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| Adalbert Stifter [Autriche] | |
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eXPie Abeille bibliophile
Messages : 15620 Inscription le : 22/11/2007 Localisation : Paris
| Sujet: Adalbert Stifter [Autriche] Mar 31 Aoû 2010 - 23:43 | |
| Adalbert STIFTER(Oberplan, Bohême, 23/10/1805 - suicidé à Linz, le 28/06/1868) Ecrivain, peintre (mais bien meilleur écrivain que peintre !), une des figures du Biedermeier. Fils de paysans, il passe son enfance dans les bois et les montagnes de Bohême. Puis, après des études dans une abbaye bénédictine, au lieu de faire des études de droit à Vienne, il se consacra aux sciences naturelles, à la peinture... Amoureux d'une jeune femme, Fanny Greipl, il ne peut pas l'épouser à cause de l'opposition de ses parents à elle. Il ne s'en remit jamais. Cette figure féminine est d'une grande importance dans sa production littéraire. Il se maria avec une femme qu'il n'aima pas, ne fut pas heureux, et malgré son désir d'avoir des enfants, n'en eut point. Il gagna sa vie comme enseignant, puis publia, et s'imposa comme un des grands stylistes de la langue allemande. Affecté par des deuils, malade, il se suicide en se tranchant la gorge. Son créneau, c'est la Nature - plus grande que l'homme, belle, immuable mais changeante sous la lumière -, qui l'apaise, qui est presque une divinité, une entité. Et puis, on a des gens polis, cultivés, intelligents, qui se disent des choses généralement polies, cultivées et intelligentes (sur l'Art, le Beau, le sens de la vie, les devoirs, la morale...). La plupart de ses textes sont courts, mais on peut citer un très beau pavé, L'Arrière-Saison (aussi appelé "L'Eté de la Saint-Martin", 1857) : c'est son chef-d'oeuvre. Beaucoup de gens très bien ont dit des choses très gentilles sur lui : Nietzsche, Hofmanstahl, Kundera, Handke, Hermann Hesse (qui, dans "Une bibliothèque de Littérature universelle", y place "l'Arrière-Saison, Witiko, les Etudes et les Roches multicolores d'Adalbert Stifter, le dernier prosateur classique de la langue allemande.", voir Une Bibliothèque idéale, Rivages, page 42). Je vais me joindre à ces personnes (pour ce que ça vaut). Il reste qu'Adalbert Stifter (plus encore que Theodor Fontane) est très peu connu en France. On a fait une Lecture en commun pour cet auteur
Dernière édition par eXPie le Mer 1 Sep 2010 - 23:01, édité 3 fois | |
| | | eXPie Abeille bibliophile
Messages : 15620 Inscription le : 22/11/2007 Localisation : Paris
| Sujet: Re: Adalbert Stifter [Autriche] Mar 31 Aoû 2010 - 23:44 | |
| L'Homme sans postérité (Der Hagestolz, 1851 ; 146 pages). Traduit et présenté par G-A Goldschmidt. Phébus libretto. Dans son introduction, G-A Goldschmidt cite Nietzsche qui écrit dans Le Voyageur et son Ombre : "Si l'on excepte les écrits de Goethe et en particulier les Conversations de Goethe avec Eckermann, le meilleur livre allemand qui existe : que reste-t-il de la littérature en prose allemande qui mérite d'être relu et relu encore ? Les Aphorismes de Lichtenberg, le premier tome de l'Autobiographie de Jung-Stilling, L'Eté de la Saint-Martin d'Adalbert Stifter et Les Gens de Selwyla de Gottfried Keller, c'est tout pour l'instant." (page 9). Plus loin, Goldschmidt écrit : "Le génie intime de Stifter échappe en effet comme à plaisir aux mots qui voudraient en fixer l'image. A première vue, rien ne semble émerger de cette oeuvre volontairement banale, parfois humble jusqu'à la trivialité, mais que soulève pourtant une émotion à laquelle il n'est pas facile de résister ; cette sorte de tristesse ample et forte qui baigne ici toute réalité."(pages 9-10). Exactement ! Notre héros, un jeune homme prénommé Victor, a perdu sa mère très jeune. Son père s'est remarié avec une femme qui avait déjà une fille, Hanna, puis décède. C'est donc sa belle-mère, une brave femme, qui l'élève. Un jour arrive où il doit partir pour occuper un poste, mais il doit d'abord passer quelques jours chez un oncle, le frère de son père, un homme étrange qui vit reclus. Le roman commence ainsi : - Citation :
- "Gorgé des rumeurs et des flots de sève montante de leur jeune vie à peine commencée, les jeunes gens escaladaient la pente entre les arbres, parmi les chants des rossignols. Tout autour d'eux se déployait un paysage resplendissant où couraient les nuages. Dans la plaine, en contrebas , on pouvait apercevoir les tours et la masse des demeures d'une grande ville.
