Le diner, deuxième.
Je sais que ce texte est long, trop long et je remercie d'avance ceux qui voudront bien faire l'effort de tout lire (c'était long aussi à rédiger). Au pire, ça m'a bien intéressée/amusée de le faire. (Et merci à la touche brouillon) - Epi a écrit:
- c'est vraiment le plus mauvais livre que j'ai pu lire depuis... quelques années je pense, en tout cas, celui qui m'a horripilée le plus et qui malheureusement me reste en mémoire pour les moments désagréables qu'il m'a fait passer.
- Harelde a écrit:
- Un des pire bouquins à m'être passé entre les mains.
- Harelde a écrit:
- Je ne manquerai jamais une occasion de débiner ce bouquin.
Car il me semble important de décourager les futurs lecteurs potentiels.
Vous l’aurez compris,
Le Dîner n’a pas seulement déplu à ces lecteurs, il est carrément mauvais. A mettre au pilon !
Et j'ai compris pour ma part que je suis bien sotte dans mes choix de lecture, pour avoir des dizaines de livres à proposer avant
Le dîner pour le palmarès du plus mauvais du livre lu depuis des années.
- Harelde a écrit:
- Nous allons y parvenir : l'objectif est de ramener topocl dans le droit chemin !
Nous pouvons le faire. Une lapidation, une crucifixion en règle. On veut du sang !
Élégamment encouragée à revoir mon opinion, et ayant une détestation viscérale pour les pilori, qu’ils s'adressent aux hommes ou aux livres, j'ai donc décidé de relire
le dîner.J’ai fait les choses dans les formes : j’ai relu le fil depuis le début. Vive le dialogue!
J'ai d'abord découvert que dans une vie antérieure, j'étais devin :
- topocl a écrit:
- Haha, je sens qu'on va avoir un fil dynamique!
Mais trêve de plaisanterie, je perds rapidement mon sens de l’humour quand celui-ci devient diktat, quand le rejet tourne à la haine et au mépris, à l’hystérie collective, s'approche du bannissement et de la censure. Je ne suis pas là pour discuter sur des bien compréhensibles divergences d'opinion, même quand il s'agit de réactions épidermiques et d'affirmations péremptoires. Je ne veux persuader personne que j'ai raison. Je ne veux pas non plus dire que ce livre est génial. Je veux seulement dire que ce n'est pas une merde, et éviter de pas passer pour une imbécile.
Et je trouve, pour certains lecteurs qui ne privilégient pas forcément la qualité littéraire, et qui sont curieux, aiment se poser des questions, se confronter à des situations qui sont un réel questionnement sur nos sociétés, qu’il est dommage qu’on leur arrache le livre des mains et qu'on le mette à la poubelle. Il pose de vrais questions. En outre Koch a un œil acerbe et plein d’humour qui n’est pas étranger au plaisir que j'y ai pris, (et quelques autres avec moi), même si j’admets clairement qu’il peut déplaire à certains. Il a peut-être des faiblesses mais ses qualités,
pour moi , l’ont emporté. Et de loin.
Reprenons donc les choses du début:
- topocl a écrit:
- Le style n’est pas extrêmement travaillé, c’est le reproche qu’on pourrait à faire à ce livre,
- Harelde a écrit:
- Car ce livre est incroyablement mal écrit (ou mal traduit (ou les deux)).
- darkanny a écrit:
- absence de style .
- Epi a écrit:
- (le style surtout qui est vraiment exécrable).
C’est sûr ça n’est pas superbement écrit. On l’a dit et redit, même ceux qui ont aimé ce bouquin. Certains vont peut-être dans le sens de l’euphémisme, mais d’autres ne craignent pas l’hyperbole .En même temps, c’est un type qui raconte. Ca ferait curieux qu’il parle comme JCO, Balzac, etc... Et puis on est chez Belfond ; pas dans La Pléiade ; en tant que lecteur, on est en droit de s’adapter.
Une fois le sort du style ainsi réglé, nous allons parler d'autre chose. Paul entre en scène, Paul raconte, observe, juge et, déjà tout est joué, on situe ce personnage inconsistant, vaguement complexé, vaguement jaloux, qui se protège car le regard et le jugement de l’autre lui sont tellement importants, garde son quant-à-soi et ses jugements hâtifs, s'étaye avec ses opinions définitives. Observateur acrimonieux, cherchant le détail qui tue, et s’appuyant dessus pour se convaincre de sa propre supériorité, il débusque la paille du voisin pour mieux se détourner de sa poutre. Pas sympa du tout, plutôt minable, mais satisfait de son petit bonheur, et de ses petites astuces à le conserver. Bien sûr il déclenche un sentiment de rejet, mais de curiosité aussi : combien de bons romans se basent sur un personnage antipathique pour nous séduire à revers !
- Harelde a écrit:
- Et je n'ai rien vu : que du vent, des phrases creusent qui ne sont là que pour noircir des pages.
