Thomas Savage

Thomas Savage (1915 - 7 juillet 2003) est un romancier américain né à Salt Lake City. Il passera une partie de son enfance dans un ranch du Montana, qu'il quitte à 22 ans pour le Maine où il publie le premier roman de ses treize romans, The Pass.

Les ranches de l'ouest américain et les Montagnes Rocheuses fournissent le décor de la plupart de ses romans où l'auteur dépeint des familles animées par la force et la passion des sentiments non-dits.

Les romans de Thomas Savage décrivent également le cheminement des États-Unis vers la modernité : depuis le far-west, la Ruée vers l'or et l'expropriation des Indiens jusqu'à la Grande Guerre et la récession de 1929, en passant par l'arrivée du train, de l'automobile, de la publicité ou encore de la radio…

Thomas Savage est l'auteur de 13 romans ou nouvelles dont 3 ont été traduits en français. Il connut son premier succès, tardif malgré de nombreuses récompenses prestigieuses, avec Le Pouvoir du chien (The Power of the Dog) en 1967 (traduit en français seulement en 2002). (sources wikipedia)

Citation :

Bibliographie/Index (Cliquez sur les chiffres pour accéder directement aux pages)

2002 - Le Pouvoir du chien Pages 1, 2
2003 - La Reine de l'Idaho Pages 2
2006 - Rue du Pacifique Pages 1

Citation :

Arrêté à la page 2 le 15/01/2013]

Je voudrais vous parler du Pouvoir du chien de Thomas Savage.
L’auteur est décédé il y a peu de temps, à l’âge de 85 ans, quasiment inconnu en France mais célèbre aux Etats-Unis. Un premier roman a été publié en français récemment, Le pouvoir du chien donc, un excellent roman que je vous propose de découvrir.

Titre énigmatique il est vrai ( rien à voir avec l’histoire d’un chien), tiré d’un psaume de la Bible qui nous met en garde contre un certain « pouvoir du chien », allusion retrospective à une scène déterminante du récit que vous découvrirez au fil de la lecture.

Décor planté : le Far West.

Non non ! Ici, on est loin, très loin même des stéréotypes galvaudés des aventures à la cow-boys au teint lisse et parfait, ou encore des épopées du type vaillant cavalier intrépide et justicier à ses heures du dimanche dans le Colorado, genre western spaghettis. Ne vous fiez donc sutout pas à la page de couverture… western littéraire alors ? Aucunement, je vous assure.
Il suffit d’ailleurs de se plonger dans la première scène du livre pour saisir immédiatement qu’ici on est au Montana, le pays viril des éleveurs de bétails et des fermiers meneurs d’hommes qui savent, eux, supporter la sécheresse aride des étés et la rigueur dure des hivers. D’ailleurs, au passage, on découvrira le regard sociologique avisé et lucide, implacable et ironique devrais-je plutôt dire, de l’auteur sur cette société rurale d’éléveurs dans les ranchs aux mœurs réglées comme une montre et que nous, Français, connaissons mal. Mais là n’est pas du tout le fond du récit, car à la sociologie rurale se substitue très vite l’immense et très riche psychologie du récit narratif, enlacé dans un drame qui vaudra son pesant d’or, croyez-moi.

Deux frères d’abord qui vivent ensemble. Deux frères, riches propriétaires terriens et éleveurs de bétail, qui mènent d’une main de fer l’exploitation familiale. L’un, George, taciturne, un peu sot et introverti ; l’autre, Phil, intelligent mais vantard, arrogant et sarcastique. Les deux vivent une entente quasi parfaite jusqu’au jour où George décide d’épouser Rose, jeune veuve accompagnée de son jeune fils qui viennent tous deux de subir un drame terrible : le mari de Rose et père de l’enfant a été poussé au suicide par Phil, cet autre frère bien trop sûr de lui pour être honnête… voilà de quoi construire un huit-clos très tendu exacerbant les tempéraments les plus opposés. C’est alors qu’en toile de fond, va se mettre en route une terrible machine à vengeance, sourde, inattendue et machiavélique.
Car, au milieu des pulsions meurtrières, du machisme ambiant, du refoulement, du sarcasme et de la haine de soi et des autres, un seul personnage dans le récit, un seul, le plus fin et le plus délicat d’entre tous, a très subtilement compris le point faible de sa proie.

Mince, j’en dis déjà trop.

Lisez donc ce livre à la psychologie très inattendue, bourré de non-dits, d’inavouables frustrations et qui laisse au lecteur le soin de comprendre par lui-même, mais indirectement, la part sombre de chacun des personnages. L’auteur s’insère très délicatement dans le fil narratif avec une maîtrise qui, en apparence, n’a l’air de rien mais qui, au contraire vous verrez, s’arrange pour générer une tension psychologique haletante, sourde, inquiétante et insidueuse.

