Parfum de livres… parfum d’ailleurs
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 Henri Calet

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Hank
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MessageSujet: Henri Calet   calet - Henri Calet EmptyJeu 13 Jan 2011 - 16:12

Henri Calet

calet - Henri Calet Hc

Biographie : (source : Wikipedia)

Henri Calet, de son vrai nom Raymond-Théodore Barthelmess, est un écrivain français né le 3 mars 1904 à Paris et décédé le 14 juillet 1956 à Vence. Journaliste, il a collaboré , entre autres, à Combat.

Les romans de Calet mettent souvent en scène un Paris populaire de la première moitié du XX° siècle.

Ces dernières années révèlent un regain d'intérêt pour cet auteur, dont l'un des spécialistes est Jean-Pierre Baril.

Deux jours avant sa mort, Calet écrira dans son agenda ces mots émouvants : « C’est sur la peau de mon cœur que l’on trouverait des rides. Je suis déjà un peu parti, absent. Faites comme si je n’étais pas là. Ma voix ne porte plus très loin. Mourir sans savoir ce qu’est la mort, ni la vie. Il faut se quitter déjà ? Ne me secouez pas. Je suis plein de larmes. »
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MessageSujet: Re: Henri Calet   calet - Henri Calet EmptyJeu 13 Jan 2011 - 16:19

La belle lurette


calet - Henri Calet Henricalet-labellelurette

Henri Calet, comme il l'écrit dès les premières lignes dans son style vif et aéré, est né avec le siècle. Le précédent bien sûr, le vingtième. Dans son premier roman, publié en 1935, alors qu'il avait donc une trentaine d'années, Calet se raconte, lui, ses parents et leur entourage. Il raconte la France d'avant 1914, la guerre (il est alors réfugié avec sa mère en Belgique) puis l'entre deux guerres. Il regarde la société et ses congénères avec un regard d'enfant puis de jeune adulte, ironiquement naïf, il décrit les choses de la vie dans toute leur abjection avec légèreté, détachement, tout en laissant sourdre un regard critique d'une acuité et d'une puissance « céliniennes ».

Le quatrième de couverture a beau le réfuter, pour moi, il y a du Céline dans ce regard noir, à contre-courant, mais il se traduit par des mots différents. Nous ne retrouvons pas dans le style de Calet la logorrhée de Céline, pas plus que les hallucinations et la démesure. Il n'y a pas non plus de violence dans la prose de Calet. Il n'y a donc pas grand-chose de Céline me direz-vous, et pourtant, il y a malgré tout, en filigrane, un semblable dégoût des bassesses humaines, du conformisme écrasant, des vérités toutes faites et jamais vérifiées.

Mais quand Céline dégueule tripes et boyaux le monde et les hommes et se remet les doigts au fond du gosier lorsque plus rien ne semble venir, Henri Calet, lui, vomit ce monde discrètement, presque à l'abri des regards, ses remontées acides lui viennent par petits jets de bile, savamment distillés dans son interprétation faussement innocente, trompeusement apaisée.

Henri Calet est donc un homme mesuré, mais ses mots ne trompent pas pour autant. L'amour, le travail, le patriotisme, la morale, tout y passe, et avec style. Il suffit parfois de cinq ou six mots, une dizaine tout au plus, pour faire passer son message au lecteur. Des exemples ?

« (…) L'amour qu'on fait ne vaut jamais cher. (...) » (p.129)

« (…) Une blague qui n'est pas merdeuse, n'est jamais une bonne blague. » (p.137)

« (…) L'onanisme est un plaisir vraiment gratuit. Le vrai plaisir des solitaires et des pauvres. (...) » (p.150)


Et quand l'écrivain est plus prolixe, on jouit tout autant :

« (…) Les pages d'histoire immortelle, on aime bien les lire, mais les écrire et avec son propre sang c'est, tout de même, un peu différent. (...) » (p.64)

