Parfum de livres… parfum d’ailleurs
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 Lionel Shriver

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MessageSujet: Lionel Shriver   Lionel Shriver EmptyMar 5 Juil 2011 - 18:02

Lionel Shriver Lionel10

Source Wikipédia
Citation :
Lionel Shriver, née Margaret Ann Shriver le 18 mai 1957 à Gastonia en Caroline du Nord, est une auteure et journaliste américaine.
Élevée dans une famille aux valeurs religieuses importantes (son père étant pasteur presbytérien), elle changea de nom à l'âge de 15 ans, forte de sa conviction selon laquelle les hommes avaient la vie plus facile que les femmes. Lionel Shriver a fait ses études au collège Barnard ainsi qu'à l'Université Columbia. Elle vécut ensuite à Nairobi, Bangkok et Belfast avant de s'installer à Londres.

Lionel Shriver est l'auteure de neuf romans.

En 2005, elle gagne le prix Orange pour We Need to Talk About Kevin.
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MessageSujet: Re: Lionel Shriver   Lionel Shriver EmptyMar 5 Juil 2011 - 18:05

Il faut qu'on parle de Kevin
We Need To Talk About Kevin

Lionel Shriver


Voilà un roman à la fois prenant et glaçant qu’il m’a été bien difficile de lâcher à cause du suspense psychologique. C’est un roman ‘épistolaire’ puisque chaque chapitre est une lettre, la lettre d’une femme à son mari, on les devine séparés, sûrement divorcés.
Dès la fin de la deuxième lettre on comprend de quoi il s’agit, cette femme écrit à son mari pour essayer de comprendre. Elle veut comprendre pourquoi leur fils Kevin est devenu un de ces jeunes américains qui, un jour, prennent une arme et s’en vont au lycée faire des cartons sur leurs camarades de classe et sur leurs profs. Cette mère veut comprendre et pour cela elle remonte le temps jusqu’à la conception de Kevin, sa petite enfance, etc.. Elle raconte aussi ses visites au centre de détention juvénile où se trouve Kevin, et sa propre vie ravagée depuis le drame, un aller-retour constant entre le présent et le passé, et toujours ces questions lancinantes : pourquoi et comment ?
Comme je l’ai dit, ces lettres introspectives sont fascinantes et nous mènent jusqu’à une fin que l’on croit connaître, mais qui est bien pire que ce qu’on imaginait. Difficile à la fin du livre de faire la part entre éducation et nature profonde de cet enfant étrange…C’est drôlement bien ficelé et on est forcément entraîné dans ce questionnement inquiet, dérangeant et rempli de culpabilité.
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MessageSujet: Re: Lionel Shriver   Lionel Shriver EmptyMer 6 Juil 2011 - 3:43

Récemment adapté par Lynne Ramsay avec Tilda Swinton dans le rôle de la mère, je me demande si le film est encore plus pénible que le roman..Difficile.
C'est un livre tellement dérangeant, tu l'as dit, Dom, que j'avais été absolument incapable d'en parler, et je frémis encore en y pensant!
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MessageSujet: Re: Lionel Shriver   Lionel Shriver EmptyMer 6 Juil 2011 - 11:04

Marie a écrit:
Récemment adapté par Lynne Ramsay avec Tilda Swinton dans le rôle de la mère, je me demande si le film est encore plus pénible que le roman..Difficile.
C'est un livre tellement dérangeant, tu l'as dit, Dom, que j'avais été absolument incapable d'en parler, et je frémis encore en y pensant!

Oui Marie, c'est vrai, parfois j'arrêtais de lire simplement parce que je frémissais en me demandant : Mais qu'est-ce que ce Kevin va bien pouvoir encore inventer ? C'était vraiment une ambiance prenante, mais malsaine à cause de ce personnage très malsain. Cependant je recommande cette lecture. J'essaierai d'ailleurs de lire d'autres romans de cette auteure pour voir si c'était un one-shot, ou si elle en vaut vraiment la peine.

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MessageSujet: Re: Lionel Shriver   Lionel Shriver EmptyJeu 29 Sep 2011 - 20:05

Je vois que le film reprend très exactement le récit et les interrogations du roman. Je le lirai probablement à distance mais je suis curieux de suivre vos avis sur le film qui m'a beaucoup impressionné.
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MessageSujet: Re: Lionel Shriver   Lionel Shriver EmptyMar 4 Oct 2011 - 22:55

Interview de Lionel Shriver qui se définit sardoniquement comme "naturellement perverse" diablotin Certes avec humour!



