Jonathan Dee

Extraordinaire roman, une maîtrise totale dans la narration.
Une façon très habile de nous présenter ce couple ultra favorisé New Yorkais et leurs deux rejetons April et Jonas, sans aucun jugement, avec un effacement de l'auteur ô combien appréciable en ces temps d'égocentrisme et du "je" à tous les débuts de phrase.

C'est d'une grande force, jamais je n'ai eu encore devant les yeux une description aussi fine d'un milieu richissime.
Froide, calculatrice, ambitieuse mais non dépourvue d'un certain humour et d'une humanité qui jaillit pa rci par là, cette famille n'est pas pour autant attachante, mais elle est là, omni présente, sur le devant de la scène économique, à jamais liée.

Peu d'apitoiement sur soi contrairement aux personnages de Franzen dans Freedom, mais une volonté farouche, inébranlable de réussir ce qu'ils entreprennent, aucun complexe face à l'argent qui coule à flots et qui permet tout.

Chaque épreuve subie par les membres de la famille servira de rebond pour faire mieux encore, et pour ne jamais oublier le point de mire: gagner de l'argent, l'investir, et dans les oeuvres caritatives , in fine.

Une merveille ce livre qui pourrait nous faire détester ces gens mais qui nous force à ouvrir les yeux sur ce type de richesse et la vie qui en découle.
Ces gens là existent et quand ils s'essaient à la pauvreté et à la marginalisation (exemple de Jonas qui à un moment s'intéresse à l'art brut, fréquente une intello artiste, vit dans un appartement modeste, cherche à rencontrer un artiste dément et se trouve face à une situation dramatique qui aura tôt fait de le remettre à sa place de gosse de riche), ça ne marche pas du tout et retour à la case départ.

Bref un grand livre, profond et très abouti.

Bien contente de lire ton enthousiasme
et je comprends et aprécie ton point de vue, en ce qui me concerne, s'était plus"lisse" que profond et du coup je suis restée un peu plus en dehors de ce roman
mais l'écriture m'a donné envie de continuer, "Palladio" se trouve dans ma PAL

Je l'ai tenu en main l'autre jour et ne sachant pas sous quel point de vue l'auteur allait traiter ce sujet, je l'ai reposé.
Au vu de ton commentaire, la prochaine fois je partirais avec...

Comme je l' ai déjà dit, l' enthousiasme est au moins aussi communicatif que l' argumentation. Et donc, Darkanny...

Igor a écrit:

Citation :

Je l'ai tenu en main l'autre jour et ne sachant pas sous quel point de vue l'auteur allait traiter ce sujet, je l'ai reposé.
Au vu de ton commentaire, la prochaine fois je partirais avec...

Moi aussi mai j'ai hésité et je l'ai reposé en fin de compte.

Merci pour ton commentaire éclairant, Darkanny.

Pour ma part, je l'avais lu après emprunt en médiathèque, et comme il vient de sortir en poche, je l'ai acheté, histoire de le relire et de le prêter. Tout ceci n’est que le reflet de mon enthousiasme, que j(ai eu plaisir à retrouver chez Darkanny.

Bon cela dit, ça risque de faire grincer ce livre, car la vision de cette famille richissime peut en dégoûter plus d'un.
Mais c'est là que Jonathan Dee excelle, il arrive à nous faire pénétrer chez ces gens là (comme dirait Brel dans sa chanson) sans aucun à priori ou complexe.

Et les personnages secondaires apparaissent prsque comme des fantoches tellement les liens qui unissent cette famille semblent inébranlables, scellés autour de la réussite matérielle, soumise aux aléas car rien n'est sûr dans ce domaine de l'entreprise financière aventureuse, ce qui en fait, malgré tout ce que l'on peut en penser, des êtres humains.

darkanny a écrit:

Bon cela dit, ça risque de faire grincer ce livre, car la vision de cette famille richissime peut en dégoûter plus d'un.
.

Certes; je vois tout de suite quelqu’un à qui ça risque de ne pas plaire...

C'est Topocl qui m'a guidée jusqu'ici après mon avis sur Trente ans et des poussières de McInerney.

Je comprends les similitudes entre les deux livres. Mais le point de vue a l'air bien différent, et je suis intriguée par ce livre (Les privilèges) qui parle d'une famille riche mais sympa. Y'a pas l'air d'y avoir de zones d'ombres dans cette histoire, pas de cynisme ou de confrontations.
C'est une belle histoire gentille ?
Juste un portrait tendre sur une population qu'on a tendance à ne pas connaître, à couvrir de préjugés et à fustiger sans savoir pourquoi ?

Le lien avec McInerney doit bien exister puisque je l'avais cité à l'époque et , l'ayant oublié, il s’est imposé à moi aujourd'hui.
Oui, il y a de la tendresse, mais du mordant aussi. Et une écriture impeccable de densité et de jubilation. Le premier chapitre, le mariage est absolument fabuleux.
Du cynisme, peut-être pas (encore que ma lecture soit ancienne), mais des zones d'ombre surement.
Et beaucoup de subtilité.