« (…) A seize ans, je faisais des poèmes la fleur aux dents. Comme vous et moi.
Bien droit sur mes pieds, mains aux poches devant un objectif absent, raide et tout verbeux j'entonnais mon cantique à la gloire de la Patrie, de la Nature, de l'Amour.
Au choix.
Le climat était propice à la poussée, au développement de pensées nobles et de sentiments élevés. J'en avais, j'en étais plein, j'en débordais.
D'un côté, les bons ; de l'autre, les méchants. Et pas de pitié pour les méchants !
Mes idées, peu nombreuses, n'étaient pas troubles.
Il a fallu du temps pour que tout sorte. Je veux parler des bonnes vérités et des lieux communs que, pendant des années, j'ai rendu en énorme dégueulade.
Ce qui était entré par l'oreille s'en alla par la bouche.
Personne n'en fut incommodé.
Le sceau de fer, les bonnes souffrances, les vieux messieurs – plus près encore : les w.-c. de l'hôtel. - … Oublié, tout cela. L'ingestion avait été massive et parfaitement assimilée.
Fils respectueux en passe de devenir le bon soldat, l'employé ponctuel, le mari aimant, le père à son tour respecté. Facile. Il ne fallait que suivre. J'étais, on le comprend, un petit bonhomme engagé sur la bonne voie. (...) » (p.103)

« (…) De grandes heures sonnaient à l'horloge de l'Histoire. Pour le retour triomphal des héros, nous étions accrochés sur une échelle à vingt francs et mêlions nos pleurs, ma mère et moi.
Ce fut un défilé mémorable.
En tête, le Roi-Chevalier et la famille royale. Tous à cheval.
« Vive le Roi ! Vive la Reine ! »
Et après, les petits soldats, tous les petits soldats qui restaient.
« Vivent les petits soldats ! »
Suivaient les nègres, les Arabes, les Canadiens, les Portugais...
« Vivent les nègres ! »
Les tanks, les canons...
« Vivent les tanks ! »
A la fin, nous avions la gorge irritée. Dans la soirée, la foule a défoncé les vitrines des vendus notoires et rasé la tête d'une douzaine de prostituées de la rue Saint-Laurent, qui avaient commercé de leurs charmes avec les vaincus. On en a déshabillé quelques-unes en pleine rue. Quelle rigolade !
Des patriotes exaltés opinèrent qu'il eût été bon de les livrer à la flamme purificatrice du bûcher, mais cette idée ne fut pas retenue.
On avait tous avalé le drapeau, avec la hampe. » (p.106-107)

« (…) A l'ombre des anciens combattants de retour au foyer, les nouvelles couches rampèrent, poussèrent et s'exténuèrent en cris admiratifs.
Il était de bon ton de s'excuser, en manière de préambule :
Je suis, je le sais, un peu jeune...
Pour un oui et pour un non, à tout bout de champ, ils nous mettaient sous le nez leurs médailles et leurs rubans. Nous dûmes écouter leurs récits de pluies de balles, de nappes de gaz, de marmitages et d'heures « H », qu'ils avaient sur le bout de la langue et que nous eûmes bientôt sur le bout des doigts.
Et par dessus la tête. (...) » (p.109-110)

« (…) C'est dans les salles de cinéma que, chaque semaine, j'allais faire ma provision de femmes. Pour mes nuits.
Un petit billet pour un petit jeune homme.
Muets, coulaient en épisodes hebdomadaires, Judex et le Masque aux dents blanches. Et les premiers petits Chaplin, dont on ne nous avait pas dit encore qu'il était génial. (...) » (p.113)

« (…) J'ai été chercher le travail qu'on rencontrait alors dans tous les coins. Notre pauvre France vivait des jours de prospérité.
Au fond d'un faubourg, près de la Seine, j'ai lu les ardoises accrochées...
« On demande... »
La fabrique de cirage « Kibrill » demandait. Je suis entré pour voir si l'on ne voulait pas d'un petit apprenti désireux de participer à la symphonie du Travail. » (p.138-139)

« (…) A sept heure du matin, la sirène chantait trois fois et nous accourions. Roues, tours, volants, bielles, fraiseuses, courroies, perceuses se mettaient en branle, sous la verrière.
Nous aussi.
Pendant huit heures et souvent plus. (…) » (p.140)

« (…) Quant à ma conscience, elle était devenue totalement aphone.
J'étais dans le chemin des pauvres.
« Poussez pas et suivez la foule. » (...) » (p.141)

« (…) Comme les autres, lavé, peigné, torché, je suivis ma petite route immonde, sous la ville dans le convoi de huit heures et demie des vendeurs, vendeuses, comptables et dactylos dirigés sur les piles de madapolam et les additions du Grand Livre. (...) » (p.167)


Calet aime aussi jouer avec la langue pour exposer son point de vue. Les expressions toutes faites sont une source presque inépuisable en la matière :

