Wim Wenders

Vouiii... Mouais...
En fait même si ça fait sens comme ça , ces deux scènes sont deux petits bouts accolés dans l'ensemble, le lien avec le reste est quand même très artificiel
Elles insistent sur la détresse de l'écrivain, sa solitude. Et aussi insistent sur le fait qu'il n'est pas le seul malheureux sur cette terre ( il vient de se suicider et son père lui raconte ses déboires conjugaux passés. Plus tard se jette das ses bras en pleurant).

Tandis que la fête foraine, il y a le rappel de la mort qui peut frapper à tout moment, l'angoisse folle pour sa belle-fille, sa réaction qui choque Ann. Ca se tient énormément avec le reste du film. Et il y a une beauté des images, saisissante, qui là, curieusement est extraordinaire et ne fait pas « trop ».

Le titre, c'est tous ce type qui fait semblant d'aller très bien et qui traîne ses casseroles. Ou c'est la fin, ô magie, tout est résolu ?

animal a écrit:

. Elle n'est pas moche cette scène.

Moche non, mais bien pathétique, quand même.

je les ai trouvé assez justes en fait ces raccords qui ne se font pas dans la première scène.

et visuellement pour une scène de fête foraine c'est étonnamment réussi oui !

le titre c'est tout le monde qui fait semblant d'aller à peu près bien en espérant que ?

Citation :

Moche non, mais bien pathétique, quand même.

j'ai droit à mes faiblesses aussi !

Je croyais juste que tu n'étais pas sentimental, le pourfendeur de love stories!

mais je suis hyper sentimental, des fois.

Fondons un club!

animal a écrit:

mais je suis hyper sentimental, des fois.

Le panda, comme l'être humain, aurait-il ses contradictions ?

Parlons du photographe Wenders
pour ces 70 ans qu'il va fêter cette année, le Musée Kunstpalast à Düsseldorf lui fait une grande expo avec ses photos



site

Every thing will be fine


J'ai beaucoup aimé ce film...

J'ai d'abord été curieux du lien indirect avec "Oslo 31 Août" de Joachim Trier qui est remercié au générique de fin par le scénariste du film de Wenders, Bjørn Olaf Johannessen. Il y a un même spleen qui envahit le spectateur et qui est ici particulièrement bien rendu par ce très beau travail du chef opérateur de Gaspar Noé, Benoît Debie. Ambiance cafardeuse entre chien et loup, lenteur introspective, espaces intérieurs et extérieurs qui entrent en résonance avec les états d'âmes et en disent plus que les dialogues, musique de Desplat qui est parfois trop surlignante mais qui sait aussi se faire plus étrange et insidieuse, dissonante... C'est une immersion dans une plongée dépressive puis les étapes d'un apaisement progressif par le rétablissement d'un équilibre du lien père/fils dans les 2 sens (avec le père, même tardivement, avec l'enfant devenu adolescent qui est lui-même en quête de père. Cela permet 2 scènes de contact physique absolument bouleversantes et essentielles dans la réparation de Tomas).

Wim Wenders a écrit:

«  L’oeuvre principale de Buber, Je et Tu (Ich und Du), m’a accompagné tout au long du tournage. Je cherchais à retranscrire non seulement la culpabilité mais surtout le pardon. Buber dit que le « Moi » existe seulement s’il accepte le « Toi ». Le personnage de James vit plus ou moins sans référence à d’autre personne. Il ne remarque même pas sa relation avec Sara. C’est la raison pour laquelle il ne parvient à se réaliser que lorsqu’il se confie à Kate ou, dans une moindre mesure, Mina. »

Je trouve très touchante et subtile la façon dont Wenders nous éclaire par petites touches impressionnistes sur l'univers mental de Tomas. Ses blessures narcissiques que révèlent les relations en double lien avec un père égocentrique (ce qu'il lui dit est épouvantable) et la souffrance difficile à réparer qui en résulte. Il devient lisse et imperméable en apparence, glisse à la surface des choses, n'investit et n'achève rien, fait souffrir à son tour, s'autodétruit. Puis il y a ce trauma qui crée un premier lien avec cette femme mais surtout avec l'enfant. Plus que la culpabilité, l'identification devient possible et l'altérité, un enfant qu'il a porté sur ses épaules et qui cherchera à s'en faire aimer. Mais tout est ambivalent avant de s'harmoniser.  On est constamment à la frontière de l'amour et de la haine. Cet enfant pourrait aussi bien le tuer et le film a par moment une dimension menaçante très inquiétante (la fête foraine, la fin...). Rien n'est stéréotypé ou circonscrit à gros trait, il y a plein de nuances qui rendent ce film bien plus complexe que son scénario.

topocl a écrit:

Comment dire ?... Un excellent scénario rendu pathétique par un réalisateur et une photographie  omniprésents et des acteurs, dont on dira,  par indulgence pour eux, qu'ils ont été « laissés à eux-mêmes « ?