On notera au passage la sculpture de Virginia Woolf en arrière plan!

Elle dit bien que nous n'avons de vision de Kevin qu'au travers du regard de sa mère donc aucun accès à son intériorité à lui. Et que chacun a sa part de responsabilité dans ce qui arrive sans qu'on stigmatise l'un ou l'autre des parents. Il va falloir que je le lise pour voir ce qu'elle apporte par rapport au film...
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MessageSujet: Re: Lionel Shriver   Lionel Shriver EmptyLun 14 Nov 2011 - 9:13


J'ai dévoré "We need to talk about Kevin"

Petit pavé poche de 600 pages où la forme narrative adoptée est épistolaire.

Eva a enfanté un monstre.
Un de ces enfants qu'on espère ne jamais croisé : froid, distant, intelligent, redoutable, non-aimant, apathique.
Via une relation épistolaire à sens unique, elle écrit de longues lettres à Franklin, son (ex)-mari où elle revient sur ce fameux JEUDI.
Le jour où la jolie maison en banlieue, les tailleurs de créateurs, l'argent facile, la douce routine, la famille ont volé en éclat.

Kevin a tué une petite dizaine de ses camarades (oh, je ne révèle rien hein, on l'apprend très très vite) dans un coin des États-Unis.

Eva, sa mère, va tout raconter, en essayant de comprendre ce qui a merdé.
(Elle a bien une petite idée...)

...

Malgré quelques phrases inutilement ampoulées/alambiquées, Eva se fait seule narratrice. Elle raconte et remonte le fil. Là où tout a commencé. L’idée d’avoir un enfant dans un couple qui n’avait, à priori « pas besoin de ça ».
On apprend à connaître Eva : fière, orgueilleuse, curieuse, ouverte, belle, intelligente, rédactrice de guides de voyage et Franklin : bâti comme un bûcheron, honnête, profondément américain et pragmatique, sûr, optimiste.
Un joli couple, complice, drôle, un peu fou.

Et l’envie d’avoir un enfant : Kevin.
Avec une froideur presque clinique, Eva raconte sa grossesse, ses angoisses, l’accouchement et la première rencontre avec ce drôle d’être, Kevin.

On comprend vite que le petit Kevin est une sorte de monstre. Mais on se dit aussi que ce n’est « qu’un enfant », ce n’est pas de sa faute, si ? Il a été conditionné, ou pas…
(Je me suis posée quelques questions au sujet de l’inné et de l’acquis sur ce coup)

Kevin n’est absolument pas un enfant comme les autres. Les nounous désertent trop vite, les maîtresses s’inquiètent, les enfants n’en font pas leur meilleur ami… Et quelques épisodes qui en disent long sur le potentiel manipulateur et intelligent de ce mioche.

Eva voit tout.
Franklin, que dalle. Il aime son fils, ce n’est « qu’un enfant ».

Le couple se fissure un peu à chaque dispute au sujet de Kevin. Eva est persuadée que son fils est tout simplement méchant. Mais elle tient bon. Elle décide que face à son fils, elle sera toujours là, prête à en découdre.



La relation plus que tordue mère-fils se déploie lentement jusqu’à son apogée, c’est magistral, effrayant et terrible.

J’ai éprouvé la détresse d’Eva, ses craintes, sa rage, ses envies de crier, sa force, sa détermination à ne rien lâcher, la chaire de poule à avaler ses sentiments.
Sa relation avec son fils. Les rares miettes de vague complicité.
Eva ne cache rien et passe du statut de bourreau à victime par alternance.

C’est un livre monstrueusement terrible.
J’ai adoré.
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MessageSujet: Re: Lionel Shriver   Lionel Shriver EmptyLun 14 Nov 2011 - 9:40

Je ne sais plus pourquoi je l'avais abandonné; Je le remets dans ma LAL
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MessageSujet: Re: Lionel Shriver   Lionel Shriver EmptyLun 14 Nov 2011 - 10:23


(Huhu)
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MessageSujet: Re: Lionel Shriver   Lionel Shriver EmptyLun 14 Nov 2011 - 18:50

Faut qu'on cause de Kev' est douteux si on le prend au premier degré (cad si on part du principe que Kev' est prédestiné à être ce qui va être) et pourrait être une pub pour détecter les merdeux dès la grossesse.