« De bonne heure, quand elle n'est pas bonne, il fallait se décoller les yeux pour entrer dans la gueule du loup du commencement d'un jour. » (p.150)

Il y a chez Calet, comme chez Céline, un goût prononcé pour le scatologique, de ses allégories et évocations merdeuses, comme Céline une fois de plus, Calet s'appuie pour remettre l'homme à sa place, dans toute son absurdité, et l'insignifiance de sa condition :

« (…) C'était une allée et venue de gens pressés et soucieux dans un bruit de ventres libérés et d'eau qui s'échappe, en trombe. Les clients avaient une tendance commune à s'enfuir de façon furtive sans attendre le coup de brosse qui fait venir le pourboire dans la soucoupe réservé à son usage.
Les hommes semblaient impatients de retrouver dehors le sentiment de leur valeur, un instant perdue dans la pose accroupie. Les femmes, au contraire de ceux-ci, se trouvaient à l'aise au milieu des exhalaisons bizarres de désinfectant, d'infection et de parfums confondus. En fardant leurs joues et leurs lèvres, elles bavardaient avec moi et traînaient contre l'éventaire de savon, d'ouate, d'épingles que ma mère avait créé.
Attentif, et j'avais promptement acquis un savoir remarquable, je suivais l'évolution tumultueuse des diarrhées ou celle, soupirante, des constipations, jusqu'au froissement de papier de soie annonciateur du dénouement... (...) » (p.70-71)

« (…) Dans un beau mouvement de charité chrétienne, la mère, la brodeuse, vint voir sa fille, l'enfermée. A l'intérieur de la cage obscure, la visiteuse ressentit une grande effervescence intestinale due à la vive émotion. Elle murmura les premiers mots du discours moralisateur et minutieusement préparé :
Ma pauvre fille, je ne te ferai pas de reproches...
La suite ne passa pas entre les grillages fins. Il y eut un déchirement, un brouhaha de pets et de soupirs. La maman éclatait du derrière.
Le tête-à-tête, en ce parloir empuanti, dura le temps réglementaire : une demi-heure.
Oh ! Mon Dieu... Mon Dieu..., disait la vieille dame, par instants et au comble, sans doute aucun, de la confusion.
La fille ne disait rien.
Et la mère partit avec sa harangue rentrée et son caca dans ses jupons blancs et nombreux. Pour ne plus jamais revenir. » (p.24-25)

« (…) Le « lavatory » était un local, au sous-sol, spacieux et illuminé ; ses petits carreaux de faïence blanche, qui recouvraient les murs et scintillaient, me rappelaient les stations du métro de Paris. Le gérant exigeait une propreté flamande. Au cours de ses fréquentes tournées d'inspection, avec l'autorité que confèrent une jaquette noire, un gilet à coeur et un pantalon rayé, il entrait dans chaque cabinet, soulevait le siège, plongeait dans la lunette et flairait, humait, cherchant l'odeur.
Quand il était satisfait de son examen, il partait en déclarant :
« On y mangerait. »
Un connaisseur. (...) » (p.69-70)


Dans ce livre, Calet est en quelque sorte un écrivain dans l'esprit antisocial et individualiste de Georges Darien ou même, d'une certaine manière, Léautaud ; un écrivain qui dénonce l'ignominie de nos comportements de meute, mais n'apporte pas de solution aux problèmes pour la bonne et simple raison qu'il n'en existe aucune.


Juste une précision, pour finir : La belle lurette est probablement un livre un peu à part dans l'oeuvre de Calet. J'ai depuis lu Les grandes largeurs, qui est plus un livre de souvenirs d'enfance, et d'hommage au Paris du début du 20ème siècle, sur un ton beaucoup plus tendre, plus léger, et qui ne manque pour autant pas de charme.
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MessageSujet: Re: Henri Calet   calet - Henri Calet EmptyJeu 13 Jan 2011 - 18:04

C' est sur la peau de mon coeur qu' on trouverait des rides. Je suis déjà un peu parti, absent.
Faites comme si je n' étais pas là.
Ma voix ne porte plus très loin.

Mourir sans savoir ce qu' est la mort, ni la vie.
Il faut se quitter déjà.

Ne me secouez pas, je suis plein de larmes.