Pour moi, c’est un petit bijou de littérature américaine, vraiment très subtil et étonnant par son pouvoir d’insinuation instillé techniquement dans un style à la fois concis, distancié et patiemment maîtrisé.
L’effet cruel et redoutable de la bombe à retardement en est d’autant plus fort... à la manière d’un thriller psychologique hitchcockien. Les adeptes de psychanalyse ne seront pas non plus en reste…l’icône grotesque et intouchable du cow-boy américain macho et viril en prend un sacré coup dans l’aile.

Au terme d’une construction dramatique montée en crescendo, le dénouement final est foudrayant et l’impression finale du lecteur assez saisissante.

guillaume a écrit:

Euh....bien sûr ma critique ne vaut que ce qu'elle vaut ; j'essaierai, la prochaine fois, de faire mieux pour un prochain livre que j'ai beaucoup aimé. C'est important de bien parler, le plus justement possible, des livres qu'on aime. J'espère juste que ça pourra tenter quelqu'un de le lire.

à bientôt

Alors je ne sais pas ce que tu vas nous servir la prochaine fois Guillame, mais si tu essaies de faire mieux, moi carréement je ne vais plus oser poster!!

Je crois que tu en as très bien parlé, le plus justement possible et je peux t'assurer que j'étais tout à fait dans l'intrigue rien qu'à lire ton commentaire: bravo !
Dès que j'en aurai fini avec mes deux bouquins entamés ( Gaudé et Rolin ) je serai fortement tentée de m'y plonger...

Comme je l'écrivais sur le fil présentation des nouveaux, je note le titre. En fait, je vais le souligner suite à la lecture de l'excellent billet de Guillaume! J'ai honte de ma prose moi!

Magnifique commentaire Guillaume!
Je note ce livre vers lequel je ne me serais sans doute jamais dirigée...

Comme toi, j'ai lu Le pouvoir du chien, et je dois dire que c'est un livre qui m'a beaucoup plu. Tu as fait une très bonne description de ce livre et des sentiments des personnages et l'on ne peut faire mieux. On voit que tu es un pro de la littérature. Moi je lis, c'est déjà pas si mal, mais j'ai du mal à faire des résumés et à inciter les autres à lire un livre qui m'a plu, comme toi tu sais si bien le faire.
Continues à partager tes lectures avec nous!

Et bien Guillaume ( mais où est il, il a été enlevé à Londres?) a fort bien parlé de cet excellent roman qui met en scène plusieurs personnages, mais un particulièrement, méchant, pervers même, qui va être pris à son propre jeu. Mauvais, oui, mais ce n'est pas si simple, comme cela ne l'est jamais et , comme l'écrit l'auteur, " Il avait détesté le monde par crainte que le monde ne le déteste le premier"

La post-face est écrite par Annie Proulx, rien d'étonnant ( l'auteur-entre autre- de la nouvelle qui a abouti au film Brokeback Mountain).
Ce qui est plus surprenant ,c'est qu'il ait fallu tant d'années pour découvrir Thomas Savage en France. Comme Wallace Stegner, d'ailleurs, avec lequel Annie Proulx fait un très juste rapprochement. Ce sont effectivement deux auteurs qui écrivent des oeuvres de fiction sur le Far West qui n'ont rien de complaisant...

Marie a écrit:

Guillaume ( mais où est il, il a été enlevé à Londres?) ...

Mais oui...Guillaume ne nous est jamais revenu depuis son voyage à Londres...

Coucou les amis !

Oui je suis de retour, désolé si j'ai pas donné trop de nouvelles ces derniers temps. Merci beaucoup pour vos commentaires sur Le pouvoir du chien, c'est sympa. Moi je trouve pas particulièrement que j'en ai bien parlé, même si j'ai à coeur de parler d'un livre qui en vaut vraiment la peine. Disons que j'avais écrit cette chronique en essayant d'être au plus près de ce que j'avais ressenti. Je suis content de voir que je ne suis pas tout seul à l'avoir lu et à avoir aimé. Cependant je n'ai lu que celui-là pour l'instant. Il est vrai aussi, j'avais oublié de le mentionner, que c'est Annie Proulx qui en a rédigé la préface et ce n'est pas étonnant.

Rue du pacifique (son dernier roman – 290 pages) :

Cet auteur avait incontestablement du talent, il distille à petites doses, par un procédé narratif plutôt subtil (il faudra lire pour le découvrir ), des vérités déplaisantes sur la société américaine du début du 20ème siècle…
Vu vos commentaires sur le Pouvoir du chien, Savage semble avoir une prédilection pour la vengeance et la justice mais cela n’est pas indigeste et compense, nous en avons besoin, son matraquage efficace des « élites ».

