J.K. Huysmans

Nous sommes d'accord alors.

Amicalement.

[quote="lekhan"]

paralittérature a écrit:

Je ne sais pas, je citerais juste Heidegger:

« Le distancement caractéristique de l'être-avec-autrui implique que l'être-là se trouve dans son être-en-commun quotidien sous l'emprise d'autrui. Il n'est pas lui-même, les autres l'ont déchargé de son être. Les possibilités d'être quotidiennes de l'être-là sont à la discrétion d'autrui. Autrui, en ce cas, n'est pas quelqu'un de déterminé. N'importe qui, au contraire, peut le représenter. Seule importe cette domination subreptice d'autrui, à laquelle l'être-là, dans son être-avec-autrui, s'est déjà soumis. Soi-même, on appartient à autrui et l'on renforce son empire. "Les autres", que l'on nomme ainsi pour dissimuler le fait que l'on est essentiellement l'un d'eux, sont ceux qui, dans l'existence commune quotidienne, se trouvent "être là" de prime abord et le plus souvent.En usant des transports en commun ou des services d'information (des journaux par exemple) chacun est semblable à tout autre. Cet être-en-commun dissout complètement l'être-là qui est mien dans le mode d'être d'"autrui", en telle sorte que les autres n'en disparaissent que davantage en ce qu'ils ont de distinct et d'expressément particulier. Cette situation d'indifférence et d'indistinction permet au "On" de développer sa dictature caractéristique. Nous nous amusons, nous nous distrayons, comme on s'amuse; nous lisons, nous voyons, nous jugeons de la littérature et de l'art, comme on voit et comme on juge; et même nous nous écartons des "grandes foules" comme on s'en écarte;nous trouvons "scandaleux" ce que l'on trouve scandaleux. Le "On" qui n'est personne de déterminé et qui est tout le monde, bien qu'il ne soit pas la somme de tous, prescrit à la réalité quotidienne son mode d'être. (...)
Le "On" se mêle de tout, mais en réussissant toujours à se dérober si l'être-là est acculé à quelque décision. Cependant, comme il suggère en toute occasion le jugement à énoncer et la décision à prendre, il retire à l'être-là toute responsabilité concrète. Le "On" ne court aucun risque à permettre qu'en toute circonstance on ait recours à lui. Il peut aisément porter n'importe quelle responsabilité, puisque à travers lui personne jamais ne peut être interpellé. On peut toujours dire : on l'a voulu, mais on dira aussi bien que "personne" n'a rien voulu.»

Bonjour Lekhan
Il est bien gentil, Heidegger, mais quand quelqu'un me dit "je l'ai dit à tout le monde !" d'un air de reproche (parce que tu vois, je suis d'un naturel assez distrait) j'ai plutôt tendance à répondre "excuse-moi, je ne m'appelle pas Toutlemonde" !
C'était juste une parenthèse.

Et tu lis Sartre en ce moment?

Blague à part, je ne le citais que parce qu'on l'a également attaqué sur ces prétendues idées. Mais dans un essai, le philosophe théorise, il est donc en position d'observateur, son moi, n'intervient pas dans son on, ni dans son je, ou à une échelle involontaire, inconsciente, ou exprimée.

Cela dit je ne conteste pas, je trouve ça facile de ramener un auteur à ses jugements personnels, jugements qui plus est qui ne rentrent pas en conséquence dans son œuvre. Et ce quel que soit l'auteur, l'artiste, ces positions, ou son contexte.

Je viens de lire Gilles de Rais de Huysmans.