Qu'est ce que je peux trouver encore pour te faire envie ?

topocl a écrit:

Le lien avec McInerney doit bien exister puisque je l'avais cité à l'époque et , l'ayant oublié, il s’est imposé à moi aujourd'hui.
Oui, il y a de la tendresse, mais du mordant aussi. Et une écriture impeccable de densité et de jubilation. Le premier chapitre, le mariage est absolument fabuleux.
Du cynisme, peut-être pas (encore que ma lecture soit ancienne), mais des zones d'ombre surement.
Et beaucoup de subtilité.

Qu'est ce que je peux trouver encore pour te faire envie ?

Je l'ai déjà noté !
(Mais si tu me l'envoies avec des cookies, sur qu'il sera en priorité dans ma PAL)

La fabrique des illusions



Je vais essayer d'éviter de parler des péripéties du livre car il faut bien reconnaître que la surprise de les voir se dérouler est un des éléments moteurs du livre.

En gros, cela parle d'amour, et d’un désir de pureté. C'est ça, la fabrique des illusions : ces choses auxquelles on croit dur comme fer et qui vous claquent entre les doigts quand on veut les attraper.

La première partie installe le décor (270 pages, les 2/3 du livre). J Dee raconte alternativement l’histoire de Molly, cette fille dont on ne sait pas trop si c’est une garce ou une pauvre fille,

Citation :

Molly se demandait dans quelle mesure le véritable amour était effectivement lié à la sensation de n'avoir nulle part ailleurs où aller

et l’histoire de John, un jeune génie créatif, d'une gentillesse plutôt inhabituelle dans le milieu de la publicité, qui va être séduit par le grand projet de Mal, son patron : chasser le cynisme de la publicité, hisser la publicité au rang d’un Art.

Citation :

On vit une époque où on se dit tout, songea-t-il ; la circonspection, l’art de taire les choses, est aujourd'hui révolue.

On se doute bien que ces 3 vont se rencontrer, mais on ne sait pas trop comment puisque dans ce petit jeu d’alternance où J Dee parle soi de l’une (Molly) soit de l'autre (John) les 2 histoires ne se passent pas à la même époque et cela met un décalage un peu surprenant. Mais, patience, cela va venir. L’histoire se resserre dans la 2e partie, le journal de John, où la distance instituée par le procédé d'écriture de la première partie disparaît et où je me suis franchement laissée prendre par l'aventure publicitaire et les relations des 3 personnages. Quant à la dernière partie, sur 50 pages elle constitue une espèce d'épilogue géant, un constat aussi brillant que sombre de la décrépitude de ces mondes. Dans tout ce final, sont curieusement intercalés des slogans publicitaires postmodernes, qui ont sûrement un sens caché, mais, celui-là, je n'ai pas su le trouver…

En somme, c'est un livre ambitieux qui se lit plutôt bien, qui veut sans doute en faire un peu trop dans l’inventivité littéraire mais qui est sauvé par ses personnages, - lesquels, dès le début s'élancent vers un mur qu'on voit se profiler (mais pas eux) - et par une description corrosive et assez jubilatoire des milieux de la publicité et de l’art contemporain. Bien que pleine de rêves perdus et ne refusant pas l'émotion, la fabrique des illusions tire plus du côté de l’humour que du pessimisme. C'est un roman que j'ai lu un long moment avec une certaine distance, sans m’enthousiasmer mais sans rechigner, mais où j’ai fini par aimer l’oeil à la fois tendre et acerbe de l’auteur

Citation :

Quand une chanson qu'on aimait - une chanson qu’on tenait à protéger, parce qu'on y entendait des subtilités que personne d'autre ne semblait capable d'entendre - était diffusée à la radio, c'était un événement, un petit don du ciel, une raison de croire aux bienfaits de l'attente, alors que le reste de la vie n'apportait rien qui puisse surprendre, rien qui donne fois dans les vertus du temps qui passe.

topocl a écrit:

Citation :

Quand une chanson qu'on aimait - une chanson qu’on tenait à protéger, parce qu'on y entendait des subtilités que personne d'autre ne semblait capable d'entendre - était diffusée à la radio, c'était un événement, un petit don du ciel, une raison de croire aux bienfaits de l'attente, alors que le reste de la vie n'apportait rien qui puisse surprendre, rien qui donne fois dans les vertus du temps qui passe.

Elle est très belle et très vraie cette phrase.
Ça me donnerait presqu'envie de le noter sur ma LAL.

Je te conseille quand même de commencer par les privilèges, qui est brillantissime.

topocl a écrit:

Je te conseille quand même de commencer par les privilèges, qui est brillantissime.

Tsais bien que çui-ci j'l'ai déjà noté !