Le livre nous raconte l’ascension puis la chute d’une famille dans une petite ville du Montana…cette famille en sort blessée, amputée même, mais un de ses membres va, grâce à une indienne (là aussi il faudra lire pour en savoir plus), pouvoir tenter de sauver son fils d’une grave maladie des os…
L’écrivain nous happe dans son histoire par sa capacité à faire exister ses personnages, surtout ceux qu’il aime bien, les « méchants » sont moins réussis mais qu’importe, nous tournons page après page pour nous laisser emmener dans cette époque, à la fois particulièrement injuste et empreinte de libertés (pour ceux qui ont de l'argent), pas si lointaine de la nôtre…

Le pouvoir du chien : j'ai lu ce livre il y a quelque temps à la suite d'excellentes critiques entendues à la radio et j'ai beaucoup apprécié ce roman qui donne à réfléchir sur les rapports humains et les conditionnements de l'éducation et des moeurs.

Le pouvoir du chien est un livre magnifique, Lys. Et Thomas Savage fait

partie de ces auteurs qu'on a traduits tardivement en français...

Je me rappelle bien du "Pouvoir du chien", cette atmosphère lourde comme un orage menaçant jusqu'à la vengeance froide et incisive... Brrr... Cinglant!

Je voudrais dire à Guillaume et à Sous-marin que je partage leur point de vue.J'y ajoute pour mémoire ce que j'avais écrit sur ces deux romans.

Le fleuve Savage

Il a fallu attendre sa mort ou presque pour que soient traduits en France les livres de ce fabuleux conteur de l'Ouest qu'est Thomas Savage(1915-2003).Mieux vaut tard que jamais et ça valait le coup.A ma connaissance trois livres sont parus.Un petit mot sur les deux que j'ai lus.

Rue du Pacifique est la description d'une petite ville du Montana,état natif de Savage,au début du siècle et juste après la Grande Guerre,qui,on l'ignore souvent,a changé les esprits aussi en Amérique.Des fortunes se construisent(on pense,un tout petit peu à La splendeur des Amberson,qui se passait à l'Est, roman de Booth Tarkington,film du grand Welles). Que voilà un compliment!

Affairisme,humiliation,rivalité des clans. Tout y est pour une sorte de tragédie,avec essor des communications et la très fine évocation d'un continent en train de muter. Thomas Savage ne donne pas dans la saga,souvent agréable mais parfois interminable. Sobrièté et profondeur qui impressionnent et nous font mieux connaître cette époque post-westernienne. La musique de Savage est habile à nous transporter dans la peinture de l'Ouest américain et des âmes qui l'habitent.

Le pouvoir du chien explore la psychologie de deux frères à la tête d'un ranch.Le mariage de l'un et la misogynie de l'autre iront à la lisière du drame en un roman intense et secret qui a conduit certains critiques français à évoquer un Giono qui aurait émigré.Pourquoi pas?Je pense, moi, que Savage se rattache à l'extraordinaire cortège des écrivains américains qui transcendent la courte histoire de leur pays pour lui donner la littérature la plus aboutie.A noter une troisième parution,La Reine de l'Idaho.Bonne lecture chez Belfond ou 10-18.

Le pouvoir du chien

Ce roman, considéré comme le chef d'oeuvre de Thomas Savage, fut aussi encensé par les critiques qu’il fut boudé par le public à l’époque de sa sortie, en 1967. Après n’avoir lu que des avis très positifs sur ce livre, je me suis lancée à mon tour pour voir ce qu’il en était.

En toile de fond, le Far West en 1924, pays rude de l’élevage et univers très masculin des ranchs, en avant-plan, une étude psychologique qui aboutira au drame. Belles descriptions des paysages, nombreux non-dits, mécanismes défensifs bien exploités, homosexualité refoulée et pourtant, il m’a manqué un je ne sais quoi de tension dramatique et de puissance narrative pour être totalement convaincue par l’auteur.

Je m’attendais effectivement à ressentir une certaine forme d’oppression et d’étouffement au fur et à mesure de l’avancement du récit, un peu comme dans le roman « Ouest » de François Vallero qui avait réussi à me prendre à la gorge avec cette confrontation entre le garde-chasse et son maître. Aucun malaise ni sensation d’angoisse dans ce roman en ce qui me concerne, portant le contexte s’y prêtait bien mais je trouvais que les événements s’enchaînaient « gentiment », sans plus, à l’exception d’un final abrupt et inattendu qui prend au dépourvu.

Disons plus simplement que ce ne fut pas une révélation (à force de lire tant de critiques élogieuses, j’en attendais sans doute trop), tout en demeurant une œuvre appréciable et de bonne facture.

Aux vues des commentaires mon prochain achat sera "le pouvoir du chien"