L'un des jeunes gens prononça ces mots : « Maintenant, je le sais avec certitude, je ne me marierai jamais. » Celui qui avait parlé était un adolescent svelte, aux yeux doux et ardents. Les autres n'avaient guère prêté attention à ses paroles, certains même répondirent par des éclats de rire, tout en continuant de cheminer, de casser des branches et de s'envoyer des mottes de terre." (page 21). Le lecteur voit tout de suite qu'il est différent des autres. Il est très sérieux, grave. Victor revient chez lui. - Citation :
- "Les rideaux étaient tirés, et par les fenêtres ouvertes on voyait la campagne chaude. Dans la cuisine, le feu flambait sans faire de fumée, et la servante travaillait à ses fourneaux . Tout était plongé dans ce profond silence qui faisait autrefois dire aux païens : « Pan sommeille »" (page 37).
Comme le héros de L'Arrière-Saison, Victor fait méthodiquement, posément, ses paquets, emballe ses livres. Il s'apprête à partir. C'est très beau, tout le monde pleure beaucoup. - Citation :
- "Devant la porte se tenaient les domestiques et le jardinier. Toujours sans un mot il serra des mains à droite et à gauche." (au passage, on sent qu'il est ému, il serre des mains comme ça, quasiment en aveugle, l'absence de précision est très significative).
Un peu plus loin, sa mère parle : "[...] c'est la joie qui me fait pleurer, rien qu'à le voir devenu ce qu'il est. N'est-ce pas étrange : il n'a pas connu son père, et il en a la démarche, le port, la tête. Il sera bon ! Oui, mon enfant, mes larmes sont des larmes de joie !" (page 57). Et Victor quitte la maison. "Il dépassa le grand lilas, traversa les deux passerelles près du verger qui lui était familier depuis tant d'années et monta en direction des prairies et des champs." (page 58). Il a fallu attacher le chien, qui hurle furieusement : il veut partir avec son maître. Brave toutou. Il s'éloigne. - Citation :
- "Le jour resplendissant illuminait toute la vallée. il fit quelques pas sur la cime, et tout disparut derrière lui. Sous ses yeux s'étendait une vallée nouvelle, flottait un air nouveau. Le soleil était déjà assez haut : il sécha et les herbes et ses larmes, réchauffant toute la campagne de ses rayons." (page 58).
"Et le monde devenait plus grand, plus lumineux : ces milliers de créatures dans l'allégresse étaient partout ; Victor cependant allait de montagne en montagne et de vallée en vallée, son grand chagrin d'enfant dans le coeur, les yeux pleins de fraîcheur et d'étonnement. Chacune de ces journées qui l'éloignaient de chez lui le rendait plus ferme et plus vaillant. Le vide formidable de l'air frôlait ses boucles châtaines, les blancs nuages, luisants comme la neige, s'élevaient dans le ciel, exactement comme au-dessus de la vallée maternelle ; ses belles joues étaient déjà hâlées, le havresac sur le dos il avançait, son bâton à la main." (page 62) Car c'est à pied qu'il doit rendre visite à son oncle, homme riche et reclus, sans doute pas sympathique... Victor va bien sûr grandir, mûrir, et se poser les bonnes questions sur ce qu'il veut faire de sa vie. Un très beau roman, qui en fera bâiller certain(e)s, mais que d'autres, peut-être minoritaires, trouveront très beau, délicat, pour tout dire : excellent.
