Marcel Duchamp

On peut aimer l'oeuvre de Duchamp ou bien la détester, on peut crier à la supercherie, à la facilité, on peut passer devant sans s'arrêter, il n'en reste pas moins que Duchamp à transformer l'art et que celui-ci ne serait pas ce qu'il est aujourd'hui sans l'oeuvre de Marcel.

Quant à moi après la lecture, très instructive du livre de Marc Partouche : marcel duchamp sa vie, même (al dante/&), j'ai envie de vous parler un peu de ce drôle de type, capable de devenir lui-même une oeuvre d'art. La preuve en image :


Duchamp est d'abord un dessinateur humoristique, il faut s'en souvenir lorsqu'on découvre LHOOQ :


mais surtout il crée un vrai scandale dans le milieu cubiste avec cette toile :


cela pourrait paraître un peu ridicule, mais en 1912, les cubistes ont à peine commencé à définir leur manière de peindre et ils en ont écarté le mouvement. Et voilà que Duchamp propose pour une exposition cubiste du salon des Indépendants, cette toile intitulée : Nu descendant un escalier, deux problèmes interviennent : jamais un tel nu n'a été vu (on voit mal d'ailleurs s'il s'agit d'un homme ou d'une femme) et il est en mouvement. Duchamp écrit : J'ai voulu créer une image statique du mouvement.
Les amis cubistes lui demandent de changer le nom de sa toile, alors Marcel prend un taxi, arrive dans la salle des expos, décroche son tableau et s'en va.

Dans sa biographie, très documentée, sur Marcel Duchamp, Marc Partouche mélange les genres, il fait peu d'analyse de tableaux, il décrit un Duchamp instable, grand joueur d'échecs, séducteur, incapable de rester en place et jamais là où il est attendu, surtout il mêle à son récit des extraits (très nombreux) écrits par Duchamp lui-même. Cette manière de faire rend la lecture très vivante et très ludique.
Ludique est d'ailleurs ce qui me restera de l'univers de Duchamp, un artiste sans oeuvre, ou presque puisqu'elles tiennent dans des valises qu'il fabrique lui-même. Et l'intérêt de Duchamp pour les mots. Il aimait les calembours et les jeux de l'esprit, il renonçait même parfois à certains ready made lorsqu'il ne trouvait pas la phrase qui pouvait les accompagner. Bref un artiste dont chacun s'accordait à distinguer l'intelligence et qui laisse derrière lui une traînée de scandale. Ce qui n'est pas pour me déplaire.

et il y a aussi une lectrice parmi son oeuvre



Clemente, 1910

Duchamp s'est frotté au monde de la finance ....
Il a créé la représentation centrale de cette obligation.

scripophilie.com a écrit:

Roulette de Monte Carlo, Monaco
Obligation de 500F 20% - Paris 1924
Signé à droite par Marcel Duchamp

Obligation dont l'original a été émis en 30 exemplaires par Marcel Duchamp, représentant de l'art dadaïste. Son portrait dans la roulette, avec des cornes et couvert de mousse à raser, est une composition de son ami Man Ray. Chaque obligation porte la signature de Duchamp (à droite) et de celle d'un pseudonyme "Rrose Selavy".

Avec "Fountain", c'est un artiste très important pour l'esthétique analytique en philosophie. Il fut l'un de ceux, qui permirent de remettre en cause la définition de l'oeuvre d'art.

Merci Shanidar pour cette ouverture de fil.

Jimmy a écrit:

Avec "Fountain", c'est un artiste très important pour l'esthétique analytique en philosophie. Il fut l'un de ceux, qui permirent de remettre en cause la définition de l'oeuvre d'art.

Merci Shanidar pour cette ouverture de fil.

Par curiosité, Jimmy, pourrais-tu développer un peu l'esthétique analytique en philosophie ?
Et shanidar a ouvert le fil en 2010 ... Ca sentait le renfermé et j'ai fait un peu la poussière ici moi   

Pour être concis car sur des sujets de ce type on peut en écrire des quantités industrielles sans finalement jamais en parler vraiment.
L'esthétique analytique est la branche esthétique de la philosophie analytique américaine. Elle est née au début des années 50 lorsque l'on a compris avec Duchamp et d'autres artistes comme Warhol que les théories esthétiques d'alors n'étaient plus valides. L'oiseau de Brancusi pouvait il faire partie de la théorie de l'imitation ? De la réprésentation ? De la ressemblance ? Assurément non.
Il convenait donc de réfléchir à l'ontologie de l'oeuvre d'art à nouveau, de se pencher sur son essence, sa valeur dans la société, son institutionalité, son rôle,le rapport au public, à qui elle appartient et beaucoup de questions se rapportant à l'identification artistique. Ses plus grands représentants sont Caroll, Beardsley, Alex Neill, Goodman.

Je conseille pour les amoureux de littérature qui sep osent des questions sur ce qu'ils ressentent, le livre "esthétique contemporaine" paru chez Vrin avec notamment un article qui se pose la question : Comment se fait il que l'on puisse être ému par Anna Karénine, personnage de fiction ?

Pour en revenir à Duchamp, la question de "Fountain" comme oeuvre d'art a fait jaillir le débat si je puis dire dans de nouvelles questions. faut il effectuer un travail technique sur l'oeuvre ? Une oeuvre d'art est elle finalement un objet qui n'a aucune autre utilité que d'être une oeuvre d'art ?