Un de mes amis m'avait fait lire l'incroyable description de la Crucifixion de Grünewald qui était faite dans Là-Bas, et m'avait convaincu de l'acheter.
Avant de me lancer dans cette lecture, j'avais donc acheté Gilles de Rais en guise de préambule, mais je m'aperçois avec beaucoup de déception que ce n'est qu'un ensemble de citation provenant de Là-Bas...
Malgré tout, le texte est articulé de façon à donner sens, et décrit la vie de Gilles de Rais de bout en bout là où les passages qui le composent sont apparemment répartis un peu partout dans Là-Bas.
De plus, on aperçoit déjà la grande érudition de l'auteur, et son travail de perfectionniste, qui doit venir de ses premières amours pour le naturalisme, qui se traduit jusque dans le lexique et la syntaxe archaïsantes. Il y a même un certain humour sous-jacent, provoqué par le contraste entre la position objective du narrateur, et la violence des mœurs décrites, qui me rappelle un peu (dans un tout autre genre) celui des visiteurs. Il a vraisemblablement prendre beaucoup de plaisir dans ses recherches, et il le partage dans ce texte.
Je suis encore plus impatient de me promener dans ce musée de l'ésotérisme, de l'alchimie, de la magie noire et du satanisme que doit représenter Là-Bas. Il est vraiment dommage qu'il n'y ait plus d'auteur pour écrire avec cette même précision, et cette légère ironie les recoins plus obscurs de notre histoire.

A Rebours, découvert à la bibliothèqu du Lycée quand j'avais 16 ans ... et je l'ai gardé.

Vous me pardonnerez ma franchise , mais pour avoir lu ses principaux livres d'affillée à l'époque, très clairement plus il se convertit au catholicisme, plus la qualité littéraire ( pour ma part) baisse .. je me suis tapé pour finir la cathédrale, et arrivé à l'Oblat j'étais mouru d'ennui, comme dit ma fille de 8 ans.

C'est peut être la lecture d'un garçon de 16/18 ans , mais j'ai retrouvé récemment la même opinion chez Edmond de Goncourt dans le journal lu récemment .

Le perfide Edmond rajoute même qu'il pourrait bien s'agir d'opportunisme de la part de Huysmans , qui après le naturaliseme était passé au satanisme , et qui amorcerait ainsi un nouveau fond de commerce.

J'ai enfin découvert A rebours, et ça a été vraiment une admirable découverte ... Le style de l'écriture m'a tout de suite accrochée, une écriture synesthésique, où chaque sens se mêle aux autres ; une sorte de stream of consciousness avant l'heure dans les multiples souvenirs et associations d'idées de Des Esseintes. Admiratrice de la poésie de Laforgue, j'ai retrouvé dans ce texte le même goût pour les mots rares et inusités, le même intérêt pour l'artifice et cette même image du clown triste - pierrot lunaire qui me fascine. Le personnage en se rattachant à l'art et à l'esthétique nous paraît à la fois drôle et pathétique, il revit sa vie passé à rebours quand son regard se pose sur un objet susceptible de le rappeler. Je ne sais que dire, j'ai déjà écrit une longue note dithyrambique sur mon blog de lecture, et ici j'ai toujours l'impression de mal m'exprimer quand j'essaie de condenser. Toujours est-il que je suis conquise (même si ce que l'auteur a écrit après sa conversion m'attire moins a priori). Une véritable découverte de lecture ...

D'ailleurs si vous avez des titres à recommander pour continuer cette découverte, je serais ravie d'avoir vos suggestions.

Ah, Nibelheim, je te conseille vivement le cycle de Durtal !
Là-bas, en Route, la cathédrale, l'Oblat...
Je l'ai terminé tout récemment:/, de très beaux moments de lecture . D'ailleurs l'an prochain je vais essayer de travailler sur Huysmans dans le cadre de mon master; j'aimerais bien comparer le cycle de Durtal à A rebours, justement, pour voir comment la décadence est traitée dans les différents ouvrages. Enfin bon, reste à voir si cela n'a pas déjà été fait
Sinon, de Huysmans, tu as aussi ses nouvelles (dispo en GF) qui sont très bien, surtout A vau-l'eau...Elles sont assez représentatives de lomni-présence de la décadence, qu'on retrouve tout le temps dans les romans de Huysmans par tous les moyens...

l'Oblat c'est celui que tu dois m'offrir n'est-ce pas?

Acta est fabula a écrit:

l'Oblat c'est celui que tu dois m'offrir n'est-ce pas?

Quelle mémoire
Je le ferais volontiers, mais alors je t'offre tout le cycle de Durtal, puisqu'on ne trouve l'oblat que sous la forme "groupée", avec les autres romans...