Mais l'auteur se débrouille pour nous embrouiller. Le message du livre est à notre libre interprétation.
Elle choisit dès le début de n'exposer que le point de vue de la mère, et ce après les événements. Tout est biaisé d'office.
Et c'est ce qui fait la richesse du livre... pour moi, c'est avant tout les pensées d'une femme qui essaie de mettre un sens aux agissements de son enfant,
et surinterprète tout ce qui a composé son enfance, en ce fouettant au passage, parce que la société n'attend que cela : la mère doit culpabiliser.

Où se situe la réalité ?

Je ne suis pas sûre que le film laissait autant de libertés.

(je m'explique mal mais j'ai faim)
(et ça fait longtemps)

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MessageSujet: Re: Lionel Shriver   Lionel Shriver EmptyLun 14 Nov 2011 - 19:29

Maryvonne a écrit:

Et c'est ce qui fait la richesse du livre... pour moi, c'est avant tout les pensées d'une femme qui essaie de mettre un sens aux agissements de son enfant,
et surinterprète tout ce qui a composé son enfance, en ce fouettant au passage, parce que la société n'attend que cela : la mère doit culpabiliser.

Où se situe la réalité ?

Je ne suis pas sûre que le film laissait autant de libertés.

Je suis complètement d'accord avec toi mais le film au contraire donne à voir le chaos mental de cette femme avec les mêmes ambiguïtés. On passe son temps à s'interroger sur ce qui a conduit à cette relation mère/fils totalement pathologique. Le fait que ce soit son point de vue qui est adopté rendant impossible un regard "objectif". Et c'est ce qui est passionnant. La mise en scène du film est très impressionnante (trop pour certains).
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MessageSujet: Re: Lionel Shriver   Lionel Shriver EmptyMer 16 Nov 2011 - 9:47

Maryvonne a écrit:
[...]
Le message du livre est à notre libre interprétation.
Elle choisit dès le début de n'exposer que le point de vue de la mère, et ce après les événements. Tout est biaisé d'office.
[...]

Tu résumes en 2 phrases la sensation bizarre qui ne m'a pas quittée du bouquin.
Oui, je choisis d'être compatissante/compréhensive/intransigeante ou pas pour tel ou tel personnage.
Mais oui, un seul point de vue (qui plus est, celui de la Mère), c'est foutu d'avance d'objectivité.

Et c'est (aussi) ce que j'ai aimé, devoir me démerder avec cette seule source d'info et essayer de me faire un avis du comment, pourquoi, à cause... ?
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MessageSujet: Re: Lionel Shriver   Lionel Shriver EmptyVen 3 Fév 2012 - 17:59

Une interview de Shriver dans le Books n°29 à propos de son livre Tout ça pour quoi ? : "Dans son dernier livre, Lionel Shriver s’attaque une nouvelle fois à un sujet qui dérange : le prix d’une vie et le système de santé américain. De son écriture féroce, cette éternelle outsider aime décidément explorer les lieux où se croisent destinées individuelles et choix collectifs."

Lionel Shriver 9ac0d910
Quelques extraits de l'interview :

Citation :
De Il faut qu’on parle de Kevin, qui traite de la haine d’une mère pour son fils, à Tout ça pour quoi, votre dernier roman, portrait au vitriol du système de santé américain, votre œuvre semble écrite « contre » : contre le politiquement correct, les idées reçues, le rêve américain…

J’essaie certainement d’écrire contre les clichés – moins les clichés littéraires, d’ailleurs, que les clichés sociaux et psychologiques. Dans Il faut qu’on parle de Kevin, une mère tente de déceler les raisons du comportement d’un fils sociopathe, responsable d’un massacre dans son lycée, sans qu’on sache vraiment dans quelle mesure sa vision est biaisée (1). La maternité est l’une des relations émotionnelles les plus restrictives au monde. Vous êtes supposée être très heureuse d’être enceinte, vous sentir submergée par une vague d’amour illimité pour votre bébé dès lors qu’on l’a placé sur votre sein, l’adorer quoi qu’il fasse – or ce n’est pas toujours le cas, et votre enfant peut commettre des actes impardonnables… J’aime les personnages qui ne se laissent pas enfermer dans des cages affectives.

