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| Julien Gracq | |
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Auteur | Message |
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Invité Invité
| Sujet: Re: Julien Gracq Lun 31 Jan 2011 - 20:02 | |
| Merci Dom, oui il faut le lire au calme et avec l'esprit disponible pour mieux en profiter. Quelques pages le soir c'est idéal, moi j'ai bien aimé le faire durer...
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| | | kenavo Zen Littéraire
Messages : 63288 Inscription le : 08/11/2007
| Sujet: Re: Julien Gracq Mar 12 Avr 2011 - 13:19 | |
| / Manuscrits de guerre / Manuscrits de guerre : Edition fac-similé - Citation :
- Présentation de l'éditeur
Ce livre est constitué de deux textes qui s’éclairent mutuellement. Les deux manuscrits figuraient sur deux cahiers différents, parmi le fonds important de textes dont, pour certains, Julien Gracq n’avait pas souhaité qu’ils soient publiés avant longtemps. Le premier texte est un Journal, qui commence le 10 mai et se termine le 2 juin 1940, écrit à la première personne. C’est un moment crucial de la guerre puisque, après la fameuse « drôle de guerre » et l’inaction qui a commencé à éprouver le moral des Français, l’offensive éclate, brutale. Le lieutenant Poirier (Julien Gracq) a été affecté sur le front et, avec ses hommes, se retrouvent d’abord le long de la frontière belge puis, soumis à des mouvements et des ordres contradictoires et souvent incohérents. Ce qui fascine dans ce Journal, tenu à chaud, c’est son aspect inéluctable et prémonitoire. Comment, en un temps aussi court, la défaite militaire a-t-elle été aussi rapide et totale. Comment se sont comportés les soldats français, belges, anglais sur ce mouchoir de poche. Comment est-on passé aussi rapidement à une véritable débâcle, les alliés étant encerclés dans la région de Dunkerque (Les Pays-Bas ayant capitulé le 15 mai, les Belges le 28. Seule une partie du corps expéditionnaire britannique et une petite partie des troupes françaises échapperont à l’étau allemand). Ce qui étonne enfin, outre cette description palpable d’une défaite annoncée, c’est l’acuité de la perception, tant des choses de la guerre que des rumeurs qui l’entourent, tant des comportements humains que du cadre où elle se déroule. Le second texte est un récit qui part de la réalité de ces souvenirs pour en faire une fiction, passionnante dans la mesure où l’on voit concrètement comment Julien Gracq passe de la réalité à la fiction (le récit commence le 23 mai) et pourquoi une distance beaucoup plus grande était nécessaire dans le temps, comme dans les circonstances, pour aboutir à la vision plus ample du Balcon en forêt, et non plus comme ici une interrogation sur le basculement des événements et le destin, sensibles dans les trois dernières phrases : « Pour devenir un reître, il lui semblait soudain qu’il ne fallait peut-être pas tant de choses. Non, vraiment pas tant de choses. Seulement trois ou quatre instantanés bien choisis ». et un commentaire de Le Monde des Livres"Manuscrits de guerre", de Julien Gracq : Julien Gracq en officier stoïqueici - Spoiler:
LE MONDE DES LIVRES | 07.04.11 Ingeborg Kohn
J'ai fait la connaissance de Julien Gracq l'été qui a précédé ma première année comme professeur à l'Académie militaire de West Point, dans l'Etat de New York. Comme Gracq figurait sur la liste de lectures que j'allais distribuer à mes étudiants, une quinzaine d'élèves-officiers, je lui ai écrit pour demander quelques renseignements ; il répondit aussitôt, et m'invita à lui rendre visite. Depuis cette première rencontre en 1992, les entrevues se sont enchaînées, elles sont devenues régulières, plus nombreuses, surtout quand j'ai commencé à traduire ses oeuvres pour la maison d'édition new-yorkaise Turtle Point Press.
Visites mémorables dont la dernière eut lieu trois semaines avant sa mort. Presque toujours en tête-à-tête : il redoutait les réunions où il savait qu'on s'attendait à ce qu'il prenne la parole devant les autres, à ce qu'il dise "je".