Fantaisie héroïque a écrit:

Acta est fabula a écrit:

l'Oblat c'est celui que tu dois m'offrir n'est-ce pas?

Quelle mémoire
Je le ferais volontiers, mais alors je t'offre tout le cycle de Durtal, puisqu'on ne trouve l'oblat que sous la forme "groupée", avec les autres romans...

Si tu veux

Au début fût le style. Celui du seul et unique personnage principal tout d'abord, Des Esseintes, qui afin d'échapper à une société trop grossière pour lui, se cloître dans la solitude d'une demeure fantasmagorique où il expérience son "art de vivre". Style littéraire aussi et surtout, d'une richesse linguistique inouïe, travail d'orfèvre halluciné qui porte l'œuvre de bout en bout à travers cette écriture nerveuse et jubilatoire.
On se heurte ainsi à des descriptions d'une méticulosité vertigineuse lors des soliloques de Des Esseintes: peinture, art floral, musique, littérature, les œuvres d'art sont décortiquées, analysées, encensées parfois. Et rarement critiques n'auront ainsi été revêtues d'une telle robe poétique. Rêveur, incisif, acerbe ou liturgique, Huysmans aborde par le biais de son vrai-faux double Gustave Moreau et Flaubert, Schubert et Baudelaire. Les références sont innombrables, à tel point que l'on se perd dans ce cataclysme fuligineux de noms. Mais qu'importe, car hormis la beauté purement stylistique de ces pages, c'est la névrose de Des Esseintes qui surgit sous cet océan de culture, sous cette obcession esthétique recherchée et subie, nécessaire et néfaste. Extirpé du naturalisme de Zola, Huysmans explore cyniquement les tréfonds de l'âme, les signaux de la décadence, les reliefs de la folie par cet acerbe portrait de son "Mr Hyde", expiant son mal. Car même gonflé d'élitisme méprisant et de réflexions savantes, c'est d'un véritable malade dont il est ici question. Fuyant l'ennui de la banalité par des plaisirs infiniment subtils, lorgnant vers l'irréel, Des Esseintes est inexorablement rattrapé par les effluves de parfum réalistes des rêves qu'il créer de toutes pièces. Toute action est bannie, sinon celle de substituer le rêve de la réalité à la réalité même. Ultime étape de fuite, de réclusion, de rejet. Dans son exécration de la société et de sa décadence, Des Esseintes construit sa propre perte, sa propre déliquescence. Quant à son créateur, capable contrairement à sa projection d'au moins un acte salvateur, celui d'écrire, il en tirera un deuxième, celui de croire.
"A rebours" se révèle aussi à mon avis comme l'influence principale d'Ellis pour son "American Psycho". Sur le fond d'abord, puisque la névrose de l'homme de la fin du 19e est tout simplement transposée à notre époque, imbue de paraitre, d'argent, de matérialisme. Bateman devient la projection actualisée de Des Esseintes. Puis sur le style, puisque Ellis utilise la même avalanche de détails qui pointe la névrose et nous la fait ressentir dans cette folie des descriptions.

(hé, faut penser à ceux qu'ont pas fait médecine)

bonsoir Chinaski !

et bienvenue parmis nous, tu peux venir ici pour te soumettre à l'inévitable avalanche de messages de bienvenue et nous en dire un peu plus.

je crois que ce que veut dire notre camarade c'est que c'est très dense (ce qui peut complexifier la lecture du contenu).

(oui c'est une autre manière de tourner les choses )

(je risque d'être perdu sur les discussions trop compliquées mais je lis quand même )

Chinaski a écrit:

Au début fût le style. Celui du seul et unique personnage principal tout d'abord, Des Esseintes, qui afin d'échapper à une société trop grossière pour lui, se cloître dans la solitude d'une demeure fantasmagorique où il expérience son "art de vivre". Style littéraire aussi et surtout, d'une richesse linguistique inouïe, travail d'orfèvre halluciné qui porte l'œuvre de bout en bout à travers cette écriture nerveuse et jubilatoire.

Super!...Le fil remonte grâce à toi aujourd'hui Chinaski...
Et je n'ai toujours pas lu Des Esseintes...