Les phrases creuses ne sont pas là pour remplir les pages. Elle sont là pour montrer combien Paul est creux, et combien on tourne autour du pot. Et sous leur aspect creux, finalement, elles sont extrêmement révélatrices du personnage, de cette famille, de ce restaurant chic avec tout ce tralala qui ne rime à rien, de cette société qui ne parle que de clinquant, d'insignifiant, et détourne les yeux devant les choses graves. Elles recèlent un humour dérisoire et décapant , tu as le droit de ne pas y être sensible, Harelde, mais quel talent pour décrire le vide, quelle fine observation de nos conversations ordinaires!
Et ces restaurants chics, c'est tellement creux que c'est super bien vu! Quant au contraste entre le raffinement du lieu et le sordide de la situation à laquelle tous les convives affectent de ne pas penser, c'est plutôt astucieusement trouvé!
- Harelde a écrit:
- Un paragraphe sur "ma femme s'installe traditionnellement face au mur" (oui, oui, un paragraphe entier). Paragraphe suivant : "Je m'installe traditionnellement face à la salle". Et un second paragraphe dont on déduit que monsieur et madame mangent traditionnellement l'un en face de l'autre.
Je signale quand même que ce fameux premier paragraphe fait 6 lignes et le deuxième 10 et que c'est écrit gros : plus court qu’une phrase de Proust, donc.
Et moi je trouve assez fabuleux d’arriver écrire sur ce genre de choses. Comment la façon de s’asseoir au restaurant est révélatrice, voire déterminante. Comment les choix que chacun fait, face ou dos à la salle, éclairent les personnages.
Et Koch enchaîne en disant :
- Citation :
- « En fait, Claire ne se sacrifie pas que pour moi. C'est dans sa nature, une sorte de paix ou de richesse intérieure qui fait qu’elle se satisfait de murs aveugles et de cuisines ouvertes ».
N’est-ce pas bien plus malin que de dire
En fait je suis un gros goujat et ma femme qui l’a compris depuis longtemps accepte ces petites concessions pour assurer la paix du ménage, et a le bon goût de le faire avec grâce . ?
J’admire ça, et j’adore ça, cette façon de comprendre les gens sur un petit truc qui a l’air anodin. De
raconter et non de
dire.
- Harelde a écrit:
- Ensuite (et c'est là que j'ai craqué), le narrateur s'interroge sur les connaissances oenologiques de Serge (son frère). Connaissances sorties dont ne sait où et du jour au lendemain. Car, nous précise t-il, le Serge, il le connait depuis longtemps (sans blague ? c'est rare chez les frangins) : il n'a pas été toujours "amateur" de vin. dans sa jeunesse, c'était le coca qu'il aimait (moi, je m'interroge sur l'intérêt de l'info... mais bon).
D'abord je précise que j’ai relu deux fois à la recherche de cette histoire de frère "qu’il connait depuis longtemps" et que je ne l’ai pas trouvée. De l' imagination, Harelde?
Et puisque tu t'interroges, mon cher Harelde, je peux te l'expliquer : Paul, à sa manière fielleuse nous explique l'évolution de Serge, ce que cela traduit de lui, montre qu'il est un arriviste et qu’il a trahi son frère d'une certaine manière en l'abandonnant à son Coca-Cola pour des objectifs plus raffinés..La rivalité entre les deux frères trouve toute son ampleur dans ces explications apparemment futiles .
Cette façon de faire est un procédé assez répandu en littérature, Harelde. Cela consiste à dresser le portrait psychologique du personnage, sans dire « Serge est comme ceci ou comme cela », mais en montrant son comportement et libre au lecteur d’en tirer les conséquences. C’est même assez fin, je trouve.
Et pour conclure, je dois dire que j'ai toujours regardé avec un oeil qui se promène entre exaspération et ironie ces « fins œnologues » qui vous tiennent des discours sentencieux à table pour vous écraser de leur science, et que je rejoins assez bien Paul sur ce terrain.
La je dois encore préciser que le paragraphe du livre est beaucoup plus court que celui Harelde, et que l’idée de sortir une phrase de son contexte, de la parsemer de petites parenthèses finasses me paraît un argument … (Je vous laisse remplacer les points de suspension, souhaitant rester polie).
- Harelde a écrit:
- Du coca à haute dose : jusqu'à une bouteille famililale (2 litres, je crois) en un seul repas. Ce qui (tenez-vous bien) : lui permettait de faire des rots très fréquents et incroyablement longs. Jusqu'à 10 secondes nous précise le narrateur : rendez-vous compte. D'ailleurs, il s'empresse d'ajouter qu'au lycée, il avait son petit fan club. Ces rots et ses pets impressionnaient. Mais ils n'impressionnaient que les garçons. Car, nous dit-il, les filles auraient plutôt été dégoutées bien sûr !