Jimmy a écrit:

Pour être concis car sur des sujets de ce type on peut en écrire des quantités industrielles sans finalement jamais en parler vraiment.
L'esthétique analytique est la branche esthétique de la philosophie analytique américaine. Elle est née au début des années 50 lorsque l'on a compris avec Duchamp et d'autres artistes comme Warhol que les théories esthétiques d'alors n'étaient plus valides. L'oiseau de Brancusi pouvait il faire partie de la théorie de l'imitation ? De la réprésentation ? De la ressemblance ? Assurément non.
Il convenait donc de réfléchir à l'ontologie de l'oeuvre d'art à nouveau, de se pencher sur son essence, sa valeur dans la société, son institutionalité, son rôle,le rapport au public, à qui elle appartient et beaucoup de questions se rapportant à l'identification artistique. Ses plus grands représentants sont Caroll, Beardsley, Alex Neill, Goodman.

Je conseille pour les amoureux de littérature qui sep osent des questions sur ce qu'ils ressentent, le livre "esthétique contemporaine" paru chez Vrin avec notamment un article qui se pose la question : Comment se fait il que l'on puisse être ému par Anna Karénine, personnage de fiction ?

Pour en revenir à Duchamp, la question de "Fountain" comme oeuvre d'art a fait jaillir le débat si je puis dire dans de nouvelles questions. faut il effectuer un travail technique sur l'oeuvre ? Une oeuvre d'art est elle finalement un objet qui n'a aucune autre utilité que d'être une oeuvre d'art ?

Merci de faire l'effort de nous expliquer cela simplement et même pédagogiquement ...
J'ai été voir ce qu'il en était de l'oiseau de Brancusi ... et j'en déduis de l'article sur Wikipedia que l'esthétique est directement assujettie au règlement sur la taxation des produits manufacturés émis par les douanes américaines   

Ah non je voulais pas dire que je devais faire un effort pour que ce soit simple mais c'est un sujet riche.
En effet, toute l'affaire Brancusi se révéla à décider si c'était une oeuvre d'art ou un matériau premier auquel cas il fallait payer les taxes douanières. A ce sujet je livre "querelle de l'art contemporain est magnifique".

Une oeuvre qui illustre bien les problèmes sur la notion d'art que Duchamp souleva, c'est
"Le Grand Verre" ou "La Mariée mise à nu par ses célibataires, même" (1915 1923)

Citation :

Elle est certainement la pièce du XXème siècle qui a suscité le plus d'interprétations.
Il s'agit d'un panneau constitué de deux plaques de verre superposées sur lesquelles il utilise plusieurs techniques: Peinture à l'huile, application de fils de plomb, étamage, trous, poussière...
La plaque inférieure, "les Neuf Moules Mâlic", représente les mâles ou "célibataires" sous la forme de moules pour uniformes masculins (Cuirassier, Gendarme, Larbin, Livreur, Chasseur, Prêtre, Croquemort, Policeman, Chef de Gare)
La plaque supérieure, la mariée "mise à nu avant la jouissance", selon les termes de Duchamp moment du passage de la vierge à la mariée.
Le mécanisme à droite des "hommes" représente l'organe reproducteur du mâle.
En 1923 Duchamp décide de l'inachèvement définitif du Grand Verre.  
Il dit de son oeuvre qu'elle est "une réaction contre la perception rétinienne de la peinture", un "mixage de l'idée et de la représentation visuelle"
Et en 1926 Le Grand Verre est montré pour la première fois au public lors d'une exposition à Brooklyn.
Mais lors du retour chez leur propriétaire les 2 plaques sont simplement superposées et ne résistent pas aux cahots des routes du Connecticut : elles se brisent.

Citation :

"On a posé les deux grandes plaques de verre à plat l'une sur l'autre dans un camion. Le conducteur ignorait totalement ce qu'il transportait: sur 90 kilomètres, les plaques furent ainsi cahotées à travers le Connecticut. Vous avez devant vous le résultat!"

Mais Duchamp n'apprend qu'en 1933 que l'oeuvre à laquelle il avait consacré des milliers d'heures de travail était brisée en mille morceaux.
Sa réaction fut pour le moins surprenante: les brisures subies par le support l'auraient enchanté.

Citation :

"Par leur forme et leur orientation, elle prouvent que l'intervention du Hasard Objectif est capitale."

En 1952 le Grand Verre est légué au Philadelphia Museum of Art.


A ceux que la démarche de Duchamp choque ou indigne, certains auteurs ont peut être répondu de manière anticipée:

Charles Baudelaire a écrit:

Ce qu'il y a d'enivrant dans le mauvais goût, c'est le plaisir aristocratique de déplaire.

Friedrich Nietzsche a écrit:

Le mauvais goût a son droit autant que le bon goût.

Francis Picabia a écrit:

Vous ne comprenez pas ce que nous faisons ? Eh bien chers amis, nous le comprenons encore moins

Et lui même:

Marcel Duchamp a écrit:

Le grand ennemi de l'art, c'est le bon goût.

Toute l'oeuvre de Duchamp est une remise en cause de la nature même de l'oeuvre d'art et de la représentation en général. Son propos somme toute plus philosophique qu'artistique est une question éternellement posé à l'artiste et à sa production.

C'est très esthétiquement cassé...

Ah ! Comus peut mettre des images !   

Etant donnés 1° La chute d’eau ; 2° Le gaz d’éclairage

Oeuvre qui aura trouvé son aboutissement grâce à l'inspiration de la chute d'eau du Forestay, qui se jette dans le lac Léman.

Il y aura une importante exposition Marcel Duchamp à Beaubourg du 24/09/2014 au 05/01/2015 .

silou a écrit:

Il y aura une importante exposition Marcel Duchamp à Beaubourg du 24/09/2014 au 05/01/2015 .

je n'en avais pas entendu parler ! merci silou ! je vais tenter l'expérience !!