Dernière édition par eXPie le Sam 5 Déc 2015 - 15:34, édité 2 fois | |
| | | bix229 Parfum livresque
Messages : 24639 Inscription le : 24/11/2007 Localisation : Lauragais (France)
| Sujet: Re: Adalbert Stifter [Autriche] Mer 1 Sep 2010 - 0:54 | |
| Moi aussi je le trouve excellent, et pourtant j' ai toujours les memes lunettes et ce sont les miennes ! | |
| | | eXPie Abeille bibliophile
Messages : 15620 Inscription le : 22/11/2007 Localisation : Paris
| | | | kenavo Zen Littéraire
Messages : 63288 Inscription le : 08/11/2007
| Sujet: Re: Adalbert Stifter [Autriche] Mer 1 Sep 2010 - 8:02 | |
| Tiens, merci pour ce fil.. il me reste toujours un livre de lui sur ma PAL.. mais je ne me rappelle pas de son titre | |
| | | tom léo Sage de la littérature
Messages : 2698 Inscription le : 06/08/2008 Age : 61 Localisation : Bourgogne
| Sujet: Re: Adalbert Stifter [Autriche] Mer 1 Sep 2010 - 18:17 | |
| J'ai lu "Der Nachsommer" (L'arrière-saison"?) il y a longtemps, presque trop jeune... Des longues passages sans grandes "actions", mais des descriptions sans fin. Voici un écrivain, capable de décrire une armoire (!) au cours de plusieurs pages. Il faut aimer. Mais quelle maîtrise de la langue, quelle capacité d'être au plus près de la réalité, d'un paysage, d'un objet.
Plus tard j'ai appris que certains prisonniers de la résistance allemande (spécialement Dietrich Bonhoeffer) avaient particulièrement aimé ses écrits, car il stimulait l'imagination. Il rendait possible à ceux qui étaient enfermé entre quatre murs, de s'évader et de se projeter dans la nature (p.ex.)...
Le Witiko est aussi encore sur ma Pal. | |
| | | kenavo Zen Littéraire
Messages : 63288 Inscription le : 08/11/2007
| Sujet: Re: Adalbert Stifter [Autriche] Mer 1 Sep 2010 - 19:31 | |
| - tom léo a écrit:
- J'ai lu "Der Nachsommer" (L'arrière-saison"?) il y a longtemps, presque trop jeune... Des longues passages sans grandes "actions", mais des descriptions sans fin. Voici un écrivain, capable de décrire une armoire (!) au cours de plusieurs pages. Il faut aimer. Mais quelle maîtrise de la langue, quelle capacité d'être au plus près de la réalité, d'un paysage, d'un objet.
c'est celui-là que j'ai commencé.. et oui, il faut avoir un peu le souffle pour le suivre dans ses longues passages.. malheureusement je ne l'avais pas au moment de la lecture. Mais je te suis sur sa maîtrise de la langue et je suis sûre que je vais le terminer un jour parce que c'est vraiment un plaisir de lecture que je ne veux pas manquer | |
| | | Arabella Sphinge incisive
Messages : 19316 Inscription le : 02/12/2007 Localisation : Paris
| | | | kenavo Zen Littéraire
Messages : 63288 Inscription le : 08/11/2007
| Sujet: Re: Adalbert Stifter [Autriche] Mer 1 Sep 2010 - 20:22 | |
| non.. mais je vais poster sur ce fil mes impressions de lecture.. SI je vais y arriver un jour à le terminer | |
| | | eXPie Abeille bibliophile
Messages : 15620 Inscription le : 22/11/2007 Localisation : Paris
| Sujet: Re: Adalbert Stifter [Autriche] Mer 1 Sep 2010 - 23:12 | |
| - tom léo a écrit:
- J'ai lu "Der Nachsommer" (L'arrière-saison"?) il y a longtemps, presque trop jeune... Des longues passages sans grandes "actions", mais des descriptions sans fin. Voici un écrivain, capable de décrire une armoire (!) au cours de plusieurs pages. Il faut aimer. Mais quelle maîtrise de la langue, quelle capacité d'être au plus près de la réalité, d'un paysage, d'un objet.
Plus tard j'ai appris que certains prisonniers de la résistance allemande (spécialement Dietrich Bonhoeffer) avaient particulièrement aimé ses écrits, car il stimulait l'imagination. Il rendait possible à ceux qui étaient enfermé entre quatre murs, de s'évader et de se projeter dans la nature (p.ex.)...