Aussi, quelle surprise de retrouver ce "je" dans la phrase initiale du premier cahier de Manuscrits de guerre, qui est une sorte de journal : "(...) Je m'éveille dans ma chambre à carreaux rouges." Ce "je" si inattendu raconte la vie quotidienne du lieutenant Louis Poirier (le vrai nom de Julien Gracq), qui commande une section d'infanterie. Le texte s'ouvre sur les événements du 10 mai 1940, à Winnezeele en Flandre française, et se termine le 2 juin à Zyckelin, près de Dunkerque : "La porte de la cave s'ouvre. Je crie : "Ne tirez pas. Nous nous rendons.""
Dans Récit, l'autre cahier de Manuscrits de guerre, l'auteur marque la distance entre lui et son protagoniste, le lieutenant G., par une narration à la troisième personne. Plus étoffée, plus soignée, elle débute le 23 mai, reprend l'épisode de "La nuit des ivrognes" (raconté aussi dans Lettrines, la stratégie brillante du lieutenant Poirier qui se réfugia dans un petit bois avec ses hommes lors d'une attaque et dont ils sortirent la nuit pour rejoindre leur unité), et s'arrête le 25 mai, avec celui d'un side-car allemand capturé.
Presque rien de Manuscrits de guerre n'a survécu dans Un Balcon en forêt (1958), le roman de guerre dont le sujet s'apparente à celui des manuscrits et dont le héros s'appelle, lui, Grange. C'est la même guerre, mais présentée sous des angles très différents, transposée des plaines de la Flandre à la forêt hercynienne des Ardennes. Alors que les témoignages contenus dans Manuscrits ne couvrent que quelques semaines, l'action du Balcon commence en octobre 1939 avec la prise de commandement de l'aspirant Grange, et se termine le 13 mai 1940 avec le coup de canon qui a éventré le blockhaus, tué deux soldats de la garnison et gravement blessé Grange. Le Balcon en forêt décrit un univers à la fois réel et imaginaire où Grange, délesté de ses attaches, maître du blockhaus, est libre de s'enfoncer dans une solitude tant désirée.
La guerre du Balcon est à la fois proche et lointaine, une superposition de la réalité et du mythe. Elle est inspirée par le concept d'une "guerre à poésie", esquissé par le lieutenant Grange à propos de la guerre de 1914 dont il regrette "la poésie des images d'une guerre tout de même un peu gagnée (et une guerre gagnée - on ne le croyait pas - cela signifie quelque chose)."
Cette version tranche considérablement avec celle de Manuscrits de guerre, textes que Julien Gracq a écrits pendant et peu de temps après la guerre, encore en pleine fureur contre tout et tous, hommes politiques, officiers incompétents et arrogants, soldats sans esprit de corps et sans tenue.
Scandalisé par le désintérêt des officiers ("depuis le début de la campagne de mai, il n'avait jamais vu un officier du bataillon regarder une carte"), ahuri par les hordes de pillards et de fuyards et, surtout, écoeuré par l'ivrognerie générale qui semble avoir atteint son apogée le matin du 23 mai : "La nuit avait été mauvaise... le train s'étant arrêté la veille de longues heures en plein champ près d'une distillerie... le bataillon... était reparti ivre-mort. A chaque arrêt de nuit, les officiers avaient dû longer le convoi... pour s'assurer qu'on ne laissait personne sur le ballast. Plusieurs d'ailleurs étaient eux-mêmes ivres."
Pas de vision apocalyptique comme dans La Route des Flandres, de Claude Simon ; au lieu des quatre chevaliers au grand galop, un cheval de ferme attelé à une mauvaise voiture pour transporter ce qui reste du matériel du bataillon en retraite. Anecdotes navrantes, images de misère : le lieutenant G. achète, de sa poche, du pain dans une boulangerie belge pour ses hommes affamés ; déleste un prisonnier allemand d'un paquet de knäckebrot ; et, barricadé avec une poignée d'hommes au sous-sol d'une ferme, "se déculotte devant ses hommes pour se soulager dans un seau à couvercle", la veille du jour où les Allemands descendent l'escalier de la cave dont il sortira prisonnier.