Henri Calet. - Peau d' ours

Meme si Calet n' avait écrit que ces quelques phrases, extraites d' un livre inachevé, il mériterait
qu' on ne l' oublie pas...
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MessageSujet: Re: Henri Calet   calet - Henri Calet EmptyVen 14 Jan 2011 - 9:06

Marrant, j'ai lu un article l n'y a pas longtemps dans un quotidien, lequel? je ne sais plus, d'un journaliste, lequel ? Je ne sais plus qui disait grand bien de Callet. Quel livre me conseillez-vous pour aborder cet écrivain ?
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MessageSujet: Re: Henri Calet   calet - Henri Calet EmptyVen 14 Jan 2011 - 13:01

Je n'ai lu que 2 livres pour l'instant, mais La belle lurette - son premier roman - me semble être un point de départ idéal (si les extraits que j'ai cité plus haut te parlent en tout cas).
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MessageSujet: Re: Henri Calet   calet - Henri Calet EmptyVen 14 Jan 2011 - 15:07

Ses récits de voyage pour commencer :L' Italie à la pareseuse, Poussières de la route, Le Bouquet,
un livre autobiographique...
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MessageSujet: Re: Henri Calet   calet - Henri Calet EmptyVen 14 Jan 2011 - 15:26

bix229 a écrit:
Ses récits de voyage pour commencer :L' Italie à la pareseuse
on en avait déjà parlé à d'autres endroits, entre autre ici

pas réussi - à deux reprises - de surmonter les premières 30 pages.. d'un ennui jamais lu jypeurien
si je peux offrir le livre à quelqu'un, qu'il me fait signe Wink
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MessageSujet: Re: Henri Calet   calet - Henri Calet EmptySam 15 Jan 2011 - 12:12

Hexagone a écrit:
Marrant, j'ai lu un article l n'y a pas longtemps dans un quotidien, lequel? je ne sais plus, d'un journaliste, lequel ? Je ne sais plus qui disait grand bien de Callet. Quel livre me conseillez-vous pour aborder cet écrivain ?



Ayant lu la totalité de l'oeuvre de Calet, je te conseillerais "Le tout sur le tout" (L'Imaginaire Gallimard), car il est le livre de son bilan d'homme de 40 ans, qui déambule dans les dédales de sa vie, depuis le jour de sa naissance.
Bien que Calet y brouille parfois les pistes, tout ce qui l'a constitué s'y trouve ... sourire



Incipit :


Citation :
Je suis parisien de naissance, tout comme mon père qui est né rue des Alouettes, à Belleville; mon grand-père, Paul alexandre, naquit à Cheptamville, en Seine et Oise ...



Excipit :


Citation :
Vieillir sur l'avenue d'Orléans, puis mourir sans douleur, comme on met simplement une lettre d'adieu à la poste, ce n'est pas demander l'impossible, après tout.
Mais, en attendant, encore un peu-peu ...




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MessageSujet: Re: Henri Calet   calet - Henri Calet EmptySam 15 Jan 2011 - 12:29

bix229 a écrit:
Ses récits de voyage pour commencer :L' Italie à la pareseuse, Poussières de la route, Le Bouquet,
un livre autobiographique...



Ses récits de voyage n'en sont pas, ou si peu ... Very Happy ... Calet ne s'inscrit pas dans la lignée des écrivains rédigeant un guide touristique pour intellectuels, férus d'Arts ... refusant les émerveillements convenus, il est absent du paysage :

Citation :
Et c'est bien ce qui déconcerte en Italie : on ne parvient pas facilement à voir au-delà, au-dessous de la peinture (ni de la légende ni de l'Histoire ni des chansons). L'Italie est revêtue d'une croûte, d'une patine artistique et romanesque qu'il faudrait avoir l'énergie de gratter;
mais on est si nonchalant ... (L'Italie à la paresseuse, p.62)






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MessageSujet: Re: Henri Calet   calet - Henri Calet EmptySam 15 Jan 2011 - 16:05

Le tout sur le tout.. Noté !
Qu' as-tu pensé de Peau d' ours que je ne connais pas, à part les phrases citées...
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MessageSujet: Re: Henri Calet   calet - Henri Calet EmptyLun 17 Jan 2011 - 14:27

bix229 a écrit:
Le tout sur le tout.. Noté !
Qu' as-tu pensé de Peau d' ours que je ne connais pas, à part les phrases citées...