Le Witiko est aussi encore sur ma Pal. Oui, c'est bien ça, Der Nachsommer. L'été de la Saint-Martin, ou l'Arrière-Saison. La longueur des descriptions ne m'a pas du tout gêné. Quand il y a de longues descriptions dans un livre de 200 pages, ça me gêne, mais dans un livre de 650 pages grand format, c'est normal. On prend juste son temps. Je comprends que des prisonniers aient envie de lire Stifter. Il y a du beau (la nature, les fleurs), de la politesse, un monde à mille lieues de l'horreur d'une certaine époque en Allemagne ; et en même temps une certaine exaltation du sens du devoir, je ne sais pas comment dire... du devoir positif, du respect des autres. On est adulte, on prend ses responsabilités, quelque chose comme ça. Ca permet de s'évader intelligemment, tout en se rattachant à des thèmes du présent. De penser à plus vaste que soi, parce qu'un des thèmes, c'est la passation de la connaissance à une nouvelle génération, pouvoir leur donner ce qui est beau, ce qui est bien ; les guider pour les amener à trouver les bonnes réponses eux-mêmes, quasiment sans se rendre compte qu'ils ont été mis sur la bonne voie quand il y avait besoin. Bref, je suis très clair avec moi-même et je comprends bien ce que j'ai laborieusement voulu dire. | |
| | | bix229 Parfum livresque
Messages : 24639 Inscription le : 24/11/2007 Localisation : Lauragais (France)
| Sujet: Re: Adalbert Stifter [Autriche] Mer 1 Sep 2010 - 23:51 | |
| Pour me remémorer L' homme sans postérité, j' ai parcouru un peu le net. Je suis tombé sur ce commentaire anonyme que je transcris tel quel parce que je le trouve simple et beau dans sa description impressioniste : Un adolescent rend visite à son oncle, un vieux célibataire : sur une ile au milieu d' un lac perdu dans les montagnes. L' oncle parle peu, n' a pas l' air commode. A la fin du séjour, et sans que rien ne soit clairement formulé, il aura légué à son jeune hote son bien le plus précieux : l' esprit de solitude. Tout en feignant de n' évoquer que la vie la plus ordinaire, Stifter nous convie sans avoir l' air, à écouter entre les mots la voix de la différence, de l' infrangible singularité des etres, la voix du désir éperdu d' "etre soi" envers et contre la société des hommes. Voilà ! c' est celà. Le long et difficile cheminement de la pensée au delà des mots,... ce qui n' est pas dit, ce qui n' est pas formulé. La voix du silence. J' ai éprouvé cela ausssi en lisant Brigitta. Je comprends mieux pourquoi Niezsche aimait Stifter !
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| | | tom léo Sage de la littérature
Messages : 2698 Inscription le : 06/08/2008 Age : 61 Localisation : Bourgogne
| Sujet: Re: Adalbert Stifter [Autriche] Jeu 2 Sep 2010 - 21:47 | |
| - eXPie a écrit:
Je comprends que des prisonniers aient envie de lire Stifter. Il y a du beau (la nature, les fleurs), de la politesse, un monde à mille lieues de l'horreur d'une certaine époque en Allemagne ; et en même temps une certaine exaltation du sens du devoir, je ne sais pas comment dire... du devoir positif, du respect des autres. On est adulte, on prend ses responsabilités, quelque chose comme ça. Ca permet de s'évader intelligemment, tout en se rattachant à des thèmes du présent. De penser à plus vaste que soi, parce qu'un des thèmes, c'est la passation de la connaissance à une nouvelle génération, pouvoir leur donner ce qui est beau, ce qui est bien ; les guider pour les amener à trouver les bonnes réponses eux-mêmes, quasiment sans se rendre compte qu'ils ont été mis sur la bonne voie quand il y avait besoin.
Bref, je suis très clair avec moi-même et je comprends bien ce que j'ai laborieusement voulu dire. Tu me semblait très clair là! Merci pour ce bon commentaire très éclairant! | |
| | | eXPie Abeille bibliophile
Messages : 15620 Inscription le : 22/11/2007 Localisation : Paris
| Sujet: Re: Adalbert Stifter [Autriche] Lun 27 Sep 2010 - 21:21 | |
| Brigitta (1844 ; traduit de l'allemand par Marie-Hélène Clément et Silke Hass). Fourbis, 122 pages, 1990. Tout comme L'Homme sans Postérité, ce récit fait partie de la série des Etudes (qui comprend également Condor, Les Grands Bois, etc.) Notre héros, comme souvent les narrateurs chez Stifter, se promène de par le vaste monde (c'est-à-dire en Europe), cherche à multiplier ses expériences en visitant divers pays, en apprenant à connaître les gens, les langues et les coutumes. Il espérait "en laissant mes pas me conduire çà et là à travers le monde, vivre et découvrir Dieu sait quoi." (pages 10-11). En Italie, il fait la connaissance d'un major, avec qui il sympathise. - Citation :
- "J'avais fait la connaissance du major au cours d'un voyage, et dès notre première rencontre, il m'avait à plusieurs reprises proposé de venir lui rendre visite dans son pays. J'avais pris cela pour une simple façon de parler, une marque de politesse et d'amabilité comme souvent les voyageurs ont l'usage d'en échanger, et je n'aurais pas accord plus d'importance à ce fait si deux ans plus tard je n'avais reçu une lettre de lui, dans laquelle il s'inquiétait de ma santé et surtout me réitérait l'ancienne invitation à venir le voir et à passer chez lui un été, une année, ou cinq, ou dix ans, ainsi qu'il me plairait, car il avait finalement pris la décision de se fixer en un seul et minuscule point de l'univers, et de ne plus laisser ses pieds fouler d'autre terre que celle de son pays, où l disait avoir trouvé ce qu'il avait cherché en vain de par le monde." (page 11).