Bien que ces Manuscrits ne fournissent aucun renseignement précis sur la vie privée de Louis Poirier, ils contiennent des détails intéressants sur sa personnalité, que ce soit dans le "je" du journal, ou dans le caractère du lieutenant G. du Récit. C'est un homme solitaire. Il n'ose, ou refuse de s'ouvrir à autrui ; né taciturne, il préfère rester à l'écart, et peine à communiquer avec ses hommes. Autre particularité : une aversion profonde pour la proximité, le contact physique avec autrui, inévitable dans les circonstances. Incapable de cette camaraderie prônée par Saint-Exupéry dans Terre des hommes, il avoue que "vraiment je peux dire que je ne fais pas corps" ; "Devant tout événement, toute commotion un peu vive qui secouait ce groupe auquel il se trouvait collé, son premier réflexe était toujours de s'isoler." "Que me font, que me sont tous ces hommes... pour lesquels je n'ai ni ombre de pitié ni sympathie. De notre situation désespérée ne naît... ni communion ni cordialité. Chacun est seul... Eh bien ! Va pour la solitude, et tant mieux." Mais il tient bon. Chef de section d'une armée "sans avions, sans chars, sans pain, sans généraux, sans espoir au coeur", officier dont le bataillon avait traversé la Flandre "comme une tribu de Romanichels", il persévère. Il ne suivra pas l'exemple de ce "général commandant tué en essayant de s'échapper".
Le film tiré du Balcon en forêt, nous l'avions regardé une dernière fois, peu de temps avant sa mort, en compagnie de sa cousine Odile ; et après, comme d'habitude, tarte aux fruits et verre de muscadet du verger du cousin André, dans la cuisine.
Julien Gracq nous parle de la "familiarité inacceptable" dans son régiment. Je pense que Julien Gracq n'aurait jamais donné l'autorisation de publier ces textes. Par pudeur, par décence, par respect pour les morts et leurs familles et tous ceux qui, comme lui, avaient fait un effort héroïque afin de ne pas trahir un idéal, de rester fidèle à leurs convictions, et de sauvegarder, malgré tout et vaille que vaille, l'honneur de la patrie.
Ces Manuscrits de guerre ne sont qu'un préambule à l'oeuvre proprement dite, mais ils en apprennent beaucoup sur le caractère de l'auteur, et contribuent à faire surgir cet autre "moi" du grand écrivain : "an officer and a gentleman".
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| | | animal Tête de Peluche
Messages : 31548 Inscription le : 12/05/2007 Age : 43 Localisation : Tours
| Sujet: Re: Julien Gracq Dim 31 Juil 2011 - 22:26 | |
| La presqu'île
Trois textes d'inégale longueur : La route (fragment d'un roman abandonné), La presqu'île le plus long texte et Le Roi Cophetua.
Trois facettes d'une ambiance Gracquienne et végétale. La première un voyage fragmentaire très imaginaire, la seconde une errance contenue et précise dans l'attente et le pays autour de Guérande (il y a plein de noms à retrouver sur une carte), la troisième une rencontre silencieuse entre les deux, un miracle d'équilibre .
La forêt, l'humidité et l'obscurité et la solitude, longue, agitée... les imminences qui se désagrègent dans le lien sensuel entre la nature et l'imaginaire en perpétuel va et vient et un temps sur lequel plane l'énigme des femmes.
Les arrêts et les reprises dans La presqu'île sont un plaisir dans lequel on se laisse manier. On lit au passage de très belles pages de voyage automobile.
La troisième c'est une merveille. et de sentir avant que l'auteur ne la révèle explicitement une image de son atmosphère (intimistes hollandais) en dit long sur son exercice.
Une tension contemplative très douce qui noie certains mouvements brusques et absorbe le temps. Et toute la verdure, le retour sur le végétal, le retour de la respiration.
C'est un peu léger tout ça. Il faut le lire pour s'y perdre.
edit : clic sur les éditions José Corti pour la petite présentation et les petits extraits | |
| | | Cachemire Sage de la littérature
Messages : 1998 Inscription le : 11/02/2008 Localisation : Francfort
| Sujet: Re: Julien Gracq Lun 1 Aoû 2011 - 10:31 | |
| - animal a écrit:
- La presqu'île
Une tension contemplative très douce qui noie certains mouvements brusques et absorbe le temps.