Ces quelques lignes de "Le tout sur le tout" qui en donnent le ton :


"J'ai vécu comme j'ai joué - fiévreusement - j'ai perdu; j'ai procédé sans aucune méthode, j'ai misé aussi le tout sur le tout, jour après jour, cela finit par peser lourd; on dirait déjà les premières pelletées qui tombent ...
La vie, un petit mot d'une syllabe, presque un soupir. "
(Le tout sur le tout / p.118)



Quant à "Peau d'ours", il n'est pas vraiment un roman inachevé, mais plutôt un projet du roman ... à sa mort, Calet a laissé des notes et des feuillets disparates, pour beaucoup annotés, (comportant des dialogues, des descriptions d'ambiance, et des réflexions ) qui ont été regroupés et triés dans un strict ordre chronologique, et dans lesquels s'intercalent des lettres personnelles de cette époque.
L'intérêt de "Peau d'ours" réside surtout dans la découverte de la manière dont il travaillait.

Cependant, on peut y lire quelques passages plutôt aboutis, tel celui où il évoque René Daumal :


"S'ouvrir en deux ... Daumal. Comme lui, je vais me pencher un peu, et tomber. Daumal n'a jamais pu s'ouvrir complètement - personne ne peut s'ouvrir. On part en emportant avec soi des richesses, sans avoir eu le temps de les étaler au grand jour.
Tant pis. certaines pierres précieuses ne donnent leur plus vif éclat que dans une lumière noire; je ne sais comment (ni pourquoi) ça lui est arrivé : il était trop curieux de voir ce qui se passe de l'autre côté : il s'est penché, il a perdu l'équilibre, il est tombé."
(p.121)



Les célèbres phrases de "Peau d'ours", souvent citées, sont les ultimes lignes, datant du 11 juillet, qu'il ait écrites et sur lesquelles se referment ce livre.
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MessageSujet: Re: Henri Calet   calet - Henri Calet EmptyMar 18 Jan 2011 - 0:42

Ce qui semble étonnant, à la lecture de ces différents extraits, c'est à quel point le ton peut changer d'un livre à l'autre, parfois léger, parfois grave, à d'autres moments désabusé, ou même assez lyrique dans l'extrait de la bio...
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MessageSujet: Re: Henri Calet   calet - Henri Calet EmptyMer 9 Fév 2011 - 13:10

Hank a écrit:
Ce qui semble étonnant, à la lecture de ces différents extraits, c'est à quel point le ton peut changer d'un livre à l'autre, parfois léger, parfois grave, à d'autres moments désabusé, ou même assez lyrique dans l'extrait de la bio...


Tous ces qualificatifs conviennent parfaitement à son personnage, sauf peut-être celui de "lyrique", car jamais Calet ne se laisse emporter par des envolées exaltées, il est au contraire l'écrivain de la retenue, de l'intériorité.
Henri calet appartient à cette famille d'auteurs qui écrivent à voix basse, en sourdine.
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MessageSujet: Re: Henri Calet   calet - Henri Calet EmptyDim 8 Mai 2011 - 11:40

calet - Henri Calet Calet10





Résumé de l'éditeur :

Citation :

"Contre l'oubli" rassemble des reportages, des chroniques, parus pour la plupart dans "Combat et Terre des hommes" entre 1944 et 1948, ainsi que dans "La Femme". La fin de la guerre, ses lendemains. Une époque en demi-teinte : le soleil de la victoire crève à peine le brouillard des chagrins.
Une époque pour Calet, dont l'humanité, la mélancolie, la simplicité et l'humour acide triomphent ici dans l'évocation de Couillard défiguré par un milicien ou dans le compte rendu d'audience d'un tribunal américain à Paris, qui n'hésite pas à distribuer des peines démesurées aux G.I. libérateurs pour vol de cigarettes, marché noir.
Mieux qu'un recueil d'articles, ce livre est un fragment d'histoire de France, à fleur de peau, laissé par un possédé du quotidien qu'il faut redécouvrir. (Les cahiers rouges /Grasset)




Bien que cet ouvrage soit posthume, son titre est de Calet, qui en avait remis le manuscrit (plutôt un brouillon de notes) au directeur des Editions Grasset; manuscrit sur lequel il comptait encore travailler, en corrigeant les épreuves. L'ordre établi par Henri Calet en a été scrupuleusemnt respecté, seuls deux titres ont été ajoutés : "Les Survivants de Fresnes" et "Ne les oublions pas encore".
Dans sa préface, Pascal Pia nous livre ces quelques lignes dactylographiées, extraites de ce brouillon de notes, qui semblent écrites dans l'urgence par Henri Calet, sans doute prescient de l'imminence de sa mort, après avoir subi une première crise cardiaque :





"C'est comme ... pris dans un coup de vent, bourrasque, et que l'on cherche une pierre pour poser les papiers
qui déjà s'envolent
les retenir
affolement
tout s'envole
J'ai senti ce coup de vent et j'ai cherché à rassembler ces papiers qui risquaient de s'envoler."