Un jeune qui a tout ou presque (enfin... l'essentiel, le profond, et pas le superflus) à apprendre et qui est invité par un ami, un parent plus âgé, c'est un schéma bien classique chez Stifter. Mais ici, l'action se situe en Hongrie, et non plus en Bohème. Il y a un petit peu d'exotisme, les descriptions changent. Le soleil se couche : - Citation :
- "S'ensuivit alors, effectivement, un somptueux spectacle : sur le disque noir de la lande s'était posée la cloche géante du ciel jaune, brûlant et flamboyant, tellement chatoyant pour les yeux, et les subjuguant à un point tel que chaque élément de la terre devient sombre et étranger. Un brin d'herbe de la lande se dresse contre le brasier comme un fléau, un animal passant là par hasard dessine un monstre noir sur un fond d'or, et les pauvres buissons de genévriers et de prunelliers esquissent des cathédrales et des palais lointains. Très vite à l'est, commence à monter le bleu humide et froid de la nuit, et une brume terne et opaque tranche la parfaite splendeur de la coupole du ciel." (pages 42-43).
Comme on le voit, c'est très beau. Le temps passe : - Citation :
- "[je] pris part à la progression des choses qui avançaient devant moi, le doux écoulement monotone de ces journées et de ces occupations m'enveloppa si bien que je me sentis vivre harmonieusement et oubliai nos villes, comme un petit détail qui s'y serait glissé." (page 56).
Bien sûr, comme toujours, il y a un petit quelque chose sous-terrain qui semble troubler la quiétude : - Citation :
- "[...] cependant, je croyais deviner une chose, c'est que dans la vie très pure, très dynamique du major, s'attardait quelque résidu qui empêchait la clarté d'être totale, et il me semblait y discerner cette qualité de tristesse qui ne s'exprime naturellement entre hommes que par le calme et la gravité. " (page 59).
On apprend aussi que le major, entre autres, donne le bon exemple quant à de nouveaux procédés d'agriculture. "[...] aisance et vie meilleure se développent à partir de là." (pages 62-63). C'est du classique, l'homme éduqué, éclairé, qui veut sortir les paysans de leurs méthodes ancestrales, leurs préjugés, en leur démontrant que les nouvelles méthodes sont beaucoup plus efficaces que les leurs. Et, bien sûr encore, il y a une voisine, une dame d'un certain âge : c'est Brigitta... Bref, ce récit a beaucoup de points communs avec L'Arrière-Saison (notamment), mais il n'en a toutefois pas l'ampleur, la profondeur de pensée. C'est une oeuvre bien écrite, bien menée, plaisante, mais quand même un peu mineure comparée à L'Arrière-Saison ou même à L'Homme sans Postérité. | |
| | | animal Tête de Peluche
Messages : 31548 Inscription le : 12/05/2007 Age : 43 Localisation : Tours
| Sujet: Re: Adalbert Stifter [Autriche] Ven 11 Fév 2011 - 23:12 | |
| L'Homme sans postéritéVictor est à la frontière de l'âge adulte. Les études sont terminés et la première prise de fonctions approche... mais d'abord un oncle lointain et étrange le fait venir, à pieds, pour quelques jours, ou semaines... Je commence avec mon grand regret : comme ce livre à l'air rapide. On est tellement bien dans les paysages du début, bercés dans une grande douceur que ça se brusque un peu. Et on suit le mouvement qui développe la pointe de duplicité de la forme choisie. Parce qu'il y a toujours quelque chose qui fait que l'instant n'est pas laissé à lui même. Ou bien il sera autre chose, ou bien il pourrait être autrement... et ce serait justement ce qui le rend si précieux ? je ne sais pas. L'apprentissage permet le doute. Victor a donc quitté sa douce famille adoptive, non sans avoir éclairci quelques troubles de son cœur. Et c'est très bon la manière dont le tourment du jeune homme sur le départ est rendu. C'est tranquille et vrai sans patauger dans le cliché, toujours pour cette part de cheminement et d'ombres ! L'oncle vit retiré sur une île au milieu d'un lac de montagne. Sous une apparence qui effleure