J'ai pensé exactement le contraire. Le scénario est assez simple et classique en surface mais la mise en scène donne de la profondeur et de la densité (psychologiquement et géographiquement). Il se dit en sous-texte beaucoup de choses de la psychologie de ce personnage. Notamment par le choix de la 3D qui n'est pas évident au premier regard mais qui permet plusieurs choses. D'abord de créer des tableaux qui évoquent l'univers pictural d'Andrew Wyeth (Wenders s'y réfère explicitement) en utilisant la profondeur de champ, le relief, les jeux de miroirs...





Ensuite en permettant de créer un contraste entre les personnages (leur enveloppe) et leur environnement. Tomas apparaît parfois comme un fantôme qui erre dans ces espaces qui par ailleurs donnent des informations sur l'univers des différents personnages. Je trouve que la 3D donne un sentiment d'espace mental et de déréalisation qui convient parfaitement à ce type de récit intimiste. Je crois que Wenders va d'ailleurs y revenir prochainement.

La 3D crée un 3e dimension mentale en définitive. Difficile à expliciter précisément mais je l'ai ressenti à plusieurs reprises.

animal a écrit:

Ce qui est intériorisé est donc montré dehors : everything will be fine ou "on fait avec" conjugué à tous les temps dans ce drame sans explosion. Des tranches d'existences et de distances mouvantes entre des personnages blessés tous, sans forcément le montrer.

Complètement d'accord.

Que dire encore? J'ai envie de le revoir. Son atmosphère languide et mélancolique me poursuit. Comme ses éclats d'apaisement ou de violence (les retrouvailles avec Sara!). J'aime ces paysages mentaux qui s'éclairent peu à peu. C'était une bonne surprise tellement je redoutais un film classique et banal. Mais c'était sous-estimer Wim Wenders que je suis heureux de retrouver dans de nouvelles explorations plastiques.

Quand je lis tes commentaires de films, Marko, je trouve toujours que ma vision est totalement primaire… C'est fou tout ce que tu comprends et ressens. Et j'envie le plaisir que tu y prends.

Ta vision n'est pas primaire. Elle est juste différente. Les critiques professionnelles reflètent nos divergences de regard. Il m'a touché et j'ai trouvé ce personnage très juste avec sa surface lisse et son interieur tourmenté. Wenders a trouvé pour moi une façon plastiquement réussie de rendre compte de son univers interieur et de nous le faire ressentir.

Il va enfin passer chez moi à partir du 6 mai.

Il était l'invité de Laure Adler pour trois emissions. J'ai écouté la première. Si ça vous tente.

Là!

Merci pour ce lien. Une émission que j'écoute souvent.

Je viens d'écouter la première partie. Il évoque l'importance pour lui de l'œuvre de Pina Bausch, la musique de la pensée (jusque dans ses contradictions) de Jean-Luc Godard, l'idée de l'invisible chez Peter Handke et le fait que le cinéma montre davantage l'invisible que le visible. Et aussi le lien entre ses différents films où l'enfant est souvent celui qui permet à l'adulte de se construire. On retrouve ça dans son dernier film évidemment. Enfin le mur de Berlin et le fait que ses anges, dans Les ailes du désir, l'ont traversé 2 ans avant que tout le monde le fasse.

La 2ème partie de l'émission est consacrée à Every thing Will be fine. La question du rêve et de la réalité au cinéma. Everything Will be fine se situant entre rêve et hyperréalisme. La place de la 3D pour voir l'intériorité d'une personne. L'œuvre de Martin Buber pour qui il n'y a pas de moi sans toi. Toma accédant à cette altérité à travers l'ado dont il reconnaît la réalité (alors qu'il en avait fait une fiction). Le mensonge de l'"Histoire vraie" qui est un oxymore. La représentation du temps dans le film qui amène le spectateur à être co-auteur en laissant de l'espace et des vides à remplir. La mort de Nicholas Ray accompagnée par Wenders dans Nick´s movie.

Et enfin la 3ème partie parle de Salgado, de Buena Vista Social club. Comment filmer la mort (avec Nick's movie sur Nicholas Ray)?  Des correspondances involontaires entre le documentaire sur Salgado et Everything Will be fine. Wenders et la photo avec l'album "Places, strange and quiet". Qu'est-ce qu'une bonne photo? Son prochain film qui sera consacré à l'architecte suisse Peter Zumthor.  Le final de Every Thing Will be fine où en se pardonnant à lui-même Toma redevient capable d'aimer.



Peter Zumthor: les thermes de Vals