Eva, la mère de Kevin, et Shep, au cœur de Tout pour ça pour quoi, sont des self-made qui ont obtenu tout ce dont on rêve a priori : la réussite professionnelle, le confort matériel, la famille, bref, tous les attributs du bonheur le plus conventionnel. Au-delà du rêve américain, il s’agit d’interroger le rêve tout court. On porte toujours en soi une version idéale de sa vie que l’on ne cesse de confronter à la réalité, faisant continûment face aux dissonances entre les deux. Les jeunes générations occidentales en font souvent l’expérience aujourd’hui : on est supposé travailler dur à l’école, entrer dans une bonne université, obtenir un diplôme, faire carrière, se marier, acheter une maison – mais cette trajectoire est en réalité inaccessible à beaucoup. Et c’est ce type de divorce qui fournit matière à fiction.

Lionel Shriver 64e6b410
Citation :
Revenons à Tout ça pour quoi. Un couple, Shep et Glynis, est menacé de ruine par les frais médicaux. D’où vous est venue cette idée ?

D’une expérience personnelle, d’abord : l’une de mes amies est morte aux États-Unis d’une forme de cancer rare et particulièrement agressive, le mésothéliome. Celle dont Glynis est atteinte. Toute maladie à la fois mortelle et extrêmement chère à traiter aurait pu faire l’affaire. Dans le cas de mon amie, les soins ont coûté 2 millions de dollars et n’ont prolongé sa vie que de trois mois. Cela soulevait une question à la fois philosophique et morale : est-ce que trois mois d’une survie horriblement douloureuse valent cet argent ? Je suis par ailleurs exaspérée par la situation du système de santé américain et par les sommes astronomiques que doivent payer les malades. L’idée du roman est née de la rencontre de ces deux perspectives. J’avais lu un article cristallisant mes préoccupations, qui évoquait le nombre d’Américains ayant fait faillite parce que leur facture médicale avait explosé, alors même qu’ils bénéficiaient d’une assurance santé et étaient prétendument couverts. Pour ma part, j’ai passé la plus grande partie de ma vie adulte en Grande-Bretagne et j’ai donc bénéficié du NHS, le système public anglais. Contrairement à la mauvaise réputation qu’on lui fait dans mon pays natal, j’en ai une expérience positive. Bien sûr, il est rigide, la qualité des soins n’est pas toujours la meilleure et vous devez parfois insister lourdement et faire la queue avant de pouvoir faire tel ou tel examen. Mais, aux États-Unis, vous risquez de ne recevoir aucun soin en dehors des urgences. Le système américain est inefficace. Et l’intervention de sociétés privées qui cherchent à faire du profit à tout prix entraîne un surcoût insupportable.


Citation :
Tout ça pour quoi est votre neuvième roman. Votre rapport à l’écriture a-t-il évolué au fil du temps ?

Écrire devient de plus en plus difficile ; je suis consciente du travail déjà accompli, et de plus en plus irritée par mes tics de pensée et de style, sans pour autant parvenir à m’en débarrasser. J’ai donc varié les univers, le sexe des personnages, la voix, la structure aussi : des lettres de Il faut qu’on parle de Kevin, je suis passée à la narration alternée de La Double Vie d’Irina (2), où une femme se trouve confrontée à un choix amoureux qui devient littéralement un choix de vie – le livre se divise alors, et on suit tour à tour les deux directions que peut prendre son existence. Cela posé, je considère que le fond prime la forme : je veux avant tout raconter une bonne histoire, et c’est aussi ce que je recherche quand je lis, même si j’espère évidemment que l’ouvrage ne s’y limite pas. Si tous vos talents d’analyse, de description, de dramatisation et d’écriture sont mis au service d’un texte traitant d’un déplacement à la poste, je n’y jetterai même pas un œil. Une fiction est faite pour divertir, et ce n’est pas parce que vous avez entrepris un projet littéraire ambitieux que vous avez le droit d’ennuyer vos lecteurs ou de les plonger dans la confusion. Cela ne signifie pas qu’on ne doive pas jouer avec eux – mais l’illisibilité ou le manque d’accessibilité ne sont en aucun cas des gages de qualité.