l'indifférence et la rudesse, voire la violence (sans trop exagérer cependant, rassurons nous, l'oncle se dévoile peu à peu, au fur et à mesure que VIctor s'émancipe dans une solitude tout à la fois contrainte et goûtée. Les choses se compliquent un peu quand viennent s'ajouter les images de générations entre similitudes et différences. Et ce très beau récit s'achève avec une vigueur très positive, à l'abri des surprises et pourtant... celui qui aura été seul, meurtri lui aussi un peu malgré lui, qui dans les dernières pages si on les lit mot à mot serait une impasse, est celui qui a donné et en pleine conscience. Le jeu des images et des contrastes, encore. L'omniprésence de la nature et des paysages pousse facilement le rapprochement avec le paysage mental et des toiles à la Caspar David Friedrich mais à cette lecture je préférerai marquer un écart, écart valable aussi avec d'autres images très forte comme chez des cinéastes comme Werner Herzog qui passent souvent en force en court-circuitant quelque peu les mécanismes de la réflexion. Dans les paysages de ce livre c'est aussi les sens qui dominent d'une courte avance mais le paysage est intimement lié à la perception qui en est faite, c'est peut-être le grand enjeu d'ailleurs, évident dès ce voyage à pied. La perception qui n'est pas tant mobile dans l'espace que dans l'individu, le temps de l'individu... et comment ne pas vouloir partager, influer et transmettre ? Un peu rapide, et surprenant parfois mais quelle magnifique lecture, très agréable. Et riche et subtile dans le cadre respecté d'une relative simplicité. J'ai adoré. Le contenu et la sereine anticipation du plaisir de revenir à la lecture... En plus une excellente introduction au livre (autre point fort de la collection). (et quel soulagement de retrouver le paysage dans la lecture après une mauvaise lecture... ) - Citation :
Il marcha jusqu'à la crête et se retourna encore. Le jour resplendissant illuminait toute la vallée. Il fit quelques pas sur la cime, et tout disparut derrière lui. Sous ses yeux s'étendait une vallé nouvelle, flottait un air nouveau. Le soleil était déjà assez haut : il sécha et les herbes et ses larmes, réchauffant toute la campagne de se rayons. Victor descendit le versant de la montagne en ligne oblique. Comme il tirait sa montre, il vit qu'il était sept heures et demie. "Maintenant on a sûrement déjà défait mon lit, la dernière chose qui me restait, on aura enlevé les draps : il ne va plus rester que le dur sommier de bois. Mais peut-être les bonnes travaillent-elles déjà dans ma chambre; lui donnant à présent une toute autre allure." Il continua son chemin. En s'élevant, il avait vu croître la distance qui le séparait de la maison qu'il venait de quitter; croître aussi cette autre distance qui séparait ses pensées présentes des dernières paroles qu'il avait prononcées à l'instant de son départ. Son chemin le menait maintenant le long de pentes qu'il n'avait jamais foulées, tantôt il montait, tantôt il descendait. Il était heureux de n'avoir pas dû aller en ville faire ses adieux, car ce n'était pas un jour où il aurait aimé voir ses amis. Des fermes, des maisons surgissaient tantôt à droite, tantôt à gauche du chemin. Ça et là quelqu'un passait, sans lui prêter attention. Midi approchait, mais Victor ne cessait de marcher. Le monde devenait de plus en plus vaste, de plus en plus lumineux : il s'étendait de plus en plus loin au fur et à mesure que le voyageur avançait. Partout où le portaient ses pas, des milliers et des milliers de créatures étaient dans l'allégresse. | |
| | | Cachemire Sage de la littérature
Messages : 1998 Inscription le : 11/02/2008 Localisation : Francfort
| Sujet: Re: Adalbert Stifter [Autriche] Sam 12 Fév 2011 - 12:05 | |
| Merci de ce beau commentaire Animal et particulièrment de cette citation tellement alléchante... (et ma liste qui s'allonge inexorablement ) | |
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