...
Outre l'aspect social et politique (le pouvoir des grandes firmes, en particulier sur la police et les médias) le livre se penche sur les problèmes de santé publique (avec la figure omniprésente du sida sous les traits quasi christique de Shapely) et de religion (le nombre de sectes évoquées et leur délire respectif pouvant largement faire réfléchir)... mais surtout le livre se lit comme un très très bon roman à suspens.
Un roman très riche, mais incroyablement facile à lire (à dévorer même), précieux pour ce qu'il dit de notre avenir tout proche, mais aussi de cette humanité capable, lorsqu'elle écoute son instinct ou lorsqu'elle règle sa fréquence sur l'amitié/solidarité, de bien des surprises et de bien des rencontres.
Merci infiniment animal de m'avoir prêter ce livre ! Qui me donne envie de courir chez le premier libraire venu pour le dévaliser de tous les titres de Gibson en stock !!
animal Tête de Peluche
Messages : 31548 Inscription le : 12/05/2007 Age : 43 Localisation : Tours
Sujet: Re: William Gibson Mer 26 Mar 2014 - 12:41
héhé.
voilà qui réveille les souvenirs... et ça confirmerait que celui-ci est assez percutant et addictif
animal Tête de Peluche
Messages : 31548 Inscription le : 12/05/2007 Age : 43 Localisation : Tours
Sujet: Re: William Gibson Ven 4 Juil 2014 - 23:21
Agrippa a book of the dead
Pris le temps de chercher et lire un peu... en ligne. Parce que c'est un projet étrange et peu répandu, et pour cause. Livre de luxe (1500$ à la sortie) et livre d'art, livre projet avec des gravures (de Dennis Ashbaugh) qui s'inspirent de migrations d'ADN sur gel en face de pages de séquences génétiques et aussi des photos et des publicités anciennes. Et au milieu du livre dans un emplacement creusé, découpé dans des pages collées entre elles une disquette. Sur la disquette un poème de William Gibson.
Le livre aurait du être imprimé avec une encre s'effaçant avec le temps, le poème sur la disquette s'encode à la fin de la lecture et devient illisible...
heureusement le texte est lisible, il a été décodé et il est en intégrale sur le site de l'auteur :
- video d'une lecture du fichier sur un émulateur - texte
Un poème autobiographique qui fait affleurer de précieuses et ténues connexions avec une histoire familiale et plus globale. Ruralité, modernisme, migration, mais aussi guerre et armes... mécanismes. Le lien choisi : le mécanisme, de la photo, de l'arme, et d'autre chose. Comme si le mécanisme était accessible donc permettait de projeter le lien par dessus le temps avec une part de coïncidence et de perte, d'altérité.
Surtout, on trouve le rythme qui est peut-être le fond de l'écriture de Gibson, ce rythme qui va si bien à ce contenu qui est parfaitement cohérent avec la visée du projet (on peut malgré tout rester tétanisé par l'extrême rareté de l'objet) et ses abords cryptiques. Les pistes, les instantanés, les impasses. On peut le trouver très proche d'une poésie moderne américaine.
Par rapport au reste de son œuvre, ça permet de passer au-delà de la simple part de science fiction ou de sa marque de fabrique cyberpunk, on peut même sentir dans ce texte de 1992 la très forte parenté avec quelques éléments (pas toujours les plus visibles mais imprégnant la lecture) des plus récents qui se passent "de nos jours".
Un drôle de truc, qui ne manque pas de charme, qui conserve l'attrait d'un mystère incroyable, un mythe discret.
Un site (en anglais) avec photos et explications et plus encore : http://agrippa.english.ucsb.edu/
Rien que pour sa part de rêve, d'irréel ça mériterait d'exister, la faculté à actualiser une transcription manuelle d'un support technologique, oui, une part de rêve, un imaginaire réveiller par une substance concrète.
Citation :
A flat-roofed shack Against a mountain ridge In the foreground are tumbled boards and offcuts He must have smelled the pitch, In August The sweet hot reek Of the electric saw Biting into decades
animal Tête de Peluche
Messages : 31548 Inscription le : 12/05/2007 Age : 43 Localisation : Tours
Sujet: Re: William Gibson Dim 6 Juil 2014 - 9:46
deux extraits d'un article de 1992, lien pioché dans les sources de la page wikipedia : clic
Citation :
Like a frame of unprocessed film, 'Agrippa' begins to mutate the minute it hits the light. Ashbaugh has printed etchings of DNA nucleotides but then covered them with two separate sets of drawings: One, in ultra- violet ink, disappears when exposed to light for an hour; the other, in infrared ink, only becomes visible after an hour in the light. A paper cavity in the center of the book hides the diskette that contains Gibson's fiction, digitally encoded for the Macintosh or the IBM. Though he's aware of the market for bootlegs, Gibson has vowed never to publish his story in any other format: He's even deleted the file from his hard disk.
William Gibson a écrit:
It starts around 1919 and moves up to today, or possibly beyond. If it works, it makes the reader uncomfortably aware of how much we tend to accept the contemporary media version of the past. You can see it in Westerns, the way the 'mise-en-scene' and the collars on cowboys change through time. It's never really the past; it's always a version of your own time.
animal Tête de Peluche
Messages : 31548 Inscription le : 12/05/2007 Age : 43 Localisation : Tours
Sujet: Re: William Gibson Mer 9 Juil 2014 - 22:50
une interview du Cafard Cosmique à l'occasion de la sortie de Identification des schémas (et l'occasion d'un aperçu sur ce qui précède) : cafardcosmique.com
Citation :
CC : Pourquoi écrire un roman mainstream si tard ? ?
