Lecture en commun - Henri Bosco : Le Mas Théotime

shanidar a écrit:

Bosco parle du silence, du renoncement à l'autre, de la communication des êtres au delà du langage, par la grâce d'une communication intuitive, d'une profonde écoute de l'autre, d'une sorte de symbiose qui ne se rencontre pas ou peu dans notre société ultra médiatisée... et cette respiration fait beaucoup de bien.

La paix plus que le bonheur...

Ce voyage au col m'a pacifié.
Les nuits sur les plateaux épandent, semble-t-il, de bonnes influences, et l'on vit pur dans les solitudes des hautes terres.
Quand le temps est beau l'âme y connaît des accalmies et la transparence d'un air naturellement limpide la dispose à la pureté.
Il n'est de paix que dans les purs et il n'est sans doute de purs que les solitaires.
C'est pourquoi, moi qui suis couvert de souillures médiocres, j'aspire à mon apaisement par les voies de la solitude, auxquelles hélas! ne m'a prédisposé que ma sauvagerie native et non point une naturelle élévation de l'esprit. Je me connais.
Je ne pourrai jamais goûter, sur les cols de montagne, qu'un repos éphémère et ces plaisirs des haltes courtes pendant lesquelles on peut jeter un regard sur la terre, avant de redescendre aux ténèbres de la vallée. Regard bref, qui suffit pourtant à donner le goût des hauteurs.
Quant à moi je suis né pour habiter les terres basses, dans les quartiers où on laboure, avec les hommes, autour des maisons familiales qui livrent le pain, l'huile et le lait. Je vis pour les horizons clos et l'amitié des bêtes lentes, le verger, le souci du soir, et le feu d'hiver. Là on devient modeste et laborieux. Là on peine de longs jours sur une pensée et l'on pèse, au bout de l'année, le poids des quatre saisons, qui est bien lourd.
On n'atteint à la paix du coeur, si elle est de ce monde, que par le travail inlassable, la déception fréquente, et le sentiment d'une juste humilité.

J'ai ferme le livre de Bosco et je remercie marko pour cette proposition.

J'en parlerai peut-etre demain ou plus tard, j'ai a digerer.
D'abord, j'ai appris apres quelques recherches que Theotime signifie "Tu m'honorera comme un Dieu" - voila pourquoi ce mas est au centre du roman - ce refuge moral protege Pascal contre "les mauvaises saisons de l'ame".

Je m'attendais a un roman de terroir comme ceux de Christian Signol (que j'aime bien), oui, il y a du rustique, du regional, mais il y a aussi beaucoup d'initiatique et j'ai adore. Silences, reticences, chocs hallucinants, sentiments inexplicables...dans l'univers de Bosco chaque chose a un sens, tout a une vie secrete, on dirait une ame.

Pascal, le personnage principal me semble aller vers le monde pour l'accueillir en lui, pour le sentir de l'interieur.

Arrive-t-il, de cette maniere a la paix et a la serenite? Je crois que les derniers posts de Marie et de Marko ont bien repondu... "La paux plus que le bonheur..."

De toute facon, il y a beaucoup a dire sur ce roman ou tout parle - la terre, le sang, les animaux, les saisons, les demeures, l'eau... et Bosco est un ecrivain que je chercherai a relire.
Mais oui, il m'a sauvee de cette horrible panne de lecture...pas de tous les maux possibles, mais je lui sais gre.

Merci pour cette appréciation sensible et si juste. Je crois aussi qu'il y a des livres qui peuvent faire du bien.

Je suis en train de le lire et plutôt lentement, car ce livre ne ressemble pas aux 2 autres que je connais d'HB (Le sanglier et l'antiquaire, ce dernier étant de loin, celui qui reste mon livre de chevet, que je me garde avec quelques idoles comme Plutarque ou Hesse).

Pour l'instant, j'ai lu une centaine de pages et j'en suis assez chavirée car je ne sais pas trop quelle clef de lecture adopter.

Un moment, je suis partie vers les Rose-Croix également, l'allusion étant tellement évidente.

Puis, ensuite, vers une lecture plus psychologique, avec ce rapport homme-femme assez troublant, un peu hors normes, et ce sentiment d'amour-répulsion entre les 2 protagonistes dès leur enfance. Le contexte familial étant prégnant vers le début du livre, on se dit qu'on va creuser cette dimension-là.

Entre-temps, j'ai été happée par le panthéisme de l'ensemble, par son onirisme aussi.

Du coup, j'avoue que je patauge un peu.

Ne sachant quelle interprétation privilégier. Quand je crois saisir un sens, un autre se colle dessus, je doute, je m'égare et finalement, HB fait de moi ce qu'il veut.

Bien entendu, tout cela sous l'influence de sa poésie, qui imprègne tout de mystère, de silence et d'attente.

Donc, je suis émerveillée.

Et sur mes gardes.

Donc, après avoir lu vos 10 pages de commentaires, passionnantes, je vous livre ma modeste interprétation " à chaud".

Une histoire d'amour, doublée d'une histoire d'Amour.

Amour avec le petit "a" : entre les 2 cousins, il reste platonique pour des tas de raisons que vous avez évoquées et cela tient à la psychologie cohérente des 2 personnages, Pascal et Geneviève. Amour profane, disons.

Amour avec le grand "a" : incarné par le personnage contemplatif de Geneviève, qui, après avoir parcouru les chemins charnels, s'élève vers l'aspiration spirituelle, pour s'en aller finir en Orient. Amour sacré, donc.

Ces 2 quêtes fusionnent à un moment pour mieux se séparer après, et c'est logique.

La voie empruntée n'est pas la même (j'aime quand vous opposez la terre et l'air car je ressens cela aussi, Pascal est chtonien, Geneviève est éthérée).

L'intrigue passionnelle, avec l'arrivée du 3è homme, me semble très mineure.

Elle est simplement indispensable pour l'éclatement de la relation Pascal/Geneviève, puissante mais irréalisable.

J'ai parfois été totalement hypnotisée par certains passages dans la nature (la nuit surtout, qui la décrit mieux qu'HB?).

Je trouve ce livre vraiment original et envoûtant. Dense aussi, j'ai dû interrompre ma lecture à un moment.

Dommage que tu n'aies pas été là au moment de la lecture commune à l'époque. Merci pour ton commentaire intéressant qui ajoute une vision complémentaire et importante à ce roman.