Interview en intégralité : ICI
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MessageSujet: Re: Lionel Shriver   Lionel Shriver EmptyLun 28 Oct 2013 - 21:14

Il faut qu'on parle de Kevin.

Les quelques parfumés qui l'ont commenté l'ont déjà très bien fait. Et je vais donc sûrement avoir l'air de répéter, mais bon.


Points étonnants et culottés de ce bouquin : tout est vu du point de vue de la mère, qui écrit à son (ex)mari. Hyper subjectif. Avec ce regard froid, qui cisèle, ne prend aucun détour. Et qui accuse, d'emblée, l'enfant d'être un Monstre.
Le livre a la force de ne pas reposer sur un faux suspens : on sait tout de suite l'horreur, et pourtant il est haletant, parce que, comme Eva, on veut comprendre, on veut voir ce qu'il y a derrière. Sauvés, nous n'aurons pas les explications raccourcis. Ni un enchevêtrement psychologique lourdingue.
C'est du pur et dur, la question du Mal Incarné. Et ça a l'incroyable talent de nous faire douter de l'objectivité d'Eva, à essayer de voir au-delà de ce qu'elle nous dit. Essayer de voir, aussi, à travers le regard du "bon" papa Franklin.
Mais les plans sont serrés, et on a du mal à ne pas croire à ce que raconte Eva sur ce qu'est son fils.
Question très forte du lecteur sur ce qui est inné et ce qui s'acquiert.
L'auteur a le talent de nous mettre au cœur de l'horreur, les mains pleine de sang, le doigt pointé vers Kevin le Monstre, et de parvenir à ce que le lecteur cherche sa propre vérité là-dedans.

Une vraie justesse de ressentie et de réflexion d'Eva face aux situations et aux impasses sur lesquelles elle se casse de plus en plus le nez : son mari qui s'éloigne, s'aveugle, les choses qui changent quand un enfant arrive, les sacrifices, très intéressants passages sur le non désir d'enfant, et le pourquoi "on y vient", l'impossibilité de désigner un enfant comme Mal. Questions sur le couple, la famille, l'ambition, la carrière, le regard des autres.
Ce livre a l'intelligence de retourner les valeurs habituelles pour les questionner.

Le ton est glaçant parce qu'Eva dit les choses sans passer par des chicaneries, elle veut tout dire, tout révéler, décortiquer et, aussi, s'autoflageller.
Et surtout, ne rien lâcher. Jamais. Ni son enfant terrible (qu'elle reste l'ultime ennemi dans une sorte de martyr expiatoire d'avoir enfanter le Monstre, et peut-être, de l'avoir créer par son non désir ?), ni son mari qui ne fait plus aucun effort pour la soutenir, ni son job, ni ses rêves.

Ce livre nous fait sortir des schémas habituels et questionne intelligemment.
C'est plein de tension, de stress, d'horreur, de malsain.

Je mettrais juste un bémol sur la longueur. Le livre aurait pu être coupé d'une centaine de pages. Le côté redondant ennuie parfois. Eva qui répète, se répète, ré-interprète, énumère.
ça souligne le côté obsessionnel d'Eva, ça lui donne aussi ce côté étrange et pas tout à fait net qui nous donne l'impression qu'elle n'est peut-être pas tout à fait équilibrée non plus.

En tout cas, un très bon livre. Qui me donne envie de revoir le film (que j'avais trouvé lourdingue il me semble). Et d'en lire d'autres de cet auteur !
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MessageSujet: Re: Lionel Shriver   Lionel Shriver EmptyLun 28 Oct 2013 - 21:20

Je rajoute également que malgré la fin connue dès le départ, Shriver a réussi à rendre son final plein de force, de l'horrible à l'état pur.
Et l'ouverture avec Kevin, dans les derniers chapitres, qui m'a laissé avec une impression d'être entre deux feux, de ne pas savoir sur quel pied danser, et de permettre à toutes les perspectives de se concrétiser.

Balaise.


Dernière édition par Queenie le Ven 1 Nov 2013 - 7:00, édité 1 fois
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