- WG : C’est quelque chose que j’essayais de faire depuis mes 3 derniers livres. Finalement écrire "Identification des Schémas"dans le contexte actuel s’est avéré plus facile que je ne le pensais, certainement parce que le monde dans lequel nous vivons est devenu tellement tordu qu’on ne peu plus réellement faire la différence entre la fiction et la réalité. J’avais l’impression d’écrire de la même façon que pour mes derniers romans...
animal Tête de Peluche
Messages : 31548 Inscription le : 12/05/2007 Age : 43 Localisation : Tours
Sujet: Re: William Gibson Sam 19 Juil 2014 - 22:39
Distrust that paricular flavor
26 articles et autres textes (préfaces, présentations, ...) de William Gibson qui couvrent un peu plus de vingt ans d'activité, période largement dépassée par les sujets abordés. Parmi eux : son métier d'écrivain de science fiction et le rapport au futur, un rapport qui se décline à travers la technique et ce qu'on appelle maintenant le web, une accessibilité et une organisation de l'information, et donc (c'est schématique comme résumé) la façon dont le rapport à cette information est assimilé. Et on ne part pas dans un futur hallucinant puisque les chemins favoris de l'auteur passent par un monde qui doit lui être palpable, comme sa fascination pour le Japon mais aussi des impressions de visite à Singapour, son amour de Londres, des objets...
Et de drôle de truc en drôle de truc, en découvrant au fil des articles un peu plus de son bric à brac personnel on revient beaucoup vers l'auteur. Son attention à un présent en mutation. L'enjeu n'est pas l'avenir mais de sentir le rapport au monde se modifier, s'ouvrir, et l'individu s'adapter, se réadapter, et éventuellement rester fondamentalement le même. On retrouve donc son rapport sensible... au passé, avec nombres d'anecdotes qui ont la saveur de son poème présenté plus haut, son goût pour les montres mécaniques (recherchées un temps compulsivement su le célèbre site d'enchères en ligne).
Le lecteur qui appréciait déjà Gibson va comprendre un peu plus pourquoi, pourquoi c'est si simple qu'il soit toujours le même alors que ses derniers livres ne soient plus à proprement parler de la SF, ou pourquoi cette SF qui l'a rendu célèbre (et en bonne partie poussé à devenir écrivain, c'est important) n'est pas l'unique point d'attention. Tout comme la capacité à prédire le futur qu'on lui prête ou a prêté ne l'est pas non plus.
C'est très rafraichissant, stimulant jusque dans la rationalisation (une approche qu'on pourrait dire pragmatique par les sens, l'expérience) du rapport au futur, aux nouvelles technologies, au progrès, aux images imposées comme les marques ? Une approche curieuse, posée, beaucoup plus observatrice que prospective à ce qui se fait, ce qui se défait et ce qui reste qui n'est souvent pas ce qu'on imagine, ce qui peut être réapproprié, assimilé (par exemple un accès au monde comme une extension de soi via le web).
Il faut reconnaitre qu'on se sent un peu polarisé sur un contexte nord américain et que ça explique peut-être, en plus du côté moins choc du concept de l'article comparé à celui de la fiction mutante et exotique au possible, qu'il n'y a pas de traduction. Et c'est bien dommage parce que c'est intelligent et que ça donne envie de fouiller, de regarder, de lire (on comprend rapidement qu'on a affaire à un lecteur motivé, de SF puis de beat generation mais encore d'autres choses et des choses actuelles,... ), de sortir des sentiers battus...
Je ne sais pas trop comment synthétisé l'impression qui domine ou englobe cet ensemble, une perception composite qui ne résulte pas complètement d'une démarche consciente, qui n'est que partiellement composée et qui constituerait une identité de l'instant. une identité nourrie des idées perceptions faites du passé, du futur et de ce qui est à distance d'un point de vue géographique, voire culturel, social, ...
Une vision mal déterminée mais pas catastrophiste, une tendance à l'émerveillement et à un réconfort primitif (dans l'image, l'objet, l'imagination mais si on y réfléchit bien aussi le geste et l'autre, qui est autre) qui donne une certaine confiance.
Très très bon moment de lecture très recommandable qui aère et dépoussière le cerveau.
Je trépigne en attendant le prochain sur lequel je me sentirai obligé de me jeter en VO mais j'espère qu'on reviendra avec de la VF aussi (ça donne envie de relire dans l'ordre).
Exini Zen littéraire
Messages : 3065 Inscription le : 08/10/2011 Age : 51 Localisation : Toulouse
Sujet: Re: William Gibson Dim 20 Juil 2014 - 10:39
Je viens de lire vos commentaires, Animal et Shanidar, sur "Lumière Virtuelle". J'avais une petite idée du cyberpunk sans avoir lu un seul roman. Ce que vous écrivez confirme ce que j'en pensais (un monde pas si différent du nôtre - vite dépassé par celui-ci, d'ailleurs - où les systèmes ne connaissent plus l'éthique ou la morale ou s'en f... littéralement.
Il est dans ma LAL et, dès que je passe à la librairie, il sera dans ma PAL !
shanidar Abeille bibliophile
Messages : 10518 Inscription le : 31/03/2010
Sujet: Re: William Gibson Ven 25 Juil 2014 - 11:05
Exini a écrit:
Je viens de lire vos commentaires, Animal et Shanidar, sur "Lumière Virtuelle". J'avais une petite idée du cyberpunk sans avoir lu un seul roman. Ce que vous écrivez confirme ce que j'en pensais (un monde pas si différent du nôtre - vite dépassé par celui-ci, d'ailleurs - où les systèmes ne connaissent plus l'éthique ou la morale ou s'en f... littéralement.
Il est dans ma LAL et, dès que je passe à la librairie, il sera dans ma PAL !
Cool ! Je viens de finir Identification des schémas, j'ai adoré ! je reviens avec un commentaire très vite !!