J'ai pris un peu sur mon temps, pour recopier ce passage de l'un de ces articles, mais il m'a semblé qu'il ne pouvait en être autrement ... je n'évoquerai pas la pudeur, la tendre humanité, et toutes les qualités d'âme qui font de Calet l'un de mes écrivains phares , car ces quelques lignes suffisent à le comprendre ... il y a quelques années, à la lecture de ces lignes, les larmes me sont montées aux yeux ... en ce jour de commémoration de l'armistice, je pense à cette femme, symbole de la souffrance vécue dans les camps de la mort ...
Madame de Ravensbrück, malgré votre humilité, en toute simplicité, en vous annoblissant, Henri Calet vous a rendue éternelle ...



Citation :


Madame de Ravensbrück



[...] Des histoires de retour , il y en a déjà beaucoup qui circulent. On peut en entendre partout. Chaque queue à la sienne, chaque rue, chaque maison presque ... J'en connais une. C'est l'histoire d'une absente, libérée d'Allemagne, de Ravensbrück. Il y a quinze jours qu'elle se trouve ici, à Paris. Elle ne veut pas encore retourner chez elle, dans la ville de province où son mari, un médecin, l'attend.
Une très belle histoire, plus belle qu'un conte, invraisemblable tout autant.
Il me faudra des mots très doux, des mots neufs, pour bien la raconter. On se sent un peu dérouté devant la grandeur, la beauté; on en a perdu l'habitude.
Elle a été déportée en décembre 1943. Décembre 43, avril 45 : dix-huit mois environ.
Elle était agent de liaison dans un corps franc. Mais dix-huit mois d'Allemagne, de Ravensbrück, qui valent dix-huit ans. Elle avait trente-deux ans; elle en a plus de cinquante aujourd'hui. Elle était jolie et blonde; elle est vieille, sans couleur, ils ont rasé ses cheveux.
Cette femme n'a plus que ses yeux bleus d'avant, et encore ils sont comme battus par toutes les tempêtes, encore égarés du côté des horreurs de la Poméranie.
[...]En Allemagne, cette femme a lutté durant les mois de sa captivité pour défendre sa joliesse, pour conserver sa santé, pour retenir sa jeunesse. Tous les jours de sa détention, elle a fait de la gymnastique, elle s'est soignée quand même, comme elle a pu, en dépit de la lourde fatigue. Il faut avoir été prisonnier pour bien comprendre ce que cela représente de volonté et d'espoir.
Maintenant, elle veut essayer de revivre. mais elle refuse la pitié pour sa déchéance et sa misère, elle refuse l'admiration que lui vaut sa vaillance. Elle ne veut pas encore reprendre le chemin de la maison ni revoir son mari, ni qu'il la revoie.
Avant, elle va tâcher de retrouver toute sa blondeur, un peu de sa fraîcheur; dans trois semaines, à peu près, ce sera le jour anniversaire de leur mariage. Elle aura une robe pareille à celle qu'elle portait ce soir de l'hiver 1943, quand elle est partie en voyage; elle aura le même sourire, le même parfum dans les cheveux qui seront redevenus longs et blonds.
Peut-être. Pas de pitié, non, mais seulement l'amour qu'elle avait laissé là-bas.
[...] Une femme seule avec sa seule énergie, qui tente de reconstruire son existence. mais où vend-on les crèmes, les eaux, les poudres qui effacent aussi les souvenirs et la tristesse définitive qui demeure au fond du regard ? Où est cette boutique ?
[...] Devant vous, on se trouve maladroit et l'on ne sait comment qualifier votre étonnante conduite, Madame de Ravensbrück.