Oui, c'est tout à fait cela cette lecture, tu as trouvé les mots justes pour décrire ce que j'ai ressenti moi aussi en m'y plongeant. | |
| | | bix229 Parfum livresque
Messages : 24639 Inscription le : 24/11/2007 Localisation : Lauragais (France)
| Sujet: Re: Julien Gracq Lun 1 Aoû 2011 - 15:50 | |
| La Presqu' ile est mon livre préféré de Gracq au meme titre que Les Eaux étroites, Lettrines
et Carnets du grand chemin. On y retrouve le Gracq, paysagiste merveilleux et imaginatif. On a meme l' impression que c' est
la nature qui est le principal sujet. | |
| | | Cachemire Sage de la littérature
Messages : 1998 Inscription le : 11/02/2008 Localisation : Francfort
| Sujet: Re: Julien Gracq Lun 1 Aoû 2011 - 18:58 | |
| - bix229 a écrit:
- La Presqu' ile est mon livre préféré de Gracq au meme titre que Les Eaux étroites, Lettrines
et Carnets du grand chemin. On y retrouve le Gracq, paysagiste merveilleux et imaginatif. On a meme l' impression que c' est
la nature qui est le principal sujet. Le carnet du grand chemin... oui, Gracq y est un merveilleux paysagiste. (Je ne me souviens plus de Lettrines et des Eaux étroites... lus il y a trop longtemps ) Voilà un livre que je dois relire... après plusieurs décennies, je devrais l'aimer plus encore... Je le mets en haut de ma PAL! | |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Julien Gracq Mer 21 Sep 2011 - 13:15 | |
| RENCONTRES JULIEN GRACQ - 8 ET 9 OCTOBRE 2011 St Florent le Vieil, Maine-et-Loire - Citation :
- Pour cette 4ème édition des "Rencontres Julien Gracq" qui se tiendront à l'Abbaye de St Florent le Vieil les 8 et 9 Octobre 2011, vous découvrirez Julien Gracq en tant que géographe. Après avoir choisi d'étudier la géographie, en hommage à Jules Verne dira-t-il par la suite, c'est en 1934 qu'il publie son premier texte "Bocage et plaine dans le sud de l'Anjou". La même année, il est reçu à l'agrégation d'histoire et de géographie puis sera affecté à Nantes, au lycée Clémenceau où il avait été élève. Dans l'atmosphère intimiste de St Florent le Vieil où Julien Gracq était profondément enraciné, chacun pourra retrouver avec émotion, la trace de celui qui a marqué de son empreinte la littérature du XXème siècle.
Programme prévisionnel ICI |
| | | Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
| Sujet: Re: Julien Gracq Mer 23 Nov 2011 - 14:30 | |
| - nezumi a écrit:
- Les eaux étroites
Ce mince recueil dont le commentaire me donne tant de fil à retordre...Avant de connaître Gracq je ne pensais pas que son oeuvre traitait de ce lien qui existe entre promenade, errance dans un paysage et rêverie, mémoire, souvenir. La forme d'une ville me l'a fait comprendre, la façon dont Gracq surimpose ses souvenirs au plan de la ville de Nantes. Les eaux étroites le confirme. Il y est question des promenades en barque que faisait Gracq enfant sur l'Evre, un petit affluent de la Loire qui se jette dans le fleuve à St Florent le Vieil, sa ville natale. Les paysages, champs, falaises, bois, défilent le long des rives, en même temps que s'enchaînent les rêveries "associatives" et se réveillent les souvenirs, sur ses lectures en particulier, Nerval, Allain-Fournier, Edgar Poe, Jules Verne, Balzac (avec un passage extraordinaire sur Les Chouans, ça m'a donné envie de le relire!)... Le tout dans cette écriture exigeante qui me déconcerte toujours au départ mais ensuite qui me charme littéralement par sa beauté et surtout son pouvoir d'évocation. Quelle sensualité et vérité dans ces descriptions de la rivière, ses odeurs, ses bruits, ses couleurs, les jeux de lumière sur l'eau et dans les arbres, les impressions, les sensations... - animal a écrit:
- Subtil mélange de la concrète expérience d'une promenade sur l'Evre et de l'exposition d'un principe... absolu de la promenade. L'espace choisi est celui de la promenade, celle en barque de l'auteur, un souvenir et l'unité de temps (légèrement condensée) de la lecture. Le temps de la promenade devient donc un temps très vivant et primordial, qui pourrait être répété. La promenade est un présent qui tout en promettant des avenirs est aussi un souvenir et des souvenirs qui se joignent dans ce temps en marge.
