The PeripheralUn grand retour de William
Gibson à la SF ? Avec deux couches de future pour le prix d'une ? Le fait qu'il s'agisse "vraiment" de SF est important mais le principal est qu'avec
The Peripheral nous sommes avec un très bon cru et que ce qui compte avec la SF c'est peut-être simplement le fait de retrouver une capacité à se projeter vers autre chose, un possible qui reste en partie inconnu.
Et une des grandes forces de
The Peripheral c'est de vous proposez deux futurs qui communiquent entre eux et de vous coller dans les pattes en plus de l'anticipation interrogative un retour vers un passé qui n'est même pas votre présent mais qui a un goût de nostalgie pour l'inconnu.
A côté de ça les adeptes du voyage dans le temps expliqué risquent la déception, le nœud technique ça serait un serveur informatique. C'est que plus simplement ou pratiquement c'est l'information qui voyage, on communique avec un temps qui n'est pas le nôtre, du web, de la messagerie en visio, du jeu en ligne et des avatars devenus des moi de substitution avec une réalité physique.
Dans le futur du futur de ce livre, ce qui nous situe un petit monde saturé de nanotechnologies passé une longue catastrophe économico-écologique (ou l'inverse) un
peripheral, c'est un avatar physique, un corps de location qui nous permet d'être ailleurs, de sentir, ressentir et agir à distance.
Pour esquisser l'histoire, dans le futur le plus proche de nous, un 2040 (ou 2070 ?) et des bananes, Flynne une jeune femme branchée au sens techno et douée pour le jeu virtuel remplace son vétéran marine de frère dans un jeu ou une obscure mission de télésurveillance. Dans l'autre futur Netherton, sorte d'indépendant londonien et alcoolique de la relation publique se retrouve perdu dans un plan qui tourne très mal... Flynne serait le témoin d'un événement annexe.
On se retrouve avec un hobby spécialisé qui consiste à manipuler, sorte de jeu, des passés qui bifurquent vers d'autres futurs... qu'on ne suit pas. On reste sur nos deux époques en chapitres alternés et chacun avec leur galeries de personnages et leurs séductions réciproques.
Donc SF oui mais qui, et c'est toujours le pied chez
Gibson, s'intéresse en fait à notre rapport au monde et ici avec un sens acéré de la fiction, du rapport entre la fiction et le réel. Avec quelque chose de tragique aussi. Et de drôlement contemporain. Le futur londonien extrêmement policé et monstrueusement technologique, luxueux, déshumanisé (presque), contraste furieusement avec un environnement de province américaine de petits boulots et aux parkings de petits centres commerciaux hantés de vétérans blessés, mutilés, choqués, modifiés par une guerre qui n'a pas de nom...
Fiction donc mais qui avec cette appui dresse une image à peine extrême d'une vision d'aujourd'hui. Une périphérie, déclassée qui se construit son mode de fonctionnement à base de fabrication artisanale aux marges de la légalité avec le renfort d'imprimantes 3D et de réflexes militarisés paranoïaques.
On part de là, d'une violence et d'un dérèglement qui met mal à l'aise, la fiction commerciale, ludique, militarisée, brutale qui est aussi une réalité. Un état qui pousse aussi vers un ailleurs qui n'a pas vraiment de nom ou de qualité...
Anyway, que ce soit du réel, ou de la fiction, ce ne serait que des réalités virtuelles que
The Peripheral ferait mouche quand même avec son univers palpable, son rapport intuitif à tout ce qui nous échappe et son très honnêtes suspens en béton.
C'est un excellent morceau dans lequel je suis resté plongé avec délectation et émerveillement (bien que tout ne soit pas jojo dans cette vision du monde). Et ce sens de la fiction, un sens "actualisé" de la fiction et du rapport qu'on entretien avec elle, c'est quelque chose de terriblement vivifiant !
Excellent (et plein de gadgets ahurissants).