(La Femme, 3 mai 1945)








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MessageSujet: Re: Henri Calet   calet - Henri Calet EmptyVen 26 Juil 2013 - 19:26

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calet - Henri Calet Calet10



Quatrième de couverture :

Calet, l'indigène de Montparnasse, en visite dans les arcanes et les hôtels particuliers de la capitale, interrogeant grandes duchesses et baronnes pas tout à fait nées on croit rêver ! Pourtant, il faut lire l'enquête du Croquant indiscret pour tout comprendre des frusques et des frasques du Tout-Paris des années cinquante. Cet ouvrage tient du document et du divertissement. Calet se promène chez les riches le sourire en coin mais sans jamais caricaturer ; il cambriole des yeux et des oreilles la haute société avec l'aplomb, la santé d'écriture d'un type qui achète ses costumes à tempérament et qui n'a toujours pas réglé sa note de dentiste.


"En novembre 1954, "Le Nouveau Femina" commande à Calet un reportage sur ce qu’il est convenu d’appeler "les femmes du monde" :

Sous le titre "Les deux bouts dorés", Henri Calet entreprend, début février, de réunir les textes parus dans "Le Nouveau Femina". L’ouvrage est tour à tour refusé par Gallimard, Plon, Le Seuil et Julliard. Rebaptisé "Le Croquant indiscret", il ne sortira chez Grasset qu’en novembre 1955."
(Source : Encres vagabondes)







Il est plutôt cocasse de suivre Calet dans son initiation des us et coutumes du gotha parisien, lui, l'infatigable arpenteur de bitume, l'enfant des quartiers populos.
D'hôtel particulier en hôtel particulier, avec la même apparente égalité d'âme, il explore les arcanes de la haute société avec le sérieux d'un ethnologue en immersion dans une tribu lointaine, ce qui donne lieu à la description de scènes aussi hilarantes que pittoresques, que ce faux candide agrémente de commentaires intérieurs tantôt badins, tantôt teintés d'une pointe d'ironie bonhomme.
Néanmoins, Calet ne se livre pas à une critique de moeurs, ni à une critique sociale, car il y a belle lurette qu'il a épousé la cause du fatalisme.
Ainsi, son oeil observateur se veut-il toujours empreint de la même tendresse bienveillante qu'il pose sur "les petites gens".
Lucide, Henri Calet sait que la nature humaine demeure immuable, avec ses travers et ses qualités, et ce, quel que soit le milieu social.
Ce reportage s'achève cependant sur une note mélancolique : Calet se doit d'avouer que ces existences luxueuses ont réveillé en lui le désir d'une vie facile; le "Croquant" ayant déjà pris des habitudes de "tout à fait né", loin des contingences financières qui font son ordinaire.

L'écriture est sobre, la plume aussi légère que les bulles de champagne dont raffole ce "beau monde".

Entre sourires et éclats de rires, les 128 pages narrant les pérégrinations mondaines de ce "Croquant" se lisent très vite, trop vite : ouvrage à conserver à portée de main, pour les jours de blues.  






En exergue :

-J'ai le droit d'être grossier, parce que je suis bien élevé.
(Un homme du monde, XX ème s.)



Extraits :


"Voilà que j’allais pénétrer en pays étranger. Après le petit monde, le grand. Je devais me préparer à une campagne difficile." (p.16)


"Je devais m'efforcer de me défaire de tout parti pris, de tout sectarisme et, parallèlement, d'une tendance secrète à l'admiration. Il n'eût pas été raisonnable de continuer à chantonner à part moi des refrains vengeurs; au moins pour quelque temps.
Et d'ailleurs, il est de bons riches; je m'en porte garant. Par exemple, j'ai connu une dame, de religion réformée,, qui avait tenu à ce que les lieux d'aisances des personnes de service - car elle appelait ainsi ses domestiques - fussent peints dans la même nuance ivoirine que les siens propres."  (p.17)




"Je m'instruisais, tandis que Madame V ... poursuivait :
- Le Tout-Paris se divise en plusieurs catégories : il y a le milieu de la chasse à courre, la banque, les courses ...
cela, je le savais déjà par Mme Victoire.
- Il y a des mots de passe. L'idéal est d'être appelé par son prénom ou par un dimitutif ...
[...]
C'est bien curieux : dans le Milieu tout court, on se plait également à se servir de diminutifs : Bébert, entre autres, ou Nénette, ou Riri ... Et là aussi, on use fréquemment d'un jargon.
Mme V ... était vraiment une informatrice inappréciable. C'est de sa bouche que j'ai entendu, pour la première fois, les expressions : à demi-né, tout à fait né, pas du tout né. Des "tout à fait nés", il y en avait peu; en revanche, un grand nombre de "pas du tout nés", ce qui est mon cas, hélas !" (p36 et 37)