On y retrouve les découvertes et les abandons et on pourra facilement se laisser porter par le chemin du cours d'eau comme celui de la pensée au rythme de cette écriture d'apparence alanguie comme pour mieux cacher ses très vivants, frémissants, trésors.
Et ce petit livre partage avec la promenade, l'idée de la relecture au moment d'un hasard qui reste à choisir. Carl Moll, CrépusculeJe me suis à mon tour laissé emporter par cette magnifique rêverie le long des rives de l'Evre. Un peu à la façon de Combray chez Proust, la description de ce lieu d'enfance favorise le flottement de la pensée et les digressions référencées en même temps que l'écriture adopte le rythme sinueux et envoûtant de la rivière comme autant de circonvolutions de la mémoire et de l'inconscient. Voyage initiatique qui est fait d'étapes tant matérielles (Le chemin vert, le bâteau-lavoir, la roche qui boit et son sombre couloir, la lande, le moulin...) que spirituel au sens de ces univers littéraires qui l'ont influencé d'Egard Poe à Nerval ou Bachelard (il ne cite pas Bosco c'est dommage). Comme Nezumi j'ai eu envie de lire les Chouans de Balzac en découvrant le passage qui y fait référence. Le cygne de Lohengrin fait encore une apparition comme un esprit du lieu après Parsifal ou Tannhäuser dans d'autres de ses écrits. Wagner est toujours très près dans l'univers de Gracq. Je l'ai d'abord écouté dans une version livre audio que je recommande ( Gracq admirant d'ailleurs Alain Carré qui a lu de nombreux textes sur France Culture et notamment Nerval) pour le plaisir de la musicalité du texte. Puis je l'ai repris dans sa version écrite (après avoir découpé soigneusement les pages, Corti oblige!) pour mieux m'imprégner de certains passages. C'est un court texte qui se lit rapidement et qui est un véritable enchantement. L'interdit qui m'arrête au moment de m'embarquer de nouveau sur l'étroite rivière immobile ne procède pas de la crainte de désenchanter un souvenir. Bien plutôt il tient à l'impuissance où l'on est, sinon de ranimer un rêve, du moins de retrouver dans l'état de veille à la fois sa lumière sans noyau et sans rythme, qui ne cesse de changer, sans pourtant entretenir le moindre rapport avec la vitesse et la lenteur. Les domaines d'Arnheim existent, et chacun au moins une fois dans sa vie les a rencontrés - mais le courant inexplicable qui saisit et porte sur l'eau l'esquif recourbé comme un croissant de lune, c'est le battement du sang jeune, et comme une palpitation continue d'avenir. Les images que déroule tout voyage initiatique renvoient chacun en énigme à une rencontre préfigurée qu'elles font pressentir et qui les achèvera; la puissance d'envoûtement des excursions magiques, comme l'a été pour moi celle de l'Evre, tire sa force de ce qu'elles sont toutes à leur manière des "chemins de la vie", qu'elles en figurent obscurément à l'avance les climats et les étapes. Les prestiges matériels que je prête à l'Evre ne sont pas tous imaginés, et peut-être les trouverais-je encore intacts au long de cette promenade rétrospective que j'envisage quelquefois. Mais tout ce qui a la couleur du songe est, de nature, prophétique et tourné vers l'avenir, et les charmes qui autrefois m'ouvraient les routes n'auraient plus ni vertu, ni vigueur: aucune de ces images aujourd'hui ne m'assignerait plus nulle part, et tous les rendez-vous que pourrait me donner encore l'Evre, il n'est plus de temps maintenant pour moi pour les tenir. | |
| | | Cachemire Sage de la littérature
Messages : 1998 Inscription le : 11/02/2008 Localisation : Francfort
| Sujet: Re: Julien Gracq Mer 23 Nov 2011 - 17:04 | |
| Merci pour tes mots sur ce livre. C'est bon de replonger un peu dans l'univers de Gracq et ton commentaire me donne envie de relire "les eaux étroites"... | |
| | | Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
| Sujet: Re: Julien Gracq Mer 23 Nov 2011 - 20:03 | |
| Je viens de commander chez Corti cet essai: Une mise en récit du silence : Le Clézio, Bosco, Gracq de Jacqueline Michel. J'avais lu un texte formidable de Jacqueline Michel sur Bosco: Liturgie de la lumière nocturne dans les récits de Henri Bosco et je suis curieux de voir ce qu'elle dit de Gracq et de Le Clézio. C'est vrai qu'il y a une même communauté d'esprit entre ces écrivains pourtant assez différents. | |
| | | Cachemire Sage de la littérature
Messages : 1998 Inscription le : 11/02/2008 Localisation : Francfort
| Sujet: Re: Julien Gracq Mer 23 Nov 2011 - 20:42 | |
| - Marko a écrit:
- Je viens de commander chez Corti cet essai: Une mise en récit du silence : Le Clézio, Bosco, Gracq de Jacqueline Michel. J'avais lu un texte formidable de Jacqueline Michel sur Bosco: Liturgie de la lumière nocturne dans les récits de Henri Bosco et je suis curieux de voir ce qu'elle dit de Gracq et de Le Clézio. C'est vrai qu'il y a une même communauté d'esprit entre ces écrivains pourtant assez différents.
Intéressant! | |
| | | bulle Zen littéraire
Messages : 7175 Inscription le : 02/07/2007 Age : 67 Localisation : Quelque part!
| Sujet: Re: Julien Gracq Mar 14 Fév 2012 - 16:56 | |
| Pour mon premier Julien Gracq , j'irai avec " Le Rivage des Syrtes" | |
| | | bulle Zen littéraire
Messages : 7175 Inscription le : 02/07/2007 Age : 67 Localisation : Quelque part!
| Sujet: Re: Julien Gracq Ven 17 Fév 2012 - 14:03 | |
| - bulle a écrit:
- Pour mon premier Julien Gracq , j'irai avec " Le Rivage des Syrtes" (Merci coline)
Et suivant ce dernier, ce sera : "Encre de mer " (merci Kenavo) . Maintenant suffit de voir dans quelle bibliothèque je peux le retrouver et demander la venue à ma bibliothéquaire. p.s. je sens que je vais adorer ces deux lectures. Déjà coline m'a donné le goût à la bouche avec ses messages sur " Le rivage des Syrtes". Et je cherchais une lecture de mer , j'ai trouvé avec " Encre de mer" . | |
| | | Cachemire Sage de la littérature
Messages : 1998 Inscription le : 11/02/2008 Localisation : Francfort
| Sujet: Re: Julien Gracq Ven 17 Fév 2012 - 18:50 | |
| - Marko a écrit:
- Je viens de commander chez Corti cet essai: Une mise en récit du silence : Le Clézio, Bosco, Gracq de Jacqueline Michel. J'avais lu un texte formidable de Jacqueline Michel sur Bosco: Liturgie de la lumière nocturne dans les récits de Henri Bosco et je suis curieux de voir ce qu'elle dit de Gracq et de Le Clézio. C'est vrai qu'il y a une même communauté d'esprit entre ces écrivains pourtant assez différents.
Tu ne nous en a pas parlé ici Marko, le livre t'a déçu? Tu ne l'as pas encore lu??? | |
| | | Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
| Sujet: Re: Julien Gracq Ven 17 Fév 2012 - 19:12 | |
| - Cachemire a écrit:
- Tu ne nous en a pas parlé ici Marko, le livre t'a déçu? Tu ne l'as pas encore lu???
C'est le genre de livre que je ne lis jamais d'une traite. Des fragments aléatoires ou thématiques. Pour le peu que j'en ai lu pour l'instant c'est brillant (mais ce qu'elle avait fait sur Bosco était déjà remarquable) et ce thème du silence est essentiel dans l'oeuvre de ces 3 auteurs et un sujet de prédilection pour Jacqueline Michel. Je peux développer davantage à l'occasion quand j'en aurai fait le tour. Elle me donne en tout cas plus que jamais l'envie de poursuivre avec Le CLézio. Pour Bosco je commence à être beaucoup plus familier depuis le temps que je le lis avec passion. | |
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| | | | Julien Gracq | |
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