Je signale que, adolescente, je faisais partie des filles qui « poussaient des cris dégoûtés » quand les garçons parlaient de rots et de pets, il n'y a aucune raison pour que je sois particulièrement réceptive à ce type de considérations, mais que je n'ai quand même pas été bouleversée par cette
atroce vulgarité. (Harelde, quand tu étais au lycée, comme Serge, bien parti avec une bande de copains, tu n’as pas rigolé sur des histoire de rots et de pets.? Justement parce que ça marquait bien votre virilité ou ce qu vous croyiez être votre virilité, un code de l’amitié masculine en quelque sorte,et que les filles poussaient des cris dégoutés ? Ca vous faisait rire. Non ? Ca ne t’est jamais arrivé ? Et bien Serge, si. Ca explique la différence entre vous deux et c’est ça qui est intéressant.)
- Harelde a écrit:
- Je vous passe les 3 ou 4 paragraphes publicitaires sur le Samsung machin-truc (noir, avec ouverture à clapet : les vidéo sont consultables dans "mes documents", puis "video").
Là je ne m’étendrai pas, car d'abord je n'ai pas vraiment compris l’intérêt de la remarque, et ensuite, Harelde, je pense qu'avec mes explications précédentes, si tu as bien écouté, tu as surement compris maintenant que cet attrait pour les téléphones Samsung traduit quelque chose de la personnalité de Paul qui voit les marques (et les téléphones portables) comme plus valorisantes qu'aliénantes. Et puis, il n'aime pas laisser passer le moindre détail, Paul, il a besoin de tout maitriser.
Bon au total je vais quand même être honnête (et oui) je comprend tout à fait que ces choses qui frisent les frontières entre la causticité et la vulgarité puissent en rebuter certains et justifient votre rejet. Il y a des moments où ce n'est pas léger-léger. Koch n'est pas un maître de la délicatesse et de l'ellipse. Mais je ne trouve pas cela pour autant
monstrueux et
rédhibitoire. Les personnages , chacun à leur façon, sont vulgaires et il serait déplacé de se voiler la face. Pour le lecteur, tout dépend de sa perception, et du moment.
Et ce cap passé on arrive à la deuxième partie beaucoup moins ludique, plus sérieuse, qui parle , on l’a déjà dit, des déviances de nos enfants, de l’acceptabilité qu’on peut en avoir, des œillères qu’on accepte de se donner, des petites tolérances perverses, des petites compromissions qu’on s’autorise, du glissement de la petite concession à la grande saloperie, au final de vrais choix de vie et de société, et pas mal d'autres choses.
C’est très intéressant sous une présentation légère.
C’est là que Traversay, détracteur sachant rester modéré, intervient:
- traversay a écrit:
- Pas beaucoup aimé Le dîner qui affiche trop clairement sa volonté de créer un vrai malaise. C'est bien joli de vouloir montrer le caractère primitif et monstrueux de chacun d'entre nous mais cette évocation est d'une complaisance qui fait froid dans le dos. Koch s'amuse avec le lecteur, lui dissimule des faits, distille ses effets au compte goutte. Il y a là comme une mécanique théâtrale en mouvement bien huilée pour faire grincer les dents. Trop polie pour être véritablement honnête.
Je n’ai pas bien compris ce que tu voulais dire en parlant de complaisance, par contre froid dans le dos, je pense que c'est voulu, donc réussi. Et je comprend, quand tu parles de cette impression de manipulation. Parce que Paul ne nous donne pas tous les éléments qu’il connaît, lui, du départ. Mais ça , ce n’est pas Koch, c’est Paul. C’est tout Paul, pervers, manipulateur, prêt à tout pour sortir son épingle du jeu. Paul qui fait comme si de rien n'était, parle de tout et n'importe quoi, noie le poisson en espérant qu'il ne ressortira pas le museau de l'eau. C’est donc en effet parfaitement malhonnête, oui, voire roublard. Mais ça me parait parfaitement adapté. Par ailleurs, ça permet la progression du récit, ça donne un suspense qui ne serait pas là autrement. Ca ne m’a personnellement pas gênée. Mais tu as bien le droit de ne pas être d’accord.
Sous ses dehors d’humour, qui, on l’a dit peut être rebutant (Ah ! L’humour ! j’ai ri tout au long du livre, parfois franchement, parfois jaune au milieu de toute cette noirceur. Je suis comme Koch, je note dans la vie les petits détails sur les gens, leurs petites faiblesses et cela m’amuse.),
Le dîner est un talentueux roman psychologique qui pose des questions essentielles, remue de vieilles terreurs et c'est donc un livre utile, intéressant, voire, pour certains, et oui... agréable.
Mon dernier argument (merci à la petite main qui m'a fait le montage):
- Spoiler:
Ma dernière question: Pourquoi tant de haine? Un plutôt bon bouquin qui peut déplaire, c'est tout.