"Les puissants, on les envie, on les hait, on essaie de les déposséder, de prendre leur place... Ce n'est pas chose commode. Il est arrivé exceptionnellement qu'on les a décapités, mais les têtes ont repoussé. Les H.P. demeurent, et nous restons dans nos régions. Confessons-le : nous sommes assez fiers de cette richesse qui n'est pas à nous.
Il me souvient de certaines balades que j'ai faites par là, jadis, en compagnie de mon père. Nous en venions toujours au même petit passe-temps qui consistait à estimer le nombre de ces propriétaires d'H.P. et nous nous amusions à évaluer ce que pouvait être leur fortune commune.
Que l'on ne me prête pas des opinions extrémistes que j'ai dû perdre en chemin. Grâce à nos riches, nous avons une ville propre et monumentale où il nous est tout de même permis de faire de jolies excursions.
D'ailleurs, nous avons aussi notre raison d'être. En jouant convenablement notre rôle d'ilotes involontaires, ne redonnons-nous pas aux « heureux » le goût de l'existence ?
Sans nous, ils risqueraient d'être encore bien plus à plaindre."(p.45 et 46)



"Madame M ... allait donner une impulsion nouvelle à notre discussion.
- Après tout, être mondaine, ce n'est pas plus futile qu'être une mère de famille nombreuse qui s'occupe du matin au soir de son ménage, de sa cuisine et du reste.
Il se peut que j'aie approuvé de la tête. (p.50)
[...]
Sur ce, elle s'est mise à parler des clochards sans inutile sensiblerie. Sont-ils à plaindre ? Elle n'en était pas persuadée. Moi non plus. Nous en étions venus à considérer les humains d'un point de vue assez élevé, quasi boudhique.
- Qu'est-ce que l'utile ? a-t-elle demandé.
Elle avait un fort gros diamant-jonquille au doigt.
Qu'est-ce que l'utile ?  me demandais-je à mon tour.
- Vous, quand vous avez besoin d'un pantalon de flanelle et d'une veste de tweed, vous vous les payez, n'est-ce-pas ?
Sur ce point, j'aurais dû faire quelques réserves : d'abord ma veste n'est pas en "tweed" - ou cela m'étonnerait - ni mon pantalon en flanelle. Pour tout dire, je ne sais pas très bien ce que c'est que le tweed et j'ignore en quelle matière est tissé mon pantalon. Le vendeur ne m'en a pas informé, et j'eusse trouvé déplacé de l'interroger là-dessus. J'ajoute que depuis quelques temps déjà, j'achète mes vêtements à crédit uniquement. Mais j'ai gardé, sur l'instant, tout cela pour moi"." (p.51 et 52)  




"La duchesse, grande, maigre, myope, très apprêtée, fardée, m'a accueilli le chapeau sur la tête, comme si elle était sur le point de sortir. Sans perdre de temps, elle m'a présenté une longue suite de récriminations, mais sur un ton plutôt gentil.
- Depuis la guerre, on remarque un retour à la simplicité. Il y a moins de plats à table. Les fournisseurs vous tendent la main les premiers. Moi, je leur fais un petit geste de la main, "Bonjour", je ne peux pas leur tendre la main. C'est la démocratisation. J'ai vu des femmes très bien serrer la main à ma femme de chambre. Dans vingt-cinq ans d'ici, les domestiques ne parleront plus à la troisième personne, ils vous diront : vous.
En peu de mots, elle avait dessiné les grandes lignes d'un univers de catastrophe.
Et qui eût pu lui garantir que dans vingt-cinq d'ici, les domestiques ne vous diraient pas : tu ? Qui sait même si cette engeance existerait encore ? Il valait mieux n'y point penser." ( p.108 et 109)



"Il était évident que j'avais peu de chances de faire figure dans cette société. Avant tout, il me manque une décoration, Légion d'honneur ou autre faveur. Si encore j'étais sodomite, un tant soit peu... Non, de quelque côté que l'on me considère, je n'ai rien